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Approches du rêve

Approches du rêve

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Christian Vandendorpe)

Ce colloque examinera le récit de rêve en littérature, particulièrement au plan des structures narratives et des interprétations auxquelles ce type de récit donne lieu dans les oeuvres où il apparaît.


Un autre volet se centrera sur les méthodes d'analyse de contenu du rêve et de codage objectif.


Ce colloque est organisé par une équipe multidisciplinaire de littéraires et de psychologues travaillant à mettre en place une base de récits de rêve allant du Moyen-Age à nos jours (http://www.reves.ca/).

En dépit d'avancées importantes effectuées d'abord sous l'impulsion de la psychanalyse, puis dans la foulée des travaux sur le sommeil paradoxal et des recherches cognitives, le rêve constitue toujours un phénomène opaque et rebelle à l'analyse. Si, au dire des spécialistes, on ne dispose même pas d'une définition opérationnelle du rêve qui fasse consensus actuellement (Nielsen), on est encore plus éloigné, a fortiori, d'une théorie unifiée sur les fonctions du rêve, son élaboration et le sens à lui donner - pour autant qu'il en ait un. La nature même des processus cognitifs en jeu n'est pas élucidée. Reprenant une piste déjà frayée par Aristote, Freud et Lacan ont mis en évidence le rôle que joue la représentation imagée dans le rêve et son affinité avec le rébus. Pourtant, on ne peut pas non plus en négliger la dimension narrative : rêver est encore le plus souvent désigné comme le fait de "se raconter des histoires au cours de la nuit et [de] les prendre pour vraies" (Montangero).

Mais qu'en est-il précisément de ces histoires ? C'est pour tenter de jeter quelque lumière sur cette question que notre équipe a choisi d'étudier les textes fournis par la littérature. Dans un premier temps, nous avons entrepris de recueillir dans une base de données tous les récits de rêves du Moyen Age jusqu'à nos jours : de ce travail en cours, une fraction est déjà disponible sur ce site. Cette base, qui compte plusieurs centaines de récits, devrait être beaucoup augmentée et devenir pleinement opérationnelle à l'été 2003, avec moteurs de recherche et index. À partir de ce vaste ensemble de données, nous voulons soumettre le récit de rêve à un triple questionnement.

Le premier est d'examiner comment le rêve a été imaginé et raconté au fil des siècles. Dans leur réalité quotidienne, les rêves s'offrent à nous le plus souvent sous la forme de "bribes", "lambeaux", "fragments", "débris", qui fondent au réveil "comme neige au soleil" (Hellens). Leur matière première semble faite d'une substance vaporeuse et insaisissable, "comme si en eux le souvenir et l'oubli enfin coïncidaient" (Blanchot). Il est donc probable que les récits qui en sont faits aient évolué en fonction de la conception dominante du rêve dans les diverses cultures. Le récit onirique doit aussi avoir été marqué par le contexte littéraire et l'esthétique des oeuvres à l'intérieur desquelles il est inséré. C'est dans cette perspective que l'on voudrait interroger non seulement les figures de la forme narrative (Canovas), mais les structures événementielles et actantielles du récit de rêve, avec ses modes d'organisation en séquences temporelles ou spatiales. On pourra également s'intéresser aux configurations imaginaires convoquées par le rêve et les mettre en relation avec les événements d'une existence individuelle ou les archétypes du psychisme humain (Jung).

Un second axe de questionnement est celui des interprétations auxquelles ces récits de rêves ont donné lieu. Énigme envoyée par une activité mentale inconsciente, le rêve est le prototype du récit à portée herméneutique. En tant que tel, il a suscité depuis la plus haute antiquité d'innombrables efforts d'élucidation, tant sous la forme de populaires clés des songes que de savants travaux d'onirocritique. Loin d'être fortuite, l'insertion d'un rêve dans un récit est commandée par la volonté de proposer au lecteur un matériau qui enclenchera un travail d'interprétation, à plus ou moins longue portée. À cet égard, le récit de rêve n'est pas sans parenté avec l'allégorie, dont il apparaît comme la face obscure, diamant noir opposé à la clarté cristalline de l'autre. En tant que tel, il tend aussi à se conformer aux grilles d'interprétation dominantes. On peut donc le considérer, à la suite des travaux de sociologie et d'anthropologie du rêve, comme "the ultimate cultural Rorschach" (Parman).

Enfin, l'étude scientifique du récit de rêve impose que l'on mette au point des méthodes de codage objectif du contenu rêvé, afin de pouvoir soumettre à des analyses quantitatives et comparatives non seulement les milliers de rêves recueillis par des chercheurs et psychologues, mais aussi les récits littéraires.

Pour jeter quelque lumière sur ces diverses questions, notre équipe favorise une démarche multidisciplinaire, considérant que les approches de type littéraire, psychologique et sociologique partagent dans la problématique du rêve un champ d'investigation commun où elles ont intérêt à travailler de concert. Nous espérons ainsi faire avancer la réflexion sur des points de narratologie aussi bien que d'analyse de contenu, contribuer à une histoire des interprétations du rêve et aborder l'imaginaire humain à partir d'une de ses manifestations les plus communément partagées.

Nous invitons toutes les personnes intéressées à nous faire parvenir une proposition de communication avant le 15 février 2003. Le résumé doit compter environ 250 mots. Les communications seront de 20 minutes, suivies de 10 minutes de discussion.


Christian Vandendorpe, U. d'Ottawa, directeur du projet
Nicole Bourbonnais, Lettres françaises, U. d'Ottawa
Guy Laflèche, Études françaises, U. de Montréal
Antonio Zadra, Département de Psychologie, U. de Montréal

Contact: info@reves.ca