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Changement social, changement linguistique

Changement social, changement linguistique

Publié le par Université de Lausanne (Source : A.Bannour)

Changement social, changement linguistique

Il est bien connu, depuis les travaux des linguistes du siècle passé, que la langue est, entre autres, un produit social. Elle est régie par la même dynamique (dans le sens de « force d’organisation ») et historicité (dans le sens de « capacité des sociétés à se produire elles-mêmes ») que son milieu social. Cela veut dire que la langue est sensible aux mêmes facteurs qui gouvernent la vie de la masse (conservatisme et stabilité ou innovation brutale et instabilité, évolution ou révolution, etc). A cela s’ajoute le fait que la langue est un facteur d’identité, indissociable de la sociabilité. C’est la raison pour laquelle la géographie linguistique tend parfois à coïncider avec la géographie ethnique. Et c’est sur ce type d’argument que Meillet, par exemple, s’est fondé pour expliquer les changements linguistiques. Ces changements, dus aux facteurs sociaux, sont plus patents au niveau lexical. Cela est vérifié. Le changement du sens des mots est en grande partie corollaire des changements sociaux. Mais si rien n’illustre mieux que le lexique l’interaction entre langue, histoire et société, il pourrait être utile de vérifier si le changement social a le même impact sur les autres niveaux d’analyse linguistique. Par exemple, vu que la femme est socialement « marquée » positivement ou négativement (surtout dans les sociétés dites archaïques), il est normal que cet état de fait se répercute d’une façon ou d’une autre sur son langage. Quels sont les effets des changements des relations sociales -changement du statut de la femme dans une société en mutation- sur le langage des femmes, surtout au niveau interactif, pragmatique (modalisation, politesse, énoncés protocolaires, ou expressions menaçant la face, etc.) et rhétorique (expressivité, argumentation et stratégies de contournement) ? Les études relatives aux genres trouveront ici une légitimité supplémentaire.

Le grand bouleversement politique et social qu’a connu (et connaît encore) le monde à la suite de ce qu’on appelle « le printemps arabe », n’aura pas été sans incidence sur le langage quotidien, sur sa structure et son fonctionnement. Nous assistons aux premières loges, comme acteurs et comme analystes-commentateurs, à des changements touchant divers niveaux linguistiques. Sur le plan lexical, beaucoup de nouveaux concepts ont vu le jour. Ils ont donné naissance, entre autres, à un nouvel argot politique. Par ailleurs, des travaux statistiques seraient à entreprendre relativement à la fréquence d’emploi d’anciens concepts, dans le sens de l’augmentation ou de la diminution. Sur le plan phonétique (du moins en Tunisie), on aura surtout remarqué la valorisation du parler rural de l’arrière-pays, auparavant négativement considéré, dont la substitution du [g] (rural), par exemple au [q] (citadin). Cela pourrait être une marque de reconnaissance pour le rôle joué par les milieux défavorisés. Le parler, citadin, de la capitale a perdu son statut d’étalon et son pouvoir d’attraction comme adstrat. Les gens de l’arrière pays et des zones peu ou mal urbanisées avaient tendance à mimer ce standard. Après le « printemps arabe », le mouvement semble s’être inversé. Il y a à faire du côté de la relation entre dialectes, groupes sociaux et identités.

Il faudrait remarquer, cependant, que le parallèle entre le changement social et le changement linguistique n’est ni nécessaire ni suffisant. En effet, les langues changent, se développent et ne cessent de se développer, alors que les sociétés peuvent stagner, être démunies de toute dynamique et se pétrifier hors du temps. Cela n’empêche nullement la langue de poursuivre son processus de changement. Seule sa sacralisation est en mesure de la figer et partant de la tuer. De l’autre versant des choses, le conservatisme de la langue n’a pas besoin d’être prouvé. Ainsi, longtemps après de grands bouleversements sociaux, on a pu voir la langue traîner loin derrière, ignorant presque totalement les changements. Et il n’est pas rare de relever des expressions clairement esclavagistes, par exemple, des siècles après l’abolition de l’esclavage ou une taxinomie païenne des siècles après une conversion monothéiste généralisée. C’est pour cette raison qu’il est aussi instructif de focaliser sur l’innovation que sur le conservatisme, sur ce qui fait évoluer l’un et immobiliser l’autre.  

Date et lieu de la tenue du colloque:

Jeudi 8, vendredi 9 et samedi 10 décembre 2016

A la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis.

 

Thèmes spécifiques de recherche (liste indicative) :

·       Causes et facteurs des changements linguistiques ;

·       L'impact des changements sociaux sur la langue (à ses différents niveaux) : réorganisation, désorganisation ;

·       Coïncidence et divergence de la linguistique historique et de l’histoire sociale (+ histoire sociale de la linguistique) ;

·       La Main Invisible ;

·       La Diffusion Lexicale ;

·       Dialectalisation et identité (Argotisation, générisation, créolisation) ;

·       Régularité et irrégularité des changements : conservatisme (archaïsme) et expressivité (néologie) ;

·       Sacralisation-désacralisation : Tabouisation, euphémisme et cacophémisme ;

·       Démotivation, étymologies populaires et fantaisies linguistiques ;

 

Votre proposition de communication doit inclure les informations suivantes :

·       Titre de la proposition et résumé de 300 mots maximum, incluant la question centrale, l’angle d’analyse et les principaux arguments/résultats

·       Nom(s) et prénom(s) de l’auteur ou des auteurs

·       Fonction(s) et institution(s) d’affiliation

·       Coordonnées (courrier électronique, adresse postale et/ou numéro de téléphone)

Un comité scientifique de sélection évaluera les propositions de communication et annoncera celles qui seront retenues, au plus tard le 15 septembre 2016.
 

Financement :

Pour des raisons budgétaires,  les frais de séjour et  de déplacement seront à la charge des intervenants.

Calendrier :

1er septembre 2016 : date limite d’envoi des propositions de communication.
15 septembre 2016: sélection des propositions et réponse aux auteurs.
8-9-10 décembre 2016: tenue du colloque à Tunis.