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Séminaire : "La littérature comme « invitation au voyage » : des parcours touristiques au roman policier « patrimonial » dans les Hauts-de-France" (Arras / en ligne)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Marie-Clémence Régnier)

Séminaire transdisciplinaire "Patrimoines : mise en récit,tourisme, appropriations" - 3e journée 

 

20 mai 2021

La journée devrait se dérouler sur Zoom, sur le campus universitaire, à Arras, si les mesures sanitaires le permettent.

Inscriptions obligatoires auprès de N. Cabiran (nathalie.cabiran@univ-artois.fr) et S. de Clerck (sophie.declerck@univ-artois.fr). 

Informations : marieclemenceregnier@hotmail.com

 

PRÉSENTATION

Le tourisme littéraire intéresse les territoires de façon croissante depuis quelques années pour attirer des visiteurs férus d’art et de culture, mais aussi un plus large public, curieux de découvrir une région sous un jour différent. En effet, la fréquentation des textes littéraires est censée offrir une expérience « augmentée » au visiteur-lecteur (M. Collot, La Pensée-Paysage ; S. Zeghni, N. Fabry, Le tourisme littéraire). La journée d’étude envisagera donc différents cas d’étude où la littérature paraît servir de levier touristique dans les Hauts-de-France, décloisonner les genres littéraires et élargir les publics.

Il pourra, par exemple, s’agir de parcours touristiques in situ ou numériques (applications dédiées). Après la participation pionnière du Centre du Livre et de la Lecture (CR2L) de Picardie à l’ambitieux projet « Géoculture », la valorisation du patrimoine écrit, graphique et littéraire au moyen d’outils numériques et multimédia a pris son essor partout, en particulier dans les Hauts-de-France. Cependant, la récente crise sanitaire a contribué à mettre l’accent sur les disparités existant en matière d’offre « virtuelle » dans les lieux culturels au sens large.

Il s’agira ainsi de dresser une typologie critique de ces dispositifs (comment fonctionnent-ils vis-à-vis d’autres supports qu’ils mobilisent sans doute : livres, presse, photographie, cinéma, radio, télévision, documentaires, guides touristiques, jeux vidéo…), quelles organisations en sont à l’origine, quels dispositifs sont favorisés (sites, applications dédiées, communication sur les réseaux sociaux, bornes…).  Il s’agira aussi de se demander pourquoi le patrimoine écrit est mis à contribution pour promouvoir le territoire (la « territorialisation du patrimoine écrit » par le numérique comme produit d’appel pour attirer le grand public, les jeunes générations ? renouveler et étendre une offre dans une région contrastée ?) et, corrélativement, comment les outils de valorisation du territoire s’approprient le patrimoine (« la patrimonialisation du territoire » puisant dans le patrimoine écrit une légitimité certaine, un réservoir d’histoires et de grands noms fédérateurs ?). Fondamentalement, ces différents points conditionnent une réflexion axiologique sur la valeur des objets, des sources, des discours, des représentations et des imaginaires correspondants, et sur le rôle et l’éventuelle spécificité des médiums concernés.

Un autre axe d’étude concerne la création, la production et la diffusion marchande et médiatique de genres littéraires à dimension touristique, en particulier le roman policier, genre dont le statut et la légitimité ont beaucoup changé depuis une génération. En effet, du fameux A. O. C. situé dans le village viticole de Saint-Emilion (Le Boloc’h et Marchesseau) en passant par le best-seller Nymphéas noirs qui traite du village de Giverny où Claude Monet a élu domicile (Bussi), romans policiers, polars et thrillers déploient des intrigues à suspense dans lesquelles les protagonistes évoluent dans un environnement chargé de références patrimoniales dont certaines constituent même l’enjeu dramatique principal. Paysages, monuments, objets de collection, personnages célèbres ou encore légendes locales sont autant de patrimoines que ces textes, flirtant pour certains avec les codes de la « fiction patrimoniale » sur écrans (Beylot et Moine, 2009), contribuent à faire connaître et reconnaître dans une tradition qui remonte au xixe siècle (Maurice Leblanc en Normandie, par exemple). Dans certains cas, la fiction est transposée à la réalité pour prendre la forme de circuits touristiques, quand ce n’est la réalité qui commande la fiction (le voyagiste « Visit Europe » a lancé une opération de « brand content » pour attirer les touristes : il publie des polars inédits qui se déroulent dans les pays où sont organisés les voyages proposés au catalogue de vente).

Les romans qui se déroulent sur la Côte d’Opale s’inscrivent en particulier dans ce phénomène éditorial (voir le travail des éditions Arthémuse, par exemple, la collection « Polars en Nord » chez Airvey éditions). La journée d’étude interrogera ainsi le phénomène au prisme d’un questionnement mené de façon interdisciplinaire. Ce dernier pourra consister à interroger la manière dont la fiction mobilise ces patrimoines et à quelles fins, internes (fonction dramatique, fonction symbolique…), et externes (facteur promotionnel, par exemple). Il pourra aussi être question de la fabrique d’une image d’écrivain local dans le jeu éditorial et médiatique contemporain, autour de l’exemple de Franck Thilliez, par exemple, qui vit près de Béthune et qui a campé son Manuscrit inachevé entre Berck et Ambleteuse. Ce sera l’occasion d’interroger la façon dont l’écrivain s’inscrit dans un territoire donné par le recours à des canaux médiatiques personnels (comptes Facebook, Instagram, site de l’écrivain…) et collectifs, notamment sur les réseaux sociaux, les blogs de fans, de lecteurs…, et dans la presse.

On pourra se demander par ailleurs si l’intérêt développé autour du patrimoine n’engage pas une quête de légitimité du genre susceptible de gagner des lecteurs ; la nature des patrimoines concernée (patrimoine architectural, monumental, archéologique, écrit, artistique…), leur localisation et leur propre degré de reconnaissance – autrement dit, leur place au sein d’un système de valeurs – représentent des enjeux essentiels à l’analyse du sujet. L’attraction pour la Côte d’Opale notamment invite à s’interroger sur l’attractivité de certains éléments dans la fiction (mer, paysages…). De même, il conviendra de prendre en compte l’instrumentalisation de la littérature pour valoriser le territoire selon des logiques sans doute contrastées, qui mettent en avant certains espaces au détriment d’autres : une approche comparative est encouragée à l’échelle régionale (zone côtière / bassin minier, par exemple), ou bien entre régions (voir la collection « Asphalte noir », en banlieue parisienne). On interrogera dès lors la manière dont cette captation symbolique constitue un effet d’affiche destiné au bon fonctionnement d’une entreprise marchande, menée conjointement par les auteurs et leurs éditeurs avec les acteurs touristiques et culturels sous la forme de festivals, de remises de prix (« Colères du présent », Arras), de salons, de rencontres littéraires, mais aussi de promenades touristico-littéraires ad hoc sur les lieux du récit.

Intervenants : C. Hannedouche, J. Chilaud, éditions Arthémuse, JMVasseur, Christian Morzewski, R. Plichon

Organisation : Marie-Clémence Régnier (Artois), avec Nathalie Gauthard (Artois), Tiphaine Barthélémy (UPJV), Sophie-Anne Leterrier (Artois). En partenariat avec l'InRent (Boulogne)