Le « mystère » entre véritablement en littérature narrative avec le gothique et le fantastique. Il renvoie alors à l’irrationalité, à une déstabilisation des catégories établies. Mais il serait réducteur de l’assimiler à cette seule dimension, tant le mot devient rapidement un talisman pour susciter la curiosité du lecteur avide de s’ouvrir à l’inconnu, à l’envers de la modernité, aux secrets criminels. Le « mystère », pour qui s’intéresse à la littérature du dix-neuvième et du début du vingtième siècles, c’est alors un mot bien étrange, à la fois omniprésent et évanescent, comme inapte à se muer en un véritable objet littéraire en même temps qu’il peut aller à l’occasion jusqu’à recouvrir une portée générique. Il ouvre d’ailleurs à tous les retournements, allant jusqu’à occuper une place importante dans le roman policier émergent. En revenir à l’histoire de ce mot, à la manière dont il s’est insinué dans le roman tout en gardant certains traits hérités de son histoire religieuse, à la façon dont il a pu se constituer, dans le contexte de la culture médiatique, en lieu de tension dans le texte, et particulièrement dans le texte policier qu’il travaille de résonances secrètes et diverses, tel est l’objet de cette étude.
Agrégé de Lettres Modernes, docteur en littérature et ancien élève de l’ENS Lettres et Sciences Humaines, Marc Vervel est maître de conférences à l’Université Paris Cité. Ses travaux portent notamment sur le roman policier émergent, le mystère en littérature et la manière dont les fictions contemporaines de la culture médiatique tendent à déployer d’ambivalents jeux de séduction à l’égard du lecteur.