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Appels à contributions
Charles Nodier et la presse de son temps

Charles Nodier et la presse de son temps

Publié le par Marc Escola (Source : Caroline RAULET-MARCEL)

CHARLES NODIER ET LA PRESSE DE SON TEMPS

La quatrième journée d’études des Cahiers d’Études Nodiéristes, organisée le 21 janvier 2014 sera consacrée aux relations entre Charles Nodier et la presse selon diverses perspectives : étude de l’œuvre de Nodier, mais aussi histoire de la presse et de l’imprimé, histoire de la critique littéraire, histoire des idées…
On présente volontiers Nodier comme « l’homme du livre » (Didier Barrière). Peut-on le considérer également comme « l’homme du journal » ? L’hypothèse peut paraître étonnante lorsque l’on compare le goût de Nodier pour la bibliophilie à son désamour des journaux et de leurs pratiques mercantiles en matière d’annonces littéraires – « sotte mystification » (« Annales de l’imprimerie des Alde par M. Renouard »), « publicité turbulente qui n’est pas de la gloire » (« De la perfectibilité…. »). Pourtant, qu’il s’agisse des livres ou du journal, Nodier cultive l’ambivalence : de même que la charge qu’il porte contre la librairie de son temps ne l’empêche pas d’écrire et de publier, voire de faire œuvre d’éditeur, les reproches qu’il assène à la presse périodique – assimilée elle aussi à un « âge de l’imprimé » (ibid.) sous le signe de la décadence – coexistent avec des avis parfois plus mesurés (voire avec des projets de publication), et surtout avec de très nombreuses contributions – Raymond Setbon en compte plus de quatre cents – à la presse, depuis le Consulat jusqu’à la Monarchie de Juillet, qu’il s’agisse de textes critiques, politiques ou littéraire. En 1800, Nodier collabore au Bulletin politique et littéraire du Doubs puis au Citoyen français. Sous l’Empire, après une expérience malheureuse au sein du Journal du département du Jura en 1811, il entreprend d’apporter sa contribution au Journal du Doubs que projette de fonder Charles Weiss. En 1813, devenu bibliothécaire à Laybach, il devient pour quelques mois rédacteur en chef du Télégraphe illyrien. À partir de 1814, il remplace le critique Geoffroy dans la rédaction des feuilletons du Journal de l’Empire, rebaptisé Journal des Débats avec l’arrivée de Louis XVIII au pouvoir. Il y devient « premier rédacteur ». Sous la Restauration, il collabore aussi à plusieurs titres monarchistes, notamment les Annales de la Littérature et des Arts et la Quotidienne. En 1823, il participe à la création de la Muse française pour laquelle il écrira quelques textes. À partir de 1827, il collabore aussi plus ponctuellement avec le Mercure de France. C’est surtout dans La Revue de Paris et dans Le Temps qu’il écrit régulièrement à partir de 1829 et 1831. En 1834, enfin, il fonde le Bulletin du bibliophile avec Téchener.


À partir de ce vaste corpus, les contributions pourront porter sur les angles suivants :

1- Nodier et la critique littéraire
À travers les multiples articles évoqués, c’est toute une œuvre critique qui se déploie, œuvre dont Raymond Setbon a déjà montré l’intérêt, mais dont on n’a pas fini d’épuiser les richesses ni la complexité. De ce point de vue, on peut poursuivre l’investigation sur les textes déjà rassemblés en recueils du temps de Nodier, ou bien prendre pour objet d’étude des articles moins connus, par exemple les textes critiques publiés par Nodier après 1830, que Jacques-Remi Dahan a récemment rendu accessibles au public (éditions Classiques Garnier, 2010). On pourra s’interroger sur tel ou tel aspect (thématique, énonciatif…) de l’œuvre critique de Nodier, s’intéresser par exemple à sa vision d’un auteur, d’un genre, analyser les enjeux et les ressorts stylistiques et pragmatiques de textes qui s’éloignent bien souvent de leur sujet de départ pour développer une esthétique du « vagabondage » (Jacques-Remi Dahan). On pourra aussi s’interroger sur le rapport que Nodier entretient avec la critique de son temps, qu’il ne ménage guère. Tantôt il s’attaque à des critiques officiels trop vindicatifs selon lui et en décalage avec le goût du public, leur préférant une critique non dogmatique, « critique de mouvement » (Raymond Setbon) sous le signe du plaisir de lire ; tantôt il fait un portrait charge de la réclame littéraire qui sévit dans la presse. Une étude de la réception de son œuvre dans la presse française ou européenne mériterait également d’être menée.

2- Nodier et l’histoire de la presse
À travers les étapes de la carrière journalistique de Nodier, c’est aussi tout un pan de l’histoire de la presse qui s’offre à l’analyse, au fil des changements politiques, mais aussi techniques et éditoriaux qui influent sur une « civilisation du journal » en émergence (voir l’ouvrage publié par Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant en 2011). Nodier est témoin de ces changements, mais il en est également acteur, porteur de propositions et de projets pour fonder une presse à la hauteur de ses intérêts et de ses rêves, que ce soit en province, à Paris ou à l’étranger. On pense à la « petite feuille bien littéraire, et même bien savante » qu’il « nourriroi[t] facilement de [ses] rêveries et de celles de [ses] amis » si elle était créée à Besançon (lettre à Charles Weiss, sept 1811). On songe aussi au travail qu’il mène en Illyrie pour orienter selon ses vœux la rédaction du Télégraphe, y introduisant par exemple un feuilleton comme dans la presse française, ou bien encore à la création du Bulletin du Bibliophile. Concernant la nature essentiellement digressive de ses articles, Jacques Remi Dahan considère que s’il ne l’invente pas, il « porte » tout de même le genre de la Variété à « une sorte de perfection cristalline » (Jacques-Remi Dahan). On peut mener une recherche sur le rôle de Nodier au sein de tel ou tel titre de presse ou bien envisager son parcours par rapport à une évolution plus générale des pratiques journalistiques de son temps.

3- Le journal comme lieu d’élaboration d’une poétique ?

Enfin, les communications pourront porter sur le journal comme lieu d’élaboration d’une poétique singulière, dans la ligne du champ de recherche ouvert par Marie-Ève Thérenty sur l’articulation entre écritures journalistique et littéraire. En 1831, Nodier affirme au directeur de la Revue de Paris qu’il n’écrit que « pour vivre » Une telle affirmation ne doit pas empêcher pas de s’interroger sur le rôle fécond de la presse – ses pratiques, son support éditorial spécifique – dans la création nodiériste, qu’il s’agisse de fiction ou d’essai. La discontinuité propre à l’écriture journalistique ne sert-elle pas le goût de Nodier pour le mélange, le fragment, la coupure ? De ce point de vue, la forme brève du conte ou de l’article s’oppose au « gros livre » honni par Nodier qui lui préfère quelques « tablettes décousues », « feuilles fugitives » bientôt rendues aux « éléments » (« Miscellanées. Variétés de philosophie, d’histoire et de littérature, déc 1830), à l’instar d’une presse sous le signe de l’éphémère. Dans Histoire du Roi de Bohême et de ses sept châteaux, c’est à l’inverse le style journalistique qui alimente l’excentricité de l’œuvre, lorsque les chapitres « insertion » et « transcription » viennent interrompre l’histoire de Gervais pour proposer une savoureuse parodie d’annonce littéraire.
D’un article de presse à l’autre, c’est également une figure d’auteur souvent paradoxale que Nodier construit. La presse, au même titre que le livre, est un espace d’expérimentation pour la supercherie littéraire et la poétique du pseudonyme. En 1811, c’est dans le Journal du Doubs de son ami Weiss que Nodier entend faire écrire le Chevalier d’Orsain, son mystérieux double. L’analyse pourra porter sur certains articles dont on se demande s’ils n’ont pas été écrits par Nodier. Au sujet des articles signés par Nodier, Jacques-Remi Dahan fait observer, à l’inverse, que quel que soit leur sujet, « c’est toujours de lui-même que traite Nodier. ». On pourra faire porter les contributions à la journée d’études sur le texte journalistique comme lieu d’élaboration d’un « moi » singulier, entre hypertrophie et détour.

Responsables : Caroline Raulet-Marcel – Georges Zaragoza

Les communications dureront 30 minutes. Merci d’adresser vos propositions avant le 17 novembre aux adresses suivantes : cahiers.nodieristes@yahoo.fr et caroline.raulet@dijon.iufm.fr