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Appels à contributions
Arts de la perturbation

Arts de la perturbation

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Cécile Mahiou)

Appel à contribution Revue Proteus - Cahiers des Théories de l'art n°7

Art de la perturbation

À partir de la fin des années 1950, l’art contemporain n’en finit plus de décontenancer le philosophe. L’évolution des formes de création est telle qu’une autre logique que celle de la reconnaissance de l’art en tant qu’art se développe, « à la périphérie de ce qui était habituellement considéré comme les limites de l’art », analyse Arthur Danto.

Ces limites, le philosophe américain les voit dans le développement de la performance, qu’il juge être un mélange entre la peinture et le théâtre ; et peut-être pense-t-il par cette qualification naïve à l’une des premières propositions plaçant l’action comme principe même de l’œuvre chez les actionnistes viennois. En effet en 1965, pour Die Wiener Spaziergang, l’artiste Günther Brus, vêtu d’habits bourgeois, s’était entièrement recouvert de peinture blanche dans la Neue Galerie Graz, et avait ensuite divisé son corps en deux, grâce à une ligne verticale courant du front jusqu’au pied. L’œuvre consistait non pas à se peindre mais à sortir de la galerie d’art pour évoluer comme un tableau vivant dans les rues de Vienne, y suscitant un malaise croissant parmi les passants au point que la police procéda à l’interpellation de l’artiste.

Cette situation de l’art flirtant avec le trouble de l’ordre – et même le danger – a trouvé un point d’orgue avec les propositions extrêmes de l’artiste Chris Burden dans les années 1970, lequel a tiré à balles réelles sur un avion de ligne, menacé une présentatrice de télévision armé d’un poignard, s’est étendu recouvert d’une bâche noire sur le bord de la route et couru le risque de se faire écraser par les automobilistes. Danto tenait de telles créations, et en particulier la dernière, intitulée Deadman, en mauvaise part. Il les vivait comme une menace non seulement définitionnelle pour l’œuvre d’art mais aussi physique pour autrui. Il avait même imaginé par dérision une œuvre intitulée « Bomb », qui consisterait en une véritable bombe dont on ne saurait déterminer en se rendant à l’exposition si elle allait ou non se déclencher. C’est ce double danger – esthétique et physique – qu’il s’agit d’étudier dans ce numéro 7 de la revue Proteus sous l’appellation d’arts de la perturbation que nous empruntons à Danto.

Qu’est-ce que la création perturbe exactement ? Est-ce l’ordre moral qu’elle dérange ou l’ordre symbolique de sa reconnaissance par un public déterminé ? Que peuvent nous apprendre les perturbateurs sur les rapports qu’entretient l’art avec ce qu’il n’est pas ? Et que peut dire le critique ou le philosophe de l’art sur ces activités qui ne sont plus des œuvres ?

Si l’idée d’une création artistique qui existerait au détriment de la vie de ses participants est bien sûr extravagante, il s’agit là justement de questionner la création comme acte, en prenant la mesure du trouble qu’il cause, mais aussi en cherchant à comprendre quel est le projet que la perturbation – paradoxalement – construit.

Les coordinateurs de ce numéro examineront avec intérêt les contributions d’histoire de l’art, de philosophie, de littérature, etc. Les exemples de performances évoqués dans cet appel ne le sont naturellement qu’à titre indicatif, ils pourront s’étendre à d’autres propositions artistiques, notamment aux créations qui s’inscrivent dans les réseaux médiatiques. Une attention toute particulière sera portée aux articles parvenant à articuler la frontière épistémique de l'art entendue comme limite séparant l’œuvre de la non-œuvre et la frontière épistémologique entendue comme limite séparant l'esthétique des autres champs disciplinaires.

 

Les propositions d'article (une page environ) sont attendues avant le 6 janvier 2014, en pièce jointe anonyme, accompagnées d'une brève présentation de l'auteur située dans le corps du mail adressé à contact[@]revue-proteus.com