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Que reste-t-il de 1917 ? (revue Écrans)

Que reste-t-il de 1917 ? (revue Écrans)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Ecrans)

1917. Que reste t-il d’une révolution ?

Le cinéma, l’histoire, l’art, la politique

Numéro Spécial de la Revue Ecrans

Octobre 2017

 

On peut s’introduire dans le 20ème siècle de bien des manières. Mais il est certain que la révolution de 1917 est l’une des rares qui fasse coïncider la fin d’un empire, l’avènement d’un pays communiste et la naissance des premières utopies esthétiques. S’agissant du cinéma, l’événement nous met au contact d’une réalité bien particulière qui veut que le destin d’un art soit intimement lié au sort d’une révolution politique. Le cinéma russe et soviétique a, de ce point de vue, longtemps joui d’une autorité esthétique qu’il devait à ses essais théoriques autant qu’à quelques cinéastes – Koulechov, Poudovkine, Eisenstein, Vertov, Dvojenko, etc. – dont les œuvres ont impressionné l’époque. Pourtant, si l’on s’en tient à la stricte chronologie, les écrits russes sur le cinéma sont postérieurs aux textes qui s’écrivent en Europe et aux Etats-Unis. Les futuristes italiens publient en 1912 le Manifeste technique de la littérature futuriste qui compose une première apologie du cinéma, suivie en 1916 d’une Cinématographie futuriste signée par Marinetti, Corra, Balla, Settimielli, Ginna et Chiti. Aux Etats-Unis Eustache Hale Ball et James A. Taylor rédigent respectivement en 1913 et 1914 les premiers manuels à destinations des scénaristes et cinéastes américains, tandis que Vachel Lindsay fait paraître en décembre 1915 The Art of the Moving Picture, suivi quelques mois plus tard par Hugo Münsterberg qui publie 1916 The Photoplay : A psychological study. Quant à la France, elle crée ses premières revues de cinéma dès 1908 (Ciné-Journal), Maurice Raynal tient sa première chronique cinématographique en 1913 dans Les Soirées de Paris que fonde Guillaume Apollinaire, les premiers articles de Louis Delluc datent de 1917 et Philippe Soupault fait paraître ses poèmes cinématographiques en 1918. Or, lorsqu’on regarde du côté des premiers écrits russes sur le cinéma, on observe que les futuristes russes ne lui sont pas encore favorables. Meyerhold (Théâtre de foire, 1912) et Maïakovski (Théâtre, Cinéma, Futurisme, 1913) refusent d’y voir un art, avant de changer d’avis quelques années plus tard au contact des transformations politiques qui remettent le cinéma au premier plan (Meyerhold, Le portrait de Dorian Gray, 1918 ; Maïakovski, Cinéma et Cinéma, 1922). Il faut ainsi attendre 1917 pour que Koulechov écrive sa première défense du cinéma, 1921 pour que soit fondée la Fabrique de l’acteur Excentrique (FEKS), 1922 pour que l’on puisse lire le premier texte d’Eisenstein sur le cinéma (Le Huitième art), 1923 pour que soit créé le Front Gauche de l’Art (LEF).

Pourtant, 1917 marque le début d’une grande aventure cinématographique qui voit une nation précipiter l’entrée du cinéma dans le monde des arts, au moment où l’industrie du cinéma américain commence d’en voiler l’horizon (Delluc, 1920). Il appartient au centenaire de dresser des bilans, de distinguer les mythes de l’histoire, de rouvrir les dossiers et de relire ce que nous tenons pour vrai. Un siècle après cette césure historique, que reste-t-il de ces films et de ces textes qui, entre 1917 et 1935, ont largement décidé du destin du cinéma mondial ? Quelle place le cinéma contemporain leur a-t-il réservé ? Comment ont-ils influencé nos façons de penser le cinéma ? Comment cette influence s’est-elle écrite à l’échelle du siècle ?

Ces questions feront l’objet d’une journée d’étude à l’automne 2017 qui sera suivie d’un numéro de la revue Écrans. Quelques questions et axes de recherche se dégagent :

1. Si les grands films soviétiques qui ont marqué l’histoire du cinéma n’ont rien perdu de leur actualité théorique, on pourra néanmoins se demander ce que deviennent ceux qui sont restés dans l’ombre de ces chefs-d’œuvre ? Ont-ils été exhumés, réévalués ? Existe-t-il des cinématographies actuelles qui maintiennent des liens esthétiques, politiques avec le cinéma soviétique ? Des cinéastes qui se réclament-ils encore du cinéma soviétique, à la manière de Godard redécouvrant Cinématisme d’Eisenstein lors du tournage de Passion ? Quelles relations le cinéma russe contemporain entretient-il avec son héritage ?

2.         Que reste-t-il de la théorie soviétique des années 1920 ? Comment en refaire l’histoire, en retracer les généalogies, en évaluer l’influence dans le siècle ? On s’intéressera en outre à la manière dont elles ont contribué à construire l’imaginaire esthétique de plusieurs générations de cinéastes et de théoriciens. On se demandera ce que les politiques de l’art et du cinéma qui ont été conduites entre 1917 et 1935 – charnière historique qui voit en même temps paraître les textes formalistes de Poètika Kino (1927) et se fermer l’avenir du cinéma soviétique (1er Congrès des cinéastes soviétiques, 1935) – peuvent encore nous dire de notre situation historique.

3.         La question du montage a été au cœur des théories du cinéma soviétique au moment même où le cinéma américain développait ses grands modèles narratifs, où la théorie française investissait la notion de photogénie, où l’expressionnisme allemand multipliait les expériences plastiques. Comment penser cette situation théorique du cinéma au tournant des années 1920 ? Quels sont les enjeux théoriques pour le cinéma contemporain ? Pour les arts qui en développé l’heuristique ?

4.         Le cinéma a rencontré, accompagné et, parfois, devancé, une histoire en train de se faire, avant d’en être écarté. Comment évaluer cette situation historique à l’aune des transformations historiques que le monde connaissait à la même époque ? Echec de la révolution allemande, fin de la Grande Guerre, Grande dépression, etc. Comment le cinéma contemporain investit-il l’Histoire ? Quels jalons retenir de ces relations complexes entre cinéma et histoire ?

5.         Le cinéma n’est pas seul. Le futurisme russe a été le foyer d’une révolution de l’art avant que le cinéma n’en renouvelle l’approche et les moyens. Les liens du cinéma aux autres arts ne manquent pas d’études, on s’intéressera néanmoins à la manière dont cette première dynamique intellectuelle autour du cinéma a pu être suivie d’expériences empruntant aux souvenirs, voire aux mythologies d’une époque qui a été rêvée à plusieurs reprises (Groupe Dziga Vertov, Medvedkine, etc.).

 

Vous pouvez soumettre une proposition à la revue en l’envoyant à

Mauro Carbone, carbone.mauro@gmail.com

Luc Vancheri, luc.vancheri@univ-lyon2.fr

Et Jean-Pierre Esquenazi, jpierre.esquenazi@wanadoo.fr

Avant le 15 décembre 2016. Les réponses seront données avant le premier février 2017.