Essai
Nouvelle parution
B. Monthubert, 10+1 questions sur la recherche.

B. Monthubert, 10+1 questions sur la recherche.

Publié le par Marc Escola

Bertrand Monhubert

10+1 questions sur la recherche

Michallon, sept. 2007

112 pages

ISBN: 2841864170

Questions posées par Pierre-Luc Séguillon

1 - Etre chercheur, est-ce un métier ?
2 - La recherche est-elle sinistrée en France ?
3 - La recherche appliquée a-t-elle pris le pas sur la recherche fondamentale ?
4 - L'État doit-il compenser la faiblesse des financements privés ?
5 - La recherche est-elle désarticulée en France entre instituts publics et privés, laboratoires, universités, grandes écoles ?
6 - Faut-il préserver, réformer ou fermer le CNRS ?
7 - Les grandes entreprises achètent-elles les chercheurs ?
8 - Est-il réaliste de prétendre faire de l'Europe l'économie de la connaissance la plus compétitive du monde ?
9 - Quelles valorisations, sanction et évaluation du chercheur ?
10 - Toute recherche est-elle légitime ?
+1 - Dans quelle situation sera la recherche en 2020 ?

Bertrand Monthubert est mathématicien, professeur à l'université Paul-Sabatier à Toulouse. Il a 37 ans. Il préside depuis 2006 l'association Sauvons la recherche.

Extrait du livre :


La recherche est-elle sinistrée en France ?

Aujourd'hui pas encore, mais elle est en bonne voie ! Pour le mesurer, on peut regarder plusieurs éléments différents : l'investissement de la France dans la recherche, et l'attractivité de la recherche pour les étudiants. En ce qui concerne le premier point, il se traduit généralement dans un chiffre qui sert de référence, le pourcentage du produit intérieur brut (PIB) consacré aux dépenses de recherche et développement (R & D). Ce taux regroupe aussi bien des dépenses publiques que privées, au service de la recherche fondamentale et appliquée. C'est sans doute un des plus fiables, car d'autres chiffres, comme celui de la dépense publique, dépendent fortement de la structure économique du pays. Si on regarde ce chiffre, donc, on voit qu'il s'est dégradé depuis plusieurs années. En remontant à vingt-cinq ans, on voit même qu'il a tendance à jouer au yo-yo (voir graphique page suivante).
On voit nettement sur ces courbes que la France dépense moins que d'autres pays qui jouent un rôle important sur la scène internationale de la recherche, et surtout que, à l'heure où ces derniers accroissent leur effort, la France le diminue. Et c'est bien là une des motivations de la révolte qui a secoué la recherche française en 2004. Le président de la République, Jacques Chirac, avait évoqué, pendant la campagne qui allait conduire à sa réélection, l'importance de l'effort en faveur de la recherche : «Avec moins de 2,2% du PIB, la recherche française ne peut plus faire face à la compétition internationale. Le temps d'un simple rattrapage est révolu ! L'engagement doit être à la mesure d'un tel défi : le montant des dépenses publiques et privées consacrées à la recherche et au développement doit être porté à 3 % du PIB avant la fin de cette décennie. La France pourrait ainsi, dès 2007, se trouver en tête des pays de l'Union européenne dans ce domaine.» Parallèlement, lors des sommets européens de Lisbonne en 2000 et 2002, la France au diapason des autres pays européens s'était engagée à ce que les dépenses de R & D de l'Union européenne soient portées à 3% du PIB. Et pourtant les crédits des laboratoires étaient gelés, voire supprimés pour partie. Ce décalage entre le discours officiel et la réalité de terrain est devenu insupportable, et cela d'autant plus que nos collègues étrangers vivent pour beaucoup d'entre eux une situation de croissance. Imaginez la frustration de l'équipe française, qui travaille sur un sujet analogue à celui d'une équipe américaine, et qui n'a pas les moyens de conduire ses travaux, pendant que l'équipe américaine aligne les publications... et éventuellement débauche de jeunes chercheurs de l'équipe française ! Les faits sont là : en dix ans, la France est passée de la quatrième à la quatorzième place en matière d'effort de recherche. Nous avons été doublés par l'Autriche, nous sommes tombés en dessous de la moyenne de l'OCDE, pendant que des pays ont pour objectif non plus les 3 % du PIB, mais les 4 % ! Et ce n'est pas près de s'arranger : si on regarde les prévisions financières de la loi sur la recherche de 2006 (voir graphique page précédente), on s'aperçoit que la progression d'ici à 2010 est environ de 4% par an, c'est-à-dire le rythme de l'inflation cumulé à celui de la croissance.

On peut lire sur nonfiction.fr un premier article sur cet ouvrage: "Une vision trop partiale de la recherche", par Martin Kessler.