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Ernaux, l'événement

Ernaux, l'événement

Publié le par Marc Escola

Il semble qu'elle ait eu d'abord quelque mal à le croire ; Fabula l'espérait depuis longtemps, et retenait son souffle : Annie Ernaux, qui n'a jamais reçu le Goncourt, aura donc remporté le prix Nobel de littérature contre Michel Houellebecq. 2022 aura été décidément l'année Ernaux, avec la publication du Jeune homme (Gallimard) - un texte de quelques pages, qui raconte une relation vécue avec un homme de trente ans de moins qu’elle,  expérience qui la fit redevenir, l’espace de plusieurs mois, la "fille scandaleuse" de sa jeunesse -, d'un Cahier de l'Herne, qui explore les enjeux sociologiques, historiques et parfois psychanalytiques de l’œuvre d’Annie Ernaux autant que sa sensibilité intime, et d'un numéro de Littérature dirigé par Florence de Chalonge consacré au rapport complexe d'Ernaux au romanesque.

Sur en-attendant-nadeau.fr, Tiphaine Samoyault nous invite à méditer en sept points la portée proprement politique de cette œuvre.

Fabula pour sa part accompagne fidèlement le travail d'Annie Ernaux depuis des années, et au moins depuis Les Années (2008), en accueillant notamment en 2017 les actes du colloque "Annie Ernaux : les écritures à l'œuvre", tenu à l'université de Picardie Jules Verne en mars de la même année, à l'initiative d'Aurélie Adler et Julien Piat. Pierre-Louis Fort revenait sur les "motivations métadiscursives du récit", Bérangère Morichaud-Airaud sur les "tâtonnements du souvenir" dans Mémoires de fille, quand Nathalie Froloff s'intéressait à "l'art de la liste chez Annie Ernaux". Autant de communications qui mettaient en évidence ce que l'écrivaine appelle la "douleur de la forme", autrement dit la recherche inquiète d’une écriture à la mesure du projet à l’origine de chaque livre.

Cette "douleur de la forme" était déjà au coeur de l'article de Maya Lavault publié dans le treizième numéro de Fabula-LhT sur "La Bibliothèque des textes fantômes". En se fondant sur les quelques indices livrés au fil du journal d’écriture de l’auteure et de ses entretiens publics, Maya Lavault reconstitue les contours du premier roman écrit par Annie Ernaux, refusé en 1963 par les Éditions du Seuil sous le titre L’Arbre. L'abandon de ce premier roman, inspiré des expérimentations du Nouveau Roman, permet de réévaluer l’évolution du projet d’écriture ernausien, soutenu par une interrogation continuelle sur sa « place » dans le champ littéraire contemporain.

Et pour Acta fabula, Karine Gendon avait rendu compte du volume supervisé par Pierre‑Louis Fort et Violaine Houdart-Merot, Annie Ernaux. Un engagement d’écriture (Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2015) : "Au‑delà du militantisme : la poétique comme engagement chez Annie Ernaux".

Rappelons que le documentaire réalisé par Annie Ernaux à partir des films de famille tournés dans les années 1970, déjà salué par Fabula, est encore visible pour quelques jours sur Arte.tv.