Essai
Nouvelle parution
A.-M. Sohn,

A.-M. Sohn, "Sois un homme !" - La construction de la masculinité au XIXe s.

Publié le par Marc Escola

"Sois un homme !" - La construction de la masculinité au XIXe siècle
Anne-Marie Sohn


Paru le : 19/03/2009
Editeur : Seuil
Collection : L'Univers historique
ISBN : 978-2-02-098314-3
EAN : 9782020983143
Nb. de pages : 456 pages


Prix éditeur : 23,00€


Comment devient-on un homme? Comment se construit l'identité masculine? En traquant l'incident, si minime soit-il, la rixe aussi, en un siècle prompt à manier le couteau et le bâton, Anne-Marie Sohn saisit autant d'occasions pour observer sur le vif la façon dont se forge un tempérament d'homme.
Elle suit ainsi les jeunes Français dans les épreuves qu'il leur faut surmonter, au cabaret et à l'usine, au lycée et sur la place publique, pour s'approprier les mots et les rites masculins. Elle révèle ce que cette socialisation doit à l'intervention des pères qui sont, pour leurs fils, tout à la fois des modèles, des mentors et des censeurs. Elle montre surtout le déclin d'une masculinité fondée sur la force, le courage et l'honneur, au profit d'une masculinité apaisée où la parole remplace le geste, où l'affrontement cède devant la médiation, phénomène étroitement lié à l'avènement des procédures démocratiques.
Cette histoire de la masculinité juvénile dessine également en creux le modèle qui régit la socialisation des filles et pèse sur leur émancipation.

Sommaire:

Maîtriser l'habitus masculin
Conquérir les espaces et le temps des hommes
Tester sa virilité et intérioriser
Grossièreté, obsession sexuelle et apprentissages virils
L'apprentissage des rôles publics: le soldat pour modèle
Initiation à la citoyenneté et aux privilèges politiques de la masculinité
Esprits forts et sexe forts
Tel père, tel fils?
D'une masculinité à l'autre

Anne-Marie Sohn.
Professeur d'histoire contemporaine à l'ENS Lettres et Sciences humaines à Lyon, elle a publié, entre autres, Chrysalides. Femmes dans la vie privée. XIXe-XXe siècles (Publications de la Sorbonne, 1996) et Age tendre et tête de bois. Histoire des jeunes des années 1960(Hachette, 2001).

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On peut lire sur le site nonfiction.fr un article sur cet ouvrage:

"On ne naît pas homme, on le devient", par D. Valence.

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Et dans Libération du 9/7/9:

L'âge d'homme à la loupe

XIXe siècle. Anne-Marie Sohn étudie la façon dont se bâtit l'identité masculine.


Par YANNICK RIPA

ANNE-MARIE SOHN Sois un homme ! La construction de la masculinité au XIXe siècle Seuil, 457 pp., 23 euros.

Quelgarçon d'autrefois, mais peut-être même d'aujourd'hui, n'a pas entenduun jour ce «Sois un homme !», injonction péremptoire, souvent prononcéepour condamner des comportements jugés peu virils ou inviter à despostures qui inscrivent le garçon dans la lignée des adultes mâles ? Sil'ordre est séculaire, Anne-Marie Sohn a tôt fait de montrer qu'il nese réfère pas à une identité unique et statique mais recouvre desréalités différentes selon les lieux, les classes et les moments dulong XIXe siècle. Ce livre confirme ce que dévoilaient lespremières études sur la masculinité, champ de recherches en pleindéveloppement : on ne naît pas homme, on le devient.

C'est sur ce devenir et son évolution que l'auteure interroge lesarchives ; un questionnement complexe car, à la différence des filles,les jeunes gens ne sont ni des diaristes ni des épistoliers. Ce silencesur soi exprime la tranquillité d'esprit de celui dont l'identité,parce qu'elle est la norme, génère peu d'interrogations angoissées.Toutefois, l'historienne montre que le devenir homme induit lasoumission des jeunes gens à des modes de socialisation et impliquetoute une geste propre à exprimer l'éclosion de la virilité.

Barbe et muscle. Pour être efficients, cesprocessus doivent se donner à voir et, en premier lieu, sur le corps :la barbe - mais aussi la moustache, signe de distinction de courage carinitialement réservée aux officiers dont l'ombre napoléonienne estécrasante au début du siècle - et le muscle sortent déjà les garçons del'enfance, insistent sur la force, quand dans le même temps la pubertéassigne les filles à la faiblesse.

L'ouvrage montre que la conquête de la virilité passe par lamaîtrise de «l'habitus masculin», de ses espaces (le cabaret, la rue,les maisons closes) et de son temps (libre et non limité par la nuit) ;les jeunes gens recourent, souvent aidés par l'alcool, à l'excès qui «grossit les traits de la masculinité en construction : agressivité, violence physique, point d'honneur chatouilleux».Ces comportements interpellent les parents - le père, modèle masculinpar excellence, mais aussi la mère à l'indéniable influence -, et lesinstances de régulation sociale : professeurs, policiers ou juges.

Bizutages. Ces adultes délimitent le permis etl'interdit et nous donnent à voir leur adhésion à la construction de lavirilité : ainsi se comprennent l'indulgence familiale parce quel'indiscipliné exprime, à ses yeux, sa jeunesse et le bouillonnement desa masculinité, celle plus encore des municipalités qui longtempsjugent nécessaires à sa jeunesse mâle les rixes intercommunales,l'acceptation de bizutages dont la cruauté mesure la virilité, ladifficulté de tous à interpréter les révoltes lycéennes et étudiantes,entre expressions d'une virilité en devenir et actes politiques.

Dépouillées aux quatre coins de la France, les archives donnent àcette étude une dimension nationale, malgré la présence massive de lajeunesse étudiante urbaine. Ces lectures croisées dessinent avecfinesse la modification des preuves de virilité; l'historienne reliecette évolution à la montée de l'individualisme, à l'écolerépublicaine, mais plus encore à la politique qui joue,s'étonne-t-elle, un rôle décisif dans la «recomposition des masculinités».Elle en constate les prémisses dès la révolution de Juillet qui, par laliberté qu'elle a brièvement insufflée, a contribué à une «acculturation accélérée», favorable à la pacification des moeurs.

La teneur du «Sois un homme !» est bouleversée après 1880.Auparavant dominait, et sans partage jusque dans la décennie 1860, unemasculinité qui s'affirmait par la violence souvent confondue avecl'honneur (bagarres, insultes, duels), inscrite dans le prolongement dela figure militaire, et plus encore, dans les logiques communautaires ;désormais, s'impose «une masculinité apaisée, où la paroleremplace le geste, où la compétence prime sur la domination primaire,où la médiation remplace l'affrontement». Reste que cette «civilisation des moeurs» versus masculin ne touche pas chacun pareillement.