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L’Esprit Créateur : Haïti par-delà les commémorations

L’Esprit Créateur : Haïti par-delà les commémorations

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Daniel Desormeaux)

APPEL À PUBLICATION (numéro spécial dans la revue L’Esprit Créateur )

Titre : HAÏTI PAR-DELÀ LES COMMÉMORATIONS/ HAITI BEYOND COMMEMORATIONS

Ce numéro spécial de la revue L’Esprit Créateur se propose d’explorer selon des approches multiples le domaine des études haïtiennes en allant au-delà des limites chronologiques d'un siècle à l'autre. Car, en dépit de la popularité de la Révolution haïtienne, intensifiée par le tremblement de terre dévastateur en 2010, il semble que de vastes sous-champs (notamment dans la littérature, l'histoire, l'anthropologie, la culture et la langue) sont toujours sous-exploités. Certains chercheurs ont eu le courage de concéder que le principal obstacle au développement de nouvelles approches heuristiques dans les études haïtiennes serait lié à une trop forte concentration des enjeux interprétatifs et une saturation des sujets de débats. Force est de constater que tout ce qui est dit dans l’effervescence des commémorations se répète indéfiniment. Comme se lamentait Michel de Montaigne en son temps, «  nous ne faisons que nous entregloser » sur une poignée d’événements.

 Sans minimiser ou, pire encore, falsifier ce qu’il y a de bon dans les actes commémoratifs, il serait toujours bon de situer par exemple un contexte élargi pour comprendre le caractère d’un fait historique aussi singulier que 1804. Il s’agirait de décantonner sciemment l’exploration critique de l’avènement de la première république noire en face des puissances esclavagistes et de l’ensemble des épiphénomènes qu’elle a engendrés dans le cadre des réseaux transatlantiques et interaméricains. Toute l’histoire d’Haïti (incluant la longue période saint-dominguoise) a connu beaucoup d’autres relais antérieurs qui méritent d’être examinées selon ces mêmes principes d’interrelation.  Certaines données sur l’esclavage, la famille, la citoyenneté et la race dans la colonie pendant la période des Lumières proprement dite (plus exactement dans la première moitié du XVIIIe siècle) ne sont connues que des experts en la matière; c’est un terrain qui a besoin d’être déblayé sur le plan synchronique. Le genre de travail collectif que nous proposons, sans une niaise prétention de réinventer la roue, visera à ouvrir sereinement la discussion sur d’autres dispositions critiques. D’où l’idée d’une aventure interprétative moins empreinte de docilité herméneutique, un geste d’excavation qui n’aurait pas peur d’exhumer les archives rares, de faire valoir l’inédit haïtien sous toutes ses formes, d’imaginer des relations d’influence imprévisible et risquer des associations philosophico-politiques sur des documents plus souvent cités que réellement lus.

L’orientation de ce volume sera surtout animée d’un effort de désencombrement théorique et historique. Mais nous sollicitons de façon indiscriminée des réflexions épistémologiques, philosophiques et historiques sur des objets textuels variés qui ne relèvent pas d’une même période précise. Nous plaidons pour réintroduire d’autres espaces de questionnement, d’autres problématiques discursives, d’autres protagonistes méconnus, d’autres facettes de l’histoire de la littérature haïtienne, sinon d’autres sous-domaines qui auraient été déjà effleurés.

En d’autres mots, l’éditeur de ce numéro sur Haïti souhaiterait voir les contributions embrasser sans parti pris idéologique tous les matériaux historiques et culturels qui sont échelonnés sur trois siècles. Une légère préférence serait peut-être accordée au « XIXe siècle haïtien », où se manifeste très concrètement la formation d’une pensée ouverte à l’universel, où il est loisible de fouiller dans la masse des œuvres haïtiennes qui se trouvent à cheval entre la littérature, l’histoire, la philosophie politique et l’anthropologie. L’unique fil directeur serait de réunir un ensemble d’études interdisciplinaires portant sur les rapports croisés de l’état d’esprit moderne et des enjeux propres à Haïti (sans exclure Saint-Domingue) au-delà des liens trop prévisibles, au-delà des dates historiques qui reviennent trop facilement et surtout au-delà des noms des détracteurs comme Hegel ou Gobineau que l’on impose comme des figures incontournables. Faire valoir d’autres facettes auxiliaires de l’histoire ou même la préhistoire d’Haïti en introduisant par exemple sur sa trajectoire littéraire d’autres relations de connaissance qui avaient été tissées dès les Lumières, en marge de plusieurs disciplines anthropologiques : c’est le seul mot d’ordre. Nous espérons attirer et accueillir des essais universitaires inédits, des travaux d’érudition ou de réflexion critique qui seraient débarrassées, dans la mesure du possible, du regard pétrifiant de toute méduse dialectique.

Les intéressé(e)s peuvent proposer un sujet avant le 15 septembre 2014, ou soumettre directement leur manuscrit (en anglais ou en français) en pièce jointe d'un mail avant le 1e février 2015, à Daniel Desormeaux (ddd@uchicago.edu).