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Assia Djebar, la rawiya des exhérédées (revue Multilinguales)

Assia Djebar, la rawiya des exhérédées (revue Multilinguales)

Publié le par Cécilia Galindo (Source : Boualit Farida)

APPEL A CONTRIBUTION POUR LE N°6 DE MULTILINGUALES

Multilinguales : revue de la Faculté des Lettres et des Langues et du laboratoire LAILEMM (Recherche-formation en langues appliquées et ingénierie des langues en milieu multilingue) - Université Abderrahmane Mira - Bejaia - Algérie

Appel à contribution pour Multilinguales N°6 - à paraître en octobre 2015

Assia Djebar, la rawiya des exhérédées

         Un projet d’écriture traverse l’œuvre d’Assia Djebar, de 1957 à 2007 : donner voix au chapitre aux exhérédées[1] dont elle fait partie. Dans la présentation à posteriori de son premier drame musical (2001), Les Filles d’Ismaël dans le vent et la tempête (2000), elle commence par décliner son identité historico-culturelle : « Filles d’Ismaël est le titre du drame musical en cinq actes et vingt et un tableaux que j’ai écrit puis dirigé en l’an 2000 pour le Teatro di Roma. Je parle en effet et j’écris d’abord, depuis des décennies, en tant que "fille d’Ismaël". (...) Or, pourquoi ne me sentirais-je, tout autant, sinon davantage, "fille d’Agar", liée à cette épouse répudiée et qui risqua – avec son bébé – de s’asphyxier dans le désert d’Arabie ? »[2].

Après la revendication de cette double ascendance, paternelle et maternelle, la « fille d’Ismaël »/« fille d’Agar » se fait elle-même rawiya, à l’instar d’un de ses personnages, c’est-à-dire, comme elle le précise elle-même, « transmettrice de la mémoire » : « ce drame musical, en remontant aux jours de la mort du Prophète, se veut aussi leçon d’histoire – sur quelques mois, à Médine, première capitale de l’Etat de Mohammed »[3].

Le projet de la rawiya est de « transmettre » le passé pour agir sur le cours de l’Histoire. C’est le sens de sa « leçon » : « je tente de réveiller ce passé originel, et d’éclairer, par là même, notre dépossession actuelle, notre humiliation (je ne trouve pas d’autre mot), à nous, femmes vivant à Alger, (...) »[4].

Lire et faire lire le présent des femmes en pays musulmans à la lumière du passé se veut au fondement de toute l’écriture de la « fille d’Ismaël »/« fille d’Agar », et constitue selon ses mots, « la double face de [s]on "engagement" d’écrivain »[5].

La « dépossession » qu’elle veut « éclairer » est, certes, celle de la femme dans une société misogyne dont, de son propre aveu, elle a eu à souffrir[6].

Mais, « la dépossession » est d’abord celle que l’Histoire a inscrite, comme elle le rappelle dans son discours de réception à l’Académie française, en 2006 : « L’Afrique du Nord, du temps de l’Empire français, — comme le reste de l’Afrique de la part de ses coloniaux anglais, portugais ou belges — a subi, un siècle et demi durant, dépossession de ses richesses naturelles, destructuration de ses assises sociales, et, pour l’Algérie, exclusion dans l’enseignement de ses deux langues identitaires, le berbère séculaire, et la langue arabe dont la qualité poétique ne pouvait alors, pour moi, être perçue que dans les versets coraniques qui me restent chers. (...) En ce sens, le monolinguisme français, institué en Algérie coloniale, tendant à dévaluer nos langues maternelles, nous poussa encore davantage à la quête des origines ».

La citation est volontairement longue pour attester de la place de la dépossession coloniale à l’origine des sujets majeurs que l’auteur traite de son point de vue de « femme-blessure »[7] dans son œuvre polymorphe.

En un demi siècle, Assia Djebar a effectué un parcours sans ruptures, depuis ses débuts décrits ainsi par Jean Dejeux, dans La Littérature féminine de langue française au Maghreb (1994 : 23-24) : « En juin, 1955, une jeune Algérienne, Fatima-Zohra Imalayene passe avec succès le concours d’admission à l’Ecole normale supérieure de Sèvres. C’est la première fois qu’une Algérienne entre à cette célèbre école. Durant l’été 1956, c’est la grève des étudiants en Algérie ; par solidarité nationaliste, elle ne passe pas les examens de licence, mais en deux mois, écrit son premier roman, La Soif et le signe Assia Djebar. On est en 1957. Elle a vingt ans ». Nous traduisons : Elle n’avait que vingt ans ! De La Soif, écrit de jeunesse qu’un certain public ne lui pardonne toujours pas, à Nulle part dans la maison de mon père (2007), la « rawiya » a creusé son sillon sans dévier de sa trajectoire : « Tu prenais ta première fiction pour un simple jeu d’hirondelles dans l’espace et soudain, ivre de cet élargissement, tu en échafaudais aussitôt une deuxième, une troisième...Te voici donc à écrire (...) » (2007 : 460).

Mais qu’est-ce qu’« écrire » pour une fille d’Ismaël / fille d’Agar ? Assia Djebar revient sans cesse sur cette question, au fil des œuvres, comme pour remettre en jeu les termes de la réponse intensifiés par leurs reprises anaphoriques. Ainsi, dans Vaste est ma prison (1995 : 256), « l’écriture est dévoilement, en public, devant les voyeurs qui ricanent... », comme dans Ces voix qui m’assiègent (1999 : 64) : « écrire donc pour une femme, si elle ne peut se cantonner dans la diction, lui devient à posteriori dévoilement ». L’entreprise n’est pas sans risque : « me mettre à nu dans cette langue me fait entretenir un danger permanent de déflagration » (1995 : 300), « (...) danger dès lors du dévoiement, oh oui...Ecrire soudain, cela signifiait pour moi, au sens propre, "me dévoyer" » (1999 : 64).

Ecrire en « femme d’éducation arabe – ou disons de sensibilité maghrébine – et cela, au creux même de la langue française » (1999 : 65), pendant un demi siècle, c’est « sortir du harem » (1999 : 69), se dévoiler/se dévoyer, en imposant une esthétique spécifique. Pour saisir cette spécificité, il nous faut considérer que pour Assia Djebar, il existe deux catégories de livres : « d’un côté, ceux à travers les pages desquels est couché, invisible mais tenace, le corps même de l’auteur ; d’un autre, tous les livres, petits et grands, inspirés ou simplement habiles et séducteurs, (...) ; ceux de la première catégorie, que nous lisons avec l’obscure sensation que l’auteur(e), couché(e) à jamais depuis lors, tourne pourtant avec nous les pages, relèvent-ils seulement de l’art (...) ;  ne pèsent-ils pas, de par leur degré de gravité, ou plutôt de leur irréversibilité, plus lourds hélas ? » (Nulle part dans la maison de mon père, 2007, pp.469-470).

L’analyse de l’esthétique spécifique d’Assia Djebar à laquelle nous comptons consacrer le sixième numéro de Multilinguales répondra assurément à cette interrogation, puisqu’il ne fait aucun doute qu’elle est couchée au travers de ses textes et qu’elle en tourne toujours avec nous chaque page.

Nous souhaiterions recevoir des contributions inédites qui s’appuieraient sur les productions de l’auteur (romans, nouvelles, théâtre, essais, filmographie) et qui relèveraient des disciplines telles que : les sciences des textes littéraires, les sciences du langage, la didactique de la langue et de la littérature, la traductologie, la filmographie, ...

[1] « Filles non héritières ; exhérédées. (...) Et le déshéritement de la mère produira une nouvelle spoliation, subie et imposée ! Voici le seul dialogue possible entre hommes et femmes dans mon pays désormais (...). Par impuissance, j’esquisse à ma manière cette grande misère, source de violence masquée. Ecriture de la dépossession ? », dans Assia Djebar, Ces voix qui m’assiègent, Albin Michel, 1999, pp. 260-261.

[2] Djebar Assia, « Filles d'Ismaël dans le vent et la tempête », La Pensée de midi 2/2001 (N° 5-6), p. 46-53. URL : www.cairn.info/revue-la-pensee-de-midi-2001-2-page-46.htm.

[3] Idem.

[4] Idem.

[5] Idem. Sa façon de concevoir l’engagement n’était pas reconnue par certains intellectuels algériens comme Mostefa Lacheraf : « Malek Haddad, Assia Djebar sont des écrivains qui n’ont jamais saisi nos problèmes, même les plus généraux. Ils ont tout ignoré, sinon de leur classe petite bourgeoise, du moins de tout ce qui avait trait à la société algérienne (...) », «L’avenir de la culture algérienne », In Les temps modernes, N° 209, 1963, pp. 733-734.

Dans Ces voix qui m’assiègent (Albin Michel, 1999), Assia Djebar raconte : « Autre souvenir : en 1976, un poète à la radio algérienne attaquait encore avec hargne le non-engagement politique (et le succès éditorial) de mon premier roman publié ...en 1957 ! » (p.87).

[6] A titre d’exemple, Assia Djebar a expliqué la violente polémique qui a marqué le débat qui a suivi la projection de son film La Nouba des femmes du Mont Chenoua, à la cinémathèque algérienne, en 1978 : « «Ce que n'a pas supporté le public de la cinémathèque, c’est que j'ai écarté les hommes de mon film. Mais que répondre d’autre que de dire que je n'ai fait que montrer ce qui existe dans la réalité?», Bensmaia Réda, « La Nouba des femmes du Mont Chenoua : introduction à l’œuvre fragmentale cinématographique », dans Sada Niang (Ed.), Littérature et cinéma en Afrique francophone : Ousmane Sembene et Assia Djebar, L’Harmattan, 1996, pp.161-177.

[7] « Toute femme s’appelle blessure », tel est le titre de la première partie du roman d’Assia Djebbar Ombre sultane, Albin Michel 2006, pp.13-135.

  • Modalités d'évaluation :

Les articles, "anonymés", sont soumis aux experts du comité scientifique et de lecture pour une double évaluation à l’aveugle, triple si les deux premières sont contradictoires. Pour être examinés, ceux-ci doivent parvenir par e-mail à l’une ou l'autre des adresses de la revue (supra).

  • Date limite de soumission des contributions : 15 juillet 2015
  • Publication : octobre 2015
  • Les contributions doivent être conformes au protocole de rédaction de la revue et être accompagnées d’un mini CV (modèle infra) :

Protocole de rédaction :

  • Corps de l’article
  • L’article en format Word est composé de 30.000 à 40 000 signes environ (notes et espaces compris).
  • L’article est précédé d’un résumé en français et en anglais, de 700 caractères environ (espaces compris) chacun, et de cinq (5) mots-clefs chacun.
  • Les marges de la page A4 sont de : 2,5 cm en haut, 2,5 cm en bas, 2,5 cm à gauche, 2 cm à droite.
  • Format de la page : 16cm / 24 cm
  • Le corps de l’article rédigé en Times New Roman, police 12, interligne simple.
  • L’article a deux niveaux de titres au maximum : premier niveau : en majuscules, police 10, style gras, suivi d'un espace de 6 pts ; second niveau : en minuscules, police 12, pas de style gras ni d'espace.
  • Le titre de l’article : en majuscules, police 10, en style gras, interligne 1,15 s’il est sur deux lignes.
  • Les mentions « introduction » et « conclusion » ne doivent pas apparaître.
  • Notes de bas de page et références infrapaginales
  • Les notes suivent une numérotation consécutive qui correspond à celle de l’appel de note dans le texte composé en chiffres arabes supérieurs (exposant) sans parenthèses
  • Les notes en bas de page sont utilisées pour des informations ou des commentaires et sont rédigées en Times New Roman, police 10, interligne simple.
  • Les références infrapaginales sont situées dans le corps de l’article : en fin de citation et entre parenthèses. Dans ce dernier cas, il faut indiquer l’auteur (suivi d'une virgule), la date (suivie de deux points), et le numéro de la page (Nom, date : p.). Si le nom de l'auteur est suivi d'une citation, le numéro de la page est situé à la fin du texte, entre parenthèses.
  • Citations
  • Les modifications à l’intérieur d’une citation doivent être mises entre crochets : […].
  • Les citations de trois lignes et plus ne sont pas mises entre guillemets, mais saisies en corps 11, interligne simple, avec un espace avant et après la citation de 6 pts, un retrait à droite et à gauche d’1cm, et pas d’alinéa pour la première phrase.
  • Pour insérer un mot ou une citation dans une autre citation : utiliser les guillemets français (« … ») pour la citation principale et les guillemets ("…") anglais pour la seconde.
  • Espace insécable
  • L’espace insécable doit suivre les signes de ponctuation suivants : point, virgule, point virgule.
  • Un titre n’est suivi d’aucun signe de ponctuation.
  • Références bibliographiques en fin d’article
  • La bibliographie est présentée par ordre alphabétique des noms d’auteurs. Dans le cas d’une œuvre anonyme (comme les Actes de colloques par exemple), il faut tenir compte du titre de la publication. Les articles définis ou indéfinis et les particules nobiliaires ne doivent pas être pris en considération dans le classement par ordre alphabétique.
  • Il faut séparer les éléments de la référence bibliographique par des virgules et la référence doit se terminer par un point.
  • Le nom de l’auteur (ou des auteurs) est écrit en petites majuscule (non suivi d'une virgule).
  • Le prénom de l’auteur (réduit ou non à l’initiale) suit le nom et il n’est pas mis entre parenthèses.
  • Si l’ouvrage a moins de trois auteurs, il faut séparer les noms et prénoms des auteurs par des virgules. Si l’ouvrage a plus de trois auteurs, il ne faut mentionner que le premier suivi de la formule et al. en italique.
  •  Référence d’une contribution dans un ouvrage collectif :

1° - le nom (en petites majuscules) et le prénom de l’auteur ou des auteurs, virgule, suivis de :

2° - le titre de la contribution (en romains et entre guillemets), virgule,

3° - l’indication « in » (s'il s'agit d'un périodique), ou de « dans » (s'il s'agit d'un ouvrage), suivie du nom et prénom du directeur de la publication (en petites majuscules), suivis de la mention (dir.) entre parenthèses, virgule suivie de:

4° - le titre du recueil en italiques, virgule suivie de :

5° - le lieu de l’édition (optionnel), virgule suivie de :

6°- le nom de l’éditeur commercial, virgule suivie de :

7°- la date de publication, et éventuellement le titre de la collection, virgule suivie de :

8°- la pagination de la contribution dans l’ouvrage (s'il y a lieu).

  • Référence d’un article dans une revue : les trois premières étapes sont identiques à celles de la contribution dans un ouvrage collectif. Elles sont suivies de : titre de la revue en italique, numéro du tome, l’année, le nom de l’éditeur et la   pagination de l’article dans la revue.
  • Référence électronique : elle est soumise aux mêmes règles que celles mentionnées ci-dessus, avec l’indication obligatoire de l’adresse URL à laquelle le document est accessible, mise entre crochets et introduite par la formule « disponible sur ».

Observation : n’introduire aucune autre mise en forme (encadré, soulignement,…).

  • Modèle de mini CV :

NOM (en lettres capitales) :

Prénom (majuscule à l’initiale) :

Email :

Diplôme (s) :

Université d’affiliation (ou centre de recherche) :

Adresse postale :

Poste(s) occupé(s) :

Expérience(s) professionnelle(s) (quelques lignes en TNR, police 12, interligne simple) :

Publications (en sélectionner au maximum 5 pour les articles et autant pour les ouvrages) :