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Les Méchants dans la fiction de jeunesse

Les Méchants dans la fiction de jeunesse

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Nathalie DUFAYET)

Infâmes, dangereux, effrayants et infréquentables, les méchants qui hantent la fiction de jeunesse depuis les contes traditionnels compilés par Charles Perrault puis, deux siècles plus tard, par les frères Grimm, n'en sont pas moins charismatiques et, avouons-le, fascinants. Du Grand Méchant Loup à Lord Voldemort en passant par la marâtre de Blanche-Neige et Gollum, les anti-héros des histoires qui ont bercé notre enfance et celle de nos enfants sont à chaque fois la source d'un attrait que certains qualifieront de malsain, d'autres de naturel voire nécessaire, si ce n'est pédagogique.

Cette attirance et même cette préférence paradoxales pour le personnage du méchant, du villain diraient les Anglais, proviendraient de prime abord d'une tendance toute humaine et littéraire : celle de préférer le démon à l'ange, ou même au dieu. L'enfant et plus largement l'homme – et l'enfant qui est en lui – étant des amateurs d'histoires, les aventures d'un malfrat, fondées sur une prise de distance avec la norme, sont systématiquement une garantie de frisson, de suspense, de dramaturgie, bref, d'action et de narration. Le méchant, parce qu'il est un rebelle et, précisément, un hors-la-loi, est aussi celui auquel nous aimerions parfois nous identifier en secret ; il devient dès lors la surface de projection des tabous de notre société et de nos désirs inavoués et/ou inavouables, grâce à un phénomène de catharsis qu'Aristote avait déjà mis à nu dès le IVe siècle avant notre ère.

Ce volume aura pour objectif d'étudier les méchants, célèbres ou non, de la fiction de jeunesse ancienne et actuelle, sous ses formes littéraires, graphiques, cinématographiques, animées ou bien encore vidéo-ludiques. Des figures qui mettent en œuvre une séduction et une héroïsation du mal assurément problématiques dès lors qu'elles bousculent les frontières entre l'Humain et l'Inhumain, le Bien et le Mal et échappent, par conséquent, au cadre confortable et rassurant du manichéisme traditionnel. Que penser dès lors de ces personnages qui dépassent voire mettent à mal, justement, par leur ambiguïté la portée identificatoire et éthique des productions initialement destinées à la jeunesse ? Comment interpréter par exemple le succès du collégien et malfaiteur Artémis Fowl, héros du cycle romanesque éponyme qui assume pleinement sa part d'ombre ? Celui du Professeur Severus Snape qui est tout à la fois le bourreau et le héros de Harry Potter ? Celui de Ms. Coulter, la terrible femme fatale d'À la croisée des mondes qui rejette son engagement idéologique pour sauver sa fille Lyra des griffes de l'Inquisition, à laquelle elle a pourtant condamné un nombre incalculable d'enfants ? Ou bien enfin celui du jeune Will qui se transforme en un monstre sans cœur dès lors qu'il passe de « l'autre côté du miroir » dans le série Reckless qu'est actuellement en train d'écrire Cornelia Funke ? Que nous disent ces êtres de papier de l'époque actuelle ? De nos enfants et adolescents ? De leur rapport au mal ? En quoi sont-ils, ou non, les reflets des bouleversements sociologiques et psychologiques à l'œuvre chez les jeunes lecteurs d'aujourd'hui ?

Autant de questions auxquelles ce numéro spécial de la série « Écritures Jeunesse » de La Revue des Lettres modernes publiée par les Éditions Lettres Modernes Minard, tentera d'apporter des réponses.

Propositions d'article (titre + résumé de 500 mots) à envoyer par mail avant le 31 mai 2015 à Nathalie DUFAYET, directrice éditorial du numéro  (nathalie.legrandini@gmail.com)