Essai
Nouvelle parution
A. Badiou, A. Finkelkraut, L'Explication. Conversation avec Aude Lancelin

A. Badiou, A. Finkelkraut, L'Explication. Conversation avec Aude Lancelin

Publié le par Laurent Zimmermann

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Alain Badiou et Alain Finkelkraut

L'Explication.Conversation avec Aude Lancelin

Lignes

176 p.

ISBN : 978-2-35526-052-0

17 euros

 

 

   Présentationde l'éditeur :

 

 

   Les deux «  adversaires  »ici en présence témoignent, dans le débat d'idées, de deux visionsirréconciliables. Tout, dans leurs prises de positions respectives, les sépare  :Alain Badiou comme penseur d'un communisme renouvelé  ;Alain Finkielkraut comme observateur désolé de la perte des valeurs. Laconversation passionnée qui a résulté de leur rencontre – à l'initiative deAude Lancelin – prend souvent la tournure très vive d'une «  explication  »,aussi bien à propos du débat sur l'identité nationale, du judaïsme et d'Israël,de Mai 68, que du retour en grâce de l'idée du communisme. Mais le présentvolume ne se réduit pas à la somme de leurs désaccords. Car ni l'un ni l'autrene se satisfont, en définitive, de l'état de notre société ni de la directionque ses représentants politiques s'obstinent à lui faire prendre. Si leurs voixfortes et distinctes adoptent, un moment, une tonalité presque semblable, c'estsur ce seul point.

 

 

 

 

   Ce face à face exceptionnel rendsaillantes les principales lignes de fracture de la politique et de la penséefrançaise, que le jeu politico-médiatique n'expose le plus souvent que pour lesbrouiller un peu plus. C'est ici le double sens du titre« L'Explication » : une vive conversation où s'opposent despoints de vue éloignés ou irréconciliables, en même temps qu'un effort communde clarification.

   Alain Badiou et Alain Finkiekrautincarnent deux visions politiques et théoriques diamétralement opposées. Leursrencontres, intervenues à l'invitation d'Aude Lancelin pour le NouvelObservateur puis pour préparer le présent volume, portèrent en premier lieu surla décision du gouvernement de faire une nouvelle fois de « l'identiténationale » un thème de campagne (décision portée par Éric Besson quidonna lieu, comme on le sait, à des rencontres organisées dans les préfecturesà la fin de l'année 2009 et au début de l'année 2010). Au sujet de l'identité,Alain Finkielkraut appartient au camp de ceux qui considèrent que la Franceferait face à une crise profonde, qui prendrait la forme, selon lui, d'une« exécration [...] de la France dans une fraction non négligeable desnouvelles populations françaises », ajoutant préventivement : « Il faut vivre à l'abri du réel pour considérer que cette francophobie militanteest une réponse au racisme d'État ou à la stigmatisation de l'étranger. »Pour Alain Badiou c'est bien au contraire la captation par le gouvernement,d'un débat sur « l'identité nationale » qui inquiète. Il y voitl'application d'une politique injustifiable, nauséabonde, qui validerait ladénomination de « pétainisme transcendantal » utilisée par lui dansdès 2007 dans son ouvrage De Quoi Sarkozy est-il le nom ? pour qualifierla politique de Nicolas Sarkozy. Car, affirme-t-il aujourd'hui, « unediscussion organisée par le gouvernement sur ‘l'identité française' ne peutqu'être la recherche de critère administratifs sur ‘qui est un bon Français quine l'est pas' ».

   La suite de leur conversation meten évidence le fait que le référent identitaire, même lorsqu'il est éloigné dela question circonstancielle de ce fameux « débat national » (qui adepuis fait long feu) continue d'opposer vivement les deux adversaires. Cela,sur chacune des autres thématiques politiques abordées dans le volume :Mai 68 ; le judaïsme et Israël ; l'idée du communisme. La réflexiond'Alain Finkielkraut s'organise en effet autour de sa fidélité affichée à uneappartenance singulière transmise par l'héritage culturel ou par l'Écolerépublicaine (une identité unifiée, fondée sur la perpétuation de référentstraditionnels et le respect d'un certain nombre de symboles qui seraientaujourd'hui bafoués : le drapeau, l'hymne national, l'autorité professale,etc.). À cette conception qu'il juge « étriquée », Alain Badiouoppose la conception suivante : l'identité (en supposant que l'on enaccepte la catégorie) doit, selon lui, être immédiatement transmissible defaçon universelle, résultant d'un choix personnel et surtout : maintenue àl'écart de l'État. En substance, la politique doit pouvoir se satisfaired'identités multiples, et s'organiser indépendamment des frontières nationales.Quand Alain Finkielkraut s'emploie à déplorer « la perte des choses »(et donc à souhaiter le retour à un ordre ancien), mais aussi à s'affliger de« la dévastation de la terre, [du] progrès de la laideur, [de] ladestruction de la faculté d'attention, [de] la disparition du silence, [et de]l'entrée dans l'âge technique de la liquéfaction de tout », Alain Badiouavance quant à lui la conception d'un monde ouvert où le phénomène nouveauserait que le « la prolétarisation générale du monde s'est étendue au-delàde notre continent […] alors que le monde est aujourd'hui partout aux mainsd'oligarchies financières et médiatiques extrêmement étroites qui imposent unmodèle rigide de développement, qui font cela au prix de crises et de guerresincessantes. » Dans ce monde-là, affirme-t-il, « considérer que, leproblème c'est de savoir si les filles doivent ou non se mettre un foulard surla tête, paraît proprement extravagant. »

 

 

 

Écrivain, philosophe, professeurémérite à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, Alain Badiou a récemmentpublié Éloge de l'amour (Flammarion,2009).

 

Alain Finkielkraut est professeurà l'École polytechnique. Il anime l'émission «  Répliques  »sur France Culture. Il a récemment publié Uncoeur intelligent (Stock/Flammarion, 2009).

 

Aude Lancelin est journaliste au Nouvel Observateur. Elle a publié Les Philosophes et l'amour (avecM. Lemonnier, Plon, 2008).