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Circulation des individus, des savoirs et des pratiques culturelles dans le Plateau des Guyanes.

Circulation des individus, des savoirs et des pratiques culturelles dans le Plateau des Guyanes.

Publié le par Jean-Louis Jeannelle (Source : Tina HARPIN)

 

Journée d’étude des 16 et 17 juin 2016, Université de Guyane, Cayenne

« Circulation des individus, des savoirs et des pratiques culturelles dans le Plateau des Guyanes »


 

La première Journée d’étude organisée par le Département de formation et de recherche LSH de la nouvelle Université de Guyane, constituée en établissement de plein exercice en Janvier 2015, vise à réunir des spécialistes de plusieurs disciplines et est destinée à mieux comprendre la reconfiguration de l’espace du Plateau des Guyanes et son lien avec les circulations. Il s’agit en effet d'étudier la circulation des individus mais aussi des savoirs, pratiques et représentations qui les caractérisent. Si le prisme circulatoire peut aujourd'hui être défini comme « leitmotiv académique » charriant un certain flou conceptuel, il n'en reste pas moins pertinent pour questionner une approche longtemps dominante en sciences sociales, et plus largement en sciences humaines, qui consiste à naturaliser les frontières nationales afin de rendre compte de phénomènes sociaux, politiques et culturels variés, tels que les processus migratoires, la diffusion de « modèles » de bonne gouvernance ou la propagation de certaines pratiques culturelles (Vauchez, 2013) . Aussi, l'analyse en terme de circulation se propose-t-elle de dépasser certaines approches par trop linéaires ou dichotomiques, qui appréhenderaient les processus de diffusion sociale, culturelle ou politique en termes d'émission/réception, de départ/arrivée, de dominants/dominés (Saunier, 2005, Cortès et Faret, 2009).

Néanmoins, si les approches en termes de circulation mettent l'accent sur les propriétés des acteurs, l'influence des configurations locales et les opérations de traduction (de savoirs et de pratiques), elles tendent à se concentrer sur des espaces ou territoires « centraux ». Or, Louis A. Pérez Jr. met en garde contre certaines limites du « tournant transnational » en sciences humaines lorsque celui-ci conduit à une simple internationalisation de l'histoire de certains pays, en particulier des Etats-Unis (Pérez Jr., 2002). La journée d'étude organisée par le département LSH de l’Université de Guyane s’inscrit dans cette perspective de réflexion opératoire sur les circulations et propose de penser les phénomènes circulatoires au prisme d'un espace périphérique spécifique : le Plateau des Guyanes. En ce sens, il ne s'agit pas bien sûr, d'adopter la vision de ce que Homi Bhabha identifie comme un « cosmopolitisme global », lequel « ne manque jamais de célébrer un monde de cultures plurielles et de peuples situés à la périphérie tant qu'ils produisent de confortables marges de profit dans les sociétés métropolitaines ». Au contraire, attentifs plutôt au « cosmopolitisme vernaculaire », les organisateurs de cette journée d'étude souhaiteraient réfléchir sur les pratiques et sur les discours théoriques tenus sur ces pratiques, de façon critique.


 

Le plateau des Guyanes, qui s'étend sur six pays, est un espace hétérogène mais caractérisé par des processus communs : migrations et coopérations transfrontalières, échanges culturels et linguistiques denses, influences littéraires et artistiques réciproques… L'ensemble de ces phénomènes feront l'objet d’analyses précises, lors de cette journée d'étude que nous voulons résolument pluri- et transdisciplinaire. Pour cette rencontre pensée comme le premier volet de plusieurs journées d'étude et d'un colloque à venir, notre attention se portera plus particulièrement sur la manière dont les populations migrantes reconfigurent leur espace et leur vie sociale, culturelle et politique, et la façon dont ces pratiques ont été pensées, théorisées, représentées. La journée d'étude accueillera donc aussi bien des analyses basées sur des enquêtes de terrain que des propositions plus théoriques faisant le point en contexte sur des notions et concepts liés au phénomène de circulation.

Les deux grands axes de réflexion proposés aux participants de cette journée sont par conséquent les suivants: comprendre les pratiques de circulation des individus, des savoirs, des traditions dans le plateau des Guyanes, et discuter, à partir de la situation du plateau des Guyanes, des concepts théoriques liés au thème de la circulation dans la recherche actuelle en sciences sociales et humaines


 

I. Comprendre les pratiques de circulation des individus, des savoirs, des traditions dans le plateau des Guyanes invite à s’interroger sur

  • la constitution de chaînes de déplacements, c’est-à-dire, d’une part, la combinaison pour un même individu de déplacements liés à différents motifs et, d’autre part, la diffusion des pratiques de mobilités dans le réseau social de la personne mobile. Il est à noter que certaines pratiques de déplacement dans le plateau des Guyanes s'inscrivent dans une tradition longue, comme celles des populations bushinengue entre le Surinam et la Guyane (Price et Price, 2003)

  • sur la façon dont ces pratiques pourraient contribuer, par les réaménagements des espaces de vie qu’elles engendrent, à restructurer la région du Plateau des Guyanes et notamment les centralités urbaines, avec par exemple l'apparition de dipôles aux frontières, comme entre Saint Laurent et Albina.

  • sur la circulation et les dynamiques des savoirs et des pratiques dans différents domaines : description et analyse des savoir-faire artisanaux, des savoirs liés à l'environnement (chasse, pêche cueillette, agriculture...), à la santé, à la culture (carnaval, littérature orale, pratiques culinaires, musicales, vestimentaires...), mais aussi des modes d'appréhension du territoire et de cohabitation.

Répondant aux problématiques posées par ce premier axe, des communications en littérature ouvertes au dialogue avec les sciences sociales et humaines pourraient également expliquer les représentations en jeu dans les textes, les langues mobilisées et leur rapport, tout autant qu'ils pourraient éclairer la circulation effective des livres et documents, et prêter attention à la question du numérique.


 

Discuter, à partir de la situation du plateau des Guyanes, des concepts liés au thème de la circulation dans la recherche actuelle en sciences humaines et sociales encourage

- des propositions qui pourront examiner certaines notions issues des études postcoloniales telles celles de « flux » ou d'« ethnoscape » (Appadurai, 1996) ou encore celle d' « hybridité » (Bhabha 1994, Agier 2013) dans le cadre d'une analyse littéraire, sociologique, anthropologique, ou historique du phénomène de circulation dans le plateau des Guyanes,

- des communications sur les transferts de politiques publiques dans la région du plateau des Guyanes et les influences observables entre Etats, régions ou pouvoirs locaux sur ce territoire et des contributions en droit, faisant le point sur l'histoire des évolutions liées à la codification légale des circulations ou proposant des analyses de droit comparé,

- il serait intéressant de penser également le « genre » et la question des sexualités dans le contexte de la circulation d'individus, de savoirs et de pratiques culturelles dans le plateau des Guyanes en se demandant par exemple en quoi les phénomènes de circulation sèment le « trouble dans le genre » (Butler, 1990) ou relèvent de stratégie de défense contre l'expérience d'exclusion et de discrimination.

La rencontre de chercheurs issus de différentes disciplines des sciences sociales et humaines, de la littérature au droit, en passant par l’histoire, la linguistique ou encore l’anthropologie, permettra de contribuer à enrichir la compréhension de la complexité du phénomène des circulations dans le Plateau des Guyanes, et esquissera de nouvelles perspectives de recherche et de projets d’échange. L’organisation de cette Journée d’étude a ainsi pour objectif de contribuer à mutualiser la recherche dans la zone des Guyanes et d'amorcer une réflexion commune sur les mobilités des populations présentes dans le Plateau des Guyanes. En ce sens, cet événement scientifique est lié à la vie et aux objectifs pédagogiques et de recherche du département LSH à l’Université de Guyane, mais aussi à la naissance de nouvelles unités de recherche (future EA MINEA – Migrations, Interculturalité et éducation en Amazonie-, UMSR LEEISA - Laboratoire Ecologie, Environnement, Interactions des systèmes amazoniens USR mixte CNRS-UG-Ifremer) de l’Université de Guyane. Les réflexions émises lors de cette première journée d’études permettront de préparer l’organisation du colloque international prévu en 2018 sur cette même thématique des « circulations ».


 

Les propositions de communication (pas plus de 300 mots) assorties d’une notice bio-bibliographique sont à transmettre par email à circulation.guyanes.lsh.ug@gmail.com avant le lundi 21 mars 2016.

Les notifications de réponse seront envoyées la deuxième semaine du mois d’avril.


 

Comité d’organisation
 

Linda Amiri, Maître de conférences en histoire (DFR LSH, Université de Guyane)

Monique Blerald, Professeur des universités (DFR LSH, Université de Guyane)

Damien Davy, Directeur de l'Observatoire Hommes/Milieux "Oyapock", CNRS

Marie-Gabrielle Hadey, Professeur agrégé d’anglais (DFR LSH, Université de Guyane)

Tina Harpin, Maître de conférences en littérature comparée (DFR LSH, Université de Guyane)

Isabelle Hidair, Maître de conférences HDR en anthropologie (ESPE, Université de Guyane)

Rosuel Lima-Pereira, Maître de conférences en langue et civilisation brésiliennes (DFR LSH, Université de Guyane)

Marianne Palisse, Maître de conférences en anthropologie (DFR LSH, Université de Guyane)

Nicole Privat, Professeur agrégé d’anglais (DFR LSH, Université de Guyane)

Marie-Hélène Sa Silva Boas, Docteur qualifié en sciences politiques (DFR LSH, Université de Guyane)


 

Bibliographie

Agier, Michel, La condition cosmopolite, l’anthropologie à l’épreuve du piège identitaire, Paris, La Découverte, 2013.

Appadurai, Arjun, Après le colonialisme : les conséquences culturelles de la globalisation ; préface de Marc Abélès ; traduit de l'anglais (États-Unis) par Françoise Bouillot, Paris, Payot, 2001 (1996).

Bhabha, Homi, Les lieux de la culture : une théorie postcoloniale, traduit de l'anglais (États-Unis) par Françoise Bouillot, Paris, Payot, 2007 (1994).

Butler, Judith, Trouble dans le genre : pour un féminisme de la subversion ; préface de Éric Fassin ; traduit de l'anglais (États-Unis) par Cynthia Kraus Paris, La Découverte, 2005 (1990).

Cortes, Geneviève, et Laurent Faret, Les circulations transnationales: lire les turbulences migratoires contemporaines, Collection U. Sciences humaines et sociales, Paris, Armand Colin, 2009.

Pérez Jr., Louis A., « We are the World : Internationalizing the National, Nationalizing the International », The Journal of American History, vol.89, n°2, 2002, p. 558-566.

Price, Richard, et Price, Sally, Les Marrons, Chateauneuf-le-Rouge, Vents d’ailleurs, 2003.

Saunier, Pierre-Yves, « Circulations, connexions et espaces transnationaux », Genèses, 2005, n°60, p. 110-126.

Vauchez, Antoine, « Le prisme circulatoire. Retour sur un leitmotiv académique», Critique internationale 2/2013 (N° 59), p. 9-16.