Amédée Chaumette des Faussés, Voyage en Bosnie dans les années 1807 et 1808 (éd. Massimo Scandola)
Édition critique et annotée par Massimo Scandola
L’édition critique du Voyage en Bosnie dans les années 1807 et 1808, publié en 1822 à Paris par Amédée Chaumette des Faussés (1782-1841), secrétaire du consulat de France à Travnik en Bosnie (1807-1808), a été réalisée dans le cadre du Programme de recherche Proteus, qui naît d’une collaboration en œuvre depuis 2017 entre l’équipe de recherche ICD-Université de Tours et le Département de Langues et littératures romanes de l’Université de Ljubljana.
Ce texte, trop rarement cité dans les notices bibliographiques sur les Balkans, a suscité un grand intérêt au XIXe siècle et a inspiré la Guzla (1827) de Prosper Mérimée. Un siècle plus tard, l’image d’Amédée Chaumette des Faussés s’est figée dans notre imaginaire romanesque, telle que l’a évoquée le prix Nobel Ivo Andrić dans son roman, la Chronique de Travnik (1945). Le diplomate alors âgé de 24 ans, assis à son bureau à côté de ses bougies, feuilletant ses papiers, se profile comme un jeune homme bavard, chargé de renseigner ses supérieurs sur les commerces dans les bourgades de Bosnie.
La réécriture romanesque d’Andrić instaure un clivage entre le personnage littéraire et le jeune chancelier, dont le Voyage en Bosnie révèle la connaissance de la géographie politique, de l’histoire militaire, comme les peurs et les fantasmes : ceux-là mêmes qui peuplaient l’imaginaire des diplomates en poste aux frontières de l’« Europe civilisée » pendant les guerres napoléoniennes.
Dans l’introduction à l’édition, nous essayerons d’abord de dévoiler aussi bien les procédés argumentatifs auxquels Chaumette a recours dans le Voyage en Bosnie que ses repères intellectuels ancrés dans la pensée des Lumières. Dans la lignée des travaux d’Alberto Fortis, auteur du Viaggio in Dalmazia (1772), ce texte témoigne d’un intérêt ouvert à l’étude de la culture, de la langue, des mœurs de peuples qui ont habité les régions entre l’Adriatique et les Balkans au tournant des XVIIIe et XIXe siècle.
L’identification des sources exploitées par le jeune secrétaire du consulat de Travnik permet de suivre un itinéraire des idées promues par l’Encyclopédie, notamment la diffusion dans les Balkans de la littérature géographique, des statistiques et des traités des Lumières françaises et vénitiennes.