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2e Biennale internationale d'études sur la chanson (Aix-en-Provence / Lyon)

2e Biennale internationale d'études sur la chanson (Aix-en-Provence / Lyon)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Joël July)

2e BIENNALE INTERNATIONALE D'ETUDES SUR LA CHANSON

Aix Marseille Université / Université Lyon 2

Du mardi 2 au vendredi 6 avril 2019

 

Le réseau de recherches les Ondes du monde (lesondesdumonde.fr), né à l'université d'Aix-Marseille et regroupant par une Convention de recherche dix universités européennes, dont se sont rapprochés de nombreux autres chercheurs, a lancé en 2017 le principe d’une « Biennale internationale d’études sur la Chanson ». La première édition s'est déroulée sur 5 journées en septembre 2017 à Aix-en-Provence (AMU, Conservatoire, Sacem) et à Marseille (MUCEM) puis dans les Hauts-de-France, au Musée du Louvre-Lens. Elle était organisée par AMU (à l'initiative des trois laboratoires CAER, CIELAM, LESA) et par trois universités partenaires : Lille, Valenciennes, Amiens. Elle a permis de dresser une « Cartographie de la chanson contemporaine ». Après le succès de ce premier colloque international, dont les actes seront publiés en 2019 aux PUP, nous proposons de consolider cette initiative permettant de fédérer les travaux sur la Chanson, conformément au cahier des charges prévu par un soutien d’AMidex dans le cadre de la « Pépinière d’excellence », par une deuxième Biennale, en conservant le principe de l’organisation en partenariat avec une autre université. L’événement sera cette fois co-organisé par AMU (porteur de projet : Perle Abbrugiati du CAER, en collaboration avec Joël July du CIELAM et Jean-Marie Jacono du LESA) et par l’Université Lumière Lyon 2 (porteur de projet : Céline Chabot-Canet de Passages XX-XXI). On examinera toutes les ambiguïtés et équivoques du genre Chanson, pour montrer non pas la faiblesse mais la complexité de ce genre que la musique place à mi-chemin entre le poétique et le populaire.

 

Du malentendu dans la chanson

Le titre de ce colloque pourrait paraître paradoxal pour un genre oratoire et prétendument simple comme la chanson, et relever du calembour. Pourtant nous pensons que plus qu'un autre genre, la chanson, qui ne laisse jamais assez de temps à l'auditeur1, en proposant un air qui couvre, distend ou distancie le texte, en imposant une mise en voix non conventionnelle, artistique, et surtout en se coulant dans notre vie quotidienne parfois insidieusement ou aléatoirement, court le risque de n'être pas bien entendue. Mais est-ce réellement un risque ? N'est-ce pas aussi une chance qu'elle assume et/ou recherche ? Le défaut d'ajustement, les conditions d'écoute, la durée très maîtrisée font quasiment partie de son cahier des charges et elle doit jouer avec cela. Il sera certainement difficile de systématiquement démêler si le malentendu est prévu à la création (avant ou pendant la réalisation du chant) ou s'il se forge à la réception (pendant et après le chant) ; aussi envisagerons-nous un spectre large qui pourrait inclure tout ce qui relèverait, sans position axiologique, de l'accident, du hasard, de la faille, de la surprise ou de l'incompréhension ; de l'erreur involontaire ou tolérée qui devient créative à l'ambiguïté naturelle ou volontaire qui devient poétique...

Dans la vie courante, le malentendu est source de retard, d'agacement et de conflit : il illustre le tragique de notre quotidien. En chanson, genre simple en première analyse qui cherche la communication universelle, et qui pourtant se prête à bien des complexités, ce malentendu doit être réévalué car il s'agit certainement moins de mal entendre que d'entendre autrement.

 

Equivoque et méprise : des hasards fertiles 

Le contexte d'interprétation ou de diffusion peut dégager de nouveaux sens dans une chanson. Il peut aussi agir (plus ou moins volontairement) sur l’œuvre, à la faveur d'erreurs de perception, d'interprétation, de destination, de traduction, etc. L'entente délicate et les contraintes deviennent des sortes de hasards productifs. On pourra étudier les cas suivants :

Les conditions d'écoute et de réception rendent la perception difficile ou erronée et pourtant celle-ci, distraite et entravée, favorise, par une insinuation presque inconsciente, la magie de l'instant chansonnier.

Le classement catégoriel, un certain usage de la sectorisation des productions trompent l'attente et l'oreille. Il se met en place une friction entre le texte, tel qu'il est prévu, et la chanson dans son intégralité2 et son impact : les chansons à texte devenues chansons à succès3, les chansons faites par provocation devenues des tubes4, les chansons simples anoblies par le temps (ou par d'autres facteurs historiques, esthétiques), les chansons tristes qui paraissent gaies5 , les chansons gaies, anecdotiques ou sentimentales devenues des chansons politiques ou des hymnes6.

L’erreur fertile7 à tous les niveaux de la création et notamment dans le clinamen de l’auteur-compositeur : petits hasards, grands effets...

La traduction de chanson et le changement de public favorisent variantes, approximations, détournements et réappropriations.

La commercialisation, la mise en spectacle8 ou l'exploitation intertextuelle et/ou intermusicale ajoutent des accidents à l’œuvre écrite et prévue.

Le rapport pourra parfois être jugé conflictuel entre texte et musique, aussi bien
dans la structure de la chanson que par son interprétation (voix,
orchestration, sonorisation, mise en espace, mise en images).

 

Ambiguïté et paradoxe : des sources créatives

Parfois, le malentendu est prévu et programmé à la création. Toutefois, on limitera la portée du terme « ambiguïté », qui est une condition même de la perspective littéraire et artistique d'une œuvre, aux cas où cette ambiguïté provient de la structure même de la chanson, de sa brièveté, de son intermédialité9, de son popularisme10, de sa charge ludique, de son interprétation ou de sa mise en musique. Pourront être envisagées les catégories suivantes :

Erreur tolérée, voire recherchée, des chanteurs « qui chantent trop fort, trop bas, trop faux » et rendent néanmoins leur faiblesse créative. On examinera la faille assumée ou feinte dans l'interprétation vocale : timbre voilé, voix forcée ou en hypotension, tremblement, raucité, défaut de justesse11..., comment rendent-ils leur faiblesse créative ? Cette voix défaillante, libérée des contraintes esthétiques du « bien chanté », conforte par sa singularité l'éthos de l'artiste.

Tours de force prosodiques et littéraires qui sont des tours de force interprétatifs : jeux de sons12 , chansons à trous13, coupures internes au mot14, rimes inattendues ou inentendues15...

Jeux de sens (homonymies qui créent des équivoques16, double-sens, chute surprenante et compréhension rétrospective), jeux énonciatifs (instabilités discursives17, discours rapportés18, destinataire incertain19).

Jeux de paradoxes dans la performance vocale et instrumentale : imprégnation paralinguistique de la voix (ironie20, pastiche, parodie21, sous-entendu), implicite, connotations et allusions, présupposés… La performance interprétative brouille les pistes ou les multiplie.

L’ambiguïté du statut générique : la chanson à la frontière entre plusieurs catégories artistiques (poésie sonore, art discursif et oratoire, chanté/parlé22, populaire/savant…), paradoxe ou cohérence entre paroles, mise en musique et interprétation.

Canteurs en trompe-l’œil : canteur faussement naïf23, canteur délibérément suffisant ou antipathique24, ambiguïté du «je » de la chanson, confusion canteur/chanteur25 dans les chansons métatextuelles, diffraction canteur/chanteur dans les chansons menties26...

Resémantisation lors d'une reprise : détournement ou récupération qui font entendre la chanson, au bénéfice de ces ambivalences, autrement.

Toutes les spécialités scientifiques seront bienvenues pour nourrir cette réflexion et cette seconde édition de la Biennale internationale de la chanson se veut, tout autant que la première, le reflet de la multiplicité des études qui se mènent actuellement sur la chanson dans des disciplines différentes.

 

Les propositions de communication (une quinzaine de lignes) doivent nous parvenir avant le 10 septembre 2018 aux deux adresses suivantes :

celine.chabot-canet@univ-lyon2.fr

joel.july@univ-amu.fr

Cette manifestation, qui se déroulera, la même semaine, successivement sur deux sites (Aix-en-Provence et Lyon) donnera lieu à une publication. On pourra compter sur le partenariat de la salle de spectacle Le Petit Duc et de la SACEM, à Aix-en-Provence.

 

1Par son format bref, la chanson ne laisse pas le temps d'en comprendre toute la subtilité, de la savourer et de s'émouvoir tout son soûl, obligeant ainsi l'auditeur à la réécouter pour réitérer et exaspérer le concentré d'émotion qu'elle induit.

2Son tout « organique » pour reprendre l'expression de Stéphane Hirschi (Chanson, l'art de fixer l'air du temps, PUV, 2008)

3Par exemple, Alain Souchon, Foule sentimentale, Léo Ferré, C'est extra, Barbara, L'Aigle noir.

4De nombreux exemples chez Henri Salvador.

5Les Rita Mitsouko (Marcia Balla, Le Petit Train), de nombreux exemples dans le répertoire brésilien de la samba...

6Lili Marlene, È arrivato l’ambasciadore, Le Temps des cerises, Göttingen...

7Barbara, Il était un piano noir..., éd. Fayard, 1998 : « Il y a parfois des incidences qui bousculent l'ordinaire, puis qui s'imposent ensuite comme des évidences. C'est ainsi, par exemple, qu'une fausse note peut se révéler 'créatrice' et trouver sa place. » (p. 39)

8Kent, Dans la tête d'un chanteur, éd. Le Castor astral, coll. Castormusic, 2015 : « Durant l'enregistrement d'un disque vous pesez le pour et le contre, si vous vous trompez vous recommencez, vous domptez le hasard, vous condamnez l'accident, vous tentez de saisir un moment de grâce, le mariage magique de l'élan vital et de la perfection technique. En tournée, le moment de grâce, c'est chaque soir si possible. En saisir l'esprit est plus qu'aléatoire car il ne découle pas que de la performance musicale. Un concert chaotique peut être extraordinaire. » (p. 146)

9Ainsi le clip vidéo qui est devenu un passage obligé de la diffusion de la chanson à la télévision et sur le Net peut entretenir avec la chanson un savant jeu d'explicitation ou de contradiction.

10Mot forgé pour désigner la capacité de la chanson à profiter de son oralité (et à la doser) pour la transformer en vecteur de poéticité (Joël July, Esthétique de la chanson française contemporaine, L'Harmattan, 2007).

11Jane Birkin, Renaud, Vincent Delerm, Plastic Bertrand, Jean-Louis Aubert, etc. Le duo réussi entre Gaëtan Roussel et Hoshi (Je vous trouve un charme fou) est assez symptomatique d'une reconnaissance des voix éraillées.

12En France, Boby Lapointe, Les frères Jacques, Chanson plus bifluorée... ; en Italie Fred Buscaglione, Elio e le storie tese.

13Philippe Katerine, Louxor, j'adore (Robots après tout, 2005).

14Georges Brassens dans La Ronde des jurons, Le Vin, Le Vieux Léon, Françoise Hardy (Serge Gainsbourg), Comment te dire adieu.

15Pierre Vassiliu, Ma cousine.

16Julien Clerc (Étienne Roda-Gil), La Belle est arrivée.

17Édith Piaf, Les Mots d'amour.

18Renan Luce, Au téléphone avec maman.

19Barbara, Ma plus belle histoire d'amour.

20Clarika, Bien mérité.

21Cf. les parodies d'Oblivion en Italie, qui pastichent à la fois la littérature et les chansons les plus connues du répertoire italien.

22Du talk over jusqu'à la chanson pas chantée de Loïc Lantoine.

23Jacques Brel, J’vous ai apporté des bonbons ; Brigitte Fontaine, C'est normal.

24Boris Vian, J’suis snob.

25Daniel Balavoine, Le Chanteur.

26Le sexe de l'interprète se met en désaccord avec l'identité (textuelle) du canteur ou de la cantrice.