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 La mise à l’épreuve du corps (revue Les Chantiers de la Création)

La mise à l’épreuve du corps (revue Les Chantiers de la Création)

Publié le par Marc Escola (Source : Moussavou Nyama, Anouchka Stevellia)

Appel à communications de la revue pluridisciplinaire Les Chantiers de la Création

Aix-Marseille Université (ED 354).

Thème : « La mise à l’épreuve du corps »

 

En vue de sa journée d’étude annuelle du 25 avril 2019, la revue pluridisciplinaire Les Chantiers de la création s’intéresse cette fois à un thème qui a soulevé un nouvel intérêt ces dernières années dans le champ des sciences humaines : le corps.

Les historiens, dans le courant de la Nouvelle Histoire, ont largement contribué à faire du corps un champ d’étude à part entière, comme l’illustrent notamment les travaux de Georges Vigarello. Toutefois, le philosophe José Gil observe la difficulté qu’il y a à constituer le corps en objet d’étude : « Le corps, cet “objet” qui n’en est pas un, semble sujet à une indétermination radicale dès qu’on essaie de le définir. Ce n’est pourtant ni un ensemble d’organes, un organisme, ni une machine, ni le corps de la science avec son objectivité morte. Cet  “objet” — par quoi la mort nous advient — semble se prêter à plusieurs traitements objectifs et toujours avec la même docilité ». Le corps, tantôt tabou, sacralisé ou protégé, est l’objet d’une perception plurielle, évoluant au gré des époques et des sociétés. Pour Jacques Le Goff et Nicolas Truong au Moyen Âge déjà, il est « ce lieu crucial d’une des tensions génératrices de dynamique de l’Occident ». Par exemple, dans le discours religieux, il porte le sceau de la perdition : c’est par la chair que l’âme se retrouve régulièrement souillée, il faut donc s’en détacher pour espérer une élévation spirituelle. Du côté de l’Asie, le taoïsme suggère également, dans sa quête de l'immortalité, de mettre le corps et l’esprit à  l'épreuve par une culture de soi qui implique notamment un contrôle de la nourriture, de la sexualité et du sommeil. Le corps est aussi un lieu de pouvoir, comme l’illustrent les plus grands drames de l’histoire de l’humanité : sévices, torture, génocides. Le corps est alors l’instrument de l’exercice d’un pouvoir de domination. Le désir érotique peut lui aussi constituer une instance de contrainte qui, même socialement institutionnalisée et parfois banalisée, peut générer une violence importante. En outre, bien que le corps soit une donnée variable selon les espaces et les cultures, il apparaît aujourd’hui, d’après A. Le Breton, comme « un alter ego, un double, un autre-soi-même mais disponible à toutes les modifications, preuve radicale et modulable de l’existence personnelle et affichage d’une identité provisoirement ou durablement choisie ». Le corps peut également être lui-même sinon une instance de contrainte, du moins la source d’un certain malaise, comme dans le cas des personnes trans qui éprouvent une non-adéquation entre leur identité et la lecture sociale de leur corps et/ou certaines composantes biologiques de celui-ci. Dans nos sociétés contemporaines, relève David le Breton, « le corps, n’est plus seulement, l’assignation à une identité intangible, l’incarnation irréductible du sujet, son être-au-monde mais une construction, une instance de branchement, un terminal, un objet transitoire et manipulable susceptible de maints appariements ».

Cet élément central de l’être au monde n’a eu de cesse d’être éprouvé. Chaque société a une histoire du et par le corps, qu’il s’agisse du corps du Christ martyrisé, le corps démembré et éparpillé d’Osiris, celui mutilé et exploré de la Vénus hottentote, celui de l’esclave flagellé, celui amaigri des prisonniers des camps de concentration (on songe notamment à la figure du « Musulman » dans les Lager nazis et au dokhodyaga du Goulag). Cette journée d’étude a vocation à interroger les différentes instances de contrainte, d’oppression du corps, qu’elles soient de nature physique (avec la torture par exemple), politique (l’incarcération, …), religieuse (la mortification), érotique (le désir), ou encore sociale et biologique (la transidentité). Le présent appel à communication invite ainsi les différentes disciplines des sciences humaines et sociales ainsi que des arts à croiser leurs réflexions autour du thème de « la mise à l’épreuve du corps ». Les différentes propositions pourront s’articuler autour des axes suivants :

  • le corps objet, exploité  et/ou exhibé : torture, sévices, esclavage, viol, etc.
  • le corps subi, cette enveloppe qui opprime le sujet et entrave toute possibilité d’épanouissement : la mortification religieuse, la transidentité, etc.
  • le corps raconté, dire et se dire à travers le corps : de quel type de récit nos corps sont-ils porteurs ?
  • la mise en œuvre du corps, le corps et son esthétique : quels mécanismes sont employés par les écrivains et les artistes pour la représentation du corps ?
  • l’écriture de la douleur : comment rendre compte d’une expérience dont notre corps porte les stigmates ?
  • transhumanisme : l'homme modifié, augmenté, amélioré. Se sauver par le corps, mythe ou réalité ? Sommes-nous notre corps ou le transcendons-nous ?

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Les propositions d’intervention concernent les doctorant.e.s et jeunes chercheurs récemment diplômés dans les champs disciplinaires des lettres, langues, arts et sciences humaines, et sont à soumettre jusqu’au 15 décembre 2018 inclus à l’adresse suivante revue.lcc@gmail.com.

Elles comprendront 300 mots (+ ou – 10%), hors notes de bas de page, et seront accompagnées d’une biobibliographie de l’auteur.

Les propositions d’installation plastique seront aussi examinées. Merci de nommer vos fichiers comme suit : NOM_TITREPROPOSITION_LAMISEALEPREUVEDUCORPS2019

La journée d'étude se tiendra le jeudi 25 avril 2019 à l’Université d’Aix-Marseille (site Schuman à Aix-en-Provence) et sera suivie de la publication des actes dans le prochain numéro des Chantiers de la Création à paraître avril 2020.

Les communicants devront ensuite soumettre leur article à paraître à une date qui leur sera communiquée ultérieurement (entre 20 000 et 30 000 caractères espaces compris au format Word et répondant à la feuille de style de la revue, consultable à l’adresse suivante : http://lcc.revues.org/786). Il sera ensuite évalué par le comité de lecture.

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Bibliographie indicative 

- Bereni, Laure, Chauvin, Sébastien, Jaunait, Alexandre, Revillard, Anne, Introduction aux études sur le genre, 2e édition revue et augmentée, Louvain-la-Neuve, De Boeck, 2012.

- Blanchard Pascal, Bancel Nicolas, Boëtsch Gilles, Dominicain Thomas et Taraud Christelle, (coll.), Sexe, race & colonies. Paris : La Découverte, 2018, 544 p.

- Butler, Judith, Trouble dans le genre, Paris, La Découverte, "Poche", 2006.

- Courtine Jean-Jacques, Haroche Claudine (dir.), Histoire du visage. Exprimer et taire ses émotions, Paris, Rivages, 1988.

- De Bruyn Pierre-Henry, Le taoïsme Chemin de découvertes. Paris : CNRS, 2009, 282 p.

- Dorlin, Elsa, La Matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la Nation française, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui / Genre et sexualité », 2006, 308 p.

- Dorlin, Elsa, L’Évidence de l’égalité des sexes : une philosophie oubliée au  17e  siècle, Paris, L’Harmattan, 160 p., coll. «  Bibliothèque du féminisme », 2001.

Etoké nathalie, L’écriture du corps féminin dans la littérature de l’Afrique francophone au sud du sahara, Paris, L’Harmattan, 2010, 170 p.

- Foucault, Michel, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, "Tel", 1993.

- Gil José,  Métamorphoses  du  corps,  Paris,  Éditions  de  la  Différence,  coll.  « Essais », 1985.

- Graziani Romain, Le corps dans le taoïsme ancien. Paris : Les Belles Lettres, 2011, 360 p.

- Le Breton David, L’adieu au corps, Paris, Métaillé, 1999.

- Le Goff Jacques et Truong Nicolas, Une histoire du corps au Moyen Âge, Paris, Editions Liana Levi, 2003.

- Mauss Marcel, « les techniques du corps », dans : Sociologie et anthropologie, Paris, Presses universitaires de France, 2001 [1950].

 - Michela Marzano (dir.), Dictionnaire du corps, Paris, PUF, 2007.

- Vigarello, Georges, Corbin, Alain, Courtine, Jean-Jacques (coll.), Histoire du corps, Paris, Seuil, 3 tomes, 2005-2006.

- Vigarello, Georges, Corbin, Alain, Courtine, Jean-Jacques (coll.), Histoire de la virilité, Paris, Seuil, 3 tomes, 2015-

-Vigarello, Georges, Corbin, Alain, Courtine, Jean-Jacques (coll.), Histoire des émotions. Paris, Seuil, 3 tomes, 2016-2017.

- Vigarello, Georges, Histoire du viol du XVIe au XXe siècle, Paris, Seuil, 2000