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Appels à contributions
Balzac penseur ?

Balzac penseur ?

Publié le par Vincent Ferré (Source : Francesco Spandri)

BALZAC PENSEUR ?

Colloque international de l’Université de Roma Tre

organisé avec le soutien de : Département des Sciences Politiques (Université de Roma Tre), Centre d’Études italo-françaises (Université de Roma Tre), Institut français Italia, Centre de Recherche sur les Poétiques du XIXe siècle (CRP 19) de l’Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, Centre d’Études et de Recherches Interdisciplinaires en Lettres Arts Cinéma (CERILAC) de l’Université de Paris 7, Groupe International de Recherches Balzaciennes (GIRB) de l’Université de Paris 7, Seminario di Filologia Francese (SFF)

12-13 mai 2016

Département des Sciences Politiques (via Gabriello Chiabrera, 199 ‒ 00145 Roma)

Centre d’Études italo-françaises (Palazzo Capizucchi, Piazza di Campitelli, 3 ‒ 00186 Roma)

Sous la direction de Francesco Spandri

Comité scientifique : Éric Bordas, Andrea Del Lungo, Francesco Fiorentino, Luca Pietromarchi, Francesco Spandri

Comité organisateur : Veronic Algeri, Francesco Spandri

Appel à contributions

Toute une tradition voit en l’auteur de La Peau de chagrin et de Louis Lambert un penseur autant qu’un romancier : « le peintre et le philosophe » (Paul Bourget) demeurent inséparables ; la pensée est tout pour l’artiste et Balzac en a sondé les « abîmes » (Barbey d’Aurevilly) : en 2000, le colloque organisé par le GIRB à Cerisy-la-Salle prenait pour objet “Penser avec Balzac”. Cette double vocation à dire et à (faire) penser se fixe dans l’image lumineuse que projette sur lui la puissante analyse de Taine élaborée juste après le milieu du siècle : celle d’un observateur qui ne cesse de philosopher « sur l’homme », d’un écrivain qui a « des idées générales sur tout » et dont le monde fictionnel peut bien être conçu comme un ferment prodigieusement actif de réflexion critique.

Du reste, la pratique de la philosophie se caractérise pour le jeune Balzac par un intense travail de recherche spéculative qui se concrétise dans les écrits des années 1818-1823 : c’est dans les fragments du Discours sur l’immortalité de l’âme et dans l’Essai sur le génie poétique, c’est dans les notes de lecture sur Malebranche et Descartes, D’Holbach et Spinoza qu’on retrouve le matérialisme unitaire d’un La Mettrie et l’exigence analytique devenue incontournable. Sans compter que ce « besoin faustien de connaissance » (E. R. Curtius) commande le mouvement simultané d’une méditation qui ne peut avancer sans créer d’interférences (par exemple entre le texte de Sténie et le Discours).

Tout à la fois mystique et matérialiste, Balzac reconnaît à la littérature sa pertinence épistémique. Cette entité fluide qu’est l’idée existe chez lui comme force sociale et actantielle : l’idée agit sur la matière et maintient une présence multiforme au sein de la diégèse. Le précepte que Vautrin adresse à Lucien de Rubempré : le fait « n’est donc plus rien en lui-même, il est tout entier dans les idées que les autres s’en forment » (Illusions perdues) dit on ne peut mieux la stricte dépendance du monde factuel à l’égard du monde intelligible.

Lorsque Balzac proclame son siècle « l’ère de l’intelligence » (Lettres à Mme Hanska), sa logique tend vers une clé d’interprétation globale. Le temps latent de l’histoire favorise l’abandon progressif de la violence au profit du triomphe irrévocable de la pensée : « l’homme armé de la pensée a remplacé le banneret bardé de fer » (Traité de la vie élégante). Le devenir-pensée de l’homme ne peut toutefois servir de fondement à la représentation qu’à condition d’adopter une ouverture radicale permettant à l’auteur de faire fonctionner les « passions, les vices, les occupations extrêmes, les douleurs, les plaisirs » (Les Martyrs ignorés) dans une relation d’équivalence à l’activité pensante.

Cette immense mutation de poétique (et d’époque) est palpable dans l’ensemble de la production balzacienne. Elle est capitale pour l’économie du personnage. Le goût monomaniaque d’un Frenhofer pour l’abstraction, la passion unique d’un Hulot et les ravages qu’elle cause dans la sphère individuelle et familiale sont des thèmes dominants non seulement dans les Études philosophiques mais dans toute La Comédie humaine. L’axiome de Rousseau : « l’homme qui médite est un animal dépravé » (second Discours) est bien propre à définir la question qui hante le grand texte romanesque. C’est de cette hantise que se nourrit la « rumination théorique » (P. Macherey) du roman de Balzac.

Plusieurs pistes, non exhaustives, peuvent être explorées :

- il s’agira de saisir le principe du devenir-pensée de l’homme par rapport à l’élaboration d’un projet qui combine la connaissance du détail et la quête de la totalité ‒ on songe au trio qui règne dans l’« Avant-propos » de La Comédie humaine : Buffon, Cuvier, Geoffroy Saint-Hilaire ‒ mais aussi de relier ce principe matriciel au sens d’une poétique qui fait de l’immatériel, de ses réalisations et de ses enjeux le champ favori de la création

- il importera d’affirmer une conception de la “philosophie” balzacienne comme conscience qui se transpose et se meut dans l’élément du dire

- on pourra envisager la parole en tant que prolongement sensible de l’activité abstractive au sein d’un espace social qui vise à transformer la guerre et la lutte armée en langage

- il conviendra d’examiner la figure du pur penseur qui choisit la voie suicidaire ainsi que, à l’autre pôle, celle de l’artiste qui n’« est un souverain » (Des artistes) que parce qu’il pense

- on s’attachera à montrer à quel degré le « temps des exploitations intellectuelles » (L’Illustre Gaudissart) vers lequel la nouvelle société se dirige impose au récit qu’il s’ancre dans le paradigme quantitatif et dans la complexité du phénomène économique

Les propositions de communication, ne dépassant pas les 300 mots et accompagnées d’un court CV et d’une liste de publications seront envoyées avant le 15 décembre 2015, sous la forme d’un fichier Word attaché, à l’adresse suivante : francesco.spandri@uniroma3.it

Les repas et le logement des intervenants seront intégralement pris en charge par le Département des Sciences politiques de l’Université de Roma Tre.