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Chick TV: Sex and the City et sa progéniture

Chick TV: Sex and the City et sa progéniture

Publié le par Florian Pennanech (Source : Antonio Dominguez Leiva)

La série Sex and the City, lancée par la chaîne câblée HBO en 1998, signa un temps fort dans la transmédiatisation de la « chick lit » vers le tube cathodique. Inspirée du livre de Candace Bushnell qui suit la chronique journalistique homonyme menée par Carrie Bradshaw pour le journal fictif New York Star, la série se voulait l´expression d´une nouvelle féminité hypermoderne. Ironiquement, celle-ci suit en tout point les trois impératifs du modèle de la femme moderne dégagés jadis par Edgar Morin: séduire, aimer et vivre confortablement.

Ce n´est là que le premier d´une suite de « paradoxes terminaux » qui caractérisent, à l´image de l´hypermodernité elle-même, la série créé par Darren Star et toutes celles qui, par la suite, s´en réclameront. Multipliant les « marques de notre culte contemporain du présent et du désenchantement que celui-ci engendre, étroitement [liée] à la consommation dirigée, à la communication de masse, à l'étiolement des normes autoritaires et disciplinaires, aux poussées successives de l’individualisation, à la consécration de l’hédonisme et du psychologisme » (S. Hubier), elle est un condensé du nouvel « Esprit du temps » au tournant du millénaire, dont son succès planétaire sans précédents atteste la prégnance.

Mais sans doute le paradoxe central reste-t-il celui qui entoure l´appropriation du féminisme de la troisième vague, pris entre les idéaux émancipateurs, le retour du refoulé patriarcal et les conflits d´une réalité souvent vécue sous le signe du désenchantement.  Sans cesse problématisé, comme les personnages eux-mêmes (''Can women have sex like men?'' est une des questions cruciales que se pose Carrie dès l´origine), il se voit allié de force à une fuite en avant (hyper)aliénante dans l´hyperconsommation, sans cesse  déclinant sur un mode célébratoire la devise jadis subversive de Barbara Kruger « I Shop, Therefore I Am ». D´où le parallélisme entre le (beau) Sexe et la Ville, qui ne peut être que New York, mégalopole-emblème du Village Global en pleine euphorie de « l´Âge de la Cupidité » (J. Madrick) d´avant le désastre économique et le traumatisme du 11 Septembre (il est symptomatique que la série élimine par la suite physiquement toute référence aux Tours Jumelles, acte suprême de déni d´une « prise au Réel » qui frapperait d´inanité tout l´univers glamourisé sur lequel elle repose).

Ce dialogue entre une pulsion et un milieu, tous deux mythifiés, ressuscite la riche tradition de la comedy of manners newyorkaise sophistiquée et joyeusement mélancolique qui remonte à Fitzgerald et Edith Wharton, en passant incontournablement par Woody Allen. Mais, à l´image d´une société devenue plurielle dans son uniformité, la série agglutine quantité d´autres traits génériques (formula show, soap opera, Bildungsroman, satire, scripts érotiques, « dramédie », etc), comme elle démultiplie les personnages. En présentant quatre femmes typées à l’extrême (Carrie, Samantha, Charlotte et Miranda), on engendre, certes, un processus d’identification global chez les spectatrices (qui, si elles ne peuvent se reconnaître pleinement dans l’une seule des héroïnes, retrouvent au moins une facette de leur personnalité dans chacune d´entre elles). Mais se dégage aussi, autour des centaines de partenaires et personnages secondaires qui gravitent autour de chaque femme-récit (chaque membre du quatuor représentant une véritable « matrice » narrative) une sorte de « Comédie humaine » en accord avec la nouvelle esthétique télésérielle qui est en train de réinventer, fut-ce de façon ironique, le projet romanesque que l´on croyait, ailleurs, mort à coups de postmodernismes.  

De Sex in the City à Girls, en passant par des variantes plus locales (telle que la websérie québécoise Comment survivre aux week-ends?), toutes ces questions continuent de travailler l´évolution de la « chick TV », qu´il s´agit désormais d´interroger.

 

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