Essai
Nouvelle parution
Ch. Juliet: écriture de l'intime et journal de l'écriture

Ch. Juliet: écriture de l'intime et journal de l'écriture

Publié le par Marielle Macé

Stéphane Roche

Charles Juliet: écriture de l'intime et journal de l'écriture. Pour une esthétique du journal.

"Thèses à la carte". 718 pages, avril 2004, Prix : 67,00 € - ISBN : 2-284-04186-8

Par l'étude des quatre volumes du Journal de Charles Juliet, qui correspondent respectivement aux années 1957-1964, 1965-1968, 1968-1981, 1982-1988, ce travail de recherche vise à poser les bases d'une poétique du « journal intime » en tant que genre littéraire. Il s'articule en trois parties étroitement solidaires.

 

            La première situe le texte dans l'Histoire de la pratique, privée et littéraire, en le plaçant en perspective des productions contemporaines. Cette approche s'appuie corrélativement sur la réception critique du texte et les modifications des marques péritextuelles ayant affecté les premiers volumes parus. Elle donne lieu à une réflexion sur la notion d' « intime », qui interroge le statut a priori auto-destiné de la classe de textes concernée. Confronté à d'autres dispositifs d'écriture, le caractère intime de ce Journal se trouve ainsi défini en tant que catégorie esthétique, hors psychologisation de son acception.

 

            La deuxième partie, intitulée « Essai de rythmanalyse », trouve ses assises méthodologiques du côté de la génétique textuelle telles que Philippe Lejeune en a conçu l'application à la forme du journal, intime ou personnel, dans Le Moi des demoiselles. Fondée sur les comptages quantitatifs résultant en diagrammes et tableaux statistiques, l'analyse fait apparaître le mouvement d'ensemble de l'écriture prise dans le maillage des thèmes et les variations de fréquence de l'activité. Envisagée sous divers angles interprétatifs, cette rythmanalyse permet de mettre en lumière les enjeux décisifs du texte et en prépare l'étude plus classiquement littéraire, cadre privilégié de la partie suivante.

 

            Composée de trois chapitres qui rendent compte de l'évolution de l'écriture sur l'axe de la chronologie référentielle, cette troisième et dernière partie concerne les fonctions dévolues au Journal étudié. L'analyse de ses fonctions s'appuie sur une interprétation de l'imaginaire du scripteur observé dans ses choix énonciatifs et stylistiques. L'introspection, registre dominant du discours, donne lieu à l'analyse de ses modes de fonctionnement et de ses visées spécifiques : surmonter un insondable mal-être et, en exprimant cet indicible qui sépare de la vie, remonter à la source même de la parole poétique. Il est clair que la connaissance de soi apparaît ici indissociable du désir et de la possibilité de création. Elle fonde l'éthique qui doit être attachée à cette dernière. C'est là suivre la progressive métamorphose d'un écrivant en écrivain, à travers l'évolution d'un texte d'abord caractérisé par une fragmentation extrême jusqu'à la ressaisie narrative du vécu personnel, ressaisie constituant rétrospectivement le sujet écrivant en personnage mytho-biographique. Dans sa quête d'un idéal existentiel, le diariste tend à la coïncidence de la vie et de sa représentation. Le rapport fusionnel de l'une à l'autre expose une esthétique du « vrai » dont les paradoxes et les ambiguïtés, au sein du Journal, font tout l'intérêt de l'effort d'élucidation critique et théorique ainsi mis en oeuvre.