Actualité
Appels à contributions
(A)symétrie en littérature (revue Chameaux)

(A)symétrie en littérature (revue Chameaux)

Publié le par Marc Escola (Source : Marie-Laurence Dumont)

(A)symétrie en littérature

Colloque “Jeunes Chercheurs” organisé par la revue Chameaux

 

Le comité éditorial de la revue de réflexion littéraire Chameaux est fier d'annoncer la tenue de son deuxième colloque « Jeunes chercheurs1 », qui portera sur les notions de symétrie et d’asymétrie dans la littérature. Cette rencontre, qui se veut conviviale, diversifiée et enrichissante, est ouverte à toutes les périodes, de l'Antiquité à nos jours, et à tous les types de corpus que les études littéraires se proposent d'étudier.

Le rapport de l’œuvre au réel a constitué une problématique fertile dans le domaine des études littéraires depuis la Poétique d’Aristote. En effet, la mimesis pose les bases d’un questionnement sur les concepts de simulacre, de vraisemblance et de vérité. Si la fiction peut cultiver les « effets de réel2 » en cherchant à dissimuler la médiation qu’elle implique nécessairement avec le réel, elle peut également se tourner vers le mensonge, la facticité, ou encore jouer sur l’ambiguïté entre vrai et faux. Ainsi a-t-elle été considérée comme un miroir du réel, ou comme son reflet altéré, ce qui peut fonder le point de départ d'une réflexion sur la symétrie et l'asymétrie présente dans les œuvres littéraires.

Les genres de la biographie, de l’autobiographie, des mémoires et du récit historique énoncent peut-être le mieux les problèmes suscités par la mise en mots du réel. Cherchant à créer avec le lecteur un pacte d’authenticité, ces textes placent le destinataire dans une position délicate, puisqu’il doit à la fois croire suffisamment à la vérité affirmée de l’œuvre pour poursuivre sa lecture, mais être conscient des facteurs de biais inhérents à la mise en récit. Notons par ailleurs que le pacte de lecture peut être subverti ou transgressé, tant par l’auteur que par le lecteur, ce qui rend d’autant plus incertaine la mention générique des œuvres3. À la prétention d’objectivité des textes intimes ou historiques, la fiction substitue la « feintise ludique partagée4 », qui suppose une coopération entre auteur et lecteur, et la « suspension momentanée et volontaire de l’incrédulité5 » de ce dernier. Toutefois, certains écrivains, comme Diderot (Jacques le fataliste) ou Chamoiseau (Un dimanche au cachot), viennent délibérément rompre l’adhésion du lecteur au texte fictionnel en dénonçant l’illusion référentielle, notamment par la mise en abyme et la métatextualité.

S’il se définit entre autres par rapport au réel, le texte fictionnel se construit par ailleurs sur un panthéon d’œuvres antérieures qu’il cite explicitement ou non, consciemment ou non. Le procédé intertextuel, qui suppose un enchâssement, un collage ou une réappropriation, peut être étudié en fonction des thèmes de symétrie et d’asymétrie, selon qu’il reprend intégralement ou qu’il modifie subrepticement le texte cité. Lié à l’intertextualité, le concept récent de transfictionnalité, introduit par Richard Saint-Gelais et explicité dans son ouvrage Fictions transfuges6, soulève des enjeux similaires, puisqu’il s’agit d’intégrer dans l’œuvre un objet, un personnage, un décor, etc. qui provient d’une fiction autre. Prenons l’exemple des multiples réapparitions de Sherlock Holmes hors de son univers fictif premier, ou encore des anté-épisodes inédits retraçant les origines de Dracula. Cela dit, certains auteurs combinent ces procédés, comme Christine de Pizan dans Le chemin de longue estude, qui reprend certains éléments textuels et fictionnels de la Divine comédie, principalement l’Enfer, de Dante.

D’autres reprennent un texte fondateur auquel ils appliquent certaines modifications. Ainsi Marguerite de Navarre imite le Décaméron de Boccace dans son Heptaméron, les tragédies classiques récupèrent les œuvres des tragiques antiques, notamment Corneille avec sa pièce Médée et Racine avec son Iphigénie. Plus récemment, Anouilh adapte l’Antigone de Sophocle au goût existentialiste de son temps, alors que Michel Tournier se sert du Robinson Crusoé de Daniel Defoe pour donner naissance à son Vendredi ou les limbes du Pacifique          .

 En outre, il est possible de repérer les signes de symétrie et d’asymétrie au sein même de l’œuvre et ce, au niveau de la structure formelle. Sur le plan macrostructural, certains recueils ou romans donnent à lire des jeux d’échos et de reflets dans leur organisation interne. Prenons Regards et jeux dans l’espace de Hector de Saint-Denys Garneau : le dernier poème, « Accompagnement », répond au poème liminaire, alors que les sections « Esquisses en plein air » et « Deux paysages » dialoguent, créant ainsi un effet symétrique dans la construction du recueil. Sur le plan microstructural, les figures du palindrome, du chiasme, de l’anaphore incarnent la symétrie, tandis que l’antithèse et l’oxymore représentent l’asymétrie. Notons que plusieurs textes font de l’anaphore une figure structurante, comme l’Iliade et l’Odyssée ou, plus récemment, Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire.

Symétrie et asymétrie peuvent enfin être thématisées dans l’intrigue, à travers les motifs de double, d’écho et de miroir notamment. Déjà présents dès l’Antiquité, on les retrouve chez les frères ennemis Étéocle et Polynice des tragédiens, dans les figures mythiques d’Écho et de Narcisse chez Ovide et dans L’Amphitryon de Plaute, entre autres. En ce qui a trait au double, le motif de l’alter ego est peut-être celui qui a le plus nourri la création et fasciné la critique, en raison de l’énigme identitaire qu’il pose et de la double portée qu’il confère à l’œuvre. À cet égard, L’Étrange Cas du Docteur Jekyll et M. Hyde, de Robert Louis Stevenson, ou Frankenstein et sa créature dans l’œuvre de Mary Shelley constituent des exemples célèbres. Dans la littérature contemporaine, l’alter ego a souvent servi la mise en abyme de la narration ou de l’acte d’écriture, donnant lieu à des œuvres complexes et autoréflexives, où une parole dédoublée commente sa propre énonciation.

Le présent colloque se propose donc d’approfondir et de renouveler la réflexion autour des notions de symétrie et d’asymétrie à partir de corpus variés. Au-delà des exemples mentionnés, toute communication qui se rattache d’une manière ou d’une autre au sujet est la bienvenue.

 

Les propositions de communication (300 mots maximum) doivent inclure un titre et une courte notice (institution d’attache, niveau universitaire et coordonnées). Elles doivent être envoyées au comité organisateur avant le 25 janvier 2017 à l’adresse suivante: chameaux@lit.ulaval.ca. Les communications ne devront pas excéder 20 minutes. La revue se propose de publier les articles issus des communications après examen du comité.

 

Dates importantes :

  • Date limite pour la soumission des propositions : 25 janvier 2017
  • Avis d’acceptation : 8 février 2017
  • Date du colloque : 10 mars 2017

Pour de plus amples informations, n’hésitez pas à contacter le comité organisateur à chameaux@lit.ulaval.ca.

 

Membres du comité organisateur:

Marie-Laurence Dumont

Kim Labelle

Amélie Michel

 

 

 

1. À noter que l’appellation « jeunes chercheurs » désigne les étudiants de deuxième et troisième cycles, ainsi que les chercheurs postdoctoraux.

2. Expression empruntée à Roland Barthes, « L’Effet de réel », Communications, no 11 (1968), p. 81-90.

3. Comme le souligne Frank Wagner dans son article « Des coups de canif dans le contrat de lecture », Poétique, no 172 (novembre 2012), p. 387-407.

4. Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction?, Paris, Éditions du Seuil (Poétique), 1999, p. 146.

5. Samuel Taylor Coleridge, Biographia Literaria, Toronto, Oxford University Press, 1962.

6. Richard Saint-Gelais, Fictions transfuges, Paris, Seuil, 2011.