Essai
Nouvelle parution
C. Buci-Glucksmann, Philosophie de l'ornement.

C. Buci-Glucksmann, Philosophie de l'ornement.

Publié le par Marc Escola

Christine Buci-Glucksmann, Philosophie de l'ornement. D'Orient en Occident

GALILEE, collection DEBATS, 2008, 178 p.

EAN : 9782718607610
29,00 €


L'ornement est-il un crime ou un style ? C'est en ces termes que s'ouvrit à Vienne la scène qui décida de son statut au XXe siècle : d'un côté, sa condamnation par Loos et par tout le modernisme au nom de la pureté, et, de l'autre, l'élaboration d'une stylistique, de Riegl à Worringer, ou Deleuze.

Développer aujourd'hui une "philosophie de l'ornement", c'est donc revenir sur ses enjeux et ses refoulés : ligne courbe du féminin, décor et exotisme de tous les Orients ou parures "primitives". Aussi cette philosophie prend-elle la forme d'un voyage dans l'ornemental, de Vienne à Tokyo. Car il s'agit de déjouer les visions dualistes d'un Orient radicalement autre pour mieux confronter l'ornementalisme islamique ou japonais à certains moments privilégiés de la modernité, qu'il s'agisse du cogito ornemental de Venise, de Fontainebleau et de toutes les " manières ", ou du modernisme américain.

Cette réinterprétation de la modernité "décorative", revendiquée par Matisse et Klee, traverse les frontières établies entre le pur et l'impur, l'art noble et l'art mineur, le masculin et le féminin, l'abstrait et le décoratif, pour dégager une esthétique transversale propre à l'articulation des différences culturelles d'une pensée postcoloniale. C'est pourquoi, à l'heure de la mondialisation, cette philosophie de l'ornement relève d'une culture de la fluidité et d'un "ornement de masse" qui exige une nouvelle théorie de l'artificiel et une philosophie du style" réinventée.

Mais, à devenir virtuel, l'ornement, à travers toutes ses singularités culturelles et anthropologiques, ne devient-il pas aussi, ou surtout, universel ?

Sommaire :

 Le concept et ses enjeux philosophiques
 L'ornement comme crime ou comme style ?
 Ornement et structure : Dali et Gaudi
 Vers une stylistique ornementale : Riegl et Worringer
 Venise et l'oeil d'Orient
 Le cogito ornemental du maniérisme
 Le mode ornemental de l'Islam
 Matisse et le décoratif en France
 Klee et la "calligraphie figurative "
 L'ornement comme abstract (Warhol, Stella, Reed, Taaffe) ou le modernisme revisité
 Le Japon, un maniérisme fluide
 L'ornement de masse à l'époque du virtuel
 Vers une philosophie de l'ornement

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On peut lire sur le site evene.fr un premier article sur cet ouvrage :

"Avec sa 'Philosophie de l'ornement', Christine Buci-Glucksmann propose une étude tout en finesse de cette tendance esthétique aussi glorifiée qu'éludée par l'histoire de l'art. Car l'ornementation contient cette ambiguïté fondamentale d'une marque de raffinement aussi esthétisante que symptomatique du désir constant de l'homme de raffiner, repenser et charger sa création. Convoquant tour à tour Deleuze, Derrida, Riegl ou Worringer, c'est toute l'histoire de l'art que revisite l'auteur en nous plongeant d'emblée sur un plan fondamental ; l'esthétique ne se borne pas aux cathédrales gothiques ou à l'abstraction, elle est le prisme au travers duquel tout un pan de l'humanité, de ses aspirations et de ses échecs se révèle. Comment en effet ne pas voir dans les remises en cause successives de l'esthétique une vocation à penser l'homme par rapport au monde qui l'entoure, comment encore ne pas voir dans les grands batailles philosophiques un enjeu essentiel du but de la création dans la vie de l'homme ? Ce pont que dresse Christine Buci-Glucksmann prend alors des allures de leçons de vie, aussi diverses que contradictoires, qui revisitent, depuis l'Antiquité jusqu'aujourd'hui, une tension passionnante de l'histoire des sociétés. Le débat sur l'ornement comme liant universel des communautés ? Sans doute, quand on voit comme son évolution produit d'échos entre l'Orient et l'Occident, quand il reflète à ce point les idéaux d'un peuple. Une étude salutaire donc, qui pose les jalons d'une philosophie à venir et se lit comme une "enquête" passionnante des civilisations dans ce qu'elles ont de plus essentiel : le superflu." — Guillaume Benoît