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Le vide. Appel à communication de la 13e Journée d’étude de la revue doctorale pluridisciplinaire Les Chantiers de la Création

Le vide. Appel à communication de la 13e Journée d’étude de la revue doctorale pluridisciplinaire Les Chantiers de la Création

Publié le par Marc Escola (Source : Les Chantiers de la création)

Appel à communication de la 13e Journée d’étude de la revue doctorale pluridisciplinaire

Les Chantiers de la Création

Thème : Le vide

Aix-Marseille Université (ED 354)

8 avril 2020

 

En vue de sa journée d’étude annuelle, la revue pluridisciplinaire en lettres, langues, arts et civilisations, Les Chantiers de la création, s’intéresse cette fois au thème du « vide ».

Le vide est une notion que l’on trouve à la croisée des champs les plus divers : comme objet d’étude scientifique (redéfini au XXe siècle par la physique quantique), dans le domaine des religions, de la philosophie, des arts visuels et de la scène, de la littérature, de la poésie, de la musique ou encore de la géographie et de la démographie (l’expression « diagonale du vide », employée un temps pour décrire une partie du territoire hexagonal, doit sans doute être ré-interrogée dans le contexte actuel).

On peut noter un manque de variation lexicale en français, notamment par rapport à l’anglais qui distingue empty, void, emptiness : le premier renvoyant au fait d’être inoccupé, le second davantage au vide physique, le dernier à un vide plus psychologique. Les communications qui composeront cette journée d’étude déclineront des termes proches de celui du vide, tels que le néant, la vacuité, la vacance, l’absence, le deuil, l’attente ou encore le silence, autant de déclinaisons possibles d’une même notion.

En Occident, depuis les philosophes antiques, le vide est défini comme absence de toute matière (1). Cette notion a priori négative est ainsi envisagée selon les polarités être/non-être, vide/plein, quelque chose/rien, conception qui modélise la représentation que l’on se fait de la création, qui suggère un passage du rien à l’être, du vide au plein en même temps qu’elle désigne la dimension insoluble, aporétique de ce passage. Cette représentation du geste créateur fait d’ailleurs l’objet d’une querelle ancienne, réactivée notamment à la période romantique, et opposant une conception de la création par imitation à celle de l’inspiration, d’une création ex-nihilo, du vide, exaltant le génie de l’artiste.

Le vide est également à considérer du côté de la réception de l’objet de création. Abordée par de nombreux critiques – Jauss, Eco, Blanchot, ou encore Iser avec le concept de Leerstelle, « place vide » – cette question est au cœur de toute œuvre d’art, orpheline de son créateur et qui, par cette absence même, engage à un dialogue avec le lecteur/récepteur.

Cette journée d’étude aura donc vocation à s’interroger sur la manière dont la création s’empare de cette notion de vide, entendue aussi bien comme expérience métaphysique (l’angoisse liée à l’absence de transcendance), empirique (le vertige face au gouffre, le vide politique lors de la chute d’un gouvernement) psychologique (l’attente, l’ennui, la gêne liée au silence), que comme parti-pris esthétique ou encore comme catégorie du réel que l’œuvre amènerait à reconsidérer (Georges Braque : « Le vase donne une forme au vide – et la musique au silence »).

Les différentes propositions pourront s’articuler autour des axes suivants :

> Le vide comme matériau littéraire. Le récent ouvrage de Nicolas Mathieu, Leurs enfants après eux, prend par exemple le parti de décrire des existences tenues à l’écart de grands pôles d’attraction urbains. On pense aussi aux projets littéraires d’auteurs comme Philippe Vasset consacrés aux zones blanches du territoire, ou de J. Rollin (Zones) sur les périphéries urbaines, qui explorent des espaces considérés comme « vides » selon le critère de productivité des sociétés capitalistes, mais dont l’indétermination s’accompagne d’un caractère de fécondité et de plasticité révélées et mis en forme par l’écriture. Mais le vide peut aussi être un horizon esthétique comme en atteste la célèbre déclaration de Flaubert dans une lettre à Louise Colet (16 janvier 1852), dans laquelle l’auteur prétend vouloir faire « un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style ».

> La dépouillement formel. La richesse découlant du dépouillement de style chez Alain Robbe-Grillet et les écrivains du Nouveau Roman, de l’intrigue et des personnages dans l'écriture minimaliste de Raymond Carver, ou des descriptions et des dialogues dans la démarche "Less Is More" d'Ernest Hemingway, s’apparentent à une tentative de mise en forme du vide. De même, d’un point de vue dramaturgique, l'extrême minimalisme de Samuel Beckett s’exprime par le dépouillement des trois piliers de l'écriture dramaturgique : le temps, l'espace et l'action.

> Musique et spiritualité, la plénitude d'un vide vivant. En musique, on peut évoquer la musique atonale (chez Igor Stravinsky ou Béla Bartok, par exemple) où le dépouillement d'un centre tonal s’apparente également à une tentative de mise en musique du vide. De même, le compositeur américain John Cage, influencé par la conception bouddhiste d’une musique « non sonore » ou « non musicale » à même de faire accéder, par son dépouillement, à une spiritualité, propose avec sa pièce expérimentale 4'33" une composition « silencieuse » dont l’ambition est de relever les bruits de l'environnement dont la musique est habituellement dépourvue.

> Arts Plastiques et l’empreinte du vide. La notion de vide en arts plastiques renvoie à une complexité intrinsèque : l’oeuvre est en quelque sorte objet de non vide, elle personnalise l’acte de dépassement du vide en lui donnant une forme. « L'image du vide » a intrigué de nombreux artistes contemporains depuis la fin des années 50 (entre autres Lucio Fontana, Piero Manzoni, Kasimir Malevich). Le 28 Avril 1958, Yves Klein propose la première exposition sur le vide à la galerie Iris Clert. Dans le sens de l’art conceptuel (Lawrence Wiener, Daniel Buren, Barbara Kruger…), l’espace est ici l’œuvre en elle-même, c’est-à-dire que l'espace vide fait œuvre (2). En outre, l’histoire de l’art observe une crise de la représentation consécutive des grands traumatismes du XXe siècle (guerres mondiales, génocides), mettant en crise l’acte de représentation. Le vide renvoie ici à la question du sens de l'art mais aussi de sa forme. L’art dit contemporain (dès les années 50) s’accompagne d’une crise de la figuration qu'ont nourrie les artistes dits d’avant-garde (Duchamp, Breton, Picabia…) en revendiquant une dé-essentialisation de l’art et en minimisant les éléments perceptuels ou physiques de l’œuvre. Depuis le début des années 2000, l’avènement du numérique et la multiplication d’une circulation continue d’images ont accéléré la crise du rôle de l’œuvre d’art dans un paysage saturé où concepts de plein et vide se mêlent.

La revue Les chantiers de la création étant une revue doctorante, cet appel s’adresse exclusivement aux doctorant.e.s et jeunes docteur.e.s (dont la thèse a été soutenue dans les deux dernières années).

Les propositions d’intervention devront être envoyées à l’adresse suivante : revue.lcc@gmail.com avant le 31 décembre 2019.

Elles comprendront 300 mots (+ ou – 10%), hors notes de bas de page, et seront accompagnées d’une biobibliographie de l’auteur.

Les propositions d’installation plastique seront aussi examinées. Merci de nommer vos fichiers comme suit : NOM_TITREPROPOSITION_LAMISEALEPREUVEDUCORPS2019

La journée d'étude se tiendra le 8 avril 2020 à l’Université d’Aix-Marseille (site Schuman à Aix-en-Provence) et sera suivie de la publication des actes dans le prochain numéro des Chantiers de la Création au printemps 2021.

Les communicants devront ensuite soumettre leur article à paraître à une date qui leur sera communiquée ultérieurement (entre 20 000 et 30 000 caractères espaces compris au format Word et répondant à la feuille de style de la revue, consultable à l’adresse suivante : http://lcc.revues.org/786). Il sera ensuite évalué par le comité de lecture.

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Notes

Si sa possibilité est récusée chez Aristote (Physique), elle est en revanche chez Lucrèce et d’autres atomistes la condition de formation des corps. Voir aussi le concept de la chorâ, auquel Platon se réfère dans l’un de ses derniers dialogues, le Timée. Plutôt qu’une absence nette de matière, il s’agit d’un troisième genre d'être, ni absolu ni relatif, désignant à la fois la matrice de l’être et son empreinte.

D’autres artistes et commissaires d’exposition ont depuis creusé la question d’une représentation plastique du vide (Contemplating the void : Interventions in the Guggenheim Museum, 12 février-28 avril 2010).

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Bibliographie indicative

Agamben, Giorgio, La fin du poème, Belfort, Circé, 2002.

———. Nudités, Paris, Éd. Payot & Rivages, 2012.

Bianco, Manon, « L’importance du vide dans l’art », Revue Nόtos, Espaces de la création: arts, écritures, utopies, n°2, 2014, http://www.revue-notos.net/?page_id=580 (consulté le 04/11/2019).

Basanta, Adam, The Sound of Empty Space, Exposition du 19 février 2015 au 21 mars 2015, GALERIE B-312, Montréal (Québec), http://www.galerieb312.ca/programmation/adam- basanta-sound-empty-space (consulté le 04/11/2019).

Berque, Augustin. « Chapitre 1. La chôra chez Platon », Thierry Paquot éd., Espace et lieu dans la pensée occidentale. De Platon à Nietzsche, Paris, La Découverte, 2012, pp. 13-27.

Cassé, Michel, Du vide et de la création, Paris, Odile Jacob, 1993.

Cheng, Francois, Vide et plein : le langage pictural chinois, Paris, Éditions du Seuil, 1979.

Chua, Daniel K. L., Absolute Music and the Construction of Meaning, Cambridge, Cambridge University Press, 2006.

Close, Franck, Qu'est-ce que le vide ?, EDP sciences, « Bulles de science », Monts, 2010.

Copeland, Mathieu, John M. Armleder, Laurent Le Bon (éd), Vides, une rétrospective, Centre-Pompidou, ; Kunsthalle Bern, ; Centre Pompidou-Metz, Zurich, JRP Ringier, Ecart Publications, 2009.

Cramoisan, J.P. Merde à Duchamp, Titanic-Toursky, Marseille, 2018.

DeLillo, Don. L’homme qui tombe, Arles, Actes sud, 2010.

Derrida, Jacques, Khôra, Paris, Galilée, 2006.

Desmet, Nathalie. « L'Art de faire le vide. L'exposition comme dispositif de disparition de l'œuvre », Nouvelle revue d’esthétique, vol. n °8, no. 2, 2011, pp. 40-49.

Didi-Huberman, Georges. Génie du non-lieu: air, poussière, empreinte, hantise, Paris, Les Éditions de Minuit, 2001.

Eco, Umberto, L’œuvre ouverte, Paris, Points, 2015.

Roth, Berta, « Beckett. Au creux des mots », Topique, Vol. 3, n° 120 (2012), pp. 101-111.

Shiyan Li, Le vide dans l’art du XXe siècle. Occident, Extrême-Orient, Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, 2014.

Wajcman, Gérard, L’objet du siècle, Editions Verdier, 1998.