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Art et violence dans les biographies d'artistes entre les XVIe et XVIIIe siècles (Italie, France, Espagne)

Art et violence dans les biographies d'artistes entre les XVIe et XVIIIe siècles (Italie, France, Espagne)

Publié le par Laurent Zimmermann (Source : Florence Ferran)

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Art et violence dans les biographies d'artistes entre XVIe et XVIIIe siècles (Italie, France, Espagne)

10et 11 décembre 2010

UniversitéSorbonne nouvelle – Paris 3

 

   Journées d'étude organisées parl'équipe d'accueil EA 174 “Formes et idées de la Renaissance aux Lumières” etl'EA 3979 “Les Cultures de l'Europe Méditerranéenne et Occidentale” (LECEMO)dans le cadre du programme ANR SHS Conflits,guerres, violence et du projet fédératif de recherche DEFI Dialogues Espagne France Italie :littératures, culture et construction de la modernité (XIVe-XVIIIe siècle).

Responsables : Corinne Lucas-Fiorato et Florence Ferran.

 

 

 

Présentationdu projet d'étude

LesVies des meilleurs peintres, sculpteurset architectes de Giorgio Vasari répondent à l'angoisse obsédante d'uneimpossible renaissance des arts : "L'interminable déluge de maux qui avaitenglouti et noyé la malheureuse Italie n'avait pas seulement ruiné tous lesédifices dignes de ce nom, mais aussi, ce qui est plus grave, réduit à néant lenombre des artistes".  Comment surmonter les dévastations duMoyen Age, ses destructions, ses oublis, si ce n'est par un intérêt nouveaupour la conservation des oeuvres, les débuts d'une pensée archéologique et uneattention prêtée à la postérité des artistes ? 

 

Lesvies qui donnent une première forme à l'histoire de l'art moderne se situentdans une Histoire qui est d'abord celle des guerres et des hommes illustres quiles ont faites : sac de Rome en 1527 qui disperse les artistes et diffusele maniérisme à travers l'Europe ; guerres d'Italie jalonnant les récitsde Vasari, et qui trouvent un écho chez les historiographes français Félibienet Dubois de Saint-Gelais, sensibles aux effets de la Fronde ou des guerres dereligion sur les artistes : commandes suspendues, exils, exclusions del'Académie, interdictions de partir étudier à Rome, ou retour forcé à Paris. Laguerre peut aussi valoriser la trajectoire des artistes, quand leurs talentssont mis au service de l'art militaire et que leurs oeuvres célèbrent les victoiresdes grands ou font le salut d'une ville (c'est l'épisode ressassé de Démétriuslevant le siège de Rhodes en hommage à Protogène).

 

Siles artistes partagent, dans l'épreuve de la guerre, un destin collectif, ons'étonnera de la fixation des biographes sur les rapports de l'activitéartistique à la violence : Beccafumi qui meurt d'épuisement autravail ; Le Corrège, terrassé par le chargement de monnaie que lui valutsa dernière oeuvre ; Francesco Francia, frappé de mélancolie à la vue d'un tableaude Raphaël. Que les faits relatés soient exacts ou fictifs, depuis l'étude deKris et Kurz, on sait que ces biographies vont puiser, dans un répertoire demotifs stéréotypés, des éléments permettant de penser l'idée même d'artiste, laplace singulière de ces métiers, toujours en quête de reconnaissance au XVIIIe siècle. Le travail de Rudolf et MargotWittkower, après celui d'Arnold Hauser, a également montré que la question del'aliénation, d'une « différence » de comportement de l'artistedevait être envisagée dans le cadre des stratégies d'émancipation ou depromotion sociales qui avaient constamment motivé la conduite de ces récits.

 

Penser la singularité de l'artiste dans sa dimension tragique plutôt queburlesque, comme l'avait fait Boccace, contribuerait ainsi à en fonder lagrandeur. Car l'autonomie se conquiert au prix de rapports de force passionnés.Il ne suffit pas de se libérer du joug – comme de la protection – descorporations, encore faut-il savoir se comporter – en courtisan ? – avecses puissants commanditaires. Au moment même où en Italie on reconnaît lavaleur intellectuelle du travail artistique, qui aboutira en 1563 à Florence àla naissance de l'Académie du dessin – la première en Europe – les artistessubissent le jeu sans merci de la concurrence, entre autres  économique.Que deviennent les rivalités dans un tout autre contexte politique, celui de lamonarchie absolue en France ? Elles sont acharnées : car entre LeBrun et Mignard, ou entre Le Moyne et Noël Nicolas Coypel, c'est la faveur dupremier des collectionneurs qui se joue, celle du roi, mais aussi une placedans la cité, et la noblesse de leur art. Poussin, lui, relève Félibien, amarqué son indépendance en refusant de rentrer de Rome à Paris malgré lesinjonctions royales, de même que Michel-Angen'avait pas cédé aux nombreuses démarches et prières du duc Côme de Médicispour le faire revenir de Rome à Florence.

Il y a des artistes tout simplement heureux de peindre, dessiner, sculpter,mais certains voient leur ambition, ajoutée à la passion du travail, tourner àla fureur et se retourner contre leurs oeuvres, quand ce n'est pas contreeux-mêmes : suicide de Lemoyne en 1737 après l'achèvement du Plafondd'Hercule (Caylus), lacération en 1763 des TroisGrâces par Van Loo (Dandré-Bardon), incapable d'affirmer comme d'autres sabelle liberté à l'égard des normes fixées par la critique des Salons.

 

On sera amené à se demandercomment se construisent, entre XVIeet XVIIIe siècle, en Italie, France,et Espagne, les images d'une activité artistique à laquelle est attaché lesyndrome de la mélancolie, comment ces images évoluent pour engendrer, ausiècle suivant, le topos del' « artiste maudit ». Comment se modifie au fil des siècles, etselon les contextes historiques différents, le regard porté sur les rapports del'art à la violence. Quel éclairage les violences de la guerre, de laconcurrence et de l'oppression viennent-elles porter sur les pratiques desprofessions artistiques ? Quel rôle narratif et idéologique l'épisodeviolent joue-t-il dans l'histoire et la pensée de l'art et de l'artiste ? Et enretour, quel impact formel le traitement de la violence a-t-il pu avoir sur legenre des Vies d'artistes, quelsmodèles et inventions littéraires a-t-il convoqués, suscités ? Autant dequestions qui seront l'occasion d'un regard comparatiste sur les réécritures etle renouvellement du genre des Vies d‘artistes entre XVIe et XVIIIe siècles.

 

 

Envoi des propositions decommunication avant le 15 juin 2010 à Corinne Lucas-Fiorato cfiorato@aol.com etFlorence Ferran fferran@univ-paris3.fr