Aboutissement de ce siècle positiviste nourrissant le fantasme d'une lisibilité totale des corps (J.-L. Cabanès), Lombroso peut être considéré comme une des incarnations les plus frappantes de ce médecin-magistrat dont parle Michel Foucault ; son oeuvre, par son syncrétisme, propose une grille de lecture à la fois très ample et très complexe de cette idéologie scientifique ayant permis, au XIXème siècle, le glissement d'une hygiène des corps à une hygiène morale. Mais si Cesare Lombroso constitue un maillon essentiel dans l'histoire des mentalités, c'est autant par le succès immédiat de ses théories que par la mécompréhension et la caricature dont elles ont immédiatement été l'objet. Autrement dit, en cristallisant un certain nombre de mythes d'époque et vérifiant par là-même une doxa politique, Cesare Lombroso permet d'interroger l'ensemble des discours fin de siècle, ainsi que leur articulation.
Au-delà, donc, du rôle de Lombroso dans la fondation de la criminologie et de l'insertion de ses théories dans les conceptions anthropologiques du XIXème siècle, tant en Italie qu'en France - mais ce constat pourrait s'étendre à d'autres pays - ce colloque s'efforcera de le resituer dans cette entreprise générale de lecture des corps, impliquant étroitement le domaine scientifique, politique et artistique.
- quelles furent en effet les fondements idéologiques ayant facilité une réception à la fois tronquée et fascinée de l'oeuvre de Lombroso ?
- quel fut, dans cette perspective, le rôle du discours littéraire, et quelle fut sa réponse à cette annexion des "passions" par le domaine scientifique, dont les théories de Lombroso marquaient une étape supplémentaire ?
- quel fut, enfin, le poids de Lombroso dans l'élaboration d'un corps social reposant en grande partie sur une équation entre "classes laborieuses" et "classes dangereuses" (Louis Chevalier) ?
Voici quelques uns des axes qui nourriront la réflexion de ce colloque, en plaçant Cesare Lombroso à la confluence des discours scientifique, politique et littéraire, en Italie, en France, et ailleurs.
Vendredi 24 septembre
Ouvertures (10h00-12h00)
- Présentation du colloque (Bertrand Marquer ; Ida Merello)
- Lombroso e alcuni scrittori italiani di fine secolo (Delia FRIGESSI, auteure de Cesare Lombroso, Einaudi, 2003)
- La réception des oeuvres de Lombroso dans les revues françaises de la fin du XIXème siècle (Jacques NOIRAY, Université de Paris IV-Sorbonne)
Lombroso dans la littérature (14h30-16h30)
- Cesare Lombroso e la letteratura italiana tra otto e novecento (Andrea RONDINI, auteur de Cose da pazzi : Cesare Lombroso e la letteratura - Biblioteca della Rivista italiana, 3)
- Zola et Lombroso (Colette BECKER, Université de Paris X-Nanterre)
- Mirbeau et Lombroso (Pierre MICHEL, Université d'Angers, Président de la Société Octave Mirbeau)
Samedi 25 septembre
Lombroso dans le discours scientifique « fin de siècle » (10h00-12h00)
- De Lombroso à Nordau : une encombrante filiation (Jean-Louis CABANÈS, Université de Paris X-Nanterre)
- Lombroso et les autres : Georges Polti et la théorie des tempéraments (Ida MERELLO, Université de Gênes)
- Lombroso et l'École de la Salpêtrière : du bon usage du cliché (Bertrand MARQUER, Université de Gênes)
Lombroso entre positivisme et spiritisme (14h30-16h30)
- Storie di fantasmi per adulti: Lombroso e le tecnologie dello spettrale (Alessandra VIOLI, Université de Venise)
- Les graffiti corporels dans "Palimpsestes des Prisons" : l'énigme et la passion du corps criminel chez Lombroso (Carina TREVISAN, Université de Jussieu-Paris VII)