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« Art & décolonialité » (Figures de l’Art, n° 42)

« Art & décolonialité » (Figures de l’Art, n° 42)

Publié le par Esther Demoulin (Source : Revue Figures de l'art)

Appel à contributions pour le n° 42 de la revue Figures de l’Art sur le thème « Art & décolonialité »

Argumentaire :

(English translation below)

Art & décolonialité

La question d’une « décolonisation du savoir », insufflée, en grande partie, par les études culturelles et postcoloniales, interroge aujourd’hui l’ensemble de nos champs universitaires. Les decolonization studies ont acquis de nos jours une large audience dans les universités anglo-saxonnes.

Si ce courant de pensée, dont les contours précis sont impossibles à déterminer, se propose, en particulier, de lier la décolonisation des savoirs à des actions sociales et politiques sur le terrain, son apport le plus pertinent réside dans la poursuite de la réflexion sur la « déconstruction » (terme clé au sein des études postcoloniales). Il s’agit bien, non pas de « détruire », mais bien de démonter les présupposés à partir desquels ont pu s’échafauder des idées, des concepts et des pratiques afin de leur donner une nouvelle signification et rendre enfin visible leurs effets néfastes et leurs portées stigmatisantes.

En outre, à l’instar des postcolonial studies, de nombreux milieux associatifs militants, qualifiés pour certains de « radicaux », se revendiquent du discours des études décoloniales (Nicolas Bancel, 2019).

En France, cette question pèse sur de nombreux débats politiques, épistémologiques, institutionnels et disciplinaires, avec leurs passions et leurs polémiques. Ces débats ont des retombées dans le domaine de la réflexion sur l’art et la culture, ainsi que sur la pratique des arts. Des artistes, des historiens de l’art, des conservateurs de musées, et des commissaires d’exposition font maintenant explicitement référence au champ théorique du postcoloniale et du décolonial.

Au sein de la production contemporaine (dite de « résistance », voire « activiste ») des pratiques artistiques dénoncent une série d’oppressions et d’aliénations considérées comme étant intrinsèquement liées les unes aux autres : Critique du capitalisme planétaire néolibéral et des grandes catastrophes écologiques – dénonciation des guerres, des conflits commerciaux et des périls cybers technologiques – rejet des totalitarismes, des nationalismes et des fondamentalismes religieux – défense des droits des minorités et des populations immigrées – adhésion aux combats féministes, antiracistes et LGBTQ. Tout cela constitue le cadre à des productions artistiques dites « réactives » (Christine Macel, 2020) à l’intérieur duquel les luttes postcoloniales et décoloniales trouvent leur place.

Ce numéros de la revue d’études esthétiques Figures de l’art, loin des polémiques qui font souvent obstacle à un véritable débat scientifique, se propose d’analyser les impacts du phénomène de la « décolonisation » tant au sein des sciences de l’art, qu’au sein des pratiques artistiques. Il s’agit d’évaluer les éventuelles retombées  épistémologiques, méthodologiques, ainsi que les possibles changements d’objets d’étude et de démarches artistiques que cette « question du décolonial » a pu susciter.

Ce numéro se propose donc d’étudier des productions artistiques, caractéristiques de ce mouvement et des propositions qui l’accompagnent visant à transcender les  conditions de soumission d’autrefois, à supprimer les stigmates restants et à s’affranchir d’une « intimité culturelle et épistémique avec l’ancien colonisateur » (Enrique Dussel, 2000).

Quelques interrogations, non exclusives et présentées ici de manière non limitative, peuvent servir de fil conducteur à la préparation de ce numéro :

  • Le « décolonial » fait-il ou non rupture avec le « postcolonial » ?
  • Comment « la colonialité de la matrice du pouvoir » (Anibal Quijano, Ramon Grosfoguel, Santiago Castro-Gomez, 2007 et Walter Mignolo, 2011), ayant résisté aux mouvements d’indépendance et à la critique postcoloniales, continue-t-elle de se manifester dans les pratiques des arts, dans les institutions du monde de l’art et dans leurs approches théoriques ?
  • Quels sont les héritages contemporains d’une « durée coloniale », toujours en cours et toujours en devenir car en constante saisie et ressaisie par différents acteurs du monde politique et du monde de l’art ?
  • La dimension combative de la décolonialité peut-elle être également créatrice dans le domaine des arts ?
  • L’impact du postcolonial et du décolonial dans la sphère des arts contribue-t-il à la construction d’une « critique éthique radicale » ?
  • Peut-on percevoir, au sein des manifestations artistiques et de leurs substrats théoriques, l’impact du postcolonial et du décolonial dans l’émergence d’un art en direction d’une communauté spécifique ?

Calendrier

Les propositions devront être envoyées au plus tard le mercredi 15 février 2023, aux adresses suivantes :

Ces propositions se présenteront sous la forme d’un résumé (5 à 6000 signes espaces compris) assortis de 5 mots clés et d’une bibliographie de 8 références maximum. La problématique, les objectifs et la méthodologie de recherche y seront clairement énoncés.

Les autrices et auteurs y ajouteront une courte biographie, d’une dizaine de lignes maximum, en y mentionnant leurs coordonnées complètes (statut, institution de rattachement et courriel).

  • Vendredi 14 avril 2023 : retour aux autrices et auteurs des propositions.
  • Jeudi 13 juillet 2023 : réception des articles complets (entre 20 000 et 30 000 signes espaces compris)
  • Vendredi 22 septembre 2023: remise des versions définitives des articles par les autrices et auteurs
  • Publication du n° 42 de la revue Figures de l’Art prévue courant décembre 2023.

Les articles feront l’objet d’une double expertise anonyme.

Éléments de bibliographie :

              Essais

    • Mathieu K. ABONNENC, Lotte ARNDT et Catalina LOZANO (dir.), Collecte coloniale et affect. Ramper, dédoubler, Paris : B42, 2016.
    • Jean-Loup AMSELLE, L'Occident décroché, Paris, Stock, 2008.
    • Rétrovolutions. Essais sur les primitivismes contemporains, Paris, Stock, coll. "Un ordre d’idées", 2010.
    • Arjun APPADURAI, Après le colonialisme, les conséquences culturelles de la globalisation, traduit de l'anglais par F. Bouillot, Paris, Payot,  2001.
    • Pier BÄCKSRÖM et Benedict HJARTARSON, Decentring the Avant-Garde, Amsterdam, Rodopi, 2014.
    • David A. BAILEY, Ian BAUCOM et Sonia BOYCE (dir.), Shades of Black. Assembling Black Arts in 1980s Britain, Durham, INIVA-Aavaa, 2005.
    • Nicolas BANCEL, Le postcolonialisme, Paris, PUF, coll. "Que sais-je ?", 2019.
    • Jean-François BAYART, Les études postcoloniales, un carnaval académique, Paris, Karthala,  coll. "Disruption", 2010.
    • Dominique BERTHET (dir.), Vers une esthétique du métissage, Paris, L'Harmattan, 2002. 
      - L'émergence d'une autre modernité, Paris, L'Harmattan, 2002.
    • Pascal BLANCHARD et Nicolas BANCEL, Culture postcoloniale, 1961-2006, traces et mémoires coloniales en France, Paris, Autrement, coll.  "Mémoires/Histoire", 2005.
    • Myriam-Odile BLIN et Saliou NDOUR (dir.), Musées et restitutions : Place de la concorde et lieux de la discorde, Mont-Saint-Aignan, PURH, 2021
    • Charlotte BYDLER, The Global Artworld, inc. On the Globalisation of Contemporary Art, Uppsala, Uppsala Universitet, 2004.
    • Santiago CASTRO-GOMEZ et Ramon GROSFOGUEL, El giro decolonial. Reflexione para una diversidad epistemica, mas alla del capitalismo global, Bogota, IESCO-UC, 2007.
    • Emmanuelle CHEREL et Fabienne DUMONT, L’histoire n’est pas donnée. Art contemporain et postcolonialité en France, Rennes, PUR, 2016.
    • Chris CRASS, Towards Collective Liberation: Anti-Racist Organizing, Feminist Praxis, and Movement-Building Strategy, Oakland, PM Press, 2013.
    • Leïla CUKIERMAN, Gerty DAMBURY et Françoise VERGES (dir.), Décolonisons les arts !, Paris, L’Arche, 2018.
    • T. J. DEMOS, Return to Postcolony. Specters of Colonialism in Contemporary Art, Berlin, Sternberg Press, 2013.
    • Milena DOYTCHEVA, Le Multiculturalisme, Paris, La Découverte, coll. "Repères", 2005.
    • Frantz FANON, Les damnés de la terre (préface de Jean-Paul Sartre), Paris, Maspero, 1961.
    • Jennifer A. GONZALEZ, Subject to Display. Reframing Race in Contemporary Installation Art, Londres, The MIT Press, 2008.
    • Catherine GRENIER (dir.), Décentrement : Art et mondialisation. Anthologie de texts de 1950 à nos jours, Paris, Centre G. Pompidou, 2013.
    • Nathalie HEINICH, Ce que le militantisme fait à la recherche, Paris, Gallimard, coll. "Tracts", 2021.
    • Geeta KAPUR, When was Modernism, essays on Contemporary Cultural Practise in India, Delhi, Tulika Books, 2000.
    • Alain MABANCKOU, Rumeurs d’Amérique, Paris, Plon, 2020
      - Huit leçons sur l’Afrique au Collège de France, Paris, Points, 2021
    • Armand MATTELART, Diversité culturelle et mondialisation, Paris, La Découverte, coll. 'Repères", 2005.
    • Armand MATTELART et Erik NEVEU, Introduction aux Cultural Studies, Paris, La Découverte, coll. "Repères", 2003.
    • Joseph Achille MBEMBE, De la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine, Paris,  Karthala, coll. "Les Afriques", 2000.
    • Joseph Achille MBEMBE, Sortir de la grande nuit. Essai sur l’Afrique décolonisée,  Paris, La Découverte, coll. "Cahiers libres", 2010.
    • Kobena MERCER (dir.), Cosmopolitan Modernisms, inIVA, Cambridge, The MIT Press, 2005.
    • Claudia MESH, Art and Politics. A Small History pf Art for Social change since 1945, Londres, I.B. Tauris, 2014.
    • Walter MIGNOLO, The Darker Side of Western Modernity. Global Futures, Decolonial Options, Londres, Duke University Press, 2011.
    • Sophie ORLANDO, British Black Art. L’histoire de l’art occidental en débat, Paris, Editions Dis Voir, 2016.
    • Gerald RAUNIG et Gene RAY (dir.), Art and Contemporary Critical Practice. Reinventing Institutional Critique, Christchurch, MayFly, 2009.
    • Carole TALON-HUGON, L’art sous contrôle, Paris, PUF, 2019.
    • Evelyne TOUSSAINT (dir.), Postcolonial / Décolonial. La preuve par l’art, Toulouse, PU Midi, 2021.
    • Tiina SEPPÄLÄ, Melanie SARANTOU et Satu MIETTINEN (dir.), Arts-Based Methods for Decolonising Participatory Research, Londres, Routledge, 2021.
    • Rolando VASQUEZ, Vistas of Modernity. Decolonial aesthetics and the end of the contemporary, Amsterdam, Fond Voor Beeldende Kunsten, 2020.
    • Françoise VERGES, Un féminisme décolonial, Paris, La Fabrique, 2019.
    • Jean-Pierre WARNIER, La mondialisation de la culture, Paris, La Découverte, coll. "Repères", 1999.

      Articles
    • Marie-Laure ALLAIN BONILLA, « Processus décoloniaux dans les arts : institutions et savoirs », dans Critique d’art, n°52, printemps/été 2019, p. 58-70.
    • Joaquin BARRIENDOS, « Géopolitique de l’art mondial. La réinvention de l’Amérique latine comme région geo-esthétique », dans Art et Mondialisation. Anthologie de textes de 1950 à nos jours, sous la direction de Sophie Orlando et Catherine Grenier, Paris, C. G. Pompidou, 2013, p. 217-222.
    • Mark ELLIOT, « Decolonial Re-enactments? Facing and Retracing Colonial Histories in Collecting ‘Another India’ », dans Third Text, n° 159-160, juillet – septembre 2019, « Exhibiting the Experience of Empire. Decolonising Objects, Images, Materials and Words », 2017, p. 631-651.
    • Paula BARREIRO LOPEZ, « L’histoire de l’art au défi de la mondialisation : une position critique », dans Artl@s Bulletin, « Art History and the Global Challenge » volume 6, issue 1, p. 36-46.
    • Enrique DUSSEL, « Europa, modernidad y eurocentrismo », dans La Colonialidada del saber. Eurocentrismo y ciencias socilaes. Perspectivas latinomericanans, sous la direction de Edgardo LANDER, FACES-UCV, Caracas, 2000, p. 221-244.
    • John GIBLIN, Imma RAMOS et Nikki GROUT, « Dismantling the Master’s House. Thoughts on Representing Empire and Decolonising Museums and Public Spaces in Practice, an Introduction », dans Third Text, n° 159-160, juillet/septembre 2019, p. 471-486.
    • Pedro Pablo GOMEZ, Angelica GONZALES VASQUEZ et Gabriel FERREIRA ZACARIAS, « ‘Esthétique décoloniale’. Entretien avec Pedro Pablo Gomez », dans Marges, revue d’art contemporain, n° 23, 2016, p. 102-110.
    • Walter MIGNOLO, “Géopolitique de la sensibilité et du savoir. (Dé)colonialité, pensée frontalière et désobéissance épistémologique », dans Mouvements, n° 73, 2013, p. 181-190.
    • MTL Collective, « From Institutional Critique to Institutional Liberation? A Decolonial Perspective on the Crises of Contemporary Art. », dans October (Art/Theory/Crticism/Politics), n° 165, été 2018, p. 193-227.
    • Eve TUCK et K. WAYNE YANG, “Decolonization is not a metaphor”, dans Decolonization: Indigeneity, Education, and Society, vol. 1, n° 1, 2012, p. 1-40.
      Olga VISCO, “Decolonizing the Art Museum: the Next Wave” dans The New York Times, 1er mai 2018.

Call for papers

Figures de l’Art, n° 42, « Art & décolonialité »



The question of a “decolonization of knowledge”, instilled in large part by cultural and postcolonial studies, today questions all of our university fields. Decolonization studies have nowadays acquired a wide audience in Anglo-Saxon universities.

If this current of thought, whose precise contours are impossible to determine, proposes, in particular, to link the decolonization of knowledge to social and political actions
on the ground, its most relevant contribution lies in the continuation of the reflection on “deconstruction” (a key term within postcolonial studies). It is indeed a question, not of "destroying", but of dismantling the presuppositions from which ideas, concepts and practices were able to build themselves in order to give them a new meaning and finally make visible their harmful and their stigmatizing effects.

In addition, following the example of postcolonial studies, many activist associations, qualified for some as “radicals”, claim the discourse of decolonial studies
(Nicolas Bancel, 2019).

In France, this question weighs on many political, epistemological, institutional and disciplinary debates, with their passions and their polemics. These debates have repercussions in the field of reflection on art and culture, as well as on the practice of the arts. Artists, art historians, museum curators, and exhibition curators now explicitly refer to the theoretical field of postcolonial and decolonial.

Within contemporary production (known as “resistance” or even “activist”) artistic practices denounce a series of oppressions and alienations considered to be intrinsically linked to each other: Critique of neoliberal planetary capitalism and major catastrophes ecological – denunciation of wars, commercial conflicts and technological cyber perils – rejection of totalitarianism, nationalism and religious fundamentalism – defense of the rights of minorities and immigrant populations – adherence to feminist, anti-racist and LGBTQ struggles. All of this constitutes the framework for so-called “reactive” artistic productions (Christine Macel, 2020) within which postcolonial and decolonial struggles find their place.

This issue of the journal of Aesthetic Studies Figures de l'art, far from the controversies that often stand in the way of a real scientific debate, proposes to analyze the impacts of the phenomenon of "decolonization" both within the sciences of the art, than within artistic practices. It is a question of evaluating the possible epistemological and methodological repercussions, as well as the possible changes of objects of study and artistic approaches that this “question of the decolonial” may have given rise to.

This issue therefore proposes to study artistic productions, characteristics of this movement and the proposals that accompany it aiming to transcend the conditions of submission of yesteryear, to remove the remaining stigmata and to free oneself from a "cultural intimacy and epistemic with the former coloniser” (Enrique Dussel, 2000).

A few questions, non-exclusive and presented here in a non-exhaustive way, can serve as a common thread in the preparation of this issue:

  • Does the “decolonial” make a break with the “postcolonial” or not?
  • How “the coloniality of the matrix of power” (Anibal Quijano, Ramon Grosfoguel, Santiago Castro-Gomez, 2007 and Walter Mignolo, 2011), having resisted postcolonial independence movements and criticism, continues to manifest itself in the practices of the arts, in the institutions of the art world and in their theoretical approaches?
  • What are the contemporary legacies of a "colonial period", still in progress and still in the process of being constantly grasped and recaptured by different actors from the political world and the art world?
  • Can the combative dimension of decoloniality also be creative in the field of the arts?
  • Does the impact of the postcolonial and the decolonial in the sphere of the arts contribute to the construction of a “radical ethical critique”?
  • Can we perceive, within artistic manifestations and their theoretical substrates, the impact of the postcolonial and the decolonial in the emergence of an art aimed at a specific community?

URL: https://figuresdelart.fr/

Calendar:

Proposals must be sent no later than Wednesday, February 15, 2023, to the following addresses:

These proposals will be presented in the form of a summary (5 to 6000 characters including spaces) accompanied by 5 keywords and a bibliography of a maximum of 8
references. The research problem, objectives and methodology will be clearly stated.

The authors will add a short biography, of a maximum of ten lines, mentioning their full contact details (status, institution of attachment and email).

  • Friday, April 14, 2023: back to the authors of the proposals.
  • Thursday July 13, 2023: receipt of complete articles (between 20,000 and 30,000 characters including spaces)
  • Friday, September 22, 2023: submission of final versions of articles by authors
  • Publication of the n° 42 of the magazine Figures de l’Art scheduled for December 2023.

The articles will be the subject of a double anonymous expert review.