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Appels à contributions
Missile, n° 4 :

Missile, n° 4 : "Fantômes"

Publié le par Charlotte Dufour (Source : Les Têtes Chercheuses)

APPEL A CONTRIBUTIONS

Missile, nº4 : « Fantômes »
 

Argumentaire :

« C’était tremblant, c’était troublant,

C'était vêtu d’un drap tout blanc,

Ça présentait tous les symptômes,

Tous les dehors de la vision,

Les faux airs de l’apparition,

En un mot, c’était un fantôme ! »

(George Brassens, « Le Fantôme »)

« Image trompeuse », « illusion », « vision » ou même « fantasme » comme le désigne son origine étymologique phantasma, le fantôme est une figure nébuleuse, éphémère, porteuse de nostalgie et potentiellement effrayante ou trompeuse. Hanter désigne l’action d’un fantôme lorsqu’il apparaît en un lieu, mais être hanté par quelque chose signifie aussi qu’une idée, un souvenir, une personne peut occuper notre esprit jusqu’à l’obsession.

L’imaginaire du fantôme est profondément ancré dans les mentalités humaines : symbole d’un passé qui refuse de s’évanouir, on le retrouve dans nombre de cultures à travers l’espace et le temps où il joue souvent le rôle d’un révélateur social, comme le montre Sabine Doering-Manteuffel en soulignant la corrélation entre attractivité des sciences occultes et périodes de crise[1]. Les histoires de fantômes, dont il est toujours difficile de savoir quel degré de croyance leur accordaient leurs contemporains, existent depuis l’Antiquité gréco-romaine[2]. C’est d’ailleurs un enjeu du christianisme médiéval que de remplacer progressivement les conceptions païennes en la matière par le culte des saints et des visions envoyées par Dieu[3]. Par la suite, les fantômes restent un objet de croyance mais surtout de représentations, en particulier entre la fin du xviiie siècle et le milieu du xxe siècle[4]. La maison hantée s’insère ainsi d’abord dans une « culture gothique » sous l’influence du roman noir anglais avant de constituer l’envers sombre du Home sweet home[5]. Devenu entre-temps une attraction touristique, le fantôme continue à apparaître dans les productions culturelles jusqu’à aujourd’hui.

Difficulté à congédier les morts, à faire son deuil, à trouver une place matérielle et spirituelle pour les défunts… Toutes ces épreuves réelles auxquelles doit faire face l’individu contemporain rejaillissent aujourd’hui tant en littérature, au cinéma que dans les séries télévisées, l’art contemporain ou la musique, à travers les spécificités narratives et esthétiques qui y sont engagées pour représenter la figure du fantôme.

Alors que le fantôme incarne un passage spirituel, qu’en est-il de sa représentation ? Peut-on parler de figure du fantôme ? Car si le fantôme est empreint d’une mémoire, il est aussi celui qui, par l’absence de corps, questionne la désincarnation. De l’esprit, immatériel, à l’enveloppe évoquée par le drap de façon assez caricaturale, les multiples tentatives de représentations du fantôme essaient de rendre compte de ce que l’on ne voit pas ou de ce que l’on voit mal. Détourer, envelopper c’est aussi et surtout poser la question du corps, du volume. Le fantôme serait-il l’image d’un corps ? Plus particulièrement, dans le champ des arts plastiques, l’ombre, l’empreinte, la trace, le processus d’apparition d’une forme sont autant d’évocations possibles et d’outils de résistance face au joug de l’incarnation. Bien plus qu’une question de composition, intensifiant la forme et ce qu’elle enveloppe, le drapé, par exemple, amplifie le mouvement du corps. Vers une représentation fantomatique, entre matériel et immatériel, visible et invisible, qu’en est-il de ce passage de la présence au corps ? De l’image au paysage fantôme, de ce que nous ne voyons pas ou peu à ce qui semble nous regarder, peut-on penser la disparition comme condition de l’apparition ?

Dès L’Aventure de Mme Muir en 1947, la figuration du fantôme au cinéma se révèle ambigüe : celui-ci prend parfois l’apparence du revenant, qui dans toute sa concrétude corporelle se démarque peu des vivants, parfois jusqu’à la méprise entre les deux statuts (Les Autres, Sixième Sens). De Ghostbusters au célèbre masque de la trilogie des Scream, la face du fantôme peut aussi revêtir les apparats de la comédie en même temps que de l’effroi et évoquer les traits caricaturaux des cartoons. Dans les séries télévisées (Afterlife, Medium), devenu répétitif, le retour des morts n’y frôle-t-il pas la banalité, la familiarité ? Narrateur, grand bavard, le fantôme est aussi une voix d’outre-tombe à écouter, un inconnu qui réclame justice, un proche venu conseiller ceux qui lui survivent…

En littérature également, le fantôme se rit des frontières génériques : loin de n’être présent que dans des récits fantastiques (comme Un chant de Noël de Dickens), on le retrouve aussi au théâtre (tragédies antiques) et en poésie (« Je serai sous la tombe et fantôme sans os » écrit Ronsard), dans des œuvres savantes (Hamlet) ou populaires (Harry Potter). Dématérialisé, le fantôme peut être chargé de valeurs symboliques variées : symbole de mort dans la tragédie, objet de peur, comme dans le roman gothique anglais, il fait aussi rire dans des textes comiques ou parodiques (comme Trois Sœurcières de Terry Pratchett). C’est cette plasticité, tant formelle que symbolique, que le présent appel à contribution vous propose d’interroger.

Informations pratiques :

Le prochain numéro de Missile, le journal de l’association de doctorants Les Têtes Chercheuses, vous propose de vous emparer de ce terme de « Fantômes », d’explorer les champs d’investigation ouverts par cette notion. Ce prochain numéro intégrera donc les travaux des doctorants ou jeunes docteurs tant dans le domaine des arts, lettres et langues que dans celui des sciences humaines et sociales, toutes périodes d’étude confondues.

Les formes des contributions que nous vous invitons à nous soumettre sont ouvertes et variées : articles scientifiques de 14 000 signes maximum ou contributions graphiques (dessin, peinture, photographie, etc.). Ces dernières sont attendues pour le 7 février 2016.

À noter :

– vous aurez la possibilité de joindre des documents sonores ou vidéo dans la version numérique du journal ;

– les contributions graphiques seront publiées en noir et blanc, la couleur étant réservée à la version numérique.

Responsables du numéro

Comité éditorial du journal

Basile Bayoux (Tours)

Claire Fonvieille (Lyon 2)

Mathieu Goux (Lyon 2)

Comité scientifique du numéro

Zoé Commère (Lyon 2-Laval)

Maud Desmet (Poitiers)

Edith Magnan (Sorbonne)

Bertrand Aman Affi (Limoges)

Modalités de soumission des articles :

Voici les quatre conditions de publication qui rendent éligible l’auteur :

– être inscrit en doctorat ou être jeune docteur (ayant soutenu dans les 5 ans) ;

– ne pas dépasser 14 000 signes, espaces compris pour publication dans la version papier ;

– respecter les modalités typographiques de présentation des articles, détaillées dans la charte du journal Missile à l’adresse suivante : http://teteschercheuses.hypotheses.org/missile-le-journal-des-tetes-chercheuses/charte-du-journal ;

– les auteurs retenus pour ce numéro devront adhérer à l’association doctorante les Têtes Chercheuses. Ils se donnent ainsi la possibilité d’être informés, voire de participer à leurs nombreuses activités, les adhésions représentant un capital non négligeable pour mener à bien nos initiatives. Les frais de cotisation annuelle s’élèvent à 10 euros.

Les auteurs enverront leurs articles finalisés avant le 7 février 2016 au format .PDF et au format .doc(x) au comité éditorial à l’adresse électronique : teteschercheuses.journal@gmail.com. Le comité se tient à votre disposition pour toute question ou information complémentaires.

En suivant les liens suivants, vous trouverez plus de détails concernant l’adhésion et l’association : http://teteschercheuses.hypotheses.org/a-propos-des-tetes-chercheuses/adherer-aux-tetes-chercheuses

Et pour découvrir les premiers numéros de Missile : http://teteschercheuses.hypotheses.org/missile-le-journal-des-tetes-chercheuses

Les auteurs recevront un courrier électronique de la part du comité éditorial pour les informer des choix du comité scientifique en mars 2016.

 

[1] Sabine Doering-Manteuffel, L’Occulte. Histoire d’un succès à l’ombre des Lumières. De Gutenberg au World Wide Web, Olivier Mannoni (trad.), Paris, Éditions de la MSH, « Bibliothèque allemande », 2011, 288 p.

[2] Thomas Marlier, « Histoires de fantômes dans l’Antiquité », Bulletin de l’association Guillaume Budé, n° 1, 2006, p. 204-224.

[3] Claude Lecouteux, Fantômes et revenants au Moyen Âge, Éditions Imago, Paris, 1996, p. 10.

[4] Comme en témoigne par exemple la vogue des nouvelles fantastiques en Europe à cette période, dont Poe et Maupassant sont d’éminents représentants.

[5] Stéphanie Sauget, Histoire des maisons hantées. France, Grande-Bretagne, États-Unis – 1780-1940, Paris, Tallandier, 2011, 269 p.