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Beat Generation : l'inservitude volontaire

Beat Generation : l'inservitude volontaire

Publié le par Université de Lausanne (Source : Olivier Penot-Lacassagne)

COLLOQUE "BEAT GENERATION : L'INSERVITUDE VOLONTAIRE"

MERCREDI 28, JEUDI 29 ET VENDREDI 30 SEPTEMBRE 2016, CENTRE POMPIDOU, PETITE SALLE
Entrée libre dans la limite des places disponibles

Les clichés qui entourent la Beat Generation ne doivent pas conduire à méconnaître la vigueur du réveil qu’elle annonça. La Beat Generation marqua un point de non-retour. Annonçant la contestation contre-culturelle des années 1960, les libérations qu’elle revendiqua secouèrent durablement la bien-pensance de cette époque. La Beat Generation, écrit le poète Allen Ginsberg, fut affaire d’individus et de singularités qui « prennent leurs responsabilités et disent ce qu’ils ressentent vraiment ». Cette injonction sera le fil conducteur de ce colloque. Que nous disent, aujourd’hui encore, ces hommes et ces femmes qui surent prendre leur responsabilité naguère, dénonçant l’intolérance d’une Amérique blanche, malmenant l’ordre établi, inventant de nouvelles manières de vivre ? Au-delà des hommages et des commémorations, ont-ils encore des propositions à nous faire, des refus à nous opposer ? Quelle est au juste leur actualité ? Bousculent-ils notre présent – et comment ? – ou n’appartiennent-ils plus qu’au « panthéon d’une mythologie moderne qui demeure sulfureuse » (G.-G. Lemaire) ? En ces temps incertains, bien des luttes qu’ils menèrent, dénonçant la servitude consumériste et brisant le « politiquement correct », restent à l’ordre du jour. Les poètes et les artistes de la Beat Generation incarnent une résistance dont nous évaluerons l’actualité : ouverture au monde, défense de la parole poétique contre les langages mercantiles, respect de la nature, invention de vies parallèles. Allen Ginsberg, Jack Kerouac, Gary Snyder, Michael McClure, William Burroughs, Gregory Corso, Diane Di Prima, Lew Welch, ou LeRoi Jones restent des voix majeures dont hérite notre postmodernité inquiète.
« Ce qui doit surprendre, ce n’est pas tant que la jeunesse soit révoltée, mais que les adultes soient résignés », lit-on dans un manifeste situationniste de 1966. Autour de Julien Blaine, de Christian Prigent et de Kenneth White, en compagnie de Luc Sante, d’Isaac Gewirtz et d’universitaires, nous entendrons ces voix d’hier qui secouent notre présent - voix s’exerçant au refus et à la désobéissance civile, aux chemins de traverse et à la libre pensée.

À l’occasion de l'exposition « Beat Generation » jusqu'au 3 octobre 2016, Centre Pompidou, Galerie 1.

MERCREDI 28 SEPTEMBRE 2016, 19H, PETITE SALLE
Ouverture de la soirée par Bernard BLISTENE, directeur du Musée national d'art et de culture et par Jean-Pierre CRIQUI, chef du service de la Parole.

Isaac GEWIRTZ, Les archives Beat : l'art de la vie
Isaac Gewirtz est conservateur à la New York Public Library, en charge tout particulièrement des livres et manuscrits de la collection de littérature américaine et anglaise Henry W. & Albert A. Berg. Il a publié de nombreux ouvrages et a été notamment le commissaire des expositions suivantes : "Victorians, Moderns, and Beats" ; "Passion’s Discipline : A History of the Sonnet in the British Isles and America" ; “I Am with You : Walt Whitman’s Leaves of Grass, 1855-2005" et "Beatific Souls : Jack Kerouac’s On the Road, 1957-2007".

Luc SANTENew York Denver San Francisco New Orleans Mexico City : les paysages Beat
Vivant à New York, Luc Sante est écrivain, essayiste, critique, traducteur et professeur de littérature et d'histoire de la photographie à Bard College. Né en 1954 à Verviers en Belgique, il a émigré très jeune aux Etats-Unis avec ses parents : il en a donné le récit dans son livre L’effet des faits (Actes Sud, 1999). Il écrit sur les villes, la culture populaire, la photographie, le rock, le blues, les fêtes populaires, les émeutes, les vies marginales. Il a publié récemment The Other Paris (Farrar Straus & Giroux 2015), une histoire sociale d’un Paris disparu.

JEUDI 29 SEPTEMBRE 2016, 11h15, PETITE SALLE
11h15 : Ouverture du colloque par Olivier PENOT-LACASSAGNE
11H30 : Véronique LANEAux sources de la Beat Generation : la littérature et le cinéma français
Dans ses cut-ups, Burroughs fait un usage curieux mais savant des poèmes de Rimbaud et de Saint-John Perse ; Ginsberg traduit en douce des vers d'Apollinaire et de Genet et les glisse dans ses poèmes ; Kerouac s’inspire du « réalisme poétique » du cinéma français des années 1930 pour créer les chimères qui hantent ses premiers romans. C’est cette filiation française que nous présenterons. Encore peu connue, elle change le regard qu’on porte habituellement sur les œuvres fondatrices de la Beat Generation.

12H10 : Entretien de Julien BLAINE avec Olivier PENOT-LACASSAGNE

14H30 : Frédéric ROBERTBeat Generation : entre incertitude littéraire et indocilité sociale
Hipsters, poètes Beat et hippies représentent une contestation essentiellement culturelle. C’est en effet au « Système » qu’ils s’opposent. Mais qu’est-ce qui les différencie ou les rapproche les uns des autres ? Quels furent leurs moyens d'action et de pression ? Et en quoi ont-ils influencé les organisations contestataires qui, depuis lors, ont émergé dans le monde ? Comment donc définir aujourd’hui leur « inservitude » ?

15H10 : Christophe LEBOLDBeat Generation, song-writers et rock stars : recyclage de l’imaginaire beat chez Bob Dylan, Patti Smith et quelques autres
À partir des textes de Bob Dylan, nous verrons comment, au-delà d’une proximité thématique et idéologique (route, contestation), l’auteur de « Like a Rolling Stone » recycle et reconfigure pour un médium alors en cours de constitution (la chanson rock), et dans un nouveau champ culturel (l'industrie rock), l’imaginaire, le geste et les identités beat. Ami personnel de Ginsberg dont le verbe prophétique le fascine, passionné par l’œuvre de Kerouac, Dylan n’est cependant que le premier d’une longue liste de singer-songwriters ayant tenté de prolonger en l’électrifiant la bohème beat, réinventant au passage la figure du poète en rock star. L’évocation de certains d’entre eux (parmi lesquels Patti Smith et Jim Morrison) permettra de mettre à jour le rapport qui, entre révérence, récupération et reconfiguration, lie la Beat Generation et ses héritiers rock des années 1960 et 1970.

15H40 : Frank RYNNEWilliam Burroughs et la musique : 1960-1990
Alors que la Beat Generation des années 1950 est associée aux scènes folk et jazz, les années 1960 voient en William S. Burroughs, qui enregistre de la transe music au Maroc et côtoie le guitariste Brian Jones des Rolling Stones, un protagoniste important de la scène rock. Plusieurs groupes empruntent même leur nom aux pages ou aux titres de ses livres, très connus aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, en particulier Soft Machine et Steely Dan. Nous présentons donc l'influence de Burroughs sur la scène musicale, dessixties aux années 1990.

16H10 : Peggy PACINI« Je pense à Jack Kerouac, le père que nous n’avons jamais trouvé ». Entre mythe, nostalgie et réalité : résonances contemporaines
En 1957, Viking Press publiait Sur la route, le roman phare de Kerouac. Quelle résonance ce roman a-t-il encore soixante ans après ? Les thèmes qu’il développait nous parlent-ils encore, nous offrent-ils un miroir de notre société ou nous renvoient-ils à nos propres échecs ? Par-delà leur aspect communautaire, sociologique ou politique, les écrits de Kerouac, tout comme la figure iconique ambiguë qu’il représente, nous hantent toujours. Réédition et adaptation cinématographique de Sur la route, productions musicales, théâtrales et littéraires : entre nostalgie, tradition et dérive consumériste, nous jetterons un regard critique sur l’actualité de Kerouac et de son œuvre.

VENDREDI 30 SEPTEMBRE 2016, 11h30, PETITE SALLE
11h30 : Clémentine HOUGUE« La réalité est un film » : enjeux et actualités du cut-up de William Burroughs 
La technique du cut-up, consistant en un collage de fragments de textes préexistants, a pour particularité d’avoir été utilisée par Burroughs pour produire une trilogie romanesque, composée de The Soft Machine (1961), The Ticket That Exploded (1962) et Nova Express (1964). Portée par une prose turbulente qui bouleverse tous les codes de la création littéraire, cette trilogie relate l’avènement d’un pouvoir tentaculaire, qui maintient les individus sous contrôle en les immergeant dans une réalité falsifiée. Cinquante ans plus tard, le cut-up burroughsien n’a rien perdu de sa radicalité ; il livre une réflexion particulièrement actuelle sur le pouvoir des médias et le règne de l’image.

12H10 : Entretien de Christian PRIGENT avec Olivier PENOT-LACASSAGNE

14H30 : Abigail LANG« Howl » ou la (re)naissance de la lecture publique
Le 7 octobre 1955, Allen Ginsberg lit son poème « Howl » à la Six Gallery, à San Francisco, L'éditeur et poète Lawrence Ferlinghetti lui propose immédiatement de le publier chez City Lights Books, ce qui leur vaut un procès pour obscénité, l’attention des médias et une célébrité immédiate. Fondateur de la Beat Generation, ce célèbre événement marque le renouveau de la lecture publique qui connaît alors un succès fulgurant aux Etats-Unis, avant de gagner progressivement le reste du monde. Nous reviendrons sur ce mode d’existence de la poésie qui ne s’est jamais démenti et n’a cessé d’évoluer depuis soixante ans.

15H10 : Hugo DANIELDessin et expérience visionnaire dans la Beat Generation
Chez les poètes de la Beat Generation, l’usage du dessin est récurrent, intense et varié. Il est l'expression d’une immédiateté dans la création et le support à l’écriture poétique. Les dessins calligraphiques de Brion Gysin, les mandalas de Bruce Conner, les expériences graphiques de Ginsberg, Burroughs, Corso et Orlovsky approchent une zone indéfinie, connexe à l’expérience visionnaire ou hallucinatoire. Du dépassement de l’automatisme hérité du surréalisme à la recherche d’un prolongement de l’expérience poétique qui place l’hallucination au cœur même de la quête individuelle, ces pratiques graphiques visent souvent une fusion collective pouvant être interrogée à l’aune de la « solitude publique » voulue par Ginsberg.

15H40 : Kenneth WHITEAutour de la montagne froide. Déambulation avec Gary Snyder
Dans cette conférence-conclusion, basée sur une correspondance soutenue entre White et Snyder, entre les Pyrénées et la Sierra Nevada, et sur les idées que White a développées dans son récent ouvrage Le Gang du Kosmos. Poétique et politique en terre américaine (Wildproject, 2015), il sera question de critique de la civilisation étasunienne, de culture autochtone, de bouddhisme extrême, d’écopolitique et de géopoétique, le tout sous le signe de la longue durée et d’un perspectivisme ouvert.

16h30 : Lecture par Kenneth WHITE de poèmes de Gary Snyder

Renseignements 
Christine Bolron, 01 44 78 46 52, christine.bolron@centrepompidou.fr
Pour rester informé : Christine Bolron, paroleaucentre@centrepompidou.fr