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Charlotte Delbo (1913-1985). Engagement, univers concentrationnaire, oeuvre

Charlotte Delbo (1913-1985). Engagement, univers concentrationnaire, oeuvre

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Joël Huthwohl et Christiane Page )

Charlotte Delbo (1913-1985)

Engagement, univers concentrationnaire, oeuvre

Appel à communication

Le colloque se tiendra le vendredi 1er mars 2013 (Petit Auditorium de la BNF) et le samedi 2 mars 2013 (Studio-Théâtre de la Comédie Française).

Président d'Honneur : Rithy Panh

Ce colloque est organisé conjointement par la Bibliothèque nationale de France et l’Université Rennes 2 en partenariat avec la Comédie-Française et l’association Les Amis de Charlotte Delbo à l’initiative de Claudine Riera Collet (Ayant-droit de Charlotte Delbo) dans le cadre des manifestations prévues pour le centenaire de la naissance de l’auteure mis au nombre des commémorations nationales 2013 par le Haut Comité des Commémorations Nationales.

Secrétaire de Louis Jouvet, puis résistante, Charlotte Delbo est déportée à Auschwitz (1943) et parle poésie, littérature et théâtre à ses compagnes de captivité, car « le plus grand recours, c'est de parler. C'est ça qui sauve » (Madeleine Chapsal, L'Express, 1966). À son retour elle continue son travail avec les mots : « Pourquoi j'ai écrit sur Auschwitz : pour porter à la connaissance, pour porter à la conscience. L'évènement - l'histoire - n'entrent dans la mémoire de l'humanité que s'ils sont portés à la connaissance, c'est à dire à la conscience. Porter à la conscience, c'est porter au langage. Porter au langage ne signifie pas simplement : mettre en écrit. Porter au langage, cela veut dire se servir du langage, des mots que savent les autres, pour leur communiquer émotion, sentiment, expérience vécue - ou imaginée -, vérité. » (Charlotte Delbo, Extrait d'un communiqué, Université de New York, 10 octobre 1972 après la lecture de « Spectres, mes fidèles »).

Son oeuvre poétique et dramatique, enfin reconnue, interroge désormais les chercheurs comme les artistes (elle est, pour le réalisateur Rithy Panh, une référence essentielle, et nombreux sont les metteurs en scène qui montent ses textes poétiques ou dramatiques).

Elle ne cherche pas à établir un savoir sur les camps d’extermination nazis mais à communiquer la vérité d’un vécu inimaginable, non partagé par la majorité de ses lectrices et lecteurs. Elle a recours à la poésie car, « seul le langage de la poésie permet de donner à voir et à sentir » (Entretien de Claude Prévost avec Charlotte Delbo, « La déportation dans la littérature et l’art », La Nouvelle Critique, juin 1965, No 167, p. 42). Dans la trilogie Auschwitz et après et dans La Mémoire et les jours, ce langage prend forme dans une combinaison de prose poétique et de vers libres qui présente une disposition spatiale traduisant les silences et les effets de résonance dans un rythme qui s’accorde aux mouvements des corps souffrants.

Bien que la re-présentation théâtrale de la déportation (étymologiquement la possibilité de re-présenter ce qui a déjà eu lieu), semble impossible, du fait de l’inadéquation entre un univers qui anéantit l’homme et la forme théâtrale, Charlotte Delbo s’est aussi tournée vers la forme dramatique pour rendre compte de son expérience d’Auschwitz et dénoncer toutes les formes d’oppression : engagée à gauche, elle a écrit sur la guerre d’Algérie, le goulag, la dictature argentine, le procès de Burgos, la Révolution des oeillets au Portugal, mai 68. Les procédés d’écriture qu’elle utilise font de son oeuvre non seulement un témoin d’un moment de l’histoire où le malaise dans la civilisation devient synonyme de catastrophe, mais aussi une recherche qui se situe entre éthique et esthétique et questionne le passé en relation avec le présent à partir de voix féminines, multipliant la sienne et sonnant comme un avertissement. Son travail littéraire et sa dramaturgie ouvrent sur plusieurs problématiques qui ont à faire avec le traitement contemporain de la mémoire par l’écriture et sur scène, et de nombreux lecteurs et spectateurs témoignent du choc émotionnel provoqué par leur rencontre avec l’oeuvre.

Ce colloque se veut interdisciplinaire par le choix, d’une part, de ne pas cloisonner les différents écrits de Charlotte Delbo dans des cases académiques préétablies et d’autre part par la volonté d’être ouvert à des chercheurs de différentes disciplines.

Trois grands axes  de réflexion sont proposés, qu’illustrent ces phrases de Charlotte Delbo :

  • Témoignage et transmission : « Chacun témoigne avec ses armes … je considère le langage de la poésie comme le plus efficace — car il ramène le lecteur au secret de lui-même — et le plus dangereux pour les ennemis qu’il combat. […] Je pose aux lecteurs et aux spectateurs une question : qu’avez-vous fait, que faites-vous de votre vie ? Qu’ils éprouvent l’envie de chercher une réponse me donnerait le sentiment de ne pas écrire en vain. Je n’écrirais pas si cela me paraissait inutile » (« Entretien avec Charlotte Delbo » propos recueillis par François Bott Le Monde des livres, 20 juin 1975, p. 15.
  • Poésie, littérature, théâtre : « Pourquoi, soudain, ce que j’écris revêt la forme d’un poème ? Pourquoi soudain, je vois un personnage se dessiner et se mouvoir ? Je ne sais pas. […] Chez moi, c’est le sujet qui impose la forme ».
  • L’engagement : « N’y a-t-il pas toujours eu des raisons de s’indigner ? » (Charlotte Delbo, Les Belles lettres, Éditions de Minuit, 1961/2012.

« Écrire est un acte qui engage tout l’être. C’est un acte grave, dangereux. Il y faut du courage. On y risque parfois sa vie et sa liberté (qu’on songe aux écrivains dans les régimes totalitaires), toujours sa réputation, son nom, sa conviction, sa tranquillité, quelquefois sa situation, souvent ses amitiés. On met en jeu sa sensibilité, ce qu’il y a de plus profond en soi. On s’arrache la peau. On se met à vif. » Charlotte Delbo, « Chronique », Le Monde, 11 Septembre 1981.

Les propositions de communication

De 300 mots maximum, (format word ou rtf), elles sont à envoyer avec un titre pour le 31 juillet 2012 à : colloque.charlotte.delbo@gmail.com

Elles seront accompagnées d’un document mentionnant les informations suivantes :

  • le nom et prénom des auteurs, leur statut, leur institution,
  • une brève bibliographie (100 mots environ), une biographie (100 mots environ)
  • leur adresse électronique et postale

Vous recevrez une réponse par mail début octobre 2012.

Comité scientifique (ordre alphabétique)

David Caron (Professeur des universités, Université du Michigan, USA)

Joël Huthwohl (Directeur du département des Arts du spectacle, BnF, France)

Christiane Page (Université Rennes 2, EA 3208, Arts:Pratiques et poétiques,(Laboratoire théâtre et Kairos), France)

Claude-Alice Peyrottes (Metteur en scène, codirectrice de la Compagnie Bagages de Sable, France)

Claudine Riera Collet (Ayant-droit de l’auteure, Présidente de l’Association Les Amis de Charlotte Delbo France)

Elisabetta Ruffini (Directrice de l’Institut d’Histoire Contemporaine de la Résistance, Bergame, Italie)

Nicole Thatcher (Chercheure invitée, Université de Westminster, Grande Bretagne)

Annette Wieviorka (Directrice de recherche au CNRS - IRICE-Paris1, France)