éditos
Une page blanche pour 2021

L'équipe Fabula vous invite à glisser une page blanche entre les deux rouleaux, et à faire la preuve tout au long de l'année 2021 que le Corona n'a jamais empêché personne d'écrire.
(Illustr.: machine à écrire portable Corona, ca. 1921, Musée des arts et métiers, Paris)
Reprenez le grisbi

Max, dit le Menteur, vétéran des truands parisiens, s’apprête à se ranger. Le milieu, il en a fait le tour, en a tiré le meilleur parti et ne le regrettera pas. D’autant que ce monde est en train de changer : les vendeurs de came gagnent du terrain, les truands s’internationalisent, le code d’honneur n’a pas l’air de préoccuper la jeunesse. Seulement quitter les «affaires», ça ne se fait pas en un clin d’œil. Il y a les vieux amis qui vous demandent un dernier service, la relève à organiser, l’avenir à assurer... Réunis en un seul volume, les romans de la trilogie de Max le menteur d'Albert Simonin réédités par F. Guérif à La Manufacture de livres sont un monument de la culture française populaire, immortalisés par des films de légende (Touchez pas au grisbi, Le cave se rebiffe et Les Tontons flingueurs). Plongeon dans un Paris qui n’est plus et où résonne la gouaille des truands, l’œuvre de Simonin sublime le monde des voyous et lui a ouvert les portes de la littérature française. Fabula vous invite à découvrir un extrait du volume…
Julien Gracq dans les nœuds de la vie

Avec la parution des Manuscrits de guerre en 2011, puis de Terres du couchant, en 2014, on pouvait croire achevée l'entreprise d'édition des œuvres posthumes de Julien Gracq, disparu il y a près de quinze ans. Mais on apprend que, selon le vœu de l'auteur, des manuscrits patientent jusqu'en 2027 dans quelque coffre fort. Les éditions José Corti ouvrent pourtant leur catalogue 2021 sur un bref ensemble de textes inédits recueillis par Bernhild Boie, l'éditrice du romancier dans la Bibliothèque de la PleÌiade, sous le titre Nœuds de vie. Avec une égale liberté de ton et de regard, J. Gracq nous offre de revoir à neuf nos propres jugements sur l’histoire, les eÌcrivains, les paysages, l’acceÌleÌration du temps, la deÌteÌrioration de la nature, le passage des saisons, les jardins potagers, la vieillesse, le bonheur de flaÌner comme celui de lire… Fabula vous invite à découvrir un extrait de l'ouvrage…
Corneille et le vers

Après Corneille après Corneille, Corneille des Romantiques, Pratiques de Corneille, et Héros ou personnages ? Le personnel du théâtre de Pierre Corneille et Appropriations de Corneille, M. Dufour-Maître fait paraître directement en ligne, avec le concours de C. Laurin,, B. Louvat et L. Picciola, un nouvel ensemble intitulé Pierre Corneille, la parole et les vers, pour achever de mettre à bas ce mythe critique qui, en opposant "Corneille penseur" à "Racine poète » (lyrique), a trop longtemps occulté le travail du vers chez Corneille. Et donner tort à Claudel, qui marquait son dégoût pour "ce paquet d’alexandrins dont on [l'avait] gavé dans [s]a jeunesse", en déclarant "Non, Corneille n’est pas un poète".
La commande littéraire

"Eh oui, Monsieur, le tableau le plus célèbre du monde a été commandé par la lie de la terre avec les plus mauvaises intentions du monde, il faut nous y faire". Prononcés par le narrateur des Onze de Pierre Michon, ces mots révèlent la façon dont le phénomène de la commande embarrasse une représentation commune qui fait du projet créateur un critère cardinal de l’auctorialité moderne. Ils suggèrent aussi combien cette variété hétéronome d’occasion du livre est souvent ignorée, méprisée et, ajoutera-t-on, non moins monnaie courante. À l'initiative d'Adrien Chassain, Maud Lecacheur, Fanny Lorent et Hélène Martinelli, la 29e livraison de la revue COnTEXTES porte sur les logiques de la commande littéraire à l'époque contemporaine.
Regards sur le témoignage

La notion de témoignage ne cesse aujourd’hui de circuler d'un champ de recherches à l'autre, à la faveur d'un constant élargissement sémantique : elle est souvent utilisée comme un synonyme de récit de vie ou de trace, notamment quand il s’agit d’évoquer la mémoire d’un passé dont les effets se font encore sentir dans le présent. Sous le titre "Regards sur le témoignage", la trentième livraison de la revue A contrario supervisée par Jacob Lachat, Camille Schaer et Mathilde Zbaeren, donne à lire les actes d'un colloque tenu à l’Université de Lausanne en mai 2019, en invitant à réfléchir aux enjeux interdisciplinaires que soulève cette notion, et questionner au contraire la variété problématique de ses usages.
Finir l'année 2020…

Toute l'équipe Fabula vous souhaite d'en finir le plus heureusement possible avec l'année 2020, annus horribilis par bien des aspects mais qui a néanmoins apporté son lot de parutions stimulantes et d'heureuses initiatives dont le site garde la mémoire dans l'album de l'année écoulée : retrouvez regroupés sur une seule page l'ensemble de nos éditoriaux qui sont venus, de semaine en semaine, signaler les livres, ouvrages collectifs, numéros de revue et rééditions importants, saluer les essais en prise sur des débats de société ou les questions les plus vives, cartographier les ressources du web littéraire, ou afficher les contenus élaborés par Fabula : les nouvelles entrées de l'Atelier de théorie littéraire, les sommaires d'Acta fabula qui fêtait en 2020 ses vingt ans d'existence et une soixantaine de dossiers critiques, les derniers numéros de la revue Fabula-LhT, ainsi que les volumes des Colloques en ligne mis en ligne chaque mois.
—
Et s'il est encore temps d'écrire au Père Noël, sachez enfin que l'OuLiPo, toujours secourable aux écrivants en panne d'inspiration, a réuni une efficace collection de Vraies lettres inventées au Père Noël (Flamarion/Librio), "écrites par tout plein de gens qui sont devenus très très connus, comme la petite Edith Piaf ou encore Jean-Claude Van Damme ou alors même Sherlock Holmes, ou bien encore des lettres un peu bizarres, comme par exemple des contraventions ou bien des lettres d'amour ou encore des publicités…" Fabula vous invite à feuilleter l'ouvrage…
Théorie de la non-fiction

On peut remplir des bibliothèques entières d’ouvrages philosophiques sur la fiction. Mais il n’existait jusqu'ici aucune théorie d’ensemble concernant les œuvres non-fictionnelles et documentaires, en dépit des nombreux ouvrages collectifs qui se proposent de cartographier les Territoires de la non-fiction, à l'instar du récent volume supervisé par A. Gefen. C’est ce vide qu'entend combler Frédéric Pouillaude dans un essai consacré aux Représentations factuelles (Cerf éd.), qui s'intéresse tout à la fois aux textes, aux images et aux performances pour forger l'hypothèse d'un "art documentaire" et réfléchir à ce que "l’art peut faire du monde et de ses représentations dès lors qu’il s’interdit les ressources de la fiction".
Autoportraits dans l'atelier, dans la bibliothèque, dans le tableau

On ne verra jamais Giorgio Abamben immobile : l'autoportrait qui paraît ces jours-ci en français tourne autour des ateliers dans lesquels le philosophe a vécu et écrit entre Rome, Venise et Paris. Cet Autoportrait dans l'atelieri (L'Arachnéen) est un livre sur les villes, mais aussi et surtout un livre sur les rencontres et sur l’amitié, avec Elsa Morante, mais aussi Nicola Chiaromonte, Francesco Nappo, Giorgio Manganelli…
—
On peut également choisir de faire son autoportrait dans la bibliothèque, à l'instar de Vivian Gornick dans un essai superbement intitulé Inépuisables. Notes de (re)lectures (Rivages) : elle y revient sur les auteurs qui ont marqué sa vie, lus et relus à différentes périodes.
—
Il est aussi dans l'histoire de l'art bien des Autoportraits cachés, dont Pascal Bonafoux a dressé le catalogue (Seuil) : Botticelli "assistant" à L’Adoration des Mages, El Greco à L’Enterrement du comte d’Orgaz, Ingres se représentant derrière Jeanne d’Arc dans la cathédrale de Reims lors du sacre du Charles VII… Cette variété de métalepse ouvre des questions troublantes : Michel-Ange fait-il le choix de se représenter dans le Jugement dernier de la chapelle Sixtine comme la peau écorchée de saint Barthélémy ? Pourquoi Van Eyck fait-il le choix de n’être qu’un reflet dans le miroir convexe accroché derrière les Arnolfini ? Pourquoi Rembrandt se représente-t-il parmi les bourreaux qui dressent la croix sur laquelle le Christ vient d’être cloué ?
Avec Denis Guénoun

Denis Guénoun est l’auteur à ce jour d’une quarantaine d’ouvrages et de trois œuvres au moins, si l’on tient à distinguer la théorie dramatique, la spéculation philosophique, politique et théologique, et les écritures théâtrales, que celles-ci aient leur lieu d’abord dans des textes ou directement sur le plateau. Mais faut-il distinguer, et surtout: le peut-on? Si chacune de ces œuvres a déjà rencontré son audience, et leurs propositions respectives un accueil grandissant, ces différents publics ne s’étaient pas encore trouvés. Un colloque tenu à Lausanne et Genève était venu installer lecteurs et spectateurs de Denis Guénoun sur une même scène — celle où la littérature, la philosophie, la politique, la théologie, la morale même acceptent de se soumettre à une inédite distribution pour mieux se donner la réplique.
Sous le titre Avec Denis Guénoun. Hypothèses sur la politique,le théâtre, l'Europe, la philosophie (MétisPresses), un volume réuni par Éric Eigenmann, Marc Escola et Martin Rueff en donne à lire aujourd'hui les actes, enrichis des contributions de J. Butler, J.-L. Nancy et bien d'autres, mais aussi de textes inédits de D. Guénoun.
Fabula vous invite à découvrir l'introduction du volume, et à retrouver à l'entrée "Théâtre" de l'Atelier de théorie littéraire quatre essais de Denis Guénoun : Sur les deux sens de la répétition au théâtre, Théâtre et poésie. Propositions, L'adresse au sans visage. Remarques sur le jeu de l'acteur, et Oran, Camus et La Peste.
Lira bien qui lira le dernier

La Nouvelle Revue d'Esthétique consacre sa dernière livraison de l'année 2020 à celui qui a sans doute le plus œuvré au rapprochement entre la théorie littéraire et l'esthétique : Gérard Genette, en publiant les actes du colloque d'hommage tenu à l'EHESS en octobre 2019 réunis par Marc Cerisuelo. En proposant d'amples parcours de l'œuvre du théoricien, le sommaire invite à ressaisir plusieurs des problématiques forgées entre le premier volume des Figures et le deuxième tome de L'Œuvre de l'art, et à repenser les relations entre les essais théoriques et la "suite bardadraque" publiée hors collection "Poétique". Il lève aussi un coin du voile sur le fonds Raymonde et Gérard Genette déposé à l'EHESS, en offrant un rare document: un récit de "La Mort de Marcel" par Bergotte, exhumé une première fois à l’automne 1987 dans le second numéro de l'éphémère Journal littéraire d’Alain Garric.
Sortir de l'oubli

Michel Lafon et Benoît Peeters leur avait consacré un chapitre de leur essai Nous est un autre. Enquête sur les duos d'écrivains (Flammarion, 2006), et un site leur était dédié depuis 2009 : il ne manquait qu'une vraie édition de leur œuvre. C'est désormais chose faite avec le fort volume de 1500 p. des Œuvres d'Erckmann-Chatrian, procurée Noëlle Benhamou (Les Belles Lettres). Appréciés de George Sand et d’Alphonse de Lamartine, défendus par Victor Hugo, ils ont subi le sort des auteurs édités par Hetzel : désignés comme des écrivains régionalistes s’adressant uniquement à la jeunesse, les deux lorrains, Émile Erckmann (1822-1899) et Alexandre Chatrian (1826-1890), sont passés de mode. N. Benhamou accompagne ce travail d'édition d'un essai Erckmann-Chatrian conteurs et moralistes (Les Belles Lettres également), pour montrer comment les deux hommes ont réussi à faire passer leurs idées sur la vie et le monde à travers leurs écrits fictionnels, mais aussi leurs romans, leurs essais et leurs pièces de théâtre. C’est que toute l’œuvre du duo est finalement celle d’un conteur. Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage…
Raccorder les histoires

Il y eut une rencontre décisive dans la vie de Robert Bober: celle avec Pierre Dumayet (1923-2011), journaliste, écrivain, qui a introduit les livres et la littérature à la télévision avec Lecture pour tous, puis Lire c’est vivre, qu’il présentera pendant plus de quinze ans. Robert Bober devenu réalisateur à la télévision collabore étroitement avec Pierre Dumayet. Et c’est à lui, aujourd’hui, que Robert Bober s’adresse dans une longue lettre-récit, accompagnée de nombreuses images (photographies, films, illustrations). Il raconte leur amitié, leurs souvenirs communs sur les tournages des films, leurs lectures, leurs rencontres (le grand rabbin Safran, André Schwarz-Bart, Perec, Duras, le Cardinal Lustiger, Alechinsky, Hartung…). À la façon d’un puzzle jamais fini, Robert Bober revisite dans Par instants, la vie n’est pas sûre (POL) sa propre existence, les lieux, les histoires, les images et les textes qui l’ont marqué, dans un jeu sur le souvenir, qui interprète et raconte les silences, les oublis, qui raccorde des histoires entre elles et avec la vie, s’interroge sur la langue, l’écriture, le yiddish bien sûr, l’art et les mots. Fabula vous invite à feuilleter l'ouvrage…
(Photo: Robert Bober et Pierre Dumayet, en 1990. © Guy Le Querrec)
Jean Paulhan existe bien

Au lendemain du décès du fondateur du Collège de 'Pataphysique en mai 1957, Jean Paulhan, le "concierge de la Nouvelle Revue française", ayant insinué que le docteur Sandomir n’avait "sans doute jamais existé", les Pataphysiciens entreprirent une campagne par voie de cartes postales proclamant que "Jean Paulhan n’existe pas". Plus de cinquante après sa propre disparition, Jean Paulhan est pourtant plus vivant que jamais, comme en témoigne la nouvelle livraison de la revue Littérature, qui dresse un premier bilan des recherches en cours sur les archives d'un théoricien qui a joué un rôle central dans l'histoire littéraire du XXe s., ou l'article que consacre F. Demont à sa phénoménologie de la lecture dans la récente livraison d'Exercices de rhétorique consacrée aux figures. De Jean Paulhan, il est aussi souvent question sur Fabula, qui héberge les actes d'un colloque "Jean Paulhan et l'idée de littérature", dont la revue Acta fabula a consacré un dossier au centenaire de la NrF, et qui rend régulièrement compte des ouvrages consacrés à l'auteur des Fleurs de Tarbes, dont l'essai d'Éric Trudel sur La Terreur à l’œuvre recensé en son temps par Perrine Coudurier. On pourra aussi relire dans le numéro de Fabula-LhT consacré au bovarysme, l'article de M. Macé intitulé "Rejoindre une forme".
(Illustr.: Carte postale éditée par le Collège de Pataphysique en décembre 1957).
Le pouvoir de décréer

Plusieurs essais ont depuis quelques années ouvert un nouveau champ de recherche — régulièrement cartographié par Fabula notamment dans un dossier critique intitulé "La bibliothèque des textes fantômes" — que l’on pourrait désigner comme celui des œuvres "inadvenues": œuvres détruites, censurées, ou qui suscitent l’indifférence. Présence des œuvres perdues de Judith Schlanger (Hermann, 2010), Cardenio entre Cervantès et Shakespeare : histoire d’une pièce perdue de Roger Chartier (Gallimard, 2011) et Le Tombeau d’Œdipe : pour une tragédie sans tragique de William Marx (Minuit, 2012) traitent de ces créations devenues inaccessibles, qui nous obligent à nous interroger sur ce qui, dans notre mémoire de la littérature, nous manque – plus précisément sur les raisons ou les effets de ce manque. Toutefois, au sein de ce continent textuel au mode d’existence si particulier, le plus mystérieux reste la part active que les écrivains eux-mêmes prennent au processus d’inadvenue, ce que l’on pourrait désigner comme leur pouvoir de "décréer" — qu’un texte devienne, par la volonté de son auteur, un "rebut" de son œuvre : abandon d’une œuvre en cours d’écriture, le remodelage par un remaniement structurel ou une réorientation idéologique, reniement d’une œuvre publiée… Les Collloques en ligne de Fabula donnent à lire, sous le titre "Le négatif de l'écriture : le pouvoir de décréer" les actes de journées tenues à Rouen en 2019 sur le thème des "Œuvres abandonnées, remodelées ou reniées", à l'initiative de Jean-Louis Jeannelle et de François Vanoousthuyse.
(Illustr.: Eric Rondepierre, "Scènes - Précis de décomposition", 1993-1995, détail)
Trois anneaux d'or

Dans un récit aux mille tours intitulé Trois anneaux. Un conte d'exils (Flammarion), Daniel Mendelsohn explore les correspondances mystérieuses entre le hasard qui régit nos existences et l’art des récits que nous en formons, en contant l’histoire de trois écrivains en exil qui se sont tournés vers les classiques du passé pour créer leurs propres chefs-d’œuvre : Auerbach, le philologue juif qui fuit l’Allemagne nazie pour écrire à Istambul sa grande étude de la littérature européenne, Mimésis ; Fénelon, l’évêque du XVIIe siècle, qui donna une suite à l’Odyssée avec Les Aventures de Télémaque, best-seller de son époque, qui lui valut le bannissement ; et l’écrivain allemand W.G. Sebald, qui s’exila en Angleterre, et dont les récits si singuliers explorent les thèmes du déplacement et de la nostalgie. À ce conte d’exils, Daniel Mendelsohn ajoute sa propre voix, entrelaçant l’histoire de la crise qu’il traversa entre l’écriture de la grande fresque mémorielle des Disparus et celle du récit intimiste d’Une Odyssée. L’"art poétique" qui en résulte est un hommage aux mondes grecs et juifs, un trait d’union entre Orient et Occident et une ode à la littérature française. Fabula vous invite à feuilleter l'ouvrage…
(Photo: Leonardo Cendamo)
L'imaginaire des styles

Les figures sont considérées comme une forme saillante et particulièrement représentative de l’elocutio rhétorique : objet, depuis l’Antiquité, d’innombrables formalisations, voire d’une "rage taxinomique" (Barthes) qui a pu contribuer à leur désaveu, elles recouvrent la catégorie ambigüe des ornements nécessaires, essentiels, en théorie, à l’art du bien-dire mais ouvrant la voie aux pires corruptions du style. Aussi observe-t-on l’éternel retour, à travers les siècles, d’un débat pour ou contre les figures, et d’une méfiance tenace à leur égard, valorisant en creux l’idéal d’un style nu qui en ferait l’économie. Leur description théorique s’accompagne souvent d’avertissements restrictifs sur leur emploi en discours. Ces scrupules, doutes et censures sur les audaces des figures ne sont pas l’apanage des rhéteurs de l’Antiquité et de l’Ancien Régime : dans la perspective grammaticale qui caractérise la critique littéraire à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, le tour figuré demeure un lieu crucial d’observation et de censure. Les articles réunis par S. Duval et I. Vidotto pour la livraison d'Exercices de rhétorique consacrée aux "Pratiques et censure des figures de rhétorique de l'Antiquité au XXe s." s'attache ainsi à étudier l’évolution des imaginaires du style.
(Illustr.: Walter Krane, Les chevaux de Neptune, 1895, Neue Pinakothek)
Poésie et vérité

Représenter ou constituer une parole "vraie", à même de produire des effets de vérité : telle est l'ambition "poétique" étudiée par le 24e numéro de Fabula-LhT : littérature, histoire, théorie. Sous le titre Toucher au « vrai » : la poésie à l'épreuve des sciences et des savoirs, l'ensemble livre une douzaine de réflexions sur la nature de cette ambition et sur les formes de ces effets, différents du savoir philosophique comme des résultats objectifs et mesurables de la science, au sens moderne du terme, mais non pour autant purement subjectifs ou strictement "poétiques". Coordonné par Annick Ettlin et Jan Baetens, le numéro couvre des périodes très variées, du Moyen Âge aux écritures plus contemporaines, dans une attention à un large éventail de styles et de genres. Comme de coutume, un dossier critique de notre revue des parutions Acta fabula accompagne ce sommaire, pour proposer un état-présent des travaux sur les savoirs de la poésie.
(Illustr.: P. Éluard, Poésie et vérité, 1942 ; Neuchâtel : La Baconnière, [1943])
Délivrer le temps

Comment la littérature pénètre-t-elle dans le musée, ce lieu où s'éclaire la présence des œuvres ? Que nous dit la littérature du lieu où la peinture s’expose ? Patrick Wald Lasowski a invité une trentaine de ses amis à s'interroger sur la façon dont la littérature recrée le dialogue entre les œuvres, "à mesurer non seulement l’action qu’elles exercent sur la spectatrice ou le flâneur, mais le lien qu’entretiennent avec elles gardiens et gardiennes des lieux, tandis que le monde alentour se laisse découvrir par la fenêtre". Sous le beau titre de Délivrer le temps. Écrire le musée (XIXe-XXIe siècles), leurs réponses se trouvent aujourd'hui réunies, comme autant d'invitations à méditer la possibilité d’une pensée littéraire spécifique sur les œuvres d’art réunies au musée. Avec la complicité des éditions Hermann, Fabula donne à lire l'introduction du volume…
Donner un sens à la misère

Après Le Dernier jour d'un condamné présenté par M. Stein et la Préface de Cromwell éditée par C. Anfrey, la collection GF-Flammarion poursuit son entreprise de réédition des grands titres de V. Hugo avec Les Misérables dans une édition très attendue, établie et présentée par P. Laforgue. Le spécialiste s'y est proposé de "restaurer les lisibilités perdues, en tenant compte de l’historicité de l’écriture", car l'écart entre cet immense roman et le public d'aujourd'hui est devenu immense, pour mieux saisir la force symbolique de la fiction qui n'a rien perdu de son actualité. Car Les Misérables n'ont qu'un objet : "interroger la misère, bien qu’elle échappe au discours, et lui donner un sens, bien qu’elle n’en ait pas". Fabula vous invite à feuilleter le tome I… Les deux volumes sont accompagnés d'un troisième intitulé Philosophie : un essai rédigé par V. Hugo en 1860 au moment de reprendre le manuscrit de son roman après douze ans d'interruption. De l'aveu même de son auteur, cette Préface philosophique des Misérables, "contient un quasi-ouvrage sur [sa] philosophie religieuse personnelle, pouvant servir, soit de préface spéciale aux Misérables, soit de préface générale à [ses] œuvres".
1839, Paris ou Londres ?

Paris, 7 janvier 1839. L’homme politique et célèbre scientifique François Arago fait une communication devant l’Académie des sciences à propos d’un nouveau procédé, inventé par Louis Daguerre, qui permet de fixer les images se formant au foyer d’une chambre obscure. Immédiatement, le monde tend l’oreille et en quelques jours, avant que quiconque ait eu l’occasion de voir un daguerréotype, la nouvelle selon laquelle la science permet désormais de reproduire la nature se répand d’un bout à l’autre de l’Europe et atteint l’Amérique. Pris de vitesse, William Henry Fox Talbot qui, en Grande-Bretagne, a produit ses premiers "dessins photogéniques" quelques années auparavant, s’empresse alors de rendre son procédé public… À dater de 1839 donc, de nombreux acteurs, qu’ils soient savants, journalistes, artistes ou voyageurs, contribuent à inventer des métaphores, établir des comparaisons, forger des concepts et élaborer des raisonnements – en bref à instituer les canons et les cadres de référence du discours sur la photographie. Sous le titre 1839. Daguerre, Talbot et la publication de la photographie (Macula), Steffen Siegel a réuni une riche anthologie d'écrits provenant des deux pays d’origine des premiers procédés photographiques, la France et la Grande-Bretagne, rédigés en cette année 1839 ou juste avant.
(Illustr.: Louis Jacques Mandé Daguerre, "Le Boulevard Saint-Martin", daguerréotype, ca. mars 1839)
Documents (1929-1931)

Bien qu’ayant cessé de paraître après seulement quinze numéros (1929-1931) et qu’aucune institution n'en possède la collection complète, la revue Documents est aujourd’hui légendaire : Georges Bataille, Michel Leiris et Carl Einstein ont écrit près de la moitié des articles, les autres contributeurs étaient des transfuges du Surréalisme (Desnos, Vitrac, Queneau), des membres du musée ethnographique du Trocadéro (Rivière, Schaeffner, Griaule), de L’institut d’ethnologie (Mauss, Rivet) mais aussi des archéologues et des historiens de langue allemande, ouvrant ainsi pas l’entremise d’Einstein, le champ de Document à une pensée transnationale. Les Nouvelles Éditions Place rééditent en deux fort volumes et en fac-similé l'ensemble des livraisons de ce qui fut, selon le mot de Leiris, "une machine de guerre contre les idées reçues".
Littérature et publicité

Réclame, publicité, buzz, storytelling… Quel que soit le nom accolé à cette réalité de toujours, la littérature est aussi affaire de marketing : vendre et faire vendre, il faut bien en venir là ou en partir. Tout n’est-il pas une question de prix, ou de Prix ? Complicité plus ou moins frauduleuse, partenariat mutuellement avantageux, promotion de l’idéal littéraire quand même – selon l’inclination éthique ou politique de chacun, on peut en juger de façons bien différentes, sans oublier l’esthétique, qui fait pardonner bien des errements et quelques compromissions. Issu du programme de recherches sur les relations entre littérature et publicité initité par Myriam Boucharenc, le nouveau numéro d’Histoires Littéraires cherche avant tout à documenter un phénomène où le sacerdoce pactise avec le négoce, selon le mot de Valéry (qui s’y connaissait). Avec cette livraison, la revue Histoires littéraires inaugure aussi une nouvelle formule : la constitution d'anthologies documentaires.
Études africaines

Acta fabula consacre son 59e dossier critique aux études africaines. Le dossier coordonné par Christine Le Quellec-Cottier et Simona Sala, à l'initiative du Pôle pour les études africaines de la faculté des Lettres de l'Université de Lausanne (PEALL) témoigne d'une relecture active du champ des littératures mettant en scène un univers africain – continental ou diasporique – impliquant autant l’histoire littéraire, des formes singulières que le temps de l’Histoire. Il vient mettre en lumière un renouveau des études sur les littératures et les arts africains, souvent parce que les propositions sont interdisciplinaires et envisagent un continent connecté, partenaire d’autres parties du monde : il ne s’agit pas – ou plus – d’affirmer une spécificité, mais de faire connaître des créations et des initiatives qui résonnent sur des plans similaires, chacune à sa façon. Après l'édition d'Afriques transversales, qui réunissait les textes des entretiens littéraires tenus à l’École Normale Supérieure, les actes du colloque de Lausanne sur L'œuvre de Yambo Ouologuem. Un carrefour d'écritures (1968-2018) et la récente publication d'une journée d'étude consacrée à Henri Lopes, ce dossier "Études africaines: nouvelles approches, nouveaux enjeux" vient redire que l'Afrique est chez elle sur Fabula.
Proust politique

Requis de renoncer à la publication d’un article en tête du Figaro en raison de la signature du Traité de Versailles (28 juin 1919) et de la préférence accordée à d’autres contributions considérées comme plus actuelles, Proust écrivait à Robert de Flers : "je comprends très bien que les hommes de lettre, même ceux dont les livres, comme les miens, sont soudés très étroitement à la guerre et à la Paix, doivent garder effacement et réserve. Cedant armis libelli !". "Que les livres cèdent aux armes" … La polémique engendrée par le Prix Goncourt décerné en 1919 à À l’ombre des jeunes filles en fleurs semble contredire cette affirmation. À l’occasion du Centenaire de ce prix, et en référence à l’épuisement tout comme aux renouveaux existentiels, politiques et littéraires suscités par la fin de la première guerre mondiale, un colloque "Proust politique : De l'Europe du Goncourt 1919 à l'Europe de 2019" a réuni à Milan des chercheurs de différents pays pour examiner les relations que l’œuvre de Proust entretient avec l’histoire, avec la société de son temps et du nôtre, les conflits ouverts ou souterrains qu’ elle révèle ou recèle, et, plus contemporainement, de se demander s’il est possible de répondre avec Proust aux défis socio-politiques auquel la littérature se heurte un siècle plus tard. Les actes en paraissent aujourdhui dans les Quaderni Proustiani, sous la direction d'A. Simon, D. Vago, M. Verna et I. Vidotto.
Littérature et culture matérielle

Après le volume Usages de l’objet. Littérature, histoire, arts et techniques, XIXe-XXe siècles, Marta Caraion fait paraître Comment la littérature pense les objets. Théorie littéraire de la culture matérielle (Champvallon), un essai qui prélude à un projet de recherche sur les rapports entre littérature et culture matérielle du XIXe au XXIe siècle (FNS/Université de Lausanne). Elle montre comment la littérature assure un rôle essentiel dans la constitution d’une pensée critique de la culture matérielle de l’âge industriel : avant les sciences sociales et la philosophie, les textes littéraires, à partir des années 1830, problématisent les mutations d’une culture matérielle en expansion et l’ébranlement que celle-ci provoque dans l’ordre des catégories existentielles et esthétiques. En observant les objets sous toutes leurs coutures (sociologique, esthétique, ontologique) le livre pose les bases d’une théorie générale et actuelle des objets, instituée par la fiction. Fabula vous invite à découvrir le sommaire de l'ouvrage et à lire deux extraits de son introduction : "Pour une lecture matérialiste des objets en littérature", et, dans l'Atelier de théorie littéraire, "Les objets littéraires comme pensée critique", qui vient enrichir l'entrée "Choses" de l'encyclopédie.
Centenaire Jean Starobinski (1920–2020)

En 2018, les Archives littéraires suisses décidaient de concevoir une exposition virtuelle pour commémorer le centenaire de la naissance de Jean Starobinski (1920–2019). Conçu avec l'aide de l'ECAL Lab (École Polytechnique Fédérale de Lausanne), le projet a réuni pendant deux ans, au gré d’un vaste chantier expérimental, des experts de littérature, en recherche muséale, en design, en ingénierie et psychologie. L'équipe a observé, documenté, commenté, l’histoire de la critique et la critique de la critique, à une époque où les débats sur celle-ci faisaient la une des grands journaux. L’exposition Relations critiques, couronné par le Prix "Le Meilleur du Web" 2020 est désormais ouverte au public.
Théories de la surveillance

Si, d’un point de vue empirique, la surveillance est bien identifiée depuis plusieurs décennies comme un enjeu majeur - politique, social et économique – de nos sociétés contemporaines, donnant lieu à de nombreux dossiers et investigations journalistiques, le champ des écrits théoriques sur le sujet reste assez méconnu, souvent aimanté par la seule hypothèse "panoptique" formulée par Foucault dans Surveiller et punir (1975). Le fait est que les situations que nous vivons semblent accréditer l'idée d'une logique principalement "gouvernementale", portée par un arsenal de dispositifs de type avant tout "disciplinaire". Il n’est que d’évoquer la crise sanitaire actuelle… Dans Les théories de la surveillance. Du panoptique aux Surveillance Studies (A. Colin), Olivier Aïm ouvre l'œilleton sur une tradition de textes qui préexiste à la thèse foucaldienne (Taylor, Weber, James B. Rule), comme sur les relectures et les amendements théoriques qui lui succèdent, et l'horizon immense de recherche qui s’est ouvert depuis une vingtaine d’années : la société de contrôle (G. Deleuze), le paradigme sécuritaire (G. T. Marx ; G. Agamben), la capture (P. E. Agre), la dataveillance (R. Clarke), la vigilance (M. Foessel), la sousveillance (S. Mann), la gouvernementalité algorithmique (T. Berns et A. Rouvroy), le tri panoptique (O. Gandy ; D. Lyon), la société de la transparence (D. Brin ; B. C. Han ; E. Alloa ; etc.) ; la shareveillance (C. Birchall), le capitalisme de surveillance (S. Zuboff), la surveillance sociale (D. Boyd et A. Marwick), la société de l’exposition (B. E. Harcourt), le design de l’obscurité (W. Hartzog), l’obfuscation (F. Brunton et H. Nissenbaum)… L'Atelier de théorie littéraire de Fabula inaugure une nouvelle entrée "Surveillance" avec un extrait de l'ouvrage : "Le tournant "actuariel" de la littérature surveillancielle : Dostoïevki et Zamiatine".
Input pictura poesis

Dans le sillage du visual turn caractéristique du dernier quart du vingtième siècle, les interactions entre image et texte se sont intensifiées, rendant bien souvent caducs les anciens rapports d’illustration ou de simple documentation dans un sens, d’ekphrasis ou de glose dans l’autre. La transition numérique, si elle fut à l’origine de riches controverses sur la perte éventuelle de l’indicialité comme caractéristique ontologique centrale de la photographie, eut également pour conséquence de démultiplier et de diversifier encore les compagnonnages iconotextuels au point d’exiger des approches critiques et théoriques ouvertes à ces systèmes d’une complexité sémiotique neuve. La circulation massive des images sur le Web 2.0 ne se contente pas d’élargir l’audience des clichés postés sur un blog ou un réseau social, mais tisse des liens à la fois vers des pratiques préexistantes, comme le collage ou le calligramme, le ready-made ou le montage, voire invente de nouvelles formes de coprésence du texte et de l’image. À l'initiative de Gilles Bonnet et Jérôme Thélot et sous le titre Input pictura poesis, la deuxième livraison des Nouveaux Cahiers Marge revient sur l’avènement de la photographie numérique, et les liens entre littérature et photographie numériques.
(Photo.: © Patrick Devresse)
Littérature brute

Lettres d’amour ou de rage, prières poétiques, journaux intimes singuliers, plaidoyers véhéments, missives délirantes et grimoires, les écrits d’art brut ont été créés à huis clos, dans le secret et le silence. La très grande majorité sont privés d’adresse ou réservés à quelque destinataire onirique ou spirituel. Sous le titre Écrits d'art brut. Graphomanes extravagants (Seuil), Lucienne Peiry a réuni les textes de trente auteurs, manuscrits souvent étrangement calligraphiés, enluminés, brodés, accompagnés de peintures et de dessins, mais aussi griffonnés à la hâte. Méconnus voire inconnus, ces "graphomanes extravagants" ont été découverts pour certains par Jean Dubuffet (Adolf Wölfli, Jeanne Tripier, Laure Pigeon, Carlo Zinelli) dans les années 1940-1970, d’autres (Melvin Way, Fernando Nannetti, Charles Steffen) plus récemment. Ils proviennent de plusieurs pays d’Europe (France, Suisse, Allemagne, Autriche, Italie) ainsi que du Brésil, d'Indonésie et des États-Unis. Avec eux, l’écriture trouve un souffle nouveau et déploie une poésie sauvage. Fabula vous invite à feuilleter l'ouvrage…, en attendant l'exposition qui devrait ouvrir ses portes en 2021 au Musée Tinguely à Bâle.
Papa se meurt, maman est morte

Au commencement, il y a une expérience, à la fois banale et tragique : devenir orphelin à l’âge adulte, à l’âge où il est justement normal de "perdre" ses parents. Mais ce qui s’inscrit dans le cours des choses n’est pas pour autant sans effet sur l’écrivain et sur son œuvre. Dans Papa se meurt, maman est morte : quand l'écrivain.e devient orphelin.e, les chercheurs réunis par M. Decout et S. Chaudier interrogent la productivité littéraire contemporaine de ces réalités existentielles à travers différentes générations d’auteurs (Perec, Derrida, Cixous ; Claude Louis-Combet, Jean Rouaud ; Philippe Vilain, Gwenaëlle Aubry, Lydia Flem, Anne Pauly…). L’expérience du deuil ouvre un espace d’écriture lié à un désir d’exploration où les formes littéraires se réinventent.
La poésie avec ou sans sujet

A l'heure où le témoignage, l'affect et l'émotion opèrent un retour en force dans les pratiques littéraires, la poésie pose elle aussi la question du sujet, de sa place et de sa construction à travers l'écriture. Dans Le Gouvernement des poètes (Hermann), Jean-François Puff montre ainsi que le champ de la poésie française, des années 1960 à nos jours, se caractérise par une « querelle du sujet » subreptice, parallèle à celle, plus visible et spectaculaire, qui a eu lieu en philosophie. Quels sont les usages possibles de la poésie dans nos vies ? Peut-elle se définir comme un exercice spirituel singulier ? Comme une « forme de vie » ? Pour aborder ces questions, Fabula vous invite à lire l'introduction de l'ouvrage. Et pour les prolonger, on partira à la découverte du volume Emmanuel Hocquard. La poésie mode d'emploi (Les presses du réel, dir. N. Koble, A. Lang, M. Murat et N. Koble), premier bilan d'envergure de cette oeuvre qui déjoue les catégories littéraires en même temps qu'elle redéfinit le sujet lyrique et la communauté poétique.
Grand soir et petits matins

En mai 2018 se tenait à La Sapienza un colloque sur "L’imaginaire de Mai 68 dans la littérature contemporaine". C'est depuis un double point de vue, celui des littératures françaises et italiennes, que se sont déroulés les débats, allant de la question de la participation des écrivains aux événements de 1968 à celle de leur prise en charge, narrative et, parfois, fictionnelle de la période, qui participe d’un ensemble de représentations culturelles, tout à la fois locales et européennes. La revue Publifarum en donne les actes en libre accès, réunis par Andrea Del Lungo et Estelle Mouton-Rovira.
Paraît dans le même temps Ce que Mai 68 a fait à la littérature, sous la direction de Nelly Wolf et Matthieu Rémy (P.U. du Septentrion), qui entend montrer que, contrairement à l’idée reçue, Mai 68 a exercé une influence à la fois rapide, profonde et durable sur la littérature. Non seulement les écrivains se sont engagés dans l’action à l’instar de Blanchot ou Duras, mais le mouvement a inspiré aux romanciers, poètes et dramaturges, témoins ou acteurs de Mai, une écriture contemporaine ou quasi contemporaine de l’événement, ainsi que le prouvent les exemples de Merle, Lainé, Gary, Heidsieck, etc. Dans ce livre sont analysés en outre la place prise par Mai 68 dans l’imaginaire littéraire des générations antérieures (Leiris, Aragon, Malraux) et postérieures (Quintane, le collectif Inculte) ainsi que le rôle joué par Mai 68 dans une série de mutations littéraires, telles que l’émergence d’une écriture féminine revendiquant sa spécificité (Duras, Rochefort), ou la structuration institutionnelle de genres jusque-là réputés mineurs comme la science-fiction ou le roman noir.
Le théâtre et la peste

En mars 2020, au moment de l’explosion de la pandémie et du confinement instauré dans nombre de pays, Wolfgang Pannek, metteur en scène et directeur de la compagnie brésilienne Taanteatro, lance depuis São Paulo un projet cinématographique international basé sur le texte d’Antonin Artaud, "Le Théâtre et la peste", essai prophétique présenté pour la première fois le 6 avril 1933 à la Sorbonne comme une conférence performative... Le film qui en est résulté est désormais accessible en ligne : Antonin Artaud's The Theatre and the Plague (62 minutes, 11 langues, sous-titres en anglais). Associant une quinzaine d'artistes et de spécialistes des sciences humaines d'Europe, d'Afrique, d'Asie, d'Australie et d'Amérique, ce "cadavre exquis cinématographique" transforme un texte classique de la théorie du théâtre du XXe siècle en une réflexion sur l'expérience pandémique actuelle, dans sa tension critique entre "mort et guérison".
Badiou toujours engagé

Après Que pense le poème ? (Nous éd.), qui agençait des textes théoriques sur la poésie et des lectures spécifiques de poètes (Pasolini, Hopkins, Stevens, Pessoa, Mallarmé...), Alain Badiou relance la pensée vers le poème dans Radar poésie. Essai sur Aragon (Gallimard), dont la cause, dans l'engagement politique comme dans la ferveur amoureuse, n'a jamais cessé d'être la poésie. Fabula vous invite à feuilleter l'ouvrage…, et à découvrir le compte rendu croisé proposé par A. Ettlin des essais respectifs d'A. Badiou et de J. Rancière dans le soixantième dossier critique d'Acta fabula qui accompagne un nouveau sommaire de Fabula-LhT intituté "Toucher au vrai. La poésie à l'épreuve des sciences et des savoirs".
Forest toujours souverain

Philppe Forest fait paraître Éloge de l'aplomb. Et autres textes sur l'art et la peinture (Gallimard), qui vont d'Hubert Robert et Hippolyte Flandrin pour le passé, Picasso et Chagall pour le XXe s., jusqu’à Fabrice Hybert et Yayoi Kusama pour le contemporain. L’art, reconnaît Philippe Forest, appartient d’abord aux artistes et aux historiens de l’art, aux créateurs et aux critiques. "Mais, ajoute-t-il, à côté de celui qu’ils tiennent, un autre discours sur l’art est également possible qui assume explicitement sa dimension subjective et l’ignorance relative sur laquelle il repose". C’est pourquoi Éloge de l’aplomb appartient de plein droit à l’œuvre littéraire de Philippe Forest, qui fait place dans le même temps à un titre plus inattendu : Napoléon. La fin et le commencement, en se penchant sur le roman que Napoléon nous a laissé, et qui, depuis deux siècles, continue à s'écrire sans lui. Et avec lui se perpétue ce "songe immense mais rapide comme la nuit désordonnée qui l'avait enfanté" dont parlent les Mémoires d'outre-tombe. Fabula vous invite à feuilleter l'ouvrage… en attendant la publication en janvier aux PUF d'un volume d'entretien avec Jean-Marie Durand
(Illustr.: Philippe Forest, à Paris en octobre 2019 © Jean-Luc Bertini)
Pacte fictionnel et mondes fictionnels

Dans Fiction, mode d'emploi (P.U. Rennes), dont on peut découvrir sur Fabula l'introduction, Étienne Boillet propose une synthèse des textes de référence sur la fiction et une tentative de les prolonger. En exposant des thèses et des outils conceptuels qui lui sont propres, Étienne Boillet entend contrer les arguments relativistes ou « panfictionnalistes », selon lesquels il n’y aurait pas de différence essentielle entre fiction et non-fiction. Passant de la littérature au cinéma ou de la bande dessinée au jeu vidéo, il s’attache à dégager ce qu’il y a de spécifique et ce qu’il y a de commun entre textes et images, romans et témoignages, biopics et documentaires, fiction et reconstitution. Sous le titre "Pacte fictionnel et mondes fictionnels", l'Atelier de théorie littéraire donne à lire un dialogue affabulé par l'auteur à l'ouverture de son premier chapitre.
Littérature et culture matérielle

Après le volume Usages de l’objet. Littérature, histoire, arts et techniques, XIXe-XXe siècles, Marta Caraion fait paraître Comment la littérature pense les objets. Théorie littéraire de la culture matérielle (Champvallon), un essai qui prélude à un projet de recherche sur les rapports entre littérature et culture matérielle du XIXe au XXIe siècle (FNS/Université de Lausanne). Elle montre comment la littérature assure un rôle essentiel dans la constitution d’une pensée critique de la culture matérielle de l’âge industriel : avant les sciences sociales et la philosophie, les textes littéraires, à partir des années 1830, problématisent les mutations d’une culture matérielle en expansion et l’ébranlement que celle-ci provoque dans l’ordre des catégories existentielles et esthétiques. En observant les objets sous toutes leurs coutures (sociologique, esthétique, ontologique) le livre pose les bases d’une théorie générale et actuelle des objets, instituée par la fiction. Fabula vous invite à découvrir le sommaire de l'ouvrage et à lire deux extraits de son introduction : "Pour une lecture matérialiste des objets en littérature", et, dans l'Atelier de théorie littéraire, "Les objets littéraires comme pensée critique", qui vient enrichir l'entrée "Choses" de l'encyclopédie.
Avec reconnaissance

Le concept de "reconnaissance" est aujourd’hui essentiel à notre identité politique et culturelle : il recouvre des exigences aussi diverses que celles de se respecter mutuellement comme membres égaux d’une communauté de coopération ; de garantir une reconnaissance inconditionnelle à la singularité de l’autre ; ou de témoigner de considération aux minorités culturelles. Or les cultures française, britannique et allemande divergent profondément dans leur façon de concevoir le sens et le contenu de la rencontre interhumaine. Si, dans le contexte français, l’effort individuel pour acquérir un statut social ou une existence socialement assurée fait naître la crainte de la perte de soi, dans le contexte britannique, le besoin individuel d’approbation sociale dispose les sujets à exercer un contrôle moral sur eux-mêmes ; tandis que, dans le contexte germanophone, la nécessité où se trouve l’individu d’entrer dans une relation de reconnaissance réciproque ouvre la possibilité de l’autodétermination. Dans La reconnaissance. Histoire européenne d'une idée (Gallimard), Axel Honneth s’interroge sur le lien qui existe entre les trois approches : ne font-elles qu’éclairer différemment le même phénomène de reconnaissance intersubjective, ou bien en révèlent-elles des aspects complémentaires qui, rassemblés, fourniraient une image plus complexe de ces processus? La reconnaissance est suivi, en annexe, de "Abolir les injustices, l’emporter sur le crime : retour sur les souces de la solidarité européenne". Fabula vous invite à feuilleter l'ouvrage…
Morand toujours plus compromis

Le Journal de guerre de Paul Morand était un objet mythique dont l'existence même était sujette à caution. Au vrai, l'écrivain avait bien conservé ses notes prises durant la guerre et avait même commencé à en préparer la publication. Il en avait déposé le manuscrit à la Bibliothèque nationale, parmi un vaste ensemble de papiers personnels. Ce Journal de guerre. Londres, Paris, Vichy (1939-1943) paraît pour la première fois, soigneusement édité par Bénédicte Vergez-Chaignon, sans retouches ni coupes, enrichi des ajouts et annexes prévus par Paul Morand lui-même et de quelques textes contemporains de sa rédaction. Et il est accablant pour celui qui fut nommé ambassadeur en Roumanie en 1943, et choisit de se présenter à Vichy à l'été 1940, puis de rejoindre au printemps 1942 le Cabinet de Pierre Laval. Paraît dans le même temps la biographie longuement mûrie par Pauline Dreyfus : Paul Morand (Gallimard), portrait d'un faux dilettante fasciné par la modernité, et dont les publications posthumes, comme les archives jusqu'ici inaccessibles, journaux intimes, correspondances inédites, révèlent un antisémitisme longtemps occulté. Signalons encore, au sommaire de la dernière livraison de la NrF, une nouvelle inédite du romancier.
Brecht toujours de bonne méthode

L'œuvre aussi vaste que fragmentée de Brecht se trouve soutenue par une méthode, perceptible partout, mais qui ne se donne pourtant nulle part directement : telle est l'hypothèse défendue par Fredric Jameson dans un Brecht et la méthode dont les éditions Trente-trois morceaux propose la traduction. Cette méthode de Brecht ne se situe exactement ni dans une doctrine, ni dans un style, ni dans un art de la narration, mais à leur intersection même, se cristallisant dans une attitude — une forme de la ruse, que l'œuvre de Brecht décline dans son théâtre aussi bien que dans ses essais théoriques, dans sa poésie et ses écrits politiques, dans sa pratique d'écriture et son sens du récit. Construit comme une enquête, Brecht et la Méthode invite à reconsidèrer à neuf les outils canoniques de Brecht – distanciation, gestus, théâtre épique, dissonance – autant que son art de la contradiction, son rapport au modernisme, à la pédagogie et à l'idéologie.
(Illustr.: B Brecht & W. Benjamin)
Genèse scénaristique et films possibles

Dans En cas de malheur, de Simenon à Autant-Lara (1956-1958), sous-titré Essai de génétique scénaristique, Alain Boillat envisage les différentes variantes conçues par les scénaristes dans une perspective narratologique et d’étude des normes de genre. Ce faisant, il propose une méthodologie favorisant l’application au cinéma de la génétique des textes littéraires, et renouvelle plus largement l’étude du phénomène de l’adaptation. L'entrée "Cinéma" de l'Atelier de théorie littéraire accueille l'une des propositions de l'ouvrage : "Genèse scénaristique et films possibles".
Charles Juliet toujours dans la lumière

"Pourquoi écrire un journal ? Je pourrais répondre : parce que je ne sais rien faire d’autre. En réalité, je sais pourtant que ce journal a sa source en ce qui me ronge depuis l’adolescence : la sensation douloureuse de la fuite du temps, du fait que rien ne demeure de ce que nous vivons. D’où la nécessité de garder des traces, de rassembler dans des mots, ce que je me refuse à voir disparaître. Une piètre sauvegarde qui ne m’a jamais abusé ! À ce besoin est associé la recherche exigeante de la connaissance de soi […]. Recherche qui va de pair avec une lutte pour repérer mes entraves, accéder à une véritable liberté, à une pleine adhésion à la vie." Le jour baisse est le dixième volume du journal de Charles Juliet aux éditions P.O.L. Fabula vous invite à feuilleter ce nouveau volume…
Rappelons la publication récente de Pour plus de lumière. Anthologie personnelle (1990-2012) dans la collection Poésie/Gallimard, qui est venu rappeler que c'est encore et toujours la poésie qui condense, de la façon la plus incisive et la plus frappante, l'expression de la quête lente et difficile qui est l'objet de tous les livres de Charles Juliet, ce chemin de l'obscur vers la clarté fait de dépouillements et de dépassements successifs, de doutes surmontés et d'une volonté hors du commun de construire en soi une humanité délivrée. Le volume est précédé en guise de préface du texte La conquête dans l'obscur que Jean-Pierre Siméon avait écrit à l'occasion de la parution de Moisson chez POL.
L'écrivain comme marque

Si l’on voit bien pourquoi Nespresso dépense une fortune pour faire de Georges Clooney son ambassadeur what else, il est peut-être plus difficile de comprendre le gain que la marque espère tirer de l’association avec un écrivain comme David Foenkinos, publié dans la prestigieuse collection « Blanche » chez Gallimard. Et si le profit escompté par l’écrivain est uniquement financier, alors comment comprendre que Victor Hugo accepte que son nom soit utilisé gratuitement par une marque d’encre ? Les liens entre la littérature et les stratégies de marque sont étroits, complexes et anciens comme en témoigne la construction de marques-auteurs par le symboliste Remy de Gourmont ou par le romancier contemporain Guillaume Musso. Le livre coordonné par Adeline Wrona et Marie-Ève Thérenty sous le titre L'écrivain comme marque(Sorbonne Université Presses) propose de recourir à des notions venues de l’analyse des médias et du marketing pour expliquer des pratiques d’écrivains (autopromotion, médiatisation, produits dérivés) et des stratégies d’éditeurs du XIXe siècle à aujourd’hui. Sur son blog la republiquedeslivres.com, P. Assouline a consacré un billet en décembre 2020 à quelques cas de marchandising littéraire…
Vivre entre les langues

On les dit désormais multilingues, plurilingues, translingues, exophones, migrants, alors que dans un dossier de 1940 Les Nouvelles littéraires les appelaient « Les Conrad français ». Les auteurs qui écrivent en plusieurs langues, qui s’autotraduisent ou qui choisissent un idiome différent de leur langue première gagnent en visibilité à un moment où les études littéraires prennent un tournant mondial et que se dessine le champ interdisciplinaire des multilingualism studies. Les études réunies par O. Anokhina et A. Ausoni dans Vivre entre les langues, écrire en français (Éd. des Archives Contemporaines, intégralement accessible en ligne) mettent à profit les outils de la génétique textuelle, de la poétique ou de la sociologie littéraire pour faire le point sur les pratiques de celles et ceux qui, vivant entre les langues, écrivent en français. Se dessine ainsi une histoire littéraire vue sous l’angle du plurilinguisme.
Des Renaissances

La Renaissance mérite-t-elle de conserver son statut unique de fondement de la modernité européenne économique, artistique et scientifique ? C'est à cette question-clé de l’historiographie occidentale que s'est courageusement attelé le sociologue et anthropologue Jack Goody dans Renaissances. Au singulier ou au pluriel ?, dont les éditions A. Colin nous offre aujourd'hui la traduction, dix ans à peine après sa première parution aux presses de Cambridge. Jack Goody observe le modèle européen à la loupe pour le comparer aux renaissances qui ont eu cours dans d’autres espaces culturels, notamment dans le monde islamique et en Chine. Tous ces pays ont en fait connu des moments analogues de remise en cause des dogmes et des arts suivis d’une ouverture culturelle et économique. En mettant l’accent sur la dette de l’Europe envers ses influences extérieures, Renaissances s’inscrit donc dans la droite ligne des études d’histoire critiques de l’eurocentrisme que Goody a développées dans ses derniers livres. Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage…
Henri Lopes de toutes (les) façons

Scandée par l’écriture et l’action politique, l’effervescence de la vie publique et le retrait nécessaire à la création, la trajectoire ambulante d’Henri Lopes, vécue entre le Congo et la France, semble tout aussi multiple que son œuvre, riche de neuf romans, de nouvelles, d’essais, de poèmes et de mémoires récemment livrés au public. De la publication de Tribaliques, en 1971, à la parution, en 2018, d’Il est déjà demain, Henri Lopes a poursuivi la consolidation de son univers, ramifié son invention et, depuis bientôt cinquante ans, n’a jamais cessé d’impulser un élan exploratoire à son écriture. À l'initiative de Céline Gahungu et Anthony Mangeon, les Colloques en ligne de Fabula accueillent les actes d'une journée "Henri Lopes, nouvelles lectures façon façon là", tenue à la Sorbonne en juin 2018 sous le titre "Réinventer la vie, prophétiser le réel", pour faire suite au dossier 'Henri Lopes, lectures façon façon là" précédemment dirigé par A. Mangeon (Études littéraires africaines, n° 45, 2018).
Modernes Anciens

Elles devraient figurer en tête du premier rayon de notre bibliothèque : l'automne a été la saison des anthologies de poésie latine à grecque : Anthologie bilingue de la poésie latine, supervisée par Ph. Heuzé pour la "Bibliothèque de la Pléiade", qui couvre sur plus de deux mille ans les noces de la poésie et de la langue latine, des poèmes de Lucrèce aux pages d’Érasme, de Virgile à Pétrarque, d’Ovide et de Politien à Thomas d’Aquin et Pascal Quignard. Fabula vous invite à feuilleter le volume… ; mais aussi, pour ne pas reste en dettes, Anthologie de la littérature grecque, sous titrée De Troie à Byzance, supervisée par L. Plazenet pour "Folio Classiques", pour vingt-trois siècles de littérature, sur tous les tons et dans tous les sujets, d’Œdipe à la passion du Christ, de la fondation de la démocratie à l’Empire, sont à la source de notre histoire et de notre imaginaire. Fabula vous invite là encore à découvrir l'ouvrage… La même collection réédite dans la foulée l'Anthologie de la littérature latine parue en 2005 sous la direction de J. Gaillard et R. Martin.
Qui suis-je ?

Qui suis-je ? Aucune discipline scientifique n’oserait à elle seule penser, affronter et circonscrire cette vieille question métaphysique… et enfantine. En mettant en œuvre une interdisciplinarité effective, les auteurs réunis par Jean Birnbaum dans L'identité. Dictionnaire encyclopédique ont eu pour ambition d’éclairer l’énigme de l’identité personnelle, mais pas seulement. En effet, l’identité est à la fois le caractère de ce qui est même et de ce qui est unique, qu’importe l’objet. Pensée comme individuelle, elle serait tour à tour personnelle, psychologique, génétique ou narrative ; pensée comme collective, elle serait sociale, ethnique, familiale, genrée, linguistique ou encore nationale….
Le corps a ses raisons

Le corps a-t-il une histoire ? Madame Bovary avait-elle de la fièvre ? Pourquoi Molière se moque-t-il des médecins ? Les psychiatres soviétiques ont-ils révolutionné l’approche des maladies nerveuses ? Et encore : d’où vient la semence ? Le stress est-il une maladie ? Telles sont quelques-unes des questions étonnantes que Jean Starobinski affronte dans ses enquêtes d’histoire de la médecine, réunies aujourd'hui par M. Rueff sous le titre Le corps a ses raisons (Seuil). D'un essai à l'autre, l’historien se penche sur les disciplines qui ont tenté de cerner les "raisons du corps" : il y a le corps des médecins, celui des philosophes, celui des écrivains, celui des peintres…. M. Rueff nous rappelle que J. Starobinski pratiqua et étudia la médecine comme "une discipline du sens". Si le colloque qui devait marquer à Genève, les 13 et 14 novembre prochain, le centième anniversaire de Jean Starobinski a dû être annulé, on peut se réjouir d'une autre parution: la réédition aux éditions Héros-Limite de son Histoire de la médecine, devenue introuvable depuis 1963, présentée par Vincent Barras et illustrée de dessins signés par Nicolas Bouvier.
Exposer la littérature

Littératures : modes d’emploi a poursuivi ces derniers mois son travail sur l’exposition de la littérature et du livre. Une nouvelle exposition en ligne est désormais disponible sur le site : Au cœur du marché du livre. Les archives d’éditeurs au Canada, elle s’inscrit dans le cadre du projet « Archives éditoriales » piloté par Anthony Glinoer. Par ailleurs, outre les comptes rendus d’expositions régulièrement publiés, L’Exporateur littéraire s’est récemment ouvert aux entretiens relatifs à une exposition. De quoi continuer de se tenir informé et de s'interroger sur la place du littéraire dans les institutions muséales...
Illustrer

Pourquoi, comment, et jusqu’où peut-on accompagner un texte d’une image ? De nombreux débats ont été menés sur la priorité respective de l’image et du texte, ou sur l’affirmation de la dépendance de l’image par rapport au texte. Comment la co-présence de l’image et du texte dans un espace commun fait-elle sens ? Comment agit-elle sur la dynamique de la lecture ? ou lui fait-elle obstacle ? Mais il faut aussi s’interroger sur les supports associant texte et image. Quels sont les formats, les techniques, les emplois, les variations possibles de ces ensembles qui engagent l’histoire des regards et des savoirs, autant que celle des médias et de la culture visuelle ? Telles sont quelques-unes des questions sur lesquelles revient une livraison de la revueTextimage, qui réunit sous le titre interrogatif : Illustrer ? les actes d'un collloque tenu en janvier 2019 à l’Université de Paris Diderot – Paris 7 et à l’Institut national d’histoire de l’art à l’initiative de membres du Centre d’étude de l’écriture et de l’image. Dédié à Barbara Wright, le sommaire offre aussi une conférence inédite d’Anne-Marie Christin : "De l’illustration comme transgression".
L'art d'assaisonner les textes

Après B. comme Homère. L'invention de Victor B. (2016) et Carmen, pour changer (2018), Sophie Rabau prolonge sa salutaire réflexion sur la "lirécriture" en enseignant L'Art d'assaisonner les textes, un essai lui-même assez relevé qui paraît ces jours-ci aux mêmes éditions Anacharsis avec ce sous-titre : Théorie et pratique de l'interpolation. Le geste de l'interpolateur y est défini comme "la capacité à intervenir – selon des principes bien établis – dans tous les textes, selon une logique de lecture active". Fabula vous invite à découvrir un extrait de l'ouvrage…
Territoires de la non-fiction

Nul doute que le genre de ce début de XXIe siècle soit le document : écritures de voyage, d’investigation, enquêtes judiciaires ou ethnologiques, autobiographies, factographies, factions, rapports et enregistrements littéraires, et autres formes de récits refusant de se dire fictions occupent nos librairies. Littérature d'information, de témoignage, d’inventaire ou de documentation : ces textes ne se contentent pas de déjouer les critères des classements des bibliothèques et d’intriguer les théoriciens du récit, ils modifient profondément les catégories du littéraire et imposent leur poétique propre. À l'initiative d'Alexandre Gefen, un volume collectif cherche à inventorier les Territoires de la non-fiction. Cartographie d’un genre émergent (Brill/Rodopi). Fabula vous invite à lire l'introduction du volume, dont l'Atelier de théorie littéraire accueille une proposition synthétique.
Raisons d'agir. Passions et intérêts au XIXe siècle

À la croisée de la psychologie cognitive, de l’histoire des idées et de la poétique du roman, un récent colloque tenu à la Sorbonne se proposait d'examiner les ressorts des conduites dans les fictions du XIXe siècle, sous l'intitulé "Raisons d'agir : passions et intérêts dans le roman français du XIXe siècle". Les Colloques en ligne de Fabula en accueillent aujourd'hui les actes, réunis et présentés par Boris Lyon-Caen, avec la collaboration d’Aurélia Cervoni et de Pascale Langlois.
La vérité sur les fausses nouvelles

On ne l'attendait pas sur ce terrain, même en sachant son indéfectible passion pour la vérité des paradoxes: Pierre Bayard prend la défense des fake news dans un essai dont l'intitulé est lui-même sans vergogne: Comment parler des faits qui ne se sont pas produits ? (Minuit). Il nous y invite à reconnaître les bienfaits des informations fausses, dans notre existence privée et comme dans la vie collective. "Elles ne sont pas seulement, en effet, source de bien-être psychologique, elles stimulent la curiosité et l’imagination, ouvrant ainsi la voie à la création littéraire comme aux découvertes scientifiques." Vraiment ? Fabula vous invite à lire les premières pages de l'ouvrage, à feuilleter un extrait, ou à voir la vidéo de présentation…
L'ordre des temps

À l’instar de Buffon reconnaissant les «Époques» de la Nature, F. Hartog s'attache à distinguer des époques du temps, des manières grecques d’appréhender Chronos jusqu’aux graves incertitudes contemporaines, avec un long arrêt sur le temps des chrétiens, conçu et mis en place par l’Église naissante : un présent pris entre l’Incarnation et le Jugement dernier. Dans Chronos. L'Occident aux prises avec le Temps (Gallimard), il nous invite à observer comment l’emprise du temps chrétien s’est diffusée et imposée, avant qu’elle ne reflue de la montée en puissance du temps moderne, porté par le progrès et en marche rapide vers le futur. Jusqu'à notre présent : "un temps inédit a surgi, vite désigné comme l’Anthropocène, soit le nom d’une nouvelle ère géologique où c’est l’espèce humaine qui est devenue la force principale : une force géologique. Que deviennent alors les anciennes façons de saisir Chronos, quelles nouvelles stratégies faudrait-il formuler pour faire face à ce futur incommensurable et menaçant? ". Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage…
L'institut W.

Ancienne élève d’Ernst Cassirer, philosophe, historienne de l’art, bibliothécaire, Gertrud Bing (1892-1964) collabore dès la fin 1921 à la Bibliothèque Warburg des sciences de la culture (KBW). Elle devient bientôt l’assistante d’Aby Warburg qu’elle accompagne dans son dernier voyage italien. Ouvrière essentielle du collectif que représente l’Institut Warburg depuis sa naissance, elle en a assuré, entre autres, la transmission de la mémoire de ce laboratoire décisif de la pensée du XXe siècle et d’une histoire de l’art qui a accompli là son tournant décisif. C’est elle qui, en 1932, trois ans après la mort de Warburg, réalise la première édition de ses Écrits. À partir de 1933-1934, c’est elle qui dirige avec Fritz Saxl le redéploiement de l’Institut à Londres, le sauvant de sa destruction par le régime national-socialiste. En 1955, succédant à Henri Frankfort, elle assume la direction de l’Institut, désormais associé à l’Université de Londres. Nommée membre honoraire à partir de 1960, elle a continué à éditer les publications de l’Institut tout en travaillant à une biographie intellectuelle de Warburg. Bing meurt en 1964, laissant inachevé son dernier grand projet, une biographie intellectuelle de Warburg. Édités par Philippe Despoix et Martin Treml, et préfacés par Carlo Ginzburg, les Fragments sur Aby Warburg (INHA éd.) rassemblent pour la première fois les textes ayant trait à ce projet de biographie intellectuelle de Warburg dans leurs langues originales, l’allemand et l’anglais, entre lesquelles oscille l’écriture de Gertrud Bing.
(Illustration : G. Bing, A. Warburg et H. Volmer à Rome en 1929, avec la feuille de Strohmeyer. The Warburg Institute, archives)
Une histoire mondiale du musée

Krzysztof Pomian fait paraître en français le premier tome de son maître-livre : Le musée, une histoire mondiale (Gallimard). Des accumulations des tombeaux égyptiens ou chinois et des trésors royaux jusqu’à notre Louvre d’aujourd’hui, entre autres lieux, il faudra du temps pour que le musée trouve sa forme et sa fonction de conservation, d’étude et d’exposition des objets. Le premier volume de cette monumentale entreprise (trois tomes sur deux ans), Du trésor au musée, part d’un passé éloigné pour arriver à la création de l’institution appelée "musée", inventée en Italie à la fin du XVe s., gagnant toute l’Europe au XVIIIe s. Une histoire faite de dons et de marchandises, de vols et de pillages, de guerres et de diplomatie. Et aussi d’architecture, de manière de contempler et de manier les objets, de problèmes juridiques et d’organisation, avant les vastes débats d’exposition, d’éclairage, d’accrochage qui suivront. Une histoire d’art, mais aussi de commerce, de savoirs, de techniques.
Des classiques avant les classiques

La collection GF-Flammarion vient éclairer ce qui constitue une manière de point aveugle de l’histoire du théâtre français: la tragédie du XVIe siècle. En réunissant la Cleopatre captive de Jodelle, le David combattant de Des Masures, Saül le furieux de J. de La Taille et La Troade de Garnier, l'anthologie procurée par Emmanuel Buron et Julien Goeury redonne accès à ce très riche corpus, qui compte des pièces d’avant-garde dont le siècle suivant atténuera les audaces pour s’accommoder au goût d’un public plus policé. Acculturation humaniste du modèle antique ou instauration d’un théâtre calviniste militant, volonté didactique de présenter des personnages au comportement exemplaire ou scandaleux, puissance rhétorique des discours et violence crue des spectacles : telles sont les principales caractéristiques de cette dramaturgie originale. Fabula vous invite à feuilleter le volume…, dont Bénédicte Louvat rend compte dans la livraison d'octobre d'Acta fabula sous le titre : "L'âge des possibles. Le théâtre tragique du XVIe siècle".
Signalons encore à cette occasion la récente livraison de la Revue d'Histoire du Théâtre consacré à "Théâtre, guerres et religion en Europe au XVIe siècle", à l'initiative de C. Bouteille-Mesiter, F. Cavaillé et E. Doudet, numéro dédié à la mémoire de Christian Biet, éclaireur de ces théâtres de l'action.
Dans la bibliothèque du monde

Wiliam Marx réitère son invitation à Vivre dans la bibliothèque du monde en donnant à lire sa leçon inaugurale au Collège de France ; Fabula vous invite à découvrir l'ouvrage dans sa totalité en ligne... Au printemps, le prochain cours de W. Marx portera sur "Les bibliothèques invisibles". Et l'on peut retrouver le précédent, "La bibliothèque des étoiles nouvelles", en vidéo ou audio sur le site du Collège.
La littérature contemporaine au collectif

La littérature a des auteurs, elle a eu aussi depuis un demi-siècle des collectifs. Les collectifs n’ont pas d’organisation hiérarchique, ils ne reposent pas nécessairement sur des rencontres et sur des formes fixes de sociabilité, ils pratiquent volontiers la co-écriture et reposent sur des formes de diffusion de l’art et de la pensée, comme des revues et des collections. Ils ont ou ont eu pour nom Wu Ming, le Comité invisible, Perpendiculaire, Inculte, Givre, Ramen, Hétérotrophes ou encore Zanzibar… Tous ont rompu avec la logique des avant-gardes sans renoncer à l’action collective. C’est à ces collectifs littéraires et, plus largement, aux façons de penser la littérature contemporaine au collectif, qu’ont été dédiées deux journées d'études à l’Université de Sherbrooke en novembre 2019. Les Colloques en ligne de Fabula en publient aujourd'hui les actes, réunis par Anthony Glinoer et Michel Lacroix.
(Illustration : Paul Klee, Le Groupe des Onze, © Musée de Berne)
Notre besoin de(s) poètes

"À quoi bon des poètes en temps de détresse ?". La question mélancolique et désabusée posée par Hölderlin prend sans doute une résonance particulière dans cette période de crises : en quoi pouvons-nous aujourd’hui avoir besoin de poètes, besoin des poètes ? Plusieurs ouvrages invitent à réévaluer cette figure complexe, à la fois exemplaire et marginale. Avec l’Anatomie du poète proposée par Jean-Michel Maulpoix chez Corti, c’est le corps même du poète qui fait l’objet d’une mise à nu : un corps de chair et de mots, de sensations et de discours, qui compose une identité mythique et orphique. Quant à Jean-Luc Steinmetz, dans un essai par chez La Baconnière, il remet en lumière Ces poètes qu'on appelle maudits, reprenant la catégorie crée par Verlaine pour l’élargir à Baudelaire, Nerval, Aloysius Bertrand, Lautréamont ou Laforgue. Enfin, grâce à l’édition établie par Erich Unglaub, la publication au Seuil des Lettres à un jeune poète permet, pour la première fois en français, de lire l’intégralité de la correspondance entre Rilke et Franz Xaver Kappus, le « jeune poète » qui s’était effacé au profit de l’auteur des Sonnets à Orphée.
Retrouver Nadeau

Succédant aux Années Combat (1945-1951), le second tome de Soixante ans de journalisme littéraire, préfacé par Tiphaine Samoyault, rassemble l’intégralité des textes littéraires de Maurice Nadeau parus de 1952 à fin 1965 dans les journaux L’Observateur et L’Express, Le Mercure de France, Les Temps Modernes et sa propre revue Les Lettres Nouvelles : le récit d'un itinéraire hors du commun où édition, journalisme littéraire et batailles d’idées sont étroitement mêlés, le portrait d'une personnalité elle-même hors norme, et un outil de premier ordre pour les chercheurs qui travaillent sur l’âge d’or de la critique. Le tome III couvrira prochainement les années de la parution de La Quinzaine littéraire que Maurice Nadeau a fondée et dirigée pendant 47 années (1966-2013), dont l'équipe du site En-attendant-nadeau.fr a pris le relais — et dont les articles relatifs à la critique, à la théorie et à l'histoire littéraires se trouvent régulièrement indexés aux annonces de parution de Fabula.
Photo: ©Sophie Bassouls.
L'homme et l'œuvre

Peut-on dissocier l'œuvre de l'auteur ?, c'est la question que (re)pose Gisèle Sapiro. Car la question resurgit avec force depuis quelques années : du Nobel attribué à Peter Handke aux César offerts à Roman Polanski, sans parler du prix Renaudot remis à Gabriel Matzneff, le débat fait rage. De même, le passé nazi de grands penseurs du XXe siècle, à commencer par Heidegger, trouble notre appréciation de leur legs, tandis que l’inscription d’un Céline ou d’un Maurras au livre des commémorations nationales a suscité une âpre querelle. Faut-il considérer que la morale des œuvres est inextricablement liée à celle de leurs auteurs ? Et bannir les œuvres lorsque leur auteur a fauté ? Loin de l’invective, ce court essai entend mettre en perspective, historique, philosophique et sociologique, cette question, en analysant les prises de position dans ces "affaires".
Paraît également dans quelques jours aux mêmes éditions du Seuil un autre essai de Gisèle Sapiro, qui formera diptyque : Des mots qui tuent. La responsabilité de l'intellectuel en temps de crise (1944-1945). "Il y a des mots aussi meurtriers qu’une chambre à gaz », écrit Simone de Beauvoir pour expliquer son refus de soutenir le recours en grâce de Brasillach, condamné à mort et exécuté en 1945. Peut-on tout dire ? Et à quel prix ?
J. Rancière sur deux scènes

J. Rancière est à l'affiche de la revue Critique qui lui consacre sa livraison d'octobre, sous le titre "Scènes des temps modernes". Le philosophe aime en effet à le rappeler, "il n’y a pas un mais des temps modernes", et tout diagnostic du présent doit s’efforcer de mettre au jour un certain "montage de temps" disparates qui constitue une version possible du moderne. De là son intérêt pour les transformations parallèles du récit historique et de la fiction littéraire (de Marx à Auerbach et de Woolf à Sebald), pour le cinéma (Vertov, Pedro Costa ou Béla Tarr), mais aussi pour la danse, la photographie, et plus récemment l’art des jardins. De là aussi une méthode qui consiste à exhiber et à analyser dans chaque cas des "scènes" qui sont autant de laboratoires où s’inventent les formes précaires et incertaines d’un temps commun. C’est ce moment de son travail – le plus récent – qu’interrogent les textes réunis par Dork Zabunyan.
La revue Europe n'est pas en reste, qui associe Jacques Rancière et Andreï Platonov dans un même sommaire.
D'un chapitre à l'autre

Que devient l’acte de diviser lorsqu’on le rapporte à la diversité de ses pratiques ? Unité en apparence homogène, le chapitre est interrogé dans ce numéro à travers la variété de ses réalisations : chapitrage du roman, d’un DVD, d’une série télévisée, d’une bande dessinée, mais aussi découpage d’une pièce de théâtre ou d’un recueil de nouvelles, et quelques autres encore. Ces opérations de division peuvent-elles se réduire à un seul et même modèle de découpage ? À l'initiative de Claire Colin, Camille Koskas et Jérémy Naïm, la revue Itinéraires offre une série d'études qui viennent faire le point sur "les cultures du chapitre"…
Une histoire de la phrase

Il fallait de bons conteurs pour narrer d'une traite Une Histoire de la phrase française. Des Serments de Strasbourg aux écritures numériques. Gilles Siouffi a su les réunir au sein des éditions Actes Sud. Cette entreprise inédite propose au lecteur un récit chronologique conduit par des spécialistes de chaque période et fondé sur l’exploitation directe de sources littéraires et non littéraires. Les nombreux textes observés sont toujours cités dans leur physionomie d’origine et parfois montrés en images, depuis le premier texte qui nous soit parvenu dans une langue distincte du latin jusqu’aux écritures numériques devenues notre quotidien. C'est dire que cette histoire convoque de nombreuses pratiques culturelles où entrent en jeu l’oral et l’écrit : domaines religieux, éducatifs, politiques, juridiques, administratifs, journalistiques, commerciaux, et bien sûr la littérature.
Littérature #metoo

La littérature se tient-elle au-delà du bien et du mal ? La modernité le proclame depuis les procès de Madame Bovary et des Fleurs du mal. Aujourd’hui, ce droit à la transgression est remis en question au nom de nouvelles valeurs : respect des sensibilités, militantisme culturel, assignation de toute fiction à une expérience vécue. Dans un essai paru dans la collection Theoria incognita des éditions Ithaque, H. Merlin-Kajman se demande ce que devient La littérature à l'heure de #metoo : en 2017, des agrégatifs se demandèrent comment lire et enseigner une pastorale du XVIIIe siècle mettant en scène un viol présumé : ce fut l’affaire Chénier ; en 2020, l’affaire Matzneff soulevait la question de la valeur littéraire d’actes sexuels pénalement répréhensibles; aux États-Unis, l’exigence du trigger warning enjoint les universitaires de signaler à leurs publics les textes au programme dont le contenu pourrait raviver chez eux d’éventuels traumatismes.â La Littérature à l’heure de #MeToo explore la complexité des justifications engagées dans ce qui est peut-être un nouveau régime du jugement esthétique. Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage…
Scènes de scandale

Les Colloques en ligne de Fabula accueille un deuxième sommaire consacré aux scandales théâtraux : Théâtre et scandale (II) : scandales d’hier, scandales d’aujourd’hui, toujours à l'initiative de François Lecercle et Clotilde Thouret. À travers une série de cas, et en croisant les approches historiques et dramaturgiques, les contributions réunies prennent pour objet le phénomène du scandale du théâtre et ses changements au fil du temps, car les polémiques dépendent fortement des configurations historiques, sociales, économiques et médiatiques.
Cette livraison prend la suite du sommaire « Théâtre et scandale », publié en 2019 parmi les Colloques en ligne de Fabula, tous deux conçus au sein du projet « Haine du Théâtre » du Labex OBVIL de Sorbonne Université.
Illustration : F. Tamberlani (Cardinal Barberini / Pape Urbain VIII) dans La Vie de Galilée de Brecht. Mise en scène de G. Strehler, Piccolo Teatro de Milan 1963.
La littérature au-delà des nations. Hommage à Pascale Casanova

La revue de sociologie de la littérature COnTEXTES rend hommage à Pascale Casanova, deux ans après son décès, en proposant des relectures approfondies de son œuvre. Outre la republication d'un texte de la chercheuse sur Henri Michaux paru dans Liber en 1995, le sommaire réunit Françoise Lavocat, Claire Ducournau, Christophe Charle, Joseph Jurt, Laurent Jeanpierre, Tristan Leperlier, Anna Boschetti et Julien Duval.
Le portrait de l'auteur

Alors que « [l]’auteur est, par définition, quelqu’un qui est absent » (Lejeune, 1980), son portrait est omniprésent. Intitulé "Portraits d'auteurs: l'écrivain mis en images", le nouveau numéro de Savoirs en prisme préparé par Caroline Marie et Xavier Giudicelli part de ce paradoxe pour s’interroger sur les formes, les enjeux et l’histoire de cette figuration picturale de l’écrivain qui se donne souvent à lire, par glissement métonymique et métaphorique, comme une représentation de son œuvre, une mise en image de cet invisible intangible que sont l’imaginaire, l’activité d’écriture, ou la littérature même.
(Illustr.: Ezra Pound à Venise)
La littérature contemporaine au collectif

La littérature a des auteurs, elle a eu aussi depuis un demi-siècle des collectifs. Les collectifs n’ont pas d’organisation hiérarchique, ils ne reposent pas nécessairement sur des rencontres et sur des formes fixes de sociabilité, ils pratiquent volontiers la co-écriture et reposent sur des formes de diffusion de l’art et de la pensée, comme des revues et des collections. Ils ont ou ont eu pour nom Wu Ming, le Comité invisible, Perpendiculaire, Inculte, Givre, Ramen, Hétérotrophes ou encore Zanzibar… Tous ont rompu avec la logique des avant-gardes sans renoncer à l’action collective. C’est à ces collectifs littéraires et, plus largement, aux façons de penser la littérature contemporaine au collectif, qu’ont été dédiées deux journées d'études à l’Université de Sherbrooke en novembre 2019. Les Colloques en ligne de Fabula en publient aujourd'hui les actes, réunis par Anthony Glinoer et Michel Lacroix.
(Illustration : Paul Klee, Le Groupe des Onze, © Musée de Berne)
La tâche poétique du traducteur

Alors que les études sur la traduction littéraire n’ont cessé de se diversifier, une livraison des Cahiers Textuel vient donner la parole aux traducteurs et à ceux qui enseignent ou promeuvent la traduction littéraire, pour une réflexion collective sur ce que peut signifier aujourd’hui la "tâche du traducteur", selon l’expression de Walter Benjamin. Si l’essentiel d’une œuvre d’art n’est pas "communication", sa traduction exige d’inventer une poétique se confrontant à l’illisible, à l’agonique, à l’étrange, afin de faire entendre une langue singulière, qui ne soit pas celle de la nation, et qui puisse alors contribuer à faire monde.
L'art de chercher

L’Université de Lyon a organisé le 8 octobre 2019 un séminaire "Arts (ou art) de chercher : l’enseignement supérieur face à la recherche-création". Publié sous la direction d'Éric Dayre et David Gauthier, l’ouvrage collectif issu de ce séminaire aborde la question des arts et de la création, de la recherche et de l’art dans les dynamiques des formations actuelles et de la recherche contemporaine, dans un grand nombre de domaines (lettres, arts, sciences humaines et sciences exactes). Le volume tente ainsi de décrire toute l’importance et les conséquences de cette idée pratique dans l’ensemble des procédures, des enjeux et des grands paradigmes de l’enseignement et de la recherche aujourd’hui. Il suggère enfin quelques redéfinitions et changements institutionnels.
Des notes et des textes

Vous ne lisez pas les notes en bas de page ? Vous avez tort. Rien de plus passionnant qu’une note infrapaginale, ou marginale ou finale. Souvent c’est la note qui contient l’essentiel : imaginez la note à la place du texte, le texte à la place de la note. Sous le titre Des notes et des textes (Brill Rodopi), un volume réuni par F. Schuerewegen se demande si la littérature ne serait pas le lieu où la frontière entre le texte et les notes devient indécidable, en passant en revue les pratiques d’annotation de Balzac, Chateaubriand, Eliot, Mallarmé, Nabokov, Proust, Rimbaud, Oliver Rolin, et bien d’autres. Fabula donne à lire le texte de présentation du volume. Et l'Atelier de théorie littéraire accueille, à l'entrée Paratexte, une note de Franc Schuerewegen : "Proust en bas de page".
(Source de l'illustration : "Les notes de Proust", par A Herschberg Pierrot, site ITEM)
Ceci n'est pas qu'un tableau

En 1657, Nicolas Poussin peint une Fuite en Égypte au voyageur couché. La toile disparaît ensuite pendant plusieurs siècles. Dans les années 1980, différentes versions du tableau réapparaissent, de grands experts s’opposent, des laboratoires d’analyse et des tribunaux s’en mêlent et nombreux sont ceux à vouloir authentiï¬er et s’approprier le chef-d’œuvre. De quoi nous parle cette histoire aux allures d’intrigue policière ? Qu’est-ce qui fait la valeur d’une œuvre d’art ? Et d’où vient cette aura attachée aux créateurs et aux œuvres ? Dans Ceci n'est pas qu'un tableau. Essai sur l'art, la domination, la magie et le sacré, Bernard Lahire montre que le sacré n’a jamais disparu de notre monde mais que nous ne savons pas le voir. La magie sociale est omniprésente dans l’économie, la politique, le droit, la science ou l’art autant que dans la mythologie ou la religion. C’est cet effet d’enchantement qui transforme une sculpture d’animal en totem, un morceau de métal en monnaie, une eau banale en eau bénite ; et qui fait passer un tableau du statut de simple copie à celui de chef-d’œuvre.
Corps en scène

Paru en 2015 aux éd. du CNRS avec une préface d'Olivier Py, le volume Corps en scènes supervisé par C. Courtet, M. Besson, F. Lavocat et A Viala à l'issue de journées tenues durant le Festival d'Avignon est désormais accessible en ligne. Entre émotion et pensée, le spectacle vivant engage le corps des danseurs, des comédiens, mais aussi celui des spectateurs. Perception, attention et émotion sont simultanément activées par les gestes ou par le récit. C'est aussi une pensée du monde qui s'invente, un jeu cognitif qui interroge notre relation aux autres, à la vérité, aux événements, aux valeurs, un moyen pour les sociétés de se raconter, de questionner le politique.
Le monde selon Conrad

Orphelin d’origine polonaise, devenu marin à l’âge adulte, Joseph Conrad ne s’est pas contenté de parcourir les océans avant de s’installer en Angleterre et de devenir l’écrivain à succès que l'on sait : il a su lire les ténèbres de son époque et en faire un tableau aussi cruel qu’actuel. Subtil mélange d’histoire, de biographie littéraire et de récit de voyage, l'enquête publiée par Maya Jasanoff sous le titre Le Monde selon Joseph Conrad (trad. Sylvie Taussig, Albin Michel) nous invite à embarquer, avec pour boussole et cartes maritimes les ouvrages mêmes de Joseph Conrad, sur des bâtiments de la marine marchande qui nous conduisent, comme Conrad naguère, aux quatre coins du globe. En retraçant les périples de l’auteur de Lord Jim, de la Malaisie au Congo en passant par les Caraïbes, Maya Jasanoff s’interroge sur la naissance d’une globalisation politique et cynique, expression de la domination sociale et économique d’un Occident prédateur, dont Conrad fut le témoin privilégié à la fin du XIXe siècle…
Une histoire mondiale du musée

Krzysztof Pomian fait paraître en français le premier tome de son maître-livre : Le musée, une histoire mondiale (Gallimard). Des accumulations des tombeaux égyptiens ou chinois et des trésors royaux jusqu’à notre Louvre d’aujourd’hui, entre autres lieux, il faudra du temps pour que le musée trouve sa forme et sa fonction de conservation, d’étude et d’exposition des objets. Le premier volume de cette monumentale entreprise (trois tomes sur deux ans), Du trésor au musée, part d’un passé éloigné pour arriver à la création de l’institution appelée "musée", inventée en Italie à la fin du XVe s., gagnant toute l’Europe au XVIIIe s. Une histoire faite de dons et de marchandises, de vols et de pillages, de guerres et de diplomatie. Et aussi d’architecture, de manière de contempler et de manier les objets, de problèmes juridiques et d’organisation, avant les vastes débats d’exposition, d’éclairage, d’accrochage qui suivront. Une histoire d’art, mais aussi de commerce, de savoirs, de techniques.
Uchronies biographiques

Dans une course à rebrousse-temps, le site ActuaLitté donne à lire tous les vendredis d'inédites Uchronies biographiques. Des universitaires et chercheurs emportent les grandes figures de la littérature emportées dans un autre continuum espace-temps : celui de l’hypothèse qui projette dans un autre monde. Une littérature du “et si” », qui repense et revisite l’existence de figures aujourd’hui devenues des classiques. Parmi les premiers essais publiés : un Lamartine politique et people, parvenu à rendre ses lettres de noblesses à la Poésie, par Aurélie Foglia-Loiseleur, et un Diderot, cinéaste, critique d’art contemporain et instigateur de Wikipédia, par Nathalie Kremer, un Zola antispéciste et polémiste sans visage, par E. Reverzy, ou un Pascal cryptocommuniste, par A. Cantillon…
Plancher sur Chauveau

Corneille, Molière, Racine, La Fontaine, Boileau, ou encore Scudéry, Scarron ou Benserade : le graveur François Chauveau a illustré les plus grands auteurs du XVIIe siècle, et la plupart de nos classiques, qui ne le seraient peut-être pas devenus sans lui. Bien que l’œuvre gravé de François Chauveau compte près de 3000 pièces d'une richesse inégalée, ses pourtours demeurent à ce jour incertains, de même que les conditions de sa production, ou la nature des liens qui unissent les textes et les images. Sa biographie même est faiblement documentée, marquée de surcroît au sceau du légendaire. La revue XVIIe Siècle consacre sa livraison d'automne à F. Chauveau, à l'initiative d'O. Leplatre et B. Selmeci.
(llustration pour les Fables choisies mises en vers par M. de la Fontaine, Paris, Claude Barbin et Denys Thierry, 1668).
Scènes de scandale

Les Colloques en ligne de Fabula accueille un deuxième sommaire consacré aux scandales théâtraux : Théâtre et scandale (II) : scandales d’hier, scandales d’aujourd’hui, toujours à l'initiative de François Lecercle et Clotilde Thouret. À travers une série de cas, et en croisant les approches historiques et dramaturgiques, les contributions réunies prennent pour objet le phénomène du scandale du théâtre et ses changements au fil du temps, car les polémiques dépendent fortement des configurations historiques, sociales, économiques et médiatiques.
Cette livraison prend la suite du sommaire « Théâtre et scandale », publié en 2019 parmi les Colloques en ligne de Fabula, tous deux conçus au sein du projet « Haine du Théâtre » du Labex OBVIL de Sorbonne Université.
Illustration : F. Tamberlani (Cardinal Barberini / Pape Urbain VIII) dans La Vie de Galilée de Brecht. Mise en scène de G. Strehler, Piccolo Teatro de Milan 1963.
Compter (avec) les personnages

Sous le titre Les personnages rêvent aussi, Françoise Lavocat publiait à la veille de l'été dans la collection "Fictions pensantes" des éditions Hermann un nouveau Dialogue des héros de romans. Ella Bellaert en propose la recension dans la livraison de rentrée d'Acta fabula, en posant que "Les universitaires aussi, rêvent". L'Atelier de théorie littéraire de Fabula accueille par ailleurs, à l'entrée "Personnage", un essai inédit de Françoise Lavocat : "L'étude des populations fictives comme objet et le style démographique comme nouveau concept narratologique". Elle s'y demande si compter les personnages (ceux des œuvres littéraires, des séries télévisées, des mondes fantastiques) ne pourrait pas renouveler les perspectives sur le personnage, et propose de nommer "style démographique" la façon dont un auteur peuple l'univers fictif de son œuvre. La notion ouvre de nouvelles perspectives sur la relation entre le monde et la littérature, lorsqu'existe l'occasion de comparer les données démographiques des œuvres littéraires avec celles du monde réel.
L'Université en première ligne

Dans un fascicule publié par la collection "Tract" destinée à nourrir le débat public, Philippe Forest déclare L’Université en première ligne. À l’heure de la dictature numérique : "en ouvrant la voie à une adoption plus large du distanciel dans l’enseignement supérieur, la crise pandémique va accentuer les évolutions profondes déjà engagées dans les apprentissages universitaires et leurs évaluations. Elle met au jour sa vulnérabilité aggravée à l’emprise toujours plus forte des logiques managériales sur un lieu dont la vocation critique consiste pourtant à les tenir à bonne distance". Philippe Forest rappelle que le numérique n’est pas une forme vide: "il porte en soi certaines manières de faire et de dire auxquelles, précisément l’Université, ne saurait sans résistance se plier, au nom d’un enseignement libre, incarné et divers – et par là aussi, de son temps. Il y a urgence à agir". Fabula vous invite à lire un extrait de cette tribune…
Philosophie du jeu théâtral

La nouvelle livraison de la revue Études de lettres se penche sur les philosophies du jeu théâtral, dans une ronde philosophique menant de l’Antiquité aux débats actuels, en passant par l’Afrique, l’Europe et l’Asie. Un hommage spécial est rendu au Théâtre du Soleil, sous la forme d’un entretien avec Ariane Mnouchkine, que le sommaire fait dialoguer avec Platon, Aristote, Kant, Diderot, Wittgenstein, Barthes, Lacoue-Labarthe, Deleuze, Irigaray, Rancière ou Wiesing…
Le piéton magnifique

On pouvait le chercher à chaque carrefour de Paris, mais c'est désormais dans ses Œuvres complètes qu'il faudra aller le trouver: Léon-Paul Fargue, dont il est un peu question dans le récent essai de J. Baetens, habite désormais aux éditions du Sandre qui réunissent pour le tome 1, sous le titre L'esprit de Paris ses Chroniques parisiennes 1934-1947, dans un texte établi et annoté par B. Pascarel. Juxtaposant en un kaléidoscope vibrant d’images le Paris d’autrefois – ses catacombes, ses caboulots, ses music-halls – et celui qui naît sous ses yeux – la féerie des expositions universelles, l’ouverture du Palais de la Découverte mais aussi le temps du couvre-feu et du rationnement –, Léon-Paul Fargue a dressé le portrait de toute une génération, de la fin du XIXe siècle à l’après-guerre, des salons de Mallarmé et de Rachilde au cercle de La Librairie des Amis du Livre d’Adrienne Monnier. Colette, Crevel, Larbaud, Miomandre, Cendrars…
(Illustr.: Léon-Paul Fargue par Brassaï)
Émancipation politique et imaginaire créateur

Avec la parution d'Écologie et politique suivi de Correspondances et compléments et de Sur la dynamique du capitalisme et autres textes, suivi de L’Impérialisme et la guerre, s'achève l'édition des Écrits politiques 1945-1997 de Cornelius Castoriadis en huit forts volumes, courageusement entreprise par les éditions du Bord de l'eau, où est également paru il y a quelques mois l'essai de Nicolas Poirier : Cornelius Castoriadis, du chaos naît la création. L'essayiste y défend l'idée que si les institutions doivent canaliser le désordre inhérent à la vie sociale et politique, elles doivent aussi se laisser travailler par lui dans la perspective de la création historique, et invite à repenser l'émancipation politique et sociale à partir de la notion d'imaginaire créateur.
Combattantes

Saintes en armes, combattantes, militantes, émeutières, résistantes, activistes luttant contre le patriarcat, la domination masculine, la violence sexuelle ou sexiste, le capitalisme, le pouvoir politique, l’esclavage ou la colonisation, mais aussi terroristes, kamikazes, gardiennes de camps, femmes soldats ou délinquantes… La violence manifestée par certaines femmes revient au sein de notre actualité mondialisée, au risque d’éclipser la violence faite aux femmes. Cette violence revendiquée a pourtant été longtemps occultée par une histoire écrite par des hommes, soucieuse de perpétuer un mythe de l’innocence féminine, L'ouvrage supervisé par M. Poirson propose avec une galerie de Combattantes. Une histoire de la violence féminine en Occident (Seuil) : violence politique commise au sein de l’espace public, qu’elle ait ou non une visée émancipatrice, le soit moins, qui s’exprime pourtant au grand jour, activant des stéréotypes dépréciatifs tenaces (vénéneuse, poissarde, tricoteuse, incendiaire, virago, pétroleuse, vitrioleuse, suffragette), destinés à évacuer la femme d’une sphère publique où sa place n’est pas considérée comme acquise.
Signalons aussi le volume édité par J.-L. Jeannelle et A. Lasserre en hommage à M. Le Dœuff sous le titre Se réorienter dans la pensée. Femmes, philosophie et arts, autour de Michèle Le Dœuff (P.U. Rennes): une façon de revenir sur certaines des étapes ayant scandé l'histoire de la pensée féministe en France ces trente dernières années, dont l'œuvre de Michèle Le Doeuff constitue un jalon important, et peut-être l'une des voies françaises vers les études sur les sexualités et le genre.
L'histoire à la première personne

L’histoire s’écrit de plus en plus à la première personne. Les historiens ne se contentent plus de reconstituer et interpréter le passé; ils ressentent désormais le besoin de se raconter eux-mêmes. Un nouveau genre hybride a pris forme, exemplifié notamment par les ouvrages d’auteurs comme I. Jablonka ou Ph. Artières, qui font le récit de leurs enquêtes et décrivent leurs émotions dans un style très littéraire. Inversement, dans le sillage de P. Modiano et W.G. Sebald, certains écrivains tels J. Cercas, É. Vuillard ou L. Binet font bouger la frontière entre vérité romanesque et vérité historique, en créant des "romans non fictionnels". Dans Passés singuliers. Le «je» dans l'écriture de l'histoire (Lux éd.), Enzo Traverso interroge ce tournant subjectiviste dont il souligne les potentialités créatives, les ambigüités politiques et les limites intrinsèques. Fabula vous invite à découvrir l'introduction de l'ouvrage…
"Un événement n'est pas ce qu'on peut voir ou savoir de lui, mais ce qu’il devient". Comme le suggérait M. de Certeau dans La Prise de parole, les événements historiques sont de plus en plus souvent abordés à partir de leurs traces mémorielles, qui contribuent à construire et déconstruire leurs interprétations. Le volume supervisé par C. Grenouillet et A. Mangeon sous le titre Mémoires de l'événement. Constructions littéraires des faits historiques (XIXe-XXIe siècle) étudie la manière dont les œuvres littéraires et cinématographiques enregistrent, transposent et transmettent des événements historiques en privilégiant avant tout la fiction.
Annick Louis publie de son côté L'invention de Troie. Les vies rêvées de Schlieman (EHESS éd.), l’auteur de quatre autobiographies différentes, qui se construisent à partir d’emprunts à d’autres narrateurs – Homère, des articles de journaux, des légendes locales, les lettres de membres de sa famille et de correspondants inconnus. Schliemann raconte sa vie en faisant l’impasse sur sa formation, qui transforma un homme d’affaires de plus de 40 ans en héros de la science, à une époque où l’archéologie ne possédait pas encore de reconnaissance disciplinaire. Le caractère exemplaire acquis par ces autobiographies interroge notre attachement à certaines formes du récit, mettant finalement en évidence le sens qui se construit dans les interstices de ce qui est dit ou occulté.
Une autobiographie philosophique

Sous le titre Le bonheur, sa dent douce à la mort (Fayard), Barbara Cassin fait paraître son Autobiographie philosophique, sous la forme d'une série de phrases, qui tirent les fils du souvenir et font passer de l'anecdote à l'idée: Vous avez les plus belles jambes du monde, vous serez ma femme ou ma maîtresse. Voilà ce qu'est devenu l'amour de ma vie. Moi, épouser un Juif, jamais ! Barbara juive ? Tais-toi donc mon garçon, elle est si gentille. Arrêtez de le regarder, laissez-le partir... Si dures soient-elles parfois, elles donnent accès à la tonalité du bonheur, en donnant à redécouvrir Char, Heidegger, Lacan, la Grèce, l'Afrique du Sud, la Corse, les juifs, les cathos, des Hongrois, des Allemands... "Avec Ulysse en figure de proue, l'homme d'Homère qui passe là où il n'y a pas de passage, entre Hélène qui ravit et Barbara bla-bla-bla". Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage…
Le récit enchâssé, invention moderne ?

Lorsque Balzac et Maupassant écrivaient un récit enchâssé, savaient-ils qu’ils en écrivaient un ? C’est la question singulière que pose l'essai de Jérémy Naïm, Penser le récit enchâssé (Presses de la Sorbonne nouvelle). Moins qu’une histoire de la notion, on y raconte plutôt celle de son absence : comment, pendant des décennies, on a écrit quantité de récits enchâssés, et comment on l’ignorait, parce que d’autres rationalités informaient le regard littéraire. De 1830 à nos jours, l’ouvrage raconte ainsi l’invention de la notion, depuis son oubli notable dans les textes les plus apparemment enchâssants jusqu’à sa conceptualisation par les différents formalismes développés au xxe siècle. Il s’achève sur quelques réflexions permettant d’actualiser cet outil si pratique de l’analyse littéraire – mais à destination des poéticiens d’aujourd’hui. L'Atelier de théorie littéraire de Fabula donne à lire un large extrait de l'introduction, qui vient enrichir son entrée "Récit"…
L'autre George

La Bibliothèque de la Pléiade accueille en un fort volume établi par A. Jumeau et S. Monod les deux grands romans de George Ellot : Middlemarch et Le Moulin sur la Floss, accompagnés de deux essais de Mona Ozouf, dont la collection Folio réédite dans le même temps l'essai intitulé L’autre George. À la rencontre de George Eliot, paru en 2018: non pas une biographie mais "une promenade dans la forêt des romans, en compagnie d’une femme assez brave pour affronter, dans la société victorienne, l’ostracisme social que lui vaut sa liberté de mœurs et d’esprit. En gardant présente à la mémoire celle qui avait emprunté des chemins parallèles : une George encore, Sand, à laquelle Eliot vouait une affection passionnée". Fabula vous invite à en (re) lire un extrait…
Toujours fatigués

"Stress", "burn out" ou "charge mentale" : l'extension du domaine de la fatigue paraît irrépressible. Les épuisements s’étendent du lieu de travail au foyer, du loisir aux conduites quotidiennes. G. Vigarello fait l'Histoire de la fatigue (Seuil) à la lumière de cette hypothèse : le gain d’autonomie, réelle ou postulée, acquis par l’individu des sociétés occidentales, la découverte d’un "moi" plus autonome, le rêve toujours accru d’affranchissement et de liberté ont rendu toujours plus difficile à vivre tout ce qui peut contraindre et entraver.
Écrire à Zola

Le Centre d’étude sur Zola et le naturalisme de l’ITEM-CNRS / ENS ouvre à la consultation publique un portail électronique consacré aux milliers de lettres multilingues adressées à Émile Zola durant l’affaire Dreyfus : plus de 2400 lettres à ce jour, numérisées et annotées, sous la responsabilité de Jean-Sébastien Macke et avec l’accord de Brigitte Émile-Zola.Tous les continents sont couverts, sur une période qui va surtout des années 1880 jusqu’à la fin de la vie de l’écrivain. Les articles du dossier épistolaire, publiés dans le numéro 94 des Cahiers naturalistes (2020), rassemblant spécialistes français et internationaux, ont tenté d’apporter quelques éclairages sur les questions de méthode soulevées par l'exploitation de cet immense corpus, après deux ans d’investigation dans le cadre d’un projet financé par le Labex TransferS et soutenu par la République des Savoirs.
Charles-Albert Cingria, écrivain de plein air

Il y a quelques mois s'achevait aux éditions de L'Âge d'homme une édition des Œuvres complètes Charles-Albert Cingria en six volumes, dont un de Propos sur la littérature, qui comptait nombre d'inédits. L'entreprise donnait pour la première fois à "goûter dans son amplitude et la diversité facétieuse et sensible de ses tours, la cohérence et les lignes de force et de faille de cette œuvre majeure du champ littéraire contemporain, radicalement poétique, volontairement ouverte et arborescente, fragmentaire et prismatique", selon le mot de l'un des maîtres-d'œuvre du monument : D. Maggetti, qui supervise aussi avec A. Bergé une livraison de la revue Littérature consacrée à "Charles-Albert Cingria, écrivain de plein air". Signalons encore le récent essai d'A. Corbellari qui constitue une belle introduction à l'ensemble de l'œuvre: Cingria. Le vagabond des neumes (Infolio éditions).
La liberté intérieure

La liberté est-elle un pouvoir neutre et indifférencié de choix et d’action qui est octroyé à tout individu, et qu’il exerce identiquement avec tout autre, ou n’est-elle pas plutôt une capacité qui n’échoit qu’à lui seul d’accomplir son être propre dans ce qu’il a d’unique? Dans La Liberté intérieure. Une esquisse (Hermann), Claude Romano souscrit à la seconde branche de cette alternative, en s’efforçant de préciser les conditions de possibilité de la "liberté intérieure", c’est-à-dire la capacité de vouloir et de décider en l’absence de conflit intérieur, de telle manière que cette volonté et cette décision expriment l’être que nous sommes et manifestent un accord de cet être avec lui-même. Fabula donne à lire l'introduction de l'ouvrage…
Écritures contraintes

De la Révolution à la Grande Guerre, la littérature en France a reconfiguré le désir pour le même sexe. Elle a doté les personnages d’homosexuel(le)s d’une histoire, en a dessiné le portrait moral et physique. Écriture contrainte et allusive, qui travaille dans les interstices de la langue et, le plus souvent, aux marges des intrigues, prise entre deux écueils : celui de la censure, qui vise à anéantir une réalité en lui déniant un nom, et celui d’un vocabulaire qui nomme celle ou celui qui aime un être de son sexe par les mots de la damnation (sodomite) ou de l’opprobre (gouine, gougnotte), puis de la pathologie (l’inverti). Balzac, Dumas, Lamartine, Sand, Flaubert, le jeune Mauriac et d’autres encore jouent avec les poncifs en suggérant d’autres sexualités que l’hétérosexualité, d’autres affinités que l’entente conjugale.Les dix études réunies à l'initiative de J.-M. Roulin et S. Gougelmann dans la dernière livraison de la revue Littératures examinent les diverses stratégies par lesquelles, au XIXe siècle, le roman, le théâtre, la poésie ou les correspondances ont nommé l’innommable et donné, par la fiction, une existence à l’homosexuel(l)e.
Fabula vous invite à lire un extrait de l'introduction du volume…
Histoire du sucre, histoire du monde

Suivre le sucre pour éclairer l’histoire du monde : tel est le stupéfiant voyage auquel nous invite James Walvin dans Histoire du sucre, histoire du monde (La Découverte, 2020). Tout commence avec la colonisation des Caraïbes, de l’Amérique et l’essor des plantations. C’est la naissance d’un nouvel ordre, fondé sur la déportation de millions d’Africains réduits en esclavage. Après avoir exterminé les populations indigènes, détruit les paysages et les forêts tropicales, on implante les premières usines polluantes pour fabriquer sucre et rhum. Sans compter une organisation du travail implacable qui, plus tard, inspirera Henry Ford. De Bordeaux à Bristol, des fortunes colossales se sont bâties sur le sucre et l’esclavage, marquant les débuts du capitalisme. Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage…
La méthode Spitzer

La bibliographie de Leo Spitzer compte plus de mille items: autant dire que le public français n'en connaît encore qu'une minuscule partie. Paru il y a quelques mois, le volume de Textes théoriques et méthodologiques édité par Étienne Karabétian (Droz) rassemble les principales positions théoriques et pratiques du stylisticien, ainsi que ses réponses souvent polémiques accompagnées des textes accusateurs, avec des exemples d’illustration de sa démarche ainsi que de nombreux témoignages de contemporains. Fabula vous invitait il y a peu à découvrir la table des matières du volume. Soixante ans jour pour jour après la disparition du philogue, Philippe Richard propose aujourd'hui une lecture tonique de ce volume dans la livraison de rentrée d'Acta fabula, sous le titre : "Comment préférer la philologie des arbres à la philologie des charpentes".
Faire vrai ou dire juste

Faire entrer l’histoire dans la littérature, n’est-ce pas, pour l’écrivain,se déplacer au long d’un spectre allant des contraintes scientifiques et éthiques, qui caractérisent le travail de l’historien, d’un dire vrai, à la position "littéraire" d’un dire "juste" ? C'est la question posée par la quinzième livraison de la revue Incidence n° 15 (Kimé), sous le titre "Vérité, fiction : faire vrai ou dire juste ?". Le sommaire, qui réunit notamment M. Cerisuelo, J.-L. Jeannelle, D. Rabaté, B. Vouilloux…, offre aussi un dossier consacré à Carlo Ginzburg, supervisé par Muriel Pic. On peut lire sur Fabula l'introduction du numéro…
Le deuil de la littérature ?

Souvenez-vous : en 2009, la revue Fabula-LhT encore juvénile consacrait sa sixième livraison aux Tombeaux de la littérature : ce sous-genre de l'éloge funèbre venait d'être illustré par plusieurs titres, dont L'Adieu à la littérature de W. Marx (Minuit, 2005), vite suivi du Contre Saint Proust ou la fin de la littérature de D. Maingueneau (Belin, 2006) et de La Littérature en péril de Tzvetan Todorov (Flammarion, 2007). La littérature n'en finit plus depuis lors de mourir, sauf à saluer tout aussi régulièrement sa capacité de résilience (Réparer le monde d'A. Gefen, Corti, 2017), ou même sa résurrection (Après la littérature de J. Faerber, PUF, 2018). Le noir se porte toujours bien: la récente parution de Le Deuil de la littérature de Baptiste Dericquebourg (Allia) vient en témoigner, qui retrace une fois encore la généalogie du "désastre pédagogique" qui a ruiné les études de lettres, du "processus de marchandisation de la littérature qui s’opéra au XIXe siècle au triomphe de la pensée structuraliste et de ses apôtres", avec pour résultat une "culture aseptisée qui n'est pas moins avilissante que la culture de masse", avant d'en appeler à "la réhabilitation de l’apprentissage de la rhétorique : apprendre à lire par l’écriture et à écrire par la lecture". Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage… sans vous départir, quant au sort de la littérature, de la tranquille assurance de Sganarelle : "J'ai des remèdes qui se moquent de tout, et je l'attends à l'agonie."
(Illustr. : Jeanne Moreau dans La Mariée était en noir de François Truffaut, 1968).
L'utopie de l'art

Avec pour seul mot d'ordre L'Utopie de l'art, une quarantaine de poètes, de plasticiens ou d’essayistes rendent hommage à la recherche et à l’enseignement de Gérard Dessons, centrés sur la question de l’art, peinture, théâtre et poésie. Fabula vous invite à parcourir le sommaire du volume ainsi que la bibliographie de Gérard Dessons…
On pourra aussi retrouver dans Acta fabula les comptes rendus de ses derniers essais : "Penser le bref", par Éric Tourrette, sur La voix juste. Essai sur le bref (Manucius, 2015), dont l'Atelier de théorie littéraire accueille un extrait sous le titre Le bref ou la voix juste ; "Le poème est le nom de la folie dans le langage" par Chloé Laplantine, sur La Manière folle. Essai sur la manie littéraire et artistique (Manucius, 2010), dont l'introduction est également à lire dans l'Atelier de théorie littéraire, sous l'intitulé : "Qu'est-ce qu'une œuvre folle" ; L’art et la manière, par Olivier Kachler, sur L'Art et la manière. Art, littérature, langage (Champion, 2004).
Archives et création

Collecter, prélever, monter des fragments documentaires pour élaborer une œuvre plastique, cinématographique ou littéraire n’est pas une démarche sans précédent : elle a, bien au contraire, toute une histoire, dont plusieurs moments clés, de Reznikoff à Perec, que vient rappeler la nouvelle livraison de la revue Critique intitulée "Faire collecte. Archives et création". Le sommaire se penche surtout ce qu’on a pu appeler une "révolution documentale" dans la création contemporaine, où le terme de "montage" s'est partout imposé pour désigner l’opération qui congédie la notion d’inspiration au profit d’une conception de la création artistique comme "production", "témoignage", "reportage", "enregistrement", et qui signale un déplacement de la figure de l’auteur vers celle du "collecteur". C’est cette effervescence très actuelle autour de l’archive et du document que décrivent, commentent et analysent les écrivains, philosophes, critiques, essayistes et traducteurs, historiens et historiens de l’art, réunis pour l'occasion par Muriel Pic, qui fait paraître par ailleurs un essai très personnel : Affranchissements (Seuil), un "livre-errance" qui relève du même art du montage.
Comme un rat de bibliothèque

"Trop de livres dans les boutiques, trop de pages dans les livres, trop de phrases dans les pages, trop de lignes dans les phrases, trop de mots dans les lignes, trop de lettres dans les mots" : l’inquiétude de Léon-Paul Fargue est toujours la nôtre, et elle ne cesse de s’amplifier. L'essai de Jan Baetens qui paraît ces jours-ci aux éd. L'Herbe qui tremble sous le titre Comme un rat se veut une réplique à ces angoisses, par exemples interposés : exemples de ce qui mérite d'être lu et, surtout, relu ; exemples de ce qu'il est inutile de lire ; exemples de questions qu’il importe de poser aux livres qu’on s'apprête à donner à l’impression ; exemples d’enthousiasmes et de regrets ; exemples de sujets (et d’auteurs !) à retrouver, voire à inventer. On y croisera chemin faisant Jean Paulhan, Léon-Paul Fargue et Valery Larbaud, Julien Gracq et Henri Thomas, Bernard Frank et Maurice Dekobra, Jacques Borel, Michel Lafon, Jean-Benoît Puech et plusieurs autres ; des réflexions sur les vertus du livre pauvre, la fécondité des erreurs d’interprétation, l’âge des textes et des lecteurs, les correspondances d'écrivains, les mécanismes de l'allusion, les limites de la hiérarchie des genres et la disparition des timbres-poste… Non pas une bibliothèque idéale mais un livre pour "faire le point, sur le sens du temps qu’on passe avec les livres comme sur les mystères que les textes nous aident à ne pas toujours comprendre".
Les couleurs de l'automne

C'est la rentrée dans les écoles de Suisse romande comme dans toutes les librairies, et donc aussi sur Fabula. Cette fin de mois d'août nous vaut déjà quelques belles surprises éditoriales, dont les essais de C. Fleury, J. Meizoz, L. Jenny, J. Baetens, A. Muñoz Molina ou J.-P. Faye que signalent d'ores et déjà ici-même nos premiers Éditoriaux et plus continûment le fil d'actualité des Parutions et nos rubriques Web littéraire et Débats, en attendant les prochaines livraisons hebdomadaires d'Acta fabula (à compter du 7 septembre).
Mais l'automne aura la couleur vive des idées, au vu des titres annoncés par les différents éditeurs qui défendent la recherche en littérature et sciences humaines : en septembre, Maurice Olender fera paraître Singulier Pluriel dans la collection "La Librairie du XXIe s." qu'il dirige au Seuil, et B. Lahire Ceci n'est pas qu'un tableau
Essai sur l'art, la domination, la magie et le sacré à La Découverte ; Gallimard publiera dès le premier octobre le premier tome de Le musée, une histoire mondiale de Krysztof Pomian, ainsi que Chronos. L'Occident aux prises avec le temps de François Hartog ; chez Corti, Anatomie du poète de Jean-Michel Maulpoix et Littérature et écologie de Pierre Schoentjes.
Mi-octobre paraîtront tout à la fois le dernier essai de Sophie Rabau, L'Art d'assaisonner les textes. Théorie et pratique de l'interpolation (Anacharsis) et un nouveau titre d'Hélène Merlin-Kajman, La Littérature à l’heure de #MeToo (Ithaque éd., coll. "Theoria incognita") ; et en novembre Comment la littérature pense les objets ? de Marta Caraion (Champvallon).
Faire l'auteur

Quelles relations la création littéraire entretient-elle avec les processus industriels ? Quand et comment le nom d’auteur devient-il une "marque" commerciale ? Depuis quand certains médias veulent-ils exhiber les écrivains, en privilégiant souvent les "belles gueules" ? Pourquoi des codes narratifs inspirés du cinéma s’imposent-ils peu à peu dans l’édition ? Et que devient, dans ce contexte, la biblio-diversité ? Dans Faire l'auteur en régime néo-libéral, sous-titré Rudiments de marketing littéraire (Slatkine), Jérôme Meizoz évalue à partir d'études de cas (notamment la bonne affaire Joël Dicker), évalue les effets du marketing sur la création littéraire actuelle. Fabula donne à lire l'Avant-Propos de l'ouvrage, dont l'Atelier de théorie littéraire accueille aussi un extrait : "Faire livre ou faire vendre ?", à l'entrée "Auteur" qui offrait déjà un autre texte de J. Meizoz, "L'exposition de l'auteur", issu de son précédent essai : La Littérature "en personne". Scène médiatique et formes d'incarnation (Slatkine).
Penser les féminismes

Comment les féminismes ont-ils émergé en France ? Quels liens ont existé entre féminismes et socialismes ? Y a-t-il eu des féminismes noirs ? Existe-t-il des féminismes religieux ? Comment s’articulent mouvements lesbien, gay, trans et mouvements féministes ? Qu’est-ce que révèle #Metoo sur la capacité des femmes à se mobiliser ? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles entend répondre l'Histoire des fémininismes de 1789 à nos jours publiée aux éd. La Découverte par B. Pavard, F. Rochefort, M. Zancarini-Fournel sous le titre Ne nous libérez pas, on s'en charge. Cette sociohistoire renouvelée des féminismes rend compte des stratégies plurielles déployées par les femmes et les hommes féministes qui ont combattu les inégalités entre les sexes et l’oppression spécifique des femmes, de la Révolution française à nos jours. Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage…
Une question de point de vue

On associe aujourd’hui la perspective à l’individualisme, à l’affirmation d’une vérité privée et indépassable ("C’est une question de point de vue…"). C’est oublier la tradition de la perspectiva communis, celle qui fait de la perspective le vecteur d’un horizon commun. Sous le titre Partages de la perspective (Fayard), Emmanuel Alloa fait paraître un essai au croisement de la science, de l’art et de la philosophie, le livre exhume une tradition qui doit être redécouverte : le point de vue, ce n’est pas seulement ce qui divise, c’est aussi ce qui se partage. Au lieu d’incriminer le perspectivisme d’avoir fait le lit de la post-vérité, et de la perte d’une référence à un monde réel, il est temps de retrouver en quoi la perspective n’est pas qu’une affaire de relativisation, mais de réalisation. Fabula vous invite à découvrir un extrait de l'ouvrage…
Mettre en scène

Il y en a qui ont fait du théâtre en attendant de pouvoir faire du cinéma. D’autres qui ont été influencés par la scène et en ont témoigné dans leurs films. D’autres encore qui se sont fait connaître par le cinéma et ont attendu longtemps avant de tenter l’expérience théâtrale. Quel que soit leur parcours, ces artistes expriment le lien profond, parfois problématique ou paradoxal qui unit cinéma et théâtre. On dit qu’au cinéma, c’est la mise en scène qui est première, alors que sur les planches, ce sont le texte et les acteurs qui règnent ; parfois, ce n’est pas si simple. Les metteurs en scène d’une pièce ont désormais acquis un statut d’auteurs, au même titre que les réalisateurs d’un film ou les chorégraphes d’un ballet : cela ne fait que brouiller un peu plus les frontières… N.T. Binh, Camille Bui et Jean-Paul Figasso publient Mettre en scène. Théâtre et cinéma dans la collection "Caméras subjectives" des Impressions Nouvelles ; une dizaine de créateurs et créatrices de premier plan, forts de leur expérience, s’y expriment sur ces deux passions qui n’en font qu’une : mettre en scène. Fabula vous invite à découvrir un extrait sur le site de l'éditeur…
Toussaint sans réticence

Le volume Lire, voir, penser l’œuvre de Jean-Philippe Toussaint (Les Impressions Nouvelles) vient restituer au plus large public l’essentiel des travaux et des débats du colloque international qui a réuni à Bordeaux du 18 au 21 juin 2019, une trentaine d’universitaires, d’artistes, de spécialistes de l’œuvre de Jean-Philippe Toussaint, en provenance de onze pays et de plus de vingt universités et institutions. Outre la transcription des débats, il offre aussi des contributions d’écrivains comme François Bon, Emmanuel Carrère, Marianne Kaas et Michiaki Tanimoto. Fabula vous invite à feuiller l'ouvrage…
Rappelons à cette occasion le compte rendu donné par Jacques Dubois de la réédition en 2015 de L'Urgence et la patience qui réunissait en 2012 les essais de Jean-Philippe Toussaint sur l'art littéraire : "Double passion de la patience".
Un enfant terrible

Sous le titre L'enfant terrible de la psychanalyse (Flammarion), Benoît Peeters brosse le portrait de Sándor Ferenczi (1873-1933), disciple préféré de Freud, l’une des figures les plus attachantes des débuts de la psychanalyse et l’un de ses théoriciens les plus féconds. Longtemps, il se démène dans une relation père-fils tumultueuse, entre fascination et désir d’émancipation. Mais c’est surtout à travers l’imbroglio sentimental entre Sándor, sa maîtresse Gizella et Elma, la fille de cette dernière, que le drame se noue : Ferenczi prend les deux femmes en analyse puis, après être tombé amoureux d’Elma, il l’envoie poursuivre sa cure chez Freud. Bientôt, les lettres et les confidences circulent en tous sens, dans la plus grande confusion des sentiments et des divans. Portrait d’un perdant magnifique et d’un analyste visionnaire, considéré aujourd’hui comme le précurseur des approches les plus contemporaines sur le soin, les enfants abusés et la résilience. Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage…
Le désir de voir

Après La brûlure de l’image. L’imaginaire esthétique à l’âge photographique (Mimèsis), dont Acta fabula vient de rendre compte, Laurent Jenny fait paraître Le Désir de voir (L'Atelier contemporain éd.), un essai discrètement autobiographique où l'homme de la lettre relate sa conversion à l'image, en retraçant les étapes de son initiation au regard pictural. Engagé sous les auspices de Michaux et de ses peintures-idéogrammes, le parcours s'est poursuivi dans le compagnonnage des dessins "signes" d’Alexandre Hollan, élargi au contact des encres de Joan Barbarà, des monotypes de Degas, de l’"outre-noir" de Pierre Soulages ou des "protographies" d’Oscar Muñoz… Fabula vous invite à feuilleter l'ouvrage…
Pactes romanesques

Après deux forts volumes qui réunissaient l'ensemble de ses articles sous le titre Lettres familières sur le roman du XVIIIe siècle, Jan Herman publie un Essai de poétique historique du roman au dix-huitième siècle, dans la même collection "La République des Lettres" qu'il a fondée aux éditions Peeters à Louvain. L'ouvrage examine l'ensemble hétérogène de formules narratives qui constitue le genre romanesque au siècle des Lumières, et montre que son évolution ne peut pas être pensée comme l’effet d’une interaction de la production textuelle avec la critique spécialisée mais plutôt comme une négociation avec une instance beaucoup plus insaisissable qui est la doxa, c’est-à-dire l’opinion publique. Fabula vous invite à lire l'introduction de l'ouvrage…
Récits en images de soi

Le Conférencier de Textimage vient de mettre en ligne les actes du colloque "Récit en images de soi" qui s'est déroulé à Lyon en mars 2018, à l'initiative d'Aurélie Barre, Delphine Gleizes et Olivier Leplatre. Le sommaire examine les relations privilégiées que l’image (peinte, graphique, photographique, filmique) entretient de longue date avec l’écriture de soi, comme l’atteste le succès aujourd'hui de l’autobiographie photo-illustrée, des blogs et journaux personnels en ligne, ou encore de la BD autobiographique. Ces pratiques qui croisent les systèmes sémiotiques, les médiums et les genres, semblent moins viser à élucider le sujet qu’à lui restituer sa part essentielle d’altérité. Elles amènent en outre à reconsidérer le modèle narratif linéaire et "monodique" de l’écriture autobiographique.
Du Droit à la littérature

Sous le titre "Du Droit à la Littérature", la quatrième livraison de la revue Droit & Littérature consacre son dossier central à l'Europe, à l'initiative de Judith Sarfati Lanter et Danielle Perrot-Corpet : longtemps rêvée par la littérature, l’idée européenne est désormais passée à l’épreuve du droit. Abîmée, cette idée sera-t-elle sauvée par la littérature ?
Sous les pavés, la plage d'Étretat

Au printemps 1992, Le Monde de l’éducation proposait à deux écrivains également professeurs un dialogue sur l’enseignement : Michel Chaillou est prosateur romancier, Jacques Roubaud poète mathématicien, ils ont des matières différentes, mais des stratégies semblables. Quinze épisodes parurent, à propos du début du texte, du maître et du mètre, de l’orthographe, des vagues, du sonnet… Ces Entretiens d’Étretat paraissent presque trente ans plus tard, par la grâce des éditions du Canoë.
Fictions pensantes

Après Les personnages rêvent aussi publié par Françoise Lavocat au début de l'été, la collection "Fictions pensantes" créée par Franck Salaün aux éditions Hermann nous offre coup sur coup un nouveau titre : un Éloge des ratés signé par Ninon Chavoz qui brosse Huit portraits de l'auteur francophone en encyclopédiste, et une nouvelle édition revue et augmentée de Le Genou de Jacques de F. Salaün lui-même.
L'homme sans horizons

Sur une planète surexploitée et mutilée, où nul ne peut plus croire au progrès, le capitalisme apparaît comme un horizon indépassable. Agitée comme un leurre, la démocratie s’est vue ruinée par ses promoteurs mêmes. L’histoire semble close, et pourtant : les contradictions du système n’ont jamais été plus manifestes. Dans ces conditions, qu’attendre de l’avenir si toute révolte paraît condamnée d’avance à l’échec ou à la reconduction de la tyrannie ? Le manque d’un nouvel horizon d’espérance se fait de plus en plus criant. Questionnant les grandes théories critiques (Marx, Ernst Bloch, Guy Debord), s’appuyant sur l’anthropologie, poussant des incursions du côté de la philosophie (Aristote, Agamben, Simondon), invoquant après les romantiques et les surréalistes la fonction vitale de l’imagination créatrice, Joël Gayraud dessine dans L’Homme sans horizon (Libertalia) les lignes de fuite qui permettent de rouvrir un horizon utopique.
Compter jusqu'à 100

En-attendant-Nadeau arrivait le 25 mars 2020 à son numéro 100. Le chiffre rond invitait à la célébration mais les circonstances de la pandémie et du confinement ont conduit alors l'équipe du site alors à "faire sans" pour être plus près des événements. Ce centième est devenu le numéro spécial de l’été, publié du 15 juillet au 12 août : un numéro spécial autour de "Cent numéros Cent", qui présente les centièmes numéros de revues ou de journaux célèbres ou moins célèbres, d’ici ou d’ailleurs, d’autrefois ou d’aujourd’hui.
L'échec littéraire

Les Colloques en ligne de Fabula publiaient récemment un sommaire intitulé "Le coup de la panne. Ratés et dysfonctionnements textuels", et s'apprêtent à mettre en ligne les actes du colloque de Rouen sur "Le pouvoir de décréer. Œuvres abandonnées, remodelées ou reniées". La revue COnTEXTES vient d'établir de son côté une "Autopsie de l’échec littéraire", à l'initiative de Christophe Bertiau et Chanel de Halleux. Les contributeurs y partent du postulat que loin d’être une étude du succès "à l’envers", l’étude de l’échec a beaucoup à nous dire sur le fonctionnement du champ littéraire et sur les classements qu’il ne manque jamais d’opérer.
Fabula, quartiers d'été

L'équipe Fabula prend ses quartiers d'été du 15 juillet au 24 août, et vous invite à feuilleter avant le départ l'album du printemps, où vous trouverez de quoi nourrir une abondante listes de lectures, mais aussi à mettre à profit dans l'intervalle les immenses ressources du site, notamment: les Colloques récemment mis en ligne, les nouvelles entrées de l'Atelier de théorie littéraire, les derniers sommaires et dossiers critiques de notre revue des parutions Acta fabula, ou les numéros de la revue Fabula-LhT.
Art noir

L’exposition Le Modèle noir du musée d’Orsay ; l’ouverture de la première chaire d’histoire africaine au Collège de France ; l’inauguration de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage ; la question devenue brûlante des restitutions du patrimoine africain par les musées européens : autant de manifestations qui témoignent de l’émergence d’une mémoire et d’une histoire africaines ignorées, voire réprimées. Mais cette nécessaire rétrospection est loin d’en épuiser le sens et ce moment, c’est aussi et surtout l’imagination des Africains et des Afro-descendants d’aujourd’hui qui est en train de le définir. À l'initiative de Vincent Debaene et Anne Lafont, la revue Critique met au cœur de sa livraison d'été l'"art Noir". "Cet art Noir – qui n’est pas seulement africain mais s’élabore depuis une expérience noire – inquiète et interpelle ; il propose aussi ; il travaille à la fois le passé et l’avenir : le passé, en interrogeant l’histoire et la mémoire de l’Atlantique noir et en sondant ce que notre monde doit à la brutalité de la traite et de la colonisation ; l’avenir, en inventant des formes pour les futurs d’une Afrique à la fois continentale et diasporique."
À l’intersection des disciplines, les études théâtrales

Droit, économie, histoire, histoire de l’art, littérature, musicologie, philosophie, sociologie… : c’est à l’intersection des disciplines que les études théâtrales contemporaines se construisent. Après un récent sommaire consacré aux "Nouvelles recherches sur le théâtre classique", un nouveau dossier d’Acta fabula réuni par R. Bionda et A. Maignant à l'initiative du Centre d'Études Théâtrales de l'Université de Lausanne vient proposer une dizaine de réflexions sur les perspectives, méthodes et objets de l’étude du théâtre à l’Université, en rendant compte des parutions récentes thématisant ou illustrant la richesse et la diversité disciplinaires des études théâtrales, mais aussi l’histoire de leur institution, toujours en jeu.
(Image : El Conde de Torrefiel, Guerrilla, 2016)
Pourquoi l'Oulipo ?

Né en 1960, l’Ouvroir de littérature potentielle (Oulipo) demeure aujourd’hui bien vivace. Dans un dialogue avec un certain Xanthiphas, Marc Lapprand se demande Pourquoi l'Oulipo ? (Hermann), au regard de moments clés du passé, tels que l’ère des Grands Rhétoriqueurs et le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale, sans oublier l’influence des surréalistes et de Bourbaki.
Cécile De Bary nous propose de son côté d'entrer dans Les ateliers d'écriture et l'Oulipo (Hermann/Cahiers Textuel). Cousinage manifeste ? Il est pourtant arrivé à ses membres d’exprimer certaines réticences à l’égard d’une telle assimilation : les contraintes étaient censées, dans l’esprit des fondateurs, s’adresser aux écrivains seulement. C. De Bary cherche à déterminer ce que l’Oulipo a apporté aux ateliers : en particulier, quel bénéfice ces derniers tirent-ils de la contrainte ? Et quels types de production suscite-t-elle ? Les contributions rassemblées dans ce volume évaluent enfin l’influence actuelle du groupe sur ces pratiques, et ce qu’implique d’y faire référence, ou pas.
Invitation au souper

Moment de convivialité instauré après le spectacle, le bal ou d’autres événements, le souper concerne à la fois le savoir-vivre, la gastronomie, la nuit et l’érotisme. Les modèles antiques servirent de repères pour des pratiques qui elles-mêmes firent l’objet d’évocations littéraires, devenues par la suite des modèles pour de réels soupers. Les soupers à la cour de Versailles ou sous le Second Empire sont aussi célèbres que ceux – brillants et libertins – du XVIIIe siècle et ceux – particulièrement agités – de l’époque romantique. Du souper fin à l’orgie la frontière est parfois ténue et les mises en scène théâtrales s’en amusent. Si la figure de Don Juan est requise, elle jouxte aussi bien les Jeunes France que les écrits de Sade, Casanova, Dumas, Musset, Hugo, Jean Lorrain, Richepin et bien d’autres… Le volume supervisé par Françoise Le Borgne, Alain Montandon, à l'enseigne Le souper (Presses universitaires Blaise Pascal) s’attache à mettre en valeur une pratique culturelle très française.
(Illustr.: Le Souper fin, Jean-Michel Moreau le Jeune, Musée du Louvre)
Portrait de l'anthropologue en écrivain de science-fiction

Les anthropologues et les écrivains de science-ï¬ction ne poursuivent-ils pas au fond une même quête, celle de l’altérité radicale ? Certes, tandis que les seconds recourent à la ï¬ction pour ï¬gurer le monde vertigineux des aliens peuplant leur esprit, les premiers se recommandent de la science pour décrire des sociétés autres qui, aussi étranges et stupéï¬antes que nous soient donné à voir leurs mœurs et leurs mentalités, n’en sont pas moins réelles. Cette frontière des genres, il arrive pourtant que certains anthropologues la franchissent : escamotant les modes de pensée des cultures qu’ils se proposent d’étudier, ils y projettent alors leur propre imaginaire métaphysique… Dqns L'autre-mentalm Pierre Déléage dessine quelques Figures de l'anthropologue en écrivain de science-fiction (La Découverte).
Mourir à Elabouga

Née en Russie en 1892, l’immense poétesse Marina Tsvétaïéva a mené une vie intense et chaotique. Malgré les drames familiaux et la période historique troublée, sa foi en la littérature est restée inaltérée. Intransigeante dans ses désirs, happée par un profond besoin d’être aimée, elle multiplie les liaisons avec des hommes et des femmes, parmi lesquels les grands écrivains Rilke et Pasternak. De Moscou à Elabouga en passant par la France, Vénus Khoury Ghata révèle ses moments de gloire et de désespoir, son incroyable force d’âme et sa soif de liberté.
Une histoire (critique) des années 1990

La Yougoslavie implosait. Les zapatistes prenaient les armes au Chiapas. Au Rwanda on exterminait en masse. Partout les bulles spéculatives enflaient. La techno et l’ecstasy multipliaient les nuits blanches. La France était reine du football. De grandes grèves réveillaient le mouvement social, et les idéo logues qui croyaient avoir vaincu le communisme commençaient à déchanter, pendant qu’Internet balbutiait et qu’un président américain jouait son poste sur une gâterie… François Cusset nous offre Une histoire (critique) des années 1990, sous-titré De la fin de tout au début de quelque chose (La Découverte). Car dans l’intervalle entre la chute d’un mur, à Berlin, et l’écroulement de deux tours, à New York, le monde a basculé, avec les certitudes qui le portaient : celles de la fin (de l’Histoire, du social, de la guerre...), vite corrigées par le retour de l’événement, et celles du bonheur néolibéral sans alternative, que les faits comme les nouveaux résistants s’appliquèrent à démonter… Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage…
Naissance d'une phrase

En 1991, Pierre Alféri faisait paraître Chercher une phrase aux éd. C. Bourgois, réédité en 2007 dans la coll. "Titres", dont Acta fabula avait rendu compte avec retard dans le numéro fêtant son dixième anniversaire. Aujourd'hui, c'est au tour de Jean-Christophe Bailly de s'interroger sur la Naissance de la phrase (Nous éd.), un dyptique dont le premier volet s’efforce de "superposer à la question de l’origine des langues (et, donc, de l’apparition du langage) celle de la venue, en nous, des phrases que nous nous efforçons de former" ; le second texte s’efforce quant à lui de regarder de près comment il revient au poème de restituer au mieux cette éclosion. Le modèle étant Paterson, le livre de William Carlos Williams comme le film de Jim Jarmusch. La thèse défendue est aussi simple que puissante : "Dès lors qu’une phrase s’invente, elle rejoue le scénario pourtant à jamais inconnu de la naissance du langage".
On rappellera aussi le volume collectif La Phrase littéraire, supervisé par R. Bourkhis et M. Benjelloun (Academia-Bruylant, 2008).
(Illustr.: Joan Miro, Bleu 2 (1961), Centre Pompidou-Musée national d'art moderne)
Essai de génétique scénaristique

Dans En cas de malheur, de Simenon à Autant-Lara (1956-1958), sous-titré Essai de génétique scénaristique (Droz), Alain Boillat envisage les différentes variantes conçues par les scénaristes dans une perspective narratologique et d’étude des normes de genre. Ce faisant, il propose une méthodologie favorisant l’application au cinéma de la génétique des textes littéraires, et renouvelle plus largement l’étude du phénomène de l’adaptation. En discutant certains aspects du récit filmique (point de vue, flash-back, etc.), l’ouvrage montre combien le personnage ne peut être appréhendé au cinéma sans la prise en considération de la vedette qui l’incarne. Or En cas de malheur réunit les deux plus grandes stars qu’ait connues le cinéma français : d’un côté Brigitte Bardot, nouvelle icône de la féminité qui présage les bouleversements sociaux des années 1960, de l’autre Jean Gabin, associé à une image de la virilité issue des années 1930…
L'éditeur à l'œuvre

Qui fait le livre ? Un auteur écrit un texte et le propose à un éditeur. Ce dernier l'imprime, en fait un livre, qu'il publie. Les lecteurs se l'approprient et l'érigent en œuvre littéraire. Créer et publier apparaissent comme deux activités complémentaires mais clairement distinctes. Mais la réalité est loin d'être aussi simple : l’auteur, on le sait, se définit à la fois comme une personne, un écrivain et un personnage incarné par un nom. De la même manière, l'éditeur désigne moins une personne physique qu'une personne morale regroupant un ensemble d’intervenants et de métiers. Les notions d'instances auctoriale et éditoriale semblent ainsi plus pertinentes, puisqu'elles mettent l'accent sur des fonctions plutôt que sur des individus. Les actes du colloque tenu à l’Université de Bâle en octobre 2018 sont désormais en ligne, sous le même titre: L’éditeur à l’œuvre : reconsidérer l’auctorialité. La question de l'auctorialité éditoriale, écheveau de dispositifs, de stratégies et d'enjeux divers, s'y trouve interrogée dans ses multiples déclinaisons historiques.
L'invention des spectateurs

Le dernier numéro de Double Jeu est consacré aux traces écrites que les spectateurs laissent de leur expérience des films ou des spectacles. Les articles rassemblés en ligne par F. Cavaillé, M. Juan, C. Lechevalier s’intéressent aux formes de distance qui se creusent entre les spectateurs et ce qu’ils voient : distance d’un passé sans cesse grandissant pour les films une fois révolu le temps de la projection, distance entre des cultures dans le cas des spectacles vus ou venus d’ailleurs. Par quels mots, par quels gestes remédier à l’éloignement tout en l’assumant ? Explorant cette question, les articles de ce numéro rendent sensibles à l’autonomie des réactions et à la liberté d’invention des spectateurs.
Les personnages rêvent aussi

Les personnages vivraient paisiblement sur la planète Fiction, s’ils n’étaient menacés de disparition quand les humains les oublient. Comment ranimer la flamme des lecteurs et des spectateurs ?, se demande Françoise Lavocat dans Les personnages rêvent aussi, un essai qui donne tout son sens à la collection qui l'accueille "Fictions pensantes" (Hermann éd.). Sancho Pança, Mme Bovary, Mr Pickwick, Vautrin et quelques personnages de Woody Allen se démènent pour assurer leur survie et celle de leurs concitoyens. Il leur arrive de raisonner sur leur condition et d’agiter quelques grandes questions : la mort et la résurrection de l’auteur, la morale, la concurrence entre les jeux vidéo et la littérature, les limites de l’interprétation, la différence entre fait et fiction…. De merveilleuses machines sont inventées pour mesurer le coefficient de fiction des personnages ou leur permettre (peut-être) de communiquer avec la Terre. Dans quel but ? Neutraliser un metteur en scène qui les maltraite, par exemple. Fabula vous invite un extrait de l'ouvrage…
Prendre du repos

Ce n’est plus la maladie, ce n’est pas encore la santé recouvrée… Repos forcé, la convalescence inquiète les moralistes comme les familles bourgeoises car elle oublie les bonheurs de la vie active. Mais son trésor de sensations enchante les romanciers, comme en témoigne les œuvres de Jane Austen, Madame de Staël, Zola, Henry James, Rilke, Proust, Thomas Mann et tant d’autres. Le dernier essai de Daniel Ménager met la littérature au repos sous ce mot de Convalescences (Les Belles Lettres) ; il montre que religion et société bénissent la convalescence quand elle permet des révisions de vie, voire des conversions dont le roman du XIXe siècle a été friand et dont les plus exemplaires se trouvent dans le roman russe, notamment chez Tolstoï. Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage…
Daniel Ménager, qui ne prend apparemment jamais de repos, fait paraître dans le même temps un essai sur Montaigne et la "culture de l'âme" (Classiques Garnier).
(Illustr.: Anton Tchekhov et Léon Tosltoï en Crimée, ca. 1901)
La littérature et l'effroi

La revue Littérature consacre sa livraison de printemps à la "Terreur", avec un sommaire coordonné par Patrick Brasart et Patrick Wald Lasowski, qui fait la part belle au siècle des Lumières qui a eu à composer avec les forces ténébreuses de la terreur et de la pitié, et qui en aura renouvelé aussi l'analyse. Jusqu’où la critique peut-elle accompagner les œuvres lorsqu’elles rencontrent, affrontent, défient ces puissances ? C'est la question plus générale que soulève le volume: la littérature, inculpée parfois de complaisance, de jeu trouble avec une terreur qui fascine autant qu’elle révulse, se montre pourtant, d'une époque à une autre et d'un effroi à l'autre, puissance irremplaçable de résistance, et de résilience.
La lecture comme braconnage

Peut-on faire l’histoire d’un lecteur, quand ce lecteur est Michel de Certeau, l'un des historiens les plus importants du XXe siècle, jésuite, et auteur d’une importante théorie de la lecture comme braconnage ? Dans Arts de braconner Une histoire matérielle de la lecture chez Michel de Certeau (Classiques Garnier), Andrès Freijomil entend suivre les traces matérielles d’un Michel de Certeau inconnu. Partant des soulignements et annotations marginales laissés dans ses livres, de sa manière de citer d’autres travaux, de se lire lui-même dans le réemploi de ses écrits, et de la construction de lecteurs libres de tout système scripturaire, ce livre fait émerger un territoire inconnu, celui des textes disséminés dans des revues et magazines, traces fondamentales du processus d’écriture d’une œuvre dont le présent a toujours gardé trace de l’altérité cachée de son passé: les arts de braconner. Fabula vous invite à parcourir la table des matières… et à lire la Préface de Roger Chartier (en libre accès)…
Rappelons à cette occasion les deux récents colloques dont Fabula a accueilli les actes: le colloque de Lausanne (2014) publié sous le titre "Revisiter l'œuvre de M. de Certeau", publié par Chr. Indermuhle et A. Paschoud, et le collloque de Paris (2017 intitulé "Michel de Certeau et la littérature", supervisé par Chr. Jouhaud et J.-C. Abramovici.
Territoires littéraires

Si le lien entre la création littéraire et les lieux traversés par les écrivaines et écrivains est largement glosé dans les études littéraires comme dans les études géographiques, la manière dont les lecteurs investissent cet ancrage a été peu étudiée. La revue Recherches & Travaux s'attache aux "Ancrages territoriaux de la littérature", à l'initiative de Mathilde Labbé. Le sommaire envisage la manière dont le territoire peut devenir une grille de lecture des textes et dont ce phénomène, par anticipation, oriente aussi l’écriture. La relation textes-lieux est ici abordée au prisme de motivations multiples : celles des auteurs, mais aussi celles des lecteurs privés, des associations et collectivités, et plus généralement de groupes sociaux constituant vis-à-vis de ces textes des communautés interprétatives.
(Illustration: "Église de Combray" (sic), via Pinterest)
Un monde en ruines

La littérature contemporaine semble hantée par la ruine : celle des hauts-fourneaux abandonnés à la rouille par leurs consortiums mondialisés ; celle des villes ravagées par la guerre et les catastrophes naturelles ; celle des mondes inhabitables d’un futur dystopique. Ces ruines ne sont plus héritières de la Rome mélancolique de Du Bellay ou de l’Arcadie pastorale de Poussin et du Lorrain ; elles ont oublié la nature, Dieu et le temps long. Si, donc, les ruines ne s’attachent plus à l’idéal, si elles ne sont plus le site d’une contemplation rêveuse, quel rôle jouent-elles dans les littératures française et québécoise du XXIe siècle ? Sont-elles les marques lisibles d’un mal historique, social, spirituel ? Comment et pourquoi ont-elles ainsi proliféré dans la géographie fictionnelle de notre ère ? Telles sont les questions débattues par le récent sommaire de la revue Études littéraires, à l'initiative de V. Gélinas-Lemaire. Sous le titre "Le monde en ruines : espaces brisés de la littérature contemporaine", ses contributeurs s’interrogent notamment sur leur surgissement dans les textes de Jean Echenoz, Antoine Volodine, Sylvain Tesson, Jean-Paul Kauffmann et Stéphane Vanderhaeghe et dans ceux, en domaine québécois, de Nicolas Dickner. Elle explore également l’absorption, par de nombreux auteurs contemporains, des portraits photographiques de la ville de Détroit, aux États-Unis, dévastée par la désindustrialisation.
À l’intersection des disciplines, les études théâtrales

Droit, économie, histoire, histoire de l’art, littérature, musicologie, philosophie, sociologie… : c’est à l’intersection des disciplines que les études théâtrales contemporaines se construisent. Après un récent sommaire consacré aux "Nouvelles recherches sur le théâtre classique", un nouveau dossier d’Acta fabula réuni par R. Bionda et A. Maignant à l'initiative du Centre d'Études Théâtrales de l'Université de Lausanne vient proposer une dizaine de réflexions sur les perspectives, méthodes et objets de l’étude du théâtre à l’Université, en rendant compte des parutions récentes thématisant ou illustrant la richesse et la diversité disciplinaires des études théâtrales, mais aussi l’histoire de leur institution, toujours en jeu.
(Image : El Conde de Torrefiel, Guerrilla, 2016)
Mondes sans adulte

Parce que l'été est l'éternelle saison de l'enfance, la revue Cultural express nous invite à rêver à des mondes sans adultes avec un numéro intitulé "Les enfants au pouvoir ! Pratiques et représentations des mondes sans adultes". Un riche sommaire qui fait logoquement sa place au cinéma, aux séries TV, aux jeux vidéos et aux téléphones portables, et nous invite à méditer ce mot de Georges Bernanos l’écrivit dans Les Grands cimetières sous la lune que Greta Thunberg ne désaouverait pas : "C’est la fièvre de la jeunesse qui maintient le reste du monde à la température normale. Quand la jeunesse se refroidit, le reste du monde claque des dents".
(Illustr.: La Guerre des boutons, d'Yves Robert, 1962)
Les troubles du récit

D’où vient notre désir d’histoires et cette propension universelle à se représenter soi-même et la réalité comme un récit ? Qu'est-ce qui rend si irremplaçables les processus narratifs et les représentations qu’ils véhiculent ? Pour répondre à ces questions régulièrement soulevées, Jean-Marie Schaeffer propose de réorienter notre point de vue : son nouvel essai, Les troubles du récit. Pour une nouvelle approche des processus narratifs (Thierry Marchaisse éd.) invite à s' intéresser non pas aux formes canoniques de l’art de narrer, comme le roman ou la biographie, mais plutôt aux situations où ces formes se "troublent", voire se disloquent : récits ordinaires, marginaux, visuels ou pathologiques. Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage…
Jacques et son maître

Annoncé comme "à paraître" sur la quatrième de couverture de l’Archéologie du frivole (1973) mais jamais publié, Le Calcul des langues qui paraît ces jours-ci aux éditions du Seuil constitua pour Jacques Derrida le laboratoire typographique où, avant l’écriture de l’un de ses textes les plus célèbres, Glas (1974), la page se trouva fendue par le milieu pour repenser la relation entre philosophie et écriture. Poursuivant une réflexion sur les sciences du langage au XVIIIe siècle entamée avec De la grammatologie (1967), Derrida propose ici une lecture en partie double de L’Art d’écrire de Condillac. Mais à la différence de Glas, dont les deux colonnes confrontent un philosophe (Hegel) à un auteur littéraire (Genet), Le Calcul des langues confronte Condillac à lui-même. Si la colonne de gauche propose une exégèse de L’Art d’écrire, celle de droite divague sans cesse, multipliant les digressions en direction de Freud et d’autres penseurs, à la recherche d’un plaisir de l’écriture qui échapperait à la philosophie.
Fictions radicales

La Revue critique de fixxion française contemporaine consacre sa vingtième livraison (déjà) aux "Radicalités: contestations et expérimentations littéraires". Un sommairee coordonné par Justine Huppe, Jean-Pierre Bertrand et Frédéric Claisse, avec l'ambition de "soutenir un raisonnement sur la radicalité en littérature qui se préserve de certains amalgames (entre “radicalité” et “violence”, “terrorisme” ou “extrémismes”, par exemple)", et de proposer plusieurs lectures, tantôt monographiques tantôt transversales, "d’œuvres ou de tendances récentes qui ont fait de la radicalité le prisme par lequel il est possible de repenser voire de redéfinir l’articulation de la littérature à la politique, à son langage et à ses normes."
(Photo: Gilles Caron, Paris 1968)
Antimanuel de scénario

Disparue il y a quelques mois, la réalisatrice et scénariste Claire Mercier avait soutenue à l'Université Paris 8 une monumentale thèse de théorie du cinéma, dont elle n'a pu faire paraître que la seule introduction dans la collection "Le parti pris du cinéma" qu'elle avait fondée : La cinéfable entre drame et récit, un essai significativement sous-titré Antimanuel de scénario. L'ensemble de la thèse devrait paraître en trois volumes dans les années qui viennent. Pour Claire Mercier, la cinéfable "se tient à l'opposé du scénario, ce texte qui se trouve en amont du film et qui en est l'outil". L'essai vient mettre au jour la participation contradictoire de la cinéfable au mode narratif et au mode dramatique, dont il défait l'opposition ; il s'attache aussi à penser les concepts opératoires sans lesquels cette fable ne peut ni se définir ni se réinventer. L'Atelier de théorie littéraire de Fabula donne à lire l'une de ses propositions : "Cinéfable et dramaturgie", une page qui vient rejoindre les ressources proposées à l'entrée "Cinéma et cinématisme".
La France en récits

Il n’y a pas un récit unique de la France mais des récits multiples, convergents ou divergents. Au lieu de poser d’emblée la question du récit national qui fait l’objet d’affrontements idéologiques, l'ouvrage collectif supervisé par Yves-Charles Zarka et l'équipe de la revue Cités sous le titre La France en récits (PUF) examine la manière dont les récits qui font la France se composent, se superposent, mais aussi s’opposent et s’affrontent. Au-delà de la diversité des lieux de mémoire, c’est à travers l’analyse de ces récits que l’on comprend comment se forge et se transforme l’identité de la France, à la fois une et divisée.
Naissance d'une phrase

En 1991, Pierre Alféri faisait paraître Chercher une phrase aux éd. C. Bourgois, réédité en 2007 dans la coll. "Titres", dont Acta fabula avait rendu compte dans le numéro fêtant son dixième anniversaire. Aujourd'hui, c'est au tour de Jean-Christophe Bailly de s'interroger sur la Naissance de la phrase (Nous éd.), un dyptique dont le premier volet s’efforce de "superposer à la question de l’origine des langues (et, donc, de l’apparition du langage) celle de la venue, en nous, des phrases que nous nous efforçons de former". Le second texte s’efforce quant à lui de regarder de près comment il revient au poème de restituer au mieux cette éclosion. Le modèle étant Paterson, le livre de William Carlos Williams comme le film de Jim Jarmusch. "Dès lors qu’une phrase s’invente, elle rejoue le scénario pourtant à jamais inconnu de la naissance du langage".
On rappellera aussi le volume collectif La Phrase littéraire, supervisé par R. Bourkhis et M. Benjelloun (Academia-Bruylant, 2008).
(Illustr.: Joan Miro, Bleu 2 (1961), Centre Pompidou-Musée national d'art moderne)
Notre frère humain

La brièveté de son œuvre (3326 vers seulement) et de sa vie (il disparaît vers l’âge de trente ans, en 1463) a fait de Villon une légende. Pourquoi ses vers hantent-ils nos mémoires depuis plus de cinq siècles ? Parce qu'il nous a laissé une poésie du quotidien, dont le caractère autobiographique assumé, dans une revendication de tous les excès, nous frappe par sa modernité et son audace. Parce qu'il a été un amoureux du Paris nocturne des mauvais garçons et des filles de mauvaise vie, des déambulations et des tavernes, où riches et pauvres, jeunes et vieux, hommes et femmes sont fondus dans une même mélancolie. Parce que sa poésie parle aussi du corps, matérialiste et profane, et célèbre la vie sans craindre la mort. Jacqueline Cerquiglini-Toulet rend à François Villon le plus beau des hommages, en offrant ses Œuvres complètes dans une édition qui nous rappelle aussi que, depuis longtemps déjà, nous avons deux langues.
Une question de point de vue

On associe aujourd’hui la perspective à l’individualisme, à l’affirmation d’une vérité privée et indépassable ("C’est une question de point de vue…"). C’est oublier la tradition de la perspectiva communis, celle qui fait de la perspective le vecteur d’un horizon commun. Sous le titre Partages de la perspective (Fayard), Emmanuel Alloa fait paraître un essai au croisement de la science, de l’art et de la philosophie, le livre exhume une tradition qui doit être redécouverte : le point de vue, ce n’est pas seulement ce qui divise, c’est aussi ce qui se partage. Au lieu d’incriminer le perspectivisme d’avoir fait le lit de la post-vérité, et de la perte d’une référence à un monde réel, il est temps de retrouver en quoi la perspective n’est pas qu’une affaire de relativisation, mais de réalisation. Fabula vous invite à découvrir un extrait de l'ouvrage…
L'air du temps

Romancier ou reporter ? La question, à vrai dire, ne se pose pas en ces termes pour l'œuvre de Joseph Kessel. L'édition des Romans et récits supervisée par Serge Linkès pour la "Bibliothèque de la Pléiade" juxtapose dans l’ordre chronologique des ouvrages relevant, à des degrés divers, de la fiction, du récit, du reportage ou de ce que Kessel aimait à nommer documentaire, un mot encore neuf dans les années 1920 et qu’il donna pour titre à la première partie de Vent de sable. Les deux volumes reproduisent de nombreux éléments des manuscrits, désormais accessibles – dont le scénario inédit du Bataillon du ciel – et les exploitent pour cerner ce qui fait la spécificité de l’œuvre. Ils sont accompagnés de l'Album kessel établi par Gilles Heuré.
Cinquante ans de Poétique

En 1995, M. Charles faisait paraître un numéro hors-série de Poétique intitulé "25 ans de Poétique" : un index devenu très vite un instrument de travail, et qui donnait à penser sur la structuration du champ de la théorie littéraire. Les cinquante ans de la revue à la fin de l'année 2019 n'auront pas été marqués autrement que par l'hommage rendu à son fondateur, Gérard Genette, disparu quelques mois plus tôt. En libre accès en ligne, le numéro hors-série qui inaugure la sixième décennie vient proposer à la fois un bilan et un nouvel instrument de travail, pour "permettre aux lecteurs de mesurer le chemin parcouru tout au long des 186 numéros déjà parus, leur suggérer aussi de nouvelles recherches et, en tout cas, leur donner les moyens d’utiliser ou de réutiliser au mieux les articles publiés de 1970 à 2019", soient 25 000 pages, 1500 articles écrits par 800 auteurs.
Le numéro 187 paraît dans le même temps, qui fait la part belle à l'âge classique et au théâtre. Un éditorial de M. Charles vient rappeler les vertus, notamment pédagogiques, de la poétique et du travail théorique.
Un été avec Pascal

Après L'été avec Montaigne, Antoine Compagnon nous invitait l'an dernier à passer "un été avec Pascal "sur France Inter. Ces chroniques sont aujourd'hui à retrouver dans le volume qui paraît sous ce même titre Un été avec Pascal aux éditions des Équateurs. En quarante et un chapitres (dont six inédits), Antoine Compagnon évoque à la fois la vie du génie Pascal tout cherchant la signiï¬cation de ses pensées presque toujours elliptiques. On devrait "mettre dans le journal, moi je ne sais pas, les… Pensées de Pascal ", disait le Swann de Proust. C’est un peu ce qu'Antoine Compagnon dit avoir voulu faire dans ce qui se lit aussi comme un journal de lecture.
(Illustr.: J.-L. Trintignant, Ma nuit chez Maud, É. Rohmer, 1969).
Un grain de folie

Les premières gouttes de pluie, retrouvées à l’état de fossile, datent de près de trois milliards d’années. La pluie n’a cessé depuis, partout et à toute époque: elle a noyé les pécheurs, arrosé les peurs de l’an mille, parfois éteint le soleil de Louis XIV, et s’est glissée dans le calendrier révolutionnaire sous le nom éphémère du mois de pluviose. Avec l’essor de la météorologie, au XIXe siècle, les pluies font la gloire des savants qui la quantifient et tentent de lui trouver une logique, jusquà nos jours où elles s’invitent dans le dérèglement climatique… Nul n'avait encore songé à faire l'histoire de la pluie: il y fallait le grain de folie de Jean-Louis Hue qui publie une Histoire de la pluie en quarante épisodes (Grasset), soit le nombre de jours qu’a duré le Déluge. Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage…
(Illustr.: Gene Kelly, Debbie Reynolds, Donald O'Connor, Singin' in the Rain, S. Donen & G. Kelly, 1952 )
Devancer la nuit

La collection "Micheline" des éditions du Chemin de fer nous invite à Devancer la nuit avec une inattendue fiction épistolaire signée Beatrix Beck (1914-2008) : des joutes épistolaires engagées sous l'égide des Liaisons dangereusesde Laclos entre un homme suicidaire pour qui seul l’amour des mots, infini territoire de jeux, donne encore un sens à la vie, et sa jeune amoureuse, prête jouer, le jeu du marivaudage lexical et poétique pour le maintenir du côté de la vie, au risque de brader ses propres sentiments. Le volume est suivi de la Correspondance échangée par l'auteure de Léon Morin prêtre ou La Décharge avec Roger Nimier : quoique fragmentaire, elle fait directement écho au roman tant la personnalité désespérée de Roger Nimier y transparaît, mais elle raconte également en creux les années cinquante de Béatrix Beck et, en particulier, la lutte de l'écrivaine suisse pour devenir française…: ce que le Goncourt n’a pas réussi à faire, Roger Nimier y parviendra.
Fabula vous invite à feuilleter l'ouvrage, ou à écouter les lettres de B. Beck à R. Nimier lues par Nathalie Jungerman ou encore à découvrir tous les titres de B. Beck aux éditions du Chemin de fer…
Qu'a fait la police ?

Comment s’est construit l’ordre public en France ? Des Croquants aux Gilets jaunes, la monarchie, les deux empires et les cinq républiques ont fait face au défi des « émotions » et des révoltes, mais aussi à une attente de paix civile et de sécurité… Quatre spécialistes proposent une Histoire des polices en France. Des guerres de Religion à nos jours (Belin) une histoire inédite, inscrite dans la longue durée, une histoire attentive aux événements du quotidien, aux grandes affaires comme au fracas des crises politiques et sociales. Ouvert aux comparaisons comme à l’étude des circulations internationales, l'ouvrage fait la part belle aux échanges avec d’autres polices européennes et, pour la première fois, aux espaces colonisés, en Amérique, en Afrique et en Asie.
(Illustr.: Jossot, "Entre nous, t'as jamais su exécuter proprement un passage à tabac", L'Assiette au beurre, 1904).
Voix épistolaires

Que l’épistolier relate des scènes agrémentées de paroles rapportées, qu’il prétende transcrire des conversations ou transmettre tel propos d’un tiers, la polyphonie est naturellement au cœur d’écrits qui reposent souvent sur l’orchestration adressée de voix autres que celle de l’épistolier et de son coénonciateur : un dossier réuni par Cécile Lignereux et Karine Abiven et publié sur la plateforme grenobloise Acta Litt&Arts envisage la dimension véritablement polyphonique de la lettre, dans la période qui court du XVIe au XVIIIe siècles où l'on voit se multiplier les dispositifs d’encadrement ou d’exploitation de la parole vive (par la conversation ou la valorisation sociale du "bon mot", que ce soit à la cour ou à la ville, par l’oralisation des écrits d’information ainsi que des textes polémiques, par la permanence des pratiques de discours d’apparat, etc.) : la lettre se fait chambre d’écho de ces multiples voix.
Des faits aux théories

Howard S. Becker livre, avec le style qui a fait son succès, les leçons tirées de son expérience de sociologue. Empiriques au même titre que les sciences de la nature, les sciences sociales ne progressent que par l’articulation entre des "idées" (ou théories) et des "données", produites par des procédés qui sont à analyser. Dans Faire preuve. Des faits aux théories (La Découverte), le sociologue démontre la nécessité d’une analyse critique des données à la lumière d’une gamme étendue de recherches, des plus collectives et objectivantes, comme les recensements de la population, aux plus personnelles, comme les observations ethnologiques, en passant par toutes les formes intermédiaires de la division du travail entre concepteurs des recherches et personnes chargées de la collecte des données.
Des droits et des devoirs

La littérature a certes tous les droits, mais pas avec la justice : censure, propriété des manuscrits originaux, fiction à partir de personnages réels, nombre d’obstacles se dressent devant qui espère écrire et être publié. Dans une société en judiciarisation croissante, l’auteur ne peut plus échapper aux questions que lui pose le droit de l’édition. Avec L'auteur, ses droits et ses devoirs (Folio Essais), Emmanuel Pierrat offre un vade-mecum pour l’impétrant écrivain, le citoyen curieux des livres, l’étudiant ainsi que le praticien du droit, un outil de réflexion pratique et largement illustré d’exemples historiques. La méthode empruntée consiste à retracer tout le parcours de l’écrivain contemporain, aux prises avec les questions juridiques, depuis la reconnaissance de sa qualité d’auteur jusqu’aux litiges auxquels il peut être confronté.
1980, l'an zéro du contemporain ?

Ce fut l'année de la mort de Jean-Paul Sartre et du retour de Marguerite Duras à la littérature, de la disparition de Roland Barthes et de la parution de La Chambre claire, de l'enfermement d'Althusser et de la fondation de Solidarnosc, de l'élection de Marguerite Yourcenar à l'Académie française et des premiers émois de Sophie Marceau dans La Boum… L'année 1980 aura-t-elle été "l'an zéro du monde contemporain ?". C'est la question adressée par Jérôme Meizoz et Gilles Philippe à l'ensemble des chercheuses et chercheurs de la Faculté des lettres de l’Université de Lausanne, qui ont été une quarantaine à se demander de quoi 1980 était pour eux le nom. La revue Études de lettres publie aujourd'hui directement en libre accès la mosaïque des réponses : un portrait chinois de l’an huitante en une cinquantaine de tesselles littéraires, artistiques, culturelles, sociales, politiques, scientifiques, technologiques, philosophiques et intellectuelles. Fabula vous invite à parcourir le sommaire, et à voir la vidéo de présentation du volume par ses deux éditeurs…
Annie Ernaux à l'œuvre

"Devrais-je alterner constamment l’une et l’autre vision historique – 1958/2014 ? Je rêve d’une phrase qui les contiendrait toutes les deux, sans heurt, simplement par le jeu d’une nouvelle syntaxe", écrit Annie Ernaux dans Mémoire de fille. Loin d’occuper une place marginale dans l’œuvre, ce type de commentaire met au premier plan ce que l’auteure appelle la "douleur de la forme" : la recherche inquiète d’une écriture à la mesure du projet à l’origine de chaque livre. Les Colloques en ligne de Fabula accueillent les actes des journées tenues à Amiens en mars 2017 sous le titre Annie Ernaux : les écritures à l’œuvre : les essais réunis par Aurélie Adler et Julien Piat viennent mettre en évidence la pluralité des écritures en jeu dans le "travail" d’Annie Ernaux, en tenant compte non seulement des textes, mais aussi des entretiens et des interventions médiatiques de l’auteure.
Sous le titre Hôtel Casanova et autres textes brefs, la collection Folio 2 € offre de son côté un recueil de douze textes d'Annie Ernaux pour retrouver ses thèmes obsessionnels ou fondateurs : passion sensuelle, amour maternel heurté, vertiges du transfuge, écriture-révolution, hommage à Pierre Bourdieu… Fabula vous invite à lire un extrait de ce recueil…
Une nouvelle paire de Manchette

Les éditions de la Table Ronde nous offrent deux salves de textes inédits de Jean-Patrick Manchette ; sous le titre Lettres du mauvais temps, sa Correspondance échangée entre 1977 et sa mort en 1995 : une sorte d'art poétique en fragments, où il cause, parfois avec humour et toujours avec énormément de soin, du style, du polar, de la traduction, de l'économie du livre, du cinéma, de l'art et de la marchandise; il s'entretient avec de grands auteurs - tels Pierre Siniac, Jean Echenoz, Robin Cook, ou les Américains qu'il aime et parfois traduit, de Donald Westlake à James Ellroy en passant par Ross Thomas - mais se montre aussi attentif et précis lorsqu'il s'agit de répondre à ses lecteurs. Mais aussi, sous le titre Play it again, Dupont, les "chroniques ludiques" tenues dans Métal Hurlant entre 1978 et 1980 sur un sujet pour le moins inattendu dans pareille revue : les jeux de l’esprit. C’est que Manchette, spécialiste du roman noir et théoricien du genre, amateur de grande littérature, de philosophie et de tactique militaire, est aussi un passionné de jeux, et en particulier de jeux de stratégie. Sous le pseudonyme martial et burlesque de Général-Baron Staff, Manchette passe ainsi en revue avec un humour sans pareil des jeux improbables aux règles parfois déconcertantes, voire franchement absurdes.
Sans doute parce que les trois font la paire, les éditions Wombat nous offrent sous le titre Les Yeux de la momie l’intégrale des chroniques de cinéma parues dans Charlie hebdo (1979-1982).
Des injures

Blasphèmes, injures sexuelles; gros mots : quels liens y a-t-il entre ces différentes formes de transgression langagière ? Que sont devenus les jurons religieux d'autrefois ? Pourquoi les euphémismes sexuels sont-ils si vite périmés ? D'où vient le pouvoir cathartique attribué aux interjections et aux injures ? Dans Dire et interdire. Éléments de jurologie (Petite Bibliothèque Payot), Nancy Huston explore ces questions avec humour, mais non sans érudition, en "jurologue", mais aussi en tant que femme.
Les injures ont ces dernières années régulièrement fait l'objet de travaux académiques. Signalons pour mémoire L'Insulte par Federico Bravo (P.U. de Bordeaux, 2015) ; le numéro d'Argumentation et Analyse du discours (n° 8, 2012) : "Insulte, Violence verbale, Argumentation" ; ou encore le volume paru sous la direction de D. Lagorgette, Les Insultes en français : de la recherche fondamentale à ses applications (linguistique, littérature, histoire, droit) aux P.U. de Savoie (2009).
Svetlana Alexievitch, au-delà de la littérature

Consacrée par le prix Nobel de littérature en 2015, l'œuvre de Svetlana Alexievitch explore les archives subjectives et la mémoire des anciennes républiques soviétiques. L'écrivaine a donné un grand nombre d’entretiens, à la presse russe en particulier, pour expliquer sa démarche et présenter la cohérence de son œuvre ; peu d’entre eux ont été traduits en français. Le volume qui paraît à La Baconnière sous le titre Svetlana Alexievitch: la littérature au-delà de la littérature donne à lire l'un de ces entretiens qui constitue une excellente présentation du travail de Svetlana Alexievitch: "Le socialisme a disparu, mais nous sommes toujours là" (2003), ainsi que l'allocution prononcée à l’Université de Genève lors de la réception de son Doctorat Honoris Causa (2017). Ces deux traductions sont accompagnées de sept textes critiques, pour mettre en valeur la force littéraire de l’œuvre de Svetlana Alexievitch, qui nous oblige à nous confronter aux violences historiques et politiques de notre temps mais aussi aÌ nous interroger sur ce que peut la littérature.
Au soleil de Charleroi

Après Au palais des images les spectres sont rois, qui restituait l’ensemble des écrits publiés par Paul Nougé de son vivant, entre 1922 et 1967, en arrachant l'œuvre du poète surréaliste belge au silence qui l'entourait jusqu'ici, les éditions Allia donnent une nouvelle édition de La Conférence de Charleroi, prononcée le 20 janvier 1929 à l’occasion d’un concert d'André Souris et d’une exposition de tableaux de René Magritte. Texte majeur du surréalisme, à la hauteur des manifestes du mouvement, La Conférence de Charleroi est à la fois une théorie artistique, une philosophie générale et un pamphlet politique à même de remettre en cause le classicisme comme les avant-gardes.
Des héros de BD

Après Boris Vian dans Piscine Molitor et Jacques Prévert dans Prévert n'est pas un poète d'Hervé Bourhis et Christian Cailleaux, c'est au tour d'André Breton d'être mis en cases par David B. dans Nick Carter et André Breton. Une enquête surréaliste (Soleil Productions). Sous couvert d’une enquête pleine de références et de folie imaginative, David B. aborde avec intelligence et humour le surréalisme, dont le fondateur apparaît comme bien démuni : il n’a plus de femme dans sa vie, ses compagnons surréalistes sont partis ou ont été exclus et surtout, il lui semble qu’il a perdu ce qui faisait l’âme du surréalisme : "l’or du temps". Il engage donc son ami, le détective Nick Carter, pour enquêter et retrouver cette chose indicible qui lui aurait été volée… Fabula vous invite à feuilleter l'ouvrage…
Les écrivains font apparemment de si bons héros de BD qu'on a cru reconnaître aussi M. Houellebecq dans Quatorze juillet de B. Vivès, et G. Simenon dans De l'autre côte de la frontière, de Ph. Berthet et J.-L Fromental.
Mais les auteurs de BD sont aussi d'excellents sujets romanesques : le "prix Goncourt de la biographie Edmonde Charles-Roux" vient d'être attribué à Thierry Thomas pour Hugo Pratt trait pour trait (Grasset).
Rappelons au passage que l'Atelier de théorie littéraire de Fabula accueille une entrée "Bande dessinée"…
Vingt ans d'Histoires littéraires

En dépit de son look rétro (l’une des très rares revues dont on massicote encore les pages…), la revue Histoires littéraires est comme Acta fabula une millénial… Créé en 2000 par Jean-Jacques Lefrère (†) et Michel Pierssens, elle fête ses vingt ans avec son quatre vingtième numéro. À cette occasion, la revue élargit doublement sa perspective : désormais ouverte à l’ensemble des littératures de langue française, Histoires littéraires accueille désormais aussi des contributions consacrées à la littérature du XXIe siècle. Pour autant, les missions qu'elle se donne restent fondamentalement les mêmes : la revue se veut un lieu de rencontre entre ceux qui travaillent à constituer l'histoire littéraire, qu’il s’agisse de professionnels de la recherche, d’érudits indépendants, de collectionneurs ou de curieux. Avis aux lecteurs et aux lectrices, ainsi qu’aux contributions !
Les affaires de la rue de Rome

Comme on ne le sait pas assez, Adoré Floupette est le pseudonyme collectif utilisé par Gabriel Vicaire et Henri Beauclair pour leur parodie littéraire : Les Déliquescences un recueil de poèmes satiriques sur le symbolisme et le décadentisme paru en 1885. Le personnage avait apparemment songé encore à une "saga d'aventures surnaturelles", dont Léo Henry dit avoir retrouvé les notes préparatoires, et dont il a entrepris la rédaction avec Raphaël Eymery, luvan et Johnny Tchekhova. Les Affaires du club de la rue de Rome (La Volte éd.) redonne vie à quelques-unes des grandes figures artistiques du Paris de 1891, dont Pierre Louÿs et Octave Mirbeau, regroupées autour de M*** – lequel se révèle être le Mallarmé des mardis – pour combattre le mal : un Mal ambigu, indéfinissable et effroyable, dont on ne sait s’il se joue des détectives ou du lecteur, qui se manifeste par des disparitions inexpliquées ou des crimes surnaturels : une inquiétante épidémie aux symptômes mortels qui frappe les jeunes filles, un Pierrot lunaire s’évaporant sous les yeux de ses poursuivants, une tête qui trône sans corps à la manière d’un sphinx d’outre-tombe…
Rousseau enfin chez lui

" Ce qu’il y avait d’heureux était que tous les amusements dont nous nous passionnions successivement nous tenaient ensemble occupés dans la maison, sans que nous fussions même tentés de descendre à la rue." (Confessions, I) — À l'initiative de Martin Rueff, la Société Jean-Jacques Rousseau vient de mettre en ligne son nouveau site internet, qui offre d'ores-et-déjà quantité de ressources, pour se (re)plonger dans l'œuvre de J.-J. Rousseau et sa réception : écouter des conférences, notamment les fortes interventions de la journée "Rousseau et la différence sexuelle" tenue le 28 juin 2019 au Château de Ferney-Voltaire. des concerts et des livres audio, télécharger des manuscrits, explorer la bibliothèque de la Société, ou encore accéder aux Annales Jean-Jacques Rousseau soigneusement indexées et télécharger ses anciens numéros.
Traduction et violence

Dans son nouvel essai Traduction et violence (Seuil, "Fiction & Cie"), Tiphaine Samoyault se propose de sortir la traduction de l’éloge ou du consensus pour ne plus voir en elle le seul espace de la rencontre heureuse entre les cultures et la comprendre comme une opération ambiguë, complexe, parfois négative. T. Samoyault étudie les histoires de violence dans lesquelles la traduction a pu jouer un rôle (la domination coloniale, les camps d’extermination, les sociétés d’apartheid, les régimes totalitaires), ainsi que des cas littéraires qui illustrent les violences propres à l’espace du traduire. Mais parce que la traduction a aussi à voir avec la justice et la justesse, avec l’imprévisibilité de la rencontre et les transformations dans l’espace et le temps, la séparation qu’elle entraîne peut s’inverser en réparation de la violence commise. Renouveler la pensée de la traduction, c'est repenser la possibilité politique de faire des mondes communs. Fabula donne à lire en exclusivité l'introduction de l'ouvrage, avec l'aimable autorisation de l'auteur et de son éditeur…
Les Assises du roman 2020

Du 11 au 17 mai, et sous un intitulé bien de saison, "Le temps de l'incertitude", les Assises internationales du roman 2020 se réinventent dans une Villa Gillet virtuelle, en partenariat avec Le Monde et France Culture. Une façon de rencontrer dans son salon les acteurs de la scène littéraire par-delà les confinements, et d'entendre les grandes voix des écrivains du monde: entretiens vidéos, des textes inédits, des lectures par des comédiens de grands auteurs venant du Mexique, de Chine, des États-Unis, de Turquie, et de toute l’Europe.
Littérature, image, périodicité

La collection "Littérature, arts, science" des Colloques en ligne de Fabula accueille les actes des journées tenues à l’Université de Lausanne en novembre 2018 à l'initiative de Marta Caraion et de Barbara Selmeci : Littérature, image, périodicité (XVIIe-XIXe siècles). Le sommaire montre que l’image matérielle (gravure, photographie) et textuelle (description, ekphrasis) entretiennent dans la presse littéraire des rapports spécifiques avec la temporalité (transposition visuelle d’un fait d’actualité, d’un moment narratif singulier, etc.) dont l’expression s’exacerbe dans le cas d’une publication périodique, tributaire des contraintes éditoriales qu’implique une parution régulière.
Le contexte comme expérience

Peut-on encore risquer des expériences de lecture ? L'envie semblait s'en être perdue, tant les colloques se vouent pour la plupart à vérifier c'est-à-dire reconduire les tranquilles certitudes de l'histoire littéraire. En mai 2014 toutefois, Christine Noille et Sophie Rabau proposaient à une douzaine de leurs collègues et amis une expérience à peu près sans exemple, en les invitant à se dépossèder volontairement des savoirs contextuels dont ils soutiennent traditionnellement leur discours afin de réfléchir à leurs pratiques d’interprétation. Il fallait un support à l'expérience: ce fut, choisi presque au hasard, Le Page disgracié de Tristan L’Hermite (1643). Les articles qu'accueillent aujourd'hui les Colloques en ligne de Fabula sont publiés six ans plus tard, sans avoir été repris ni amendés en fonction des recherches menées depuis sur l'œuvre de Tristan L’Hermite. Pour les instigratrices de l'expérience comme pour les participants, l''intention est bien de maintenir cette expérience de lecture dans son contexte d’exercice, en espérant en préserver le caractère authentique.
(Illustr.: Giorgio De Chirico, Il trovatore stanco, 1950)
D'une crise à l'autre

Comme son nom l'indique assez, l'Atelier de théorie littéraire n'a pas vocation à accueillir des notions autres que… théoriques. Par exception pourtant (le printemps 2020 fera date par là aussi), il affiche désormais une entrée "Crise sanitaire" dont on voit mal qu'elle puisse jamais devenir un concept (le défi reste à relever) : après Denis Guénoun qui nous invitait à arpenter les rues d'Oran dans La Peste, c'est au tour de Michel Murat de se demander de quoi l'épidémie est le nom pour Camus et ses lecteurs dans un texte inédit intitulé "La peste comme analogie". On pourra aussi s'interroger avec William Marx sur "Ce que la littérature nous apprend de l'épidémie".
Bibliothèques en utopie

Les premiers socialistes « utopistes » ont souvent imaginé des sociétés idéales. Quelle place tenaient les bibliothèques dans leurs rêves ? Dans leurs débats ? Dans leur pratique ? Certains ont participé aux débats sur les droits d’auteur, d’autres se sont efforcés d’investir les bibliothèques populaires d’où une certaine philanthropie bourgeoise les écartait. La mise en application concrète des projets socialistes autour de la lecture (familistère de Guise, colonies icariennes aux États-Unis, etc.) appelait une analyse de grande ampleur. Le collectif réuni par Nathalie Brémand sous le titre Bibliothèques en utopie. Les socialistes et la lecture au XIXe siècle aborde presque tous les courants de pensée sous l’angle de leur intense rapport à la lecture.
La construction politique de l'Histoire

Dispositifs d'exposition dont l'usage s'impose au cours du XIXe siècle où les musées se donnent une mission pédagogique, mêlant moulages, peintures, sculptures, photographies et objets collectés, les dioramas constituent des lieux de création et de médiation des savoirs, mais aussi de construction politique de l'histoire, entre art, anthropologie et sciences naturelles. Dans Les Autres et les ancêtres. Les dioramas de Franz Boas et d’Arthur C. Parker (Les Presses du Réel), Noémie Étienne étudie les principaux dioramas anthropologiques américains du début du XXe siècle : ceux du Musée d'histoire naturelle de New York, avec les installations assemblées par l'anthropologue allemand Franz Boas, et du Musée de l'État de New York et ses dioramas supervisés par l'archéologue autochtone Arthur C. Parker. Fabula vous invite à découvrir l'introduction de l'ouvrage…
Kolonie Kafka

Dans K comme Kolonie (La Fabrique), Marie-José Mondzain propose une nouvelle lecture de La Colonie pénitentiaire, qu'elle lit comme un tableau "des asservissements imposés par l’impérialisme capitaliste dont la fiction de Kafka a décrit l’effrayante machinerie", mais aussi comme une tentative de "décolonisation de l'imaginaire".
Les Presses du Réel donnent de leur côté une réédifion augmentée de l'ouvrage de Seloua Luste Boulbina, Le singe de Kafka & autres propos sur la colonie, paru aux éditions Parangon en 2008, qui fait de la colonie un concept philosophique majeur de la pensée politique contemporaine : un concept frontière questionne les représentations-écrans qui irriguent discours et politiques d'hier et d'aujourd'hui.
Rappelons enfin la traduction déjà saluée par Fabula du texte intégral des Journaux par Robert Kahn, qui vient de nous quitter.
(Illustr.: Les Savants/Die Gelehrten, de Gabriel von Max, 1840-1915).
Toujours de l'audace !

Elle ne semble pas vraiment de saison, mais il se pourrait pourtant que nous en ayons le plus grand besoin : de l'audace. À l'initiative de Florence Dumora, la onzième livraison de la revue Savoirs en Prisme nous invite à voir dans l'audace bien plus qu'une valeur, aujourd'hui démonétisée par le discours managérial : une vertu pleine et entière. Le sommaire réunit douze contributions thématiques qui abordent la Grèce Antique, sous ses aspects philosophiques et littéraires, la pensée anthropologique de la Renaissance, et des phénomènes culturels et artistiques allant du XIXe au XXIe siècle.
Glossaire de narratologie

Le Glossaire de narratologie développé au sein de l'Université de Lausanne par R. Baroni et A. Goudmand avec le Réseau des Narratologues Francophones s'enrichit de trois nouvelles entrées : "Modèles rhétoriques des publics", par James Phelanâ, qui théorise "la manière dont la personne qui raconte utilise les ressources du récit (ses éléments fondamentaux étant l'intrigue, le personnage, la perspective, le temps et l'espace) afin de produire certains effets sur quelqu'un d'autre" ; "Relatabilité", par Jan Baetens, qui invite à penser autrement le succès ou l'échec des séries télévisées et, sans doute, de la littérature populaire en général, où le rapport personnel entre public réel et personnage fictif joue toujours un rôle de premier plan; et "Métalepse", par Frank Wagner qui en appelle à une réflexion transmédiale sur le caractère transgressif du procédé. L'Atelier de théorie littéraire de Fabula vous invite à découvrir l'ensemble du Glossaire…
Les mots de la littérature

Gilles Philippe donne à lire dans l'Atelier de théorie littéraire un bref essai de synthèse sur la terminologie en usage dans l'analyse linguistique des textes littéraires. Il montre que cette terminologie fait l'objet de "constants ajustements et déplacements selon deux critères principaux : la position de domination scientifique et le prestige académique de l'un ou de l'autre des deux champs disciplinaires concernés, l'évolution générale des imaginaires tant linguistiques que littéraires, et surtout de la sensibilité à la question d'une possible spécificité verbale, voire d'une possible autonomie langagière, de la littérature."
L'adresse lyrique

L'Atelier de théorie littéraire publiait il y a peu des "remarques sur le jeu de l'acteur", où Denis Guénoun théorisait le phénomène de l'adresse dramatique sous le nom de "l'adresse au sans-visage". L'entrée "Lyrisme" accueille aujourd'hui le texte resté inédit d'une conférence donnée par Jonathan Culler à l'Université de Lausanne, sous le titre "L'adresse lyrique". Le théoricien montre que "l'acte de s'adresser à des forces naturelles ou aux objets, aux abstractions, ou aux êtres absents, perturbe le circuit ordinaire de la parole, plaçant au premier plan l'acte d'adresse lui-même, le détachant des contextes empiriques et montrant son caractère rituel, exhortatoire, mettant enfin l'emphase sur l'acte de la parole, la parole comme invocation", et constitue la définition la plus efficiente du lyrisme.
(Illustr.: Démosthène s'exerçant à la parole, Jean-Jules-Antoine Lecomte du Nouy, 1870)
Prendre l'air avec Depardon

Dans le cadre de l'opération Le Seuil du jour, on peut (re)parcourir librement La France de Raymond Depardon, paru en 2010 et dont les trois cents photographies en couleurs avaient fait l'objet d'une exposition à la BnF. R. Depardon photographie la France avec vérité, en guettant les traces de l’homme sur le territoire, un peu à la manière dont Walker Evans a photographié les Etats-Unis au début du XXème siècle. Les photographies sont prises, comme au tout début de l’histoire de cet art, à l’aide d’une chambre posée sur un pied, contrainte qui a aidé l’artiste à ne faire qu’"une" photographie de chaque lieu, à assumer l’angle de vue, à voir frontalement.
Rappelons qu'on peut toujours (re)lire dans le 15e dossier critique d'Acta fabula "Vertus passives: une anthropologie à contretemps", un entretien de Raymond Depardon avec Mathieu Vernet et l'équipe de la revue : "Dégager l’écoute de ce qui se passe".
Lire avec la traduction

À l’heure où les débats sur la mondialisation culturelle imprègnent de plus en plus la sphère européenne, l'atelier initié par Chloé Chaudet et Claire Placial au sein du 8e Congrès de la Société Européenne de Littérature Comparée (Lille, août 2019) visait à interroger nos réflexes et nos pratiques d'enseignant.e.s et de chercheur.e.s face aux textes traduits. Si la question des modalités de la lecture en traduction a déjà donné lieu à des propositions fructueuses au sein de la recherche en Littérature générale et comparée, l’ouverture actuelle du marché éditorial européen à des auteurs extra-occidentaux invite à les prolonger afin de penser à nouveaux frais notre rapport à la traduction. Les Colloques en ligne de Fabula accueillent aujourd'hui les actes de cet atelier sous le titre "Lire et travailler avec la traduction par temps de mondialisation".
Phèdre perdue et retrouvée

Au prétexte que la vie est courte et les chefs-d'œuvre nombreux, l'Atelier de théorie littéraire de Fabula proposait il y a peu une courte série de réductions de textes dramatiques, en offrant un Barbier de Séville en 20 mns, un Misanthrope en trois actes et une efficiente réduction de Bérénice. On peut regretter aussi que certaines œuvres soient trop courtes, ou nous aient été livrées amputées d'une partie d'elle-même. C'est le cas de Phèdre, dont les premiers spectateurs ont applaudi (ou sifflé) une scène que Racine n'a pas cru devoir conserver dans l'édition de la pièce. En 1989, Jean-Claude Milner avait entrepris de reconstituer cette scène perdue: à l'entrée "Textes possibles", l'Atelier de théorie littéraire redonne à lire sa minutieuse enquête sous le titre "Sur les traces d'une scène perdue de Phèdre", dans une version révisée par l'auteur.
(Illustr.: Anne Louis Girodet de Roucy-Trioson, Thésée et Hippolyte, 1798. Musée Dobrée, Nantes)
Appropriations de Corneille

Faisant suite aux collectifs Corneille après Corneille, Corneille des Romantiques, Pratiques de Corneille, et Héros ou personnages ? Le personnel du théâtre de Pierre Corneille, le nouvel ouvrage collectif supervisé par Myriam Dufour-Maître sous le titre Appropriations de Corneille examine plus largement la place de Corneille dans la culture, les multiples façons dont les époques successives se sont emparées de son œuvre, ont construit sa figure d’auteur, son nom, et les ont incorporés non seulement à la vie même des lettres, mais aussi de la langue, de la cité, de la nation, de l’imaginaire collectif. Le terme d’"appropriation" voudrait rendre compte de cette activité protéiforme et transformatrice par laquelle un auteur et son œuvre deviennent "nôtres".
Foucault leaks

Un collectif anonyme, Les Écrevisses, vient hisser bien haut le drapeau de la piraterie intellectuelle en mettant à disposition une version intégralement restaurée des célèbres cours de Michel Foucault au Collège de France. On s'étonnera peut-être qu'il ait fallu attendre 50 ans pour que les enregistrements des cours de "l'auteur en sciences humaines le plus cité au monde" soient enfin restaurés et rendus à l'écoute de tous. Les premières leçons ainsi offertes sont précisément celles auxquelles la situation actuelle vient donner une très vive actualité: "Sécurité, territoire, population" et "Naissance de la biopolitique". On se réjouit aussi de la mise en ligne prochaine des leçons de février 1973 sur l'illégalisme et la propriété qui fondent sans nul doute et par anticipation la légitimité politique du projet Free Foucault, dont le manifeste est à lire sur Fabula.
Lire des scénarios

Si les études littéraires se penchent régulièrement sur les scénarios cinématographiques, à l'instar de Jean-Louis Jeannelle dans Films sans images (Seuil, 2915) ou de l’ouvrage collectif dirigé par Alain Boillat et Gilles Philippe L’Adaptation. Des livres aux scénarios (Les Impressions Nouvelles, 2018), nos pratiques de lectures n’intègrent que rarement ces objets particuliers, qui constituent pourtant un vis-à-vis passionnant pour mieux comprendre les films et les séries que nous regardons. Pour pallier cette lacune et mettre en valeur le travail des scénaristes, l’association Lecteurs Anonymes propose une scénariothèque en ligne, regroupant un grand nombre de scénarios de films francophones en libre accès. Des documents similaires peuvent également se trouver sur le site du CNC.
(Illustration: La Douleur, E. Finckiel d'après M. Duras, 2017)
Proust sioniste. Un feuilleton d'Antoine Compagnon

Pour mettre à profit l'actuelle situation de confinement, et dédommager son public de l'actuelle fermeture du Collège de France, Antoine Compagnon a relancé un projet de recherche entamé il y plusieurs années sur la manière dont l’œuvre de Proust fut lue dans la communauté juive française au cours des années 1920, en particulier du côté de ceux qu'on appelait les "isréalites français" pour beaucoup tentés par le sionisme politique après la déclaration Balfour de novembre 1917 en faveur de l’établissement d’un foyer national juif en Palestine. Le titre provisoire de ce carnet de recherches, à lire comme un feuilleton hebdomadaire, est "Proust sioniste". Fabula vous invite à découvrir le projet et le premier épisode intitulé Ultima verba.
Stendhal palimpseste

Dans J'ai tant vu le soleil (Gallimard), l'historien Emmanuel de Waresquiel s'attache à un auteur qu'il croise depuis trente ans, en arpentant ses périodes historiques de prédilection, de la Révolution à la Restauration en passant par l'Empire : Henri Beyle, en prenant le personnage à son propre mot : "Comment m’amuserai-je quand je serai vieux, si je laisse mourir la bougie qui éclaire la lanterne magique?". E. de Weresquiel poursuit Stendhal de diminutifs en acronymes, d’anagrammes en pseudonymes : Dominique, Mocenigo, Bombet, Cotonet, Esprit, William Crocodile, Choppier des Ilets, le comte de l’Espine, F. de Lagenevais et bien sûr Stendhal. "Tous sont le même Henri Beyle multiplié à l’infini comme le serait l’image déformée d’Orson Welles dans la grande scène finale des miroirs de La Dame de Shanghai."
Sous le titre "Les tribulations d’un Grenoblois en Chine", on peut lire dans Acta fabula le compte rendu récemment donné par Clément Gautier de l'essai de Kong Qian, La Traduction et la réception de Stendhal en Chine. 1922-2013 (Champion).
(Illustration : Jean Joseph Xavier Bidauld, Vue de Tivoli, 1772, Musée des Beaux-Arts, Lyon)
Dans la chambre noire

Dans Disparitions (P.O.L), Bertrand Schefer réunit ses propres histoires liées à la photographie, au cinéma, à des images qui hantent sa mémoire. Ces récits, comme autant d’étapes de la construction d’un regard, ces chapitres, qui glissent de l’essai à la nouvelle, sont tous animés par une question commune : au fond de toute image, et de tout récit, il s’agit avant tout de saisir l’absence et d’écrire la disparition. Quelle est cette immense photo de lit défait placardée dans les rues de Paris un matin de printemps 1996 ? Pourquoi Marguerite Duras hésite-t-elle si longtemps à ouvrir sa porte au jeune homme venu passer le week-end aux Roches Noires ? Pourquoi Stendhal dessine-t-il dans ses mémoires ? Quel rapport entre un exhibitionniste filmé à Berlin et les souvenirs d’enfance d’Alberto Giacometti ? Que faire lorsqu’on reçoit une lettre d’une jeune photographe morte il y a quarante ans ? Comment Méliès revient-il chez Antonioni ? Pourquoi le dernier personnage de Clouzot, dans La Prisonnière, est-il photographe ? Fabula vous invite à feuilleter l'ouvrage…
Une vertu morale

L'humour est-il tout uniment réductible à la moquerie? Pouvons-nous l’appliquer, au contraire, comme un baume sur nos plaies? Ne peut-on le considérer comme une disposition à surprendre et à être surpris pour lier les amitiés ou développer les savoirs? Si l’humour est une vertu intellectuelle, il dépend de nos vertus morales autant que de nos compétences rhétoriques. C’est le point de vue que défend Mathieu Chauffray dans Qu'est-ce que l'humour? (Vrin), qui envisage de traiter les divisions générées par l’humour, mais aussi les relations tissées grâce à lui lorsqu’il provoque l’étonnement, la gaîté et la connaissance de réalités jusqu’alors inaperçues.
Parce que la réflexion théorique ne commence vraiment qu'où cesse l'esprit de sérieux, l'Atelier de théorie littéraire de Fabula compte depuis longtemps une entrée "Humour" qui offre un large éventail de propositions.
(Image : © René Maltête)
Une histoire matérielle de la culture

Comment classer, trier, choisir quand il apparaît évident que l’accroissement de la production des connaissances et la capacité de les faire circuler débordent de beaucoup notre capacité à l’appréhender ? Cette question, qui angoisse nombre de nos contemporains, n’est pas nouvelle. Il fut un temps, au xvie siècle, où les humanistes ont ressenti avec acuité cette accélération du temps qui les mettait en demeure d’assimiler une masse incontrôlable de connaissances. Aux formes scolastiques d’organisation des informations présentes dans l’encyclopédisme médiéval s’ajoutèrent alors des méthodes inédites de traitement de l’information en lien avec la diffusion de l’imprimerie. C’est à l’histoire matérielle et sociale de ces nouvelles techniques de tri, d’indexation et de consultation qu’invite Ann Blair dans Tant de choses à savoir. Comment maîtriser l'information à l'époque moderne (Seuil), préfacé par R. Chartier.
Atmosphère, atmosphère ?

L'esthétique ne commence pas par le beau, mais par l'aïsthésis. L'"aisthétique" a pour but de remonter aux origines de l'esthétique philosophique, conçue d'abord comme une science de l'expérience sensible, tout en prolongeant celle-ci en direction d'une théorie des atmosphères. Comment se sent-on et que perçoit-on lorsque l'on pénètre dans un espace chargé d'une certaine ambiance ? Dans Aisthétique. Pour une esthétique de l'expérience sensible (Presses du Réel), Gernot Böhme propose de donner toute sa place à cet espace intermédiaire où les expériences affectives jouent un rôle considérable, la relation entre objet et sujet se trouve profondément retravaillée. Milieux naturels ou environnements artificiels, scénographies théâtrales, architectures ou design d'objet : les atmosphères sont ce qui fait naître les choses et offrent à l'être vivant un sentiment d'existence. Fabula vous invite à découvrir le sommaire et à lire la préface signée par E. Alloa et C. Flécheux.
La réflexion sur les atmosphères constitue également l’un des lieux de rencontre aujourd’hui les plus fructueux entre philosophie et architecture. Au moyen de la notion d’atmosphère, on cherche à saisir et à analyser la manière dont se nouent, dans l’expérience vécue, les propriétés des espaces et des objets, le contexte de la perception sensible, et l’état affectif intime du sujet. Le volume coordonné par M. Galland-Szymkowiack et M. Labbé sous le titre Atmosphères. Philosophie, esthétique, architecture vise à interroger depuis une perspective ancrée dans la philosophie allemande les nouages actuels entre philosophie, esthétique et architecture dans l’interrogation sur les atmosphères.
(Illustr.: photogramme de Remorques de J. Grémillon, 1941).
Le Seuil du jour

Pour adoucir un peu la situation actuelle, les équipes des éditions du Seuil et du Sous-sol, ainsi que leurs auteurs et traducteurs, nous invitent à découvrir gratuitement chaque jour un titre issu de leurs catalogues : des pépites, des curiosités, des classiques, des livres à relire et à découvrir… Cette sélection restera disponible, en ligne, tout le temps de la pandémie. Tous les matins, à 10h précises, on entre donc dans le Seuil du jour.
Du nouveau sur les classiques

À l'initiative du Centre d'Études Théâtrales de l'Université de Lausanne, notre revue des parutions Acta fabula consacrera ce printemps deux dossiers aux recherches sur les textes et les pratiques dramatiques. Le premier sommaire, réuni par M. Escola, L. Michel et J. Terribilini, lève le rideau sur les "Nouvelles recherches sur le théâtre classique", et cherche à éclairer dans une série d'articles souvent très détaillés une conjonction de travaux sur le théâtre des XVIIe et XVIIIe siècles pour révéler leurs convergences et les perspectives récemment ouvertes. Le dossier illustre aussi la grande souplesse des approches mobilisées : études de poétique, de formes, de thématique, de réception, d’histoire littéraire et d’histoire des spectacles, perspectives nationales et approches comparatistes ; les études sur le théâtre classique bénéficient pleinement de l'actuel mouvement de reconfiguration des disciplines. Le dossier suivant traitera de l'actualité des études théâtrales comme discipline. Acta est fabula !
(Image : Les Fondateurs, Dom Juan, Comédie de Genève, 2020)
Traduction et violence

Dans son nouvel essai Traduction et violence (Seuil, "Fiction & Cie"), Tiphaine Samoyault se propose de sortir la traduction de l’éloge ou du consensus pour ne plus voir en elle le seul espace de la rencontre heureuse entre les cultures et la comprendre comme une opération ambiguë, complexe, parfois négative. T. Samoyault étudie les histoires de violence dans lesquelles la traduction a pu jouer un rôle (la domination coloniale, les camps d’extermination, les sociétés d’apartheid, les régimes totalitaires), ainsi que des cas littéraires qui illustrent les violences propres à l’espace du traduire. Mais parce que la traduction a aussi à voir avec la justice et la justesse, avec l’imprévisibilité de la rencontre et les transformations dans l’espace et le temps, la séparation qu’elle entraîne peut s’inverser en réparation de la violence commise. Renouveler la pensée de la traduction, c'est repenser la possibilité politique de faire des mondes communs. Fabula donne à lire en exclusivité l'introduction de l'ouvrage, avec l'aimable autorisation de l'auteur et de son éditeur…
Naviguer par temps d'effondrement

La preuve n'est plus à faire, et nul ne peut plus désormais en douter : nos modes de vie sont condamnés à un "effondrement" qui vient. Nous savons la nécessité d’une mutation vertigineuse, à laquelle nous ne parvenons pas à croire. Comment sortir de cette hantise – sans nier sa réalité ni subir sa fascination ? C'est la question que posent opportunément Y. Citton et J. Rasmi dans Générations collapsonautes. Naviguer par temps d'effondrements (Seuil), en multipliant les perspectives qui dévoilent une pluralité d’effondrements déjà en cours, plutôt qu’un unique écroulement à venir. Et en questionnant ce "nous" de la collapsologie à partir de temporalités alternatives, d’attentions altérées, de points de vues excentrés et excentriques. Fabula donne à lire en exclusivité l'introduction de l'ouvrage, avec l'aimable autorisation de l'éditeur.
Six questions de théorie littéraire

L'Atelier de théorie littéraire de Fabula accueille six nouvelles propositions, pour la plupart inédites: Daniele Carluccio se demande ce qu'est un livre culte, en opérant un retour sur la jeunesse surréaliste. François Jost confronte deux façons de concevoir les genres télévisuels. Romain Bionda cherche à définir le statut de la fiction théâtrale, entre transmédialité et transfictionnalité. Emmanuel Bouju s'interroge sur l'autorité de l'auteur dans le dernier roman de Roberto Bolaño. Denis Guénoun arpente les rues d'Oran dans sa mémoire et dans La Peste d'Albert Camus. Et, après avoir naguère envisagé de lire avec des ciseaux, Marc Escola en vient à douter que les romanciers aient toujours, et par nécessité professionnelle, de la suite dans les idées.
Niveurmôrre

Un soir de décembre, un homme penché sur ses livres se voit dérangé par un bruit à sa fenêtre, qu’il ouvre. Entre alors un étrange oiseau qui répond d’une parole à ses questions : Nevermore, jamais plus. Telle est la trame du Corbeau d’Edgar Allan Poe dont le succès fut tel qu’on le traduisit en français pas moins de seize fois entre 1853 et 1889. On en connaît certainement les plus célèbres – celles de Baudelaire et de Mallarmé –, mais les autres ? Dans Niveurmôrre. Versions françaises du Corbeau au XIXe siècle (Droz), J. Zanetta a rassemblé ces seize versions pour faire l’histoire d'une traduction qui suit à l’histoire du vers : entre l’invention du vers libre et les développements nouveaux d’une prose poétique tenant ensemble le lyrique et le prosaïque, ce demi-siècle est témoin de bouleversements formels inédits dont ces diverses versions portent la trace.
Accuser réception

Les études dites de réception se trouvent aujourd’hui dans une situation paradoxale. Anciens ou modernes, les textes sont aujourd’hui communément abordés sous l’angle de leurs lectures immédiates (réception médiatique notamment) et, surtout, de leurs aménagements posthumes (avatars éditoriaux, propositions herméneutiques, usages sociaux). Pourtant, loin de faire l’unanimité, les études dites de réception suscitent toujours une certaine méfiance. Ne seraient-elles pas le Cheval de Troie d’un relativisme conduisant à niveler toutes les formes de critiques et d’interprétations ? S’intéresser à l’histoire des gestes critiques et des modes de lecture, n’est-ce pas un indice d’épuisement pour des champs disciplinaires n’ayant d’autre objet que leur propre histoire ? Le sommaire réuni pour Fabula par Stéphane Zékian et Thierry Roger fait le pari inverse, avec la conviction qu’un regard patient et informé sur les actes de lecture de nos prédécesseurs éclaire, en retour, nos propres pratiques. Accuser réception : ce titre voudrait suggérer, par-delà les procès en illégitimité, la nécessité de prendre en compte la vie longue des textes pour mieux comprendre ce que nous faisons quand, après tant d’autres et parfois dans leur ombre, nous lisons les textes du passé.
Chez soi

Paru en 2015, Chez soi. Une odyssée de l'espace domestique, l'essai de de Mona Chollet est désormais en libre accès sur le site des éditions Zone. La maison, le chez-soi : de ce sujet, on a souvent l'impression qu'il n'y a rien à dire. L'espace domestique fait même figure de triangle des Bermudes de la politique : on le perçoit comme un lieu de repli frileux, d'indifférence à la marche du monde, d'abandon sans frein à l'hypnose consumériste, entre la télévision et les gadgets électroménagers… Mais la maison est aussi une base arrière où l'on peut se protéger, refaire ses forces, se souvenir de ses désirs, résister à l'éparpillement et à la dissolution. Dans l'ardeur que l'on met à rêver de l'habitation idéale se réfugie ce qu'il nous reste de vitalité, d'élans, de foi en l'avenir. C'est la thèse que veut défendre ce livre. Mais, en même temps, il aimerait saisir la façon dont le monde extérieur revient par la fenêtre, et l'acuité avec laquelle il se projette entre nos quatre murs.
Terra incognita

L’Histoire de l’ignorance est une question essentielle. Pendant des millénaires, les humains ne savaient presque rien de la terre. Sur les cartes on pouvait lire par endroit : Terra Incognita. Sous ce titre, le dernier essai d'A. Corbin raconte les incroyables auxquelles erreurs qu’il a fallu se heurter pour découvrir les secrets de notre planète bleue. Des erreurs parfois brillantes, souvent étranges, mais toujours fascinantes. À l’aube du XIXe siècle, la météorologie était pleine d’inconnues. En 1840, les fonds marins étaient totalement mystérieux. En 1870, la majorité des savants pensaient qu’une mer recouvrait les pôles. En 1900, nul n’avait atteint la stratosphère… On verra aussi comment l’ignorance a stimulé l’imaginaire de nos ancêtres.
Écrivains à l'écran

Les Colloques en ligne de Fabula accueillent les actes d’une journée d’études tenue à l'initiative de Marion Brun et Marie-Clémence Régnier le 20 juin 2019 à l’Université d’Artois, sous l'intitulé "Portraits et autoportraits des écrivains sur écrans" qui venait donner un prolongement à des travaux sur le portrait photographique d’écrivain, l’entretien littéraire, ou les stratégies discursives des écrivains lors de leur apparition publique. L’écran devient une nouvelle voie biographique et autobiographique et se constitue en paratexte cinématographique et télévisuel, pour des écrivains qui sont forcés depuis "la civilisation du journal" de surmonter leur phobie iconoclaste. Ce sommaire met au centre de la réflexion sur l'auteur cette périphérie du texte littéraire ou cette "autocinématographie".
Suppléments d'enquête

Parce qu'on n'est jamais assez nombreux pour faire triompher la vérité, le site d'InterCriPol, l'Internationale de la critique policière, s'est doté d'une revue, dont la première livraison contient son lot de révélations sur les grandes énigmes de la littérature mondiale, à la faveur notamment d'enquêtes pleinement collectives : se trouve ainsi salutairement réouverte l'enquête sur Les Dix petits nègres d'Agatha Christie dont P. Bayard a montré dans un livre récent que le dénouement est inacceptable, mais aussi sur Double assassinat dans la rue Morgue, ou encore, plus inattendu, sur l'affaire Milady. Pour plus de discrétion, d'autres détectives ont préféré enquêter en solo sur La Petite Roque, Maldoror, Isabelle, et même Dom Juan. Nos livres les plus souvent relus n'ont décidément pas dit leur dernier mot.
Coronameron

La situation mondiale créée par le Coronavirus paraît inédite par son ampleur. Mais comme le savent tous les passionnés de littérature, de peinture ou de cinéma, bien des œuvres ont traité de situations comparables, depuis le Décaméron au moins ((1353), souvent invoqué ces jours-ci. Un blog inauguré par le groupe MDRN et l'Université de Louvain (KU Leuven) nous invite à réagir en lecteurs et médiateurs de culture au confinement: cherchons, découvrons et faisons partager nos découvertes, et à créer un espace d’échanges analogue à celui qui réunit les personnages de Boccace. Ce Coronameron offre d'ores et déjà une série de présentations et des réflexions au sujet de livres, d’images, de films ou de documents qui mettent en scène des épidémies et leurs implications.
Penser à ce qui nous arrive

Le site en-attendant-nadeau.fr nous invite à "Penser à ce qui nous arrive" : sous ce titre, une rubrique vient proposer jour après jour et aussi longtemps que durera la pandémie, "une série de chroniques sur des publications passées ou récentes pour accompagner et penser les événements maintenant : la maladie, la vulnérabilité, les inégalités, le confinement, la mort à l’hôpital, tous les sujets que les journaux traitent mais que continuons d’aborder à notre façon, à travers les livres, grâce à l’aide des œuvres…"
Littérature et culture de masse

On savait que l'exofiction n'était pas son genre, mais Philippe Vilain tenait à en apporte une preuve cinglante. C'est chose faite avec La passion d'Orphée (Grasset) qui dresse un portrait au noir de la littérature française contemporaine : la littérature du XXIe siècle aurait abandonné la volonté créatrice, en particulier dans ces "exofictions", où "c’est le sujet qui assure la visibilité du roman, non le projet esthétique". Que signifie cette étrange passion pour le "réel", la célébrité et les faits divers que manifestent bien des parutions récentes ? C'est reposer la question de la littérature à l’heure de la culture de masse. Qu’est-ce qu’un écrivain si tout le monde écrit et si lui-même se désengage de son art ? Qu’est-ce qu’écrire si l’écriture n’est plus un enjeu poétique ? Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage…
Des maisons ouvrent leurs portes

En attendant la réouverture des librairies, et parce qu'elles ne peuvent plus même assurer l'expédition des livres commandés, plusieurs maisons d'édition, revues et équipes de recherche ont décidé d'ouvrir gratuitement leurs publications ou de donner accès aux versions numériques de nombreux ouvrages. Cette démarche s'avère cruciale, notamment pour les étudiant.e.s n'ayant plus accès aux bibliothèques, et constitue une bonne occasion de compléter nos collections digitales. Sans surprise, ce sont majoritairement les éditeur.trice.s de critique sociale et politique qui sont à l'origine de ce geste solidaire, qui nous invite à réfléchir sur l'importance d'une connaissance gratuite et en libre circulation. On peut ainsi télécharger d'ores et déjà onze excellents titres des éditions La Fabrique, une grande partie du superbe catalogue des éditions Tahin Party, une quarantaine de livres des éditions Entremonde, ceux de la collection "L'ordinaire du Capital" (Amsterdam), mais aussi tous les numéros de la Revue d'Histoire du Théâtre depuis 2012.
Toutes les dystopies

Dictatures totalitaires, règne des écrans, apocalypses nucléaires, rébellion des machines, catastrophes climatiques, famines poussant à l’anthropophagie, abrutissement des masses par le consumérisme ou par le jeu, eugénisme, clonage… Depuis plus de cent ans, la dystopie s’est montrée d’une inventivité fascinante dans l’imagination de futurs malheureux. Tous les dilemmes que pose l’intelligence artificielle n’ont-ils pas déjà été anticipés par Philip K. Dick et Blade Runner (Ridley Scott) ? Ceux soulevés par la vidéosurveillance et le fichage des citoyens par 1984 de George Orwell et Black Mirror ? Quant à la série des Mad Max de George Miller, n’annonce-t-elle pas les risques que fait courir à notre société une pénurie des énergies fossiles ? L'Anthologie des dystopies. Les mondes indésirables de la littérature et du cinéma établie par l’écrivain de science-fiction Jean-Pierre Andrevon (éd. Vendémiaire) s’attache à couvrir toutes les facettes du genre.
Leçons de l'histoire de l'Afrique

Dans le texte issu de sa conférence inaugurale au Collègue de France, François-Xavier Fauvelle affronte les défis d’une histoire de l’Afrique. S’il n’est jamais superflu de rappeler que les sociétés africaines sont faites de la même étoffe historique que toutes les sociétés, c’est parce que les passés de l’Afrique sont restés longtemps méconnus. Être historien ou archéologue de l’Afrique consiste dès lors à désencombrer le passé autant qu’à en saisir la diversité : richesse de la littérature orale et de la documentation écrite, pluralité des langues et des religions, inventivité technique et sociale, cohabitation des formes politiques. Attentif aux multiples trajectoires historiques qui s’y manifestent, François-Xavier Fauvelle invite à écouter Les leçons de l’histoire de l’Afrique (Fayard). Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage… et/ou à écouter la leçon inaugurale.
Comment faire une comédie

Les Colloques en ligne de Fabula accueillent les actes du colloque tenu à Grenoble en 2019 sur les Pensée et pratique de l'intrigue comique de la Renaissance aux Lumières inscrites dans le double héritage de la Poétique d’Aristote et des théories antiques de l’écriture de la comédie telles qu’on les trouve dans les commentaires de Térence par Évanthius-Donat et leurs imitateurs modernes. L'empan chronologique choisi (du XVIe au XVIIIe siècle) invitait à prendre en considération les interactions nombreuses et fécondes entre l'Italie et la France à cette époque. Les textes réunis par C. Deloince-Louette et J.-Y. Vialleton traitent de l’intrigue comme procédé de composition dans les théories et la pratique de l’intrigue comique de la Renaissance au XVIIIe siècle, en France (Molière, Corneille, Marivaux) et en Italie (Machiavel, Giambattista della Porta, Goldoni).
Un nouveau Décaméron

À l'ouverture d'un récent essai intitulé Trompe-la-mort (Verdier), Lionel Ruffel avait eu des pages prémonitoires pour évoquer notre condition narrative en retrouvant la mémoire du Décaméron de Boccace. Le site en-attendant-nadeau.fr accueille depuis plusieurs jours une initiative de Nathalie Koble qui nous invite à "décamérer", un néologisme que chacun entendra désormais: il s'agit de "sortir de sa chambre en restant confiné". Un "néodécaméron" abrégé, partagé un jour après l'autre dans une traduction recréatrice improvisée.
Mort d'un voyageur

C’est une histoire simple. Un homme de trente-sept ans appartenant à la communauté du voyage est abattu dans la ferme familiale par des gendarmes du GIGN alors qu’il n’a pas réintégré la prison après une permission de sortir. Deux versions des faits s’affrontent : celle des militaires, qui invoquent la légitime défense, et celle des parents présents sur les lieux, qui la contestent. Une information judiciaire est ouverte, qui se conclut par un non-lieu, confirmé en appel. La famille et ses soutiens continuent pourtant de se battre, réclamant justice et vérité. Réexaminant les pièces du dossier et interrogeant les protagonistes du drame, Didier Fassin présente dans Mort d'un voyageur (Seuil) une contre-enquête qui accorde le même crédit à tous les récits. Il y forge une forme expérimentale de narration qui s’attache d’abord à restituer scrupuleusement par une écriture subjective la manière dont chacun affirme avoir vécu les événements, puis à croiser les témoignages et les expertises en intégrant l’ensemble des éléments disponibles pour aboutir à une autre lecture des faits.
La passion selon Mathias

Depuis plus de dix ans, les fictions de Mathias Énard connaissent un succès qui ne se dément pas. La Perfection du tir en 2003, mais aussi Zone en 2008, Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants en 2010 et Rue des voleurs en 2012 ont remporté des prix littéraires, dont le Goncourt revenu en 2015 à Boussole, un roman dans lequel "l’imagination" romanesque a pour support une époustouflante érudition portant sur l’Orient. Le volume supervisé par M. Messling, C. Ruhe, L. Seauve et V. de Senarclens sous le titre Mathias Énard et l’érudition du roman (Brill, Faux Titre) cherche à éclairer les modalités narratives qui permettent à l’auteur de transformer l’érudition en roman, mais aussi à situer son œuvre dans le contexte littéraire actuel.
Un de Manosque

Alors que Le Hussard sur le toit est en passe de devenir le best-seller du moment, la "Bibliothèque de la Pléiade" propose un nouveau volume des romans de Giono, dans les éditions établiers par P. Citron, H. Godard, J. et L. Miallet, L. Ricatte et R. Ricatte, et nouvellement préfacée par D. Labouret. Sous le blason d'un Roi sans divertissement et autres romans, on retrouvera, outre le titre éponyme : Colline, Le Chant du monde, Pour saluer Melville, Mort d'un personnage - Faust au village, Le Moulin de Pologne, L'Homme qui plantait des arbres, Ennemonde et autres caractères ainsi que L'Iris de Suse. "Giono est-il le plus grand romancier de ce temps", se demandait Roger Nimier en 1952, l'année du Moulin de Pologne, roman du Destin. L'actualité est venue nous rappeler que Giono est un romancier de tous les temps.
Paraît également ces jours-ci, sous la direction de G. Berthomieu et S. Milcent-Lawson, un recueil d'études sur Jean Giono. Une Poétique de la figuration (Classiques Garnier), qui croise les regards de spécialistes de l’œuvre avec ceux de chercheurs spécialistes de rhétorique, de stylistique et d’analyse du discours.
Un Cahier de L'Herne supervisé d'A. Castiglione et M. Sacotte est aussi consacré au romancier, qui fait la part belle aux textes méconnus et donne la parole à des écrivains contemporains (Lionel Bourg, Belinda Cannone, René Frégni, Sylvie Germain, Gilles Lapouge, Marie-Hélène Lafon, Richard Millet, Pierre Michon, Catherine Soullard et Éric Vuillard) pour célèbrer le pouvoir fécondant d’une voix et d’une écriture dont l’invention, dans la langue et les formes, n’en finit pas de surprendre. Fabula vous invite à feuilleter ce dernier ouvrage…
Signalons aussi, au sommaire de mars de notre revue des parutions Acta fabula le compte-rendu proposé par A. Marion des Patrimoines gioniens publiés sous la direction de Michel Bertrand & André Not.
Le temps de lire

Devant l'actuelle pandémie, il doit être évident pour les lecteurs de Fabula que tous les événements annoncés (conférences, journées d'étude, colloques, expositions, etc…) jusqu'au 30 avril sont annulés ou reportés sine die : merci de ne plus adresser de messages demandant à modifier ou supprimer telle ou telle annonce. Les différentes rubriques de Fabula poursuivent toutefois leur activité pendant la quarantaine: vous pouvez recourir librement aux formulaires pour vos appels à contributions, annonces de parution ou offres de bourses et de postes. Pendant toute cette période, le site continuera à rendre compte des publications scientifiques et du web littéraire. Toute l'équipe vous invite à mettre surtout à profit les immenses ressources du site, ses Colloques en lignes, l'encyclopédie de l'Atelier de théorie littéraire, ainsi que les sommaires et dossiers de ses deux revues Fabula-LhT et Acta fabula. Mais aussi, parce que vous venez de retrouver le temps de lire, à consulter la longue liste des ouvrages en attente de rédacteur pour compte rendu…
Vie d'Abel Barbin

Seul manuscrit connu d’un.e hermaphrodite au XIXe siècle, les Souvenirs d’Adélaïde Herculine, dite Alexina Barbin, ont été publiés en 1978 par Michel Foucault sans que l’anonymat des personnes et des lieux jalonnant son parcours n’ait pu être levé. Il en a été de même lors des rééditions de ce texte iconique dans l’histoire de la transidentité. Une recherche approfondie dans les archives a permis de reconstituer avec précision la jeunesse de la pieuse Barbin en Charente-Maritime, dont rend compte Gabrielle Houbre dans Les deux vies d’Abel Barbin, né Adélaïde Herculine (1838-1868 (PUF). De l’hospice au couvent, du cours normal d’institutrices à son premier poste, de son départ pour Paris à son suicide, Adélaïde Herculine devenue Abel livre une part de ses mystères. Accompagné d’un essai sur les « erreurs de sexe », qui la.le replace dans l’histoire des intersexes au XIXe siècle, l’ouvrage interroge la pertinence de l’ordre sexuel binaire, à l’heure où se développe le militantisme en faveur d’une fluidité transidentitaire et où de nombreux pays légalisent un « troisième » ou « autre » sexe.
Un feu au cœur du vent

À l'exception de Tagore et d'une poignée d'autres, I'Inde poétique reste pour la plupart d'entre nous une immense terra incognita. L'anthologie établie par Zéno Bianu et publiée sous le titre Un feu au cœur du vent. Trésor de la poésie indienne, des Védas au XXIe siècle (Poésie/Gallimard) est la première à présenter la poésie indienne depuis ses origines védiques (il y a plus de trois mille ans) jusqu'à aujourd'hui. Plus de deux cents poèmes, une cinquantaine de poètes dont une vingtaine de contemporains traduits depuis leurs langues d'origine (sanscrit, anglais, ourdou, hindi, bengali, marathi, tamoul, malayalam, télougou, cachemiri, etc.) témoignent ici de la richesse, de la diversité et de la créativité continue de la poésie indienne. Fabula vous invite à feuilleter l'ouvrage…
Ces écritures qui ne disent pas leur nom

Franck Leibovici se penche sur ces écritures ordinaires, liées à des routines qui échappent à notre attention ou à notre champ de vision et, pour cela, demeurent innommées. Partant d’exemples tirés de la poésie des vingt dernière sannées, des literacy studies, des media studies, de l’anthropologie ou du droit international pénal, des opérations d’écriture qui ne disent pas leur nom traite de l’écriture comme action : écrire (noter, transcrire, récrire, indexer, republier), c’est activer une chaîne étendue d’inscriptions, de prescriptions et de collectifs – en somme, un écosystème social composé non plus de textes, mais de documents, à travers lesquels nous mobilisons des médiations et des pouvoirs. Plutôt que d’observer des objets d’écriture tenus a priori pour littéraires, Franck Leibovici examine leurs relations avec la documentalité la plus ordinaire. Quel type de fonctionnement et d’usage ces objets partagent-ils avec des pièces dont l’établissement, la production et la circulation déterminent l’ordre présent de nos sociétés ?
Dernier domicile connu

Depuis toujours, Didier Blonde collectionne dans un carnet les adresses et numéros de téléphone des personnages de romans qu'il croise au fil de ses lectures. Son Carnet d'adresses de quelques personnages fictifs (Gallimard) les rassemble par ordre alphabétique : Mme Arnoux, la Dame aux camélias, Arsène Lupin, le commissaire Maigret, Benjamin Malaussène, Nana, Swann..., avec les adresses où ils résident, transitent, se cachent, ou finissent tranquillement leurs jours. Didier Blonde a mené à chaque fois une enquête de terrain et dans les archives, qui permet d'interroger la part de fiction que revêtent ces lieux : munéros inexistants, immeubles détruits, rues fictives ou disparues, autant de passages dérobés... D'autres histoires se dissimulent parfois à des numéros cryptés.
Des vies rêvées

C'est avec les meilleurs livres que l'on fait la bonne littérature. Les auteurs les plus secrets de cette saison littéraire semblent s'être donnés le mot pour nous inviter à ne pas sortir la bibliothèque : Alexandre Postel nous fait passer l'automne à Concarneau avec Flaubert tentant de terrasser le dragon de la mélancolie (Un automne de Flaubert, Gallimard). Maylis Besserie nous assoit sur ce banc d'une maison de retraite du quatorzième arrondissement de Paris, où Beckett attend la fin (Le tiers temps, Gallimard). Thierry Bouchard tisse la lecture du plus célèbre récit de Melville et la fin d’un fictif "écrivain de la disparition" (La Fin de Bartleby, Fargo). Cécile Ladjali lance une étudiante berlinoise sur les traces d'un père fantôme pour lui offrir de croiser le chemin de Franz Kafka, à Prague, puis bien des années plus tard, de Sadeg Hedayat, à Paris (La fille de personne, Actes Sud). Et Georgina Tacou ramène sur terre Fritz Zorn, écrivain héroïque d’un seul livre culte, Mars, paru en 1976 (Évangile des égarés, L'Arpenteur, Gallimard).
Kafka tous les jours

On aura attendu près d'un siècle: les douze cahiers des Journaux de Kafka, écrits de 1910 à 1922, sont enfin offerts aux lecteurs francophones dans leur intégralité, sans coupes et sans censure, et dans leur ordre chronologique original. La traduction de Robert Kahn se tient au plus près de l’écriture de Kafka, de sa rythmique, de sa précision et sécheresse, laissant "résonner dans la langue d’arrivée l’écho de l’original". Elle s’inscrit à la suite de ses autres retraductions de Kafka publiées aux mêmes éditions Nous, A Milena (2015) et Derniers cahiers (2017).
Entendre le théâtre

Comment a-t-on écouté le théâtre du XXe siècle ? Comment l’entendait-on ? Comment y parlait-on ? La Bibliothèque nationale de France et le CNRS se sont associés au sein du projet ANR Echo pour lancer un site et une série de podcasts dédiés à la dimension acoustique et auditive de cet art. Un voyage sonore dans le théâtre français du XXe siècle, et une invitation à explorer, grâce à des archives exceptionnelles et souvent inédites, la diversité des voix et des sons du théâtre, ainsi que leurs évolutions dans la seconde moitié du siècle. De Jean Vilar à Rosy Varte, en passant par Habib Benglia, Antoine Vitez ou encore Maria Casarès, on y découvre ou redécouvre les voix puissantes, profondes et singulières de celles et ceux qui ont marqué les différentes scènes françaises.
Phénoménologie de l'écoute

Günther Anders fut formé par la musique et les beaux-arts qu’il pratiquait lui-même activement. S’il n’est pas devenu musicien, ses expériences ont marqué sa pensée et nourri sa réflexion philosophique ultérieure. En témoignent les "Recherches philosophiques sur les situations musicales" (1930-1931), projet de thèse d’habilitation demeuré inédit, qui porte l’influence de ses professeurs Edmund Husserl et Martin Heidegger. Les écrits rassemblés dans Phénoménologie de l'écoute (éd. de la Philharmonie de Paris) constituent l’une des toutes premières réflexions phénoménologiques appliquées à la musique, avant que le philosophe ne se tourne vers une approche sociologique, présentée dans la seconde partie du volume. "Qui la musique socialise-t-elle ? Qui est-elle censée toucher, et à l’initiative de qui ? Qui la reproduit ?". Anders s’intéresse à la transformation de l’être dans l’expérience d’écoute.
À rebours des conventions du genre

La collection GF-Flammarion vient d'inaugurer une série de podcasts, sous un titre qui parlera à tous les amateurs de classiques : "À rebours". Conçus comme une bibliothèque sonore idéale, les épisodes prennent la forme d’un échange d’une heure avec un ou une spécialiste passionné, à la manière d’un salon littéraire. "Des podcasts longs, lents et profonds, sans coupures, ruptures, ou interruptions. Un peu à rebours des conventions du genre", de l'aveu même de Pauline Kipfer, directrice de la collection GF. Les deux premiers épisodes du podcast, l’un consacré à la poétesse Marceline Desbordes-Valmore avec E. Pinon et l’autre à Aristophane avec M. Bonneau sont d'ores et déjà disponibles sur le site : http://www.a-rebours-podcastgf.com. Les prochains épisodes, qui seront consacrés à Bloy journaliste et L’Homme-Moïse de Freud.
Cultures numériques

Notre culture est entrée il y a près de 50 ans dans l’ère numérique. Transformant ses techniques de production, ses canaux de diffusion et ses modes de consommation, cette évolution a notamment redécoupé les frontières traditionnelles des arts et des médias. L'Introduction à l'étude des cultures numériques supervisée par R. Baroni et C. Gunti (Armand Colin) vient offrir un vaste panorama de la mutation des productions artistiques depuis l’arrivée des technologies numériques. L'ouvrage vise non seulement à retracer l’évolution spécifique de différents médias (littérature, théâtre, bande dessinée, photographie, cinéma, télévision et jeux vidéo), mais aussi à envisager le phénomène de la convergence médiatique.
Il s’agit enfin d’offrir un aperçu des principaux paradigmes (transfictionnalité, remédiatisation, interactivité, immersion, effets spéciaux, etc.) liés à l’essor des cultures numériques et de leur impact sur les formes narratives et fictionnelles, l’enseignement et la critique. Fabula vous invite à lire des extraits de l'ouvrage…
Révolution et évolution

À l'initiative de G. Séginger, la dernière livraison de la revue Arts et Savoirs aborde la question des logiques et des formes du temps au XIXe siècle après la grande Révolution et les premières découvertes dans le domaine de l’histoire de la nature. Les hypothèses se multiplient pour expliquer les transformations. Complexification ou progrès téléologique, développement impliquant ou non un dessein, évolution et lutte, faisant une part aux circonstances et au hasard : les thèses sont discutées à la fois par les scientifiques, les philosophes, les écrivains mais aussi par les hommes politiques, surtout à la fin du siècle où s’affrontent les idéologies – anarchistes, socialistes, nationalistes – sur cette question. Des libéraux aux républicains ou à l’anarchisme de la fin du siècle (Louise Michel, Élisée Reclus…), ce numéro se propose aussi de réfléchir sur l’impact idéologique et les effets politiques de la confrontation des deux modèles, révolution et évolution. Fabula vous invite à découvrir le sommaire en ligne…
Avez-vous lu Taine ?

Stendhal et Balzac, Dickens et Thackeray, Racine, La Rochefoucauld et Saint-Simon, mais également Guizot et Michelet, Xénophon et Marc-Aurèle : les grands romanciers, les historiens, les philosophes, les Anciens aussi bien que les Modernes sont les protagonistes des Essais de Taine. Personnages portraiturés, théories élucidés, œuvres commentées et comparées, toutes mises dans la perspective d’un savant du xixe siècle aux prises avec la société postrévolutionnaire… Les deux volumes des Essais de critique et d'histoire pour la première fois recueillis sur plus de miille pages dans une édition critique à l'initiative de P. Tortonese nous redonnent un critique lucide, un esprit ouvert et souple, un grand intellectuel moderne, aux antipodes de l’image habituelle du doctrinaire positiviste. Fabula vous propose de découvrir la table des matières, et de lire un extrait de l'introduction de P. Tortonese.
Vingt ans de la Revue d’histoire des sciences humaines

Créée en 1999 et publiée par les Éditions de la Sorbonne depuis 2015, la Revue d’histoire des sciences humaines défend une approche transversale et transdisciplinaire de l’histoire des "sciences de l’Homme" conçue au sens large. Elle a récemment traité aussi bien de l’incidence d’« événements monstres » (la Grande Guerre, Mai 68) que de supports (les collections de la craniologie, les manuels) ou de grandes questions historiographiques (contextualiser, faire science, faire école). Sa dernière livraison porte sur les carrières de femmes. Pour fêter son vingtième anniversaire, les cinq ans de sa reparution et sa mise en ligne sur OpenEdition Journals, la Revue d’histoire des sciences humaines organise une table ronde le 26 mars prochain à l'EHESS, avec Brigitte Gaïti, Yann Potin, Gisèle Sapiro, et Christian Topalov.
Les dix derniers numéros de la revue sont disponibles en accès ouvert et en texte intégral sur OpenEdition Journals.
La révolte de la Merteuil

Une inconnue célèbre ou peut-être plus justement une célèbre inconnue. Telle fut Dominique Aury (1907-1998), telle elle reste. Célèbre elle le fut sous un nom d’emprunt des plus sulfureux, Pauline Réage, l’auteur du roman érotique le plus fameux du XXe siècle : Histoire d’O. L’inconnue c’est "la petite dame du Comité", celui des Éditions Gallimard. Grande lectrice elle ne le fut pas que de manuscrits, elle tint longtemps à la NRF, la chronique des romans. Sous le titre La Révolte de Madame de Merteuil et autres chroniques (Les Belles Lettres), un volume préfacé par J.-C. Zylberstein rassemble un grand nombre de ces chroniques et quelques essais où D. Aury s'attache à l’actualité de nos grands auteurs classiques à commencer par Laclos et ses Liaisons dangereuses. Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage…
Par temps de détresse

Les sciences sociales peuvent-elles décrire la vulnérabilité, l’incertitude, la solitude ? Dans un essai intitulé Dans la détresse. Une anthropologie de la vulnérabilité (EHESS éd.), Michel Naepels s’interroge sur le rôle du chercheur et le statut du témoignage qu’il suscite, à partir d’enquêtes menées dans des zones de conflits et de troubles, et de lectures à la fois anthropologiques, philosophiques et littéraires. Au lecteur qui se demande quelle est la place de celui ou celle qui enquête dans des situations de détresse, cet essai propose une anthropologie politique renouvelée de la violence, de la prédation, du capitalisme. Il endosse un point de vue, celui de la vulnérabilité et de l’exposition à la violence, en prêtant attention aux subjectivités, aux émotions et aux pensées des personnes qui y sont confrontées.
Le temps du paysage

En 1790, Kant introduit l’art des jardins dans les Beaux-Arts et les scènes de la nature déchaînée dans la philosophie. La même année, Wordsworth lit les signes de la révolution sur les routes et les rivières de la campagne française tandis que Burke dénonce ces révolutionnaires niveleurs qui appliquent à la société la symétrie des jardins à la française. Le paysage est ainsi bien plus qu’un spectacle qui charme les yeux ou élève l’âme. Il est une forme d’unité de la diversité sensible qui bouleverse les règles de l’art et métaphorise l’harmonie ou le désordre des communautés humaines. Dans Le temps du paysage. Aux origines de la révolution esthétique (La Fabrique), J. Rancière arpente un siècle de débats sur l’art du paysage, et poursuit son enquête sur cette révolution des formes de l’expérience sensible qui unit et excède les bouleversements de l’esthétique et ceux de la politique. Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage…
Bergson et les écrivains

Issu d'un colloque tenu au Collège de France et placé sous la direction d'Arnaud François, Clément Girardi et Camille Riquier, le neuvième et ultime volume des Annales bergsoniennes (PUF) aborde le champ des relations entre la philosophie de Bergson et les questions esthétiques, en particulier la littérature, à partir d’une interrogation au caractère à la fois politique et historique sur la réception, la lecture et l’usage des textes de Bergson par les écrivains. Les questions au cœur du présent volume, abordées de façon à la fois internationale et diachronique, des surréalistes à Camus, Beckett, Handke, Musil et bien d’autres, permettent des rapprochements inédits tout en renouvelant largement certaines confrontations déjà opérées. Le dossier est suivi de deux varia et précédé d’un inédit précieux : les notes prises par l’écrivain américain T. S. Eliot du cours de Bergson au Collège de France sur la personnalité.
Le scénario Baudelaire

"Au moins toi tu es un livre perpétuel ; on cause avec toi, on s’occupe de t’aimer ; on n’est pas rassasié comme des autres plaisirs". Baudelaire a dix-sept ans quand il écrit cela à sa mère Caroline, qui en a quarante-quatre. Une autre mère a été "un livre perpétuel" pour un autre écrivain de génie : c’est Jeanne née Weil pour son fils Marcel Proust. Quand elle meurt, à cinquante-six ans, alors qu’il en a trente-quatre, il tâche de la retenir dans des "conversations avec maman", parues sous le titre de Contre Sainte-Beuve, où Baudelaire se trouve admirablement commenté… Dans Le Scénario Baudelaire (Seuil), Jean Pavans traite sous forme du script d’un film imaginaire, les rapports passionnels de Charles et Caroline, tels qu’ils furent vécus en moments misérables et transmués en poèmes universels. Intitulée Charles et Marcel, un deuxième essai considère les ressemblances et dissemblances littéraires et morales de Baudelaire et Proust à la lueur de leurs relations avec leurs mères respectives.
Femmes et littérature

Femmes et littérature, une histoire culturelle offre pour la première fois un ample panorama de la présence des femmes en littérature, du Moyen Âge au XXIe siècle, en France et dans les pays francophones. Deux volumes issus du travail collectif d’une dizaine de spécialistes, et publiés sous la direction de M. Reid, pour rendre compte des multiples formes que prend leur production selon le temps auquel elles appartiennent : poésie, théâtre et roman, correspondance, journal intime et autobiographie, essai, pratique journalistique, littérature populaire et littérature pour enfants. Fabula vous invite à feuilleter d'ores et déjà l'ouvrage, en librairie le 3 mars prochain… À l’occasion de cette parution, une rencontre se tiendra le jeudi 12 mars, de 14 à 18h, à la Maison de la recherche de la Sorbonne.
Jeu de rôles et transmission littéraire

Le jeu de rôle fait partie intégrante des domaines d’intérêt de la recherche depuis très longtemps, en particulier dans les domaines de la psychologie, de la pédagogie et de la communication. Dans le monde plus feutré de la critique et de la théorie littéraires, les spécialistes de la fiction n’ont pourtant pas manqué de saisir les rapports entre activités littéraire et ludique, que la perspective adoptée soit d’ordre sémiotique (Eco), psychanalytique (Picard), esthétique (Schaeffer), sociologique (Caïra) ou encore narratologique (Ryan, Baroni, Lavocat). Au lendemain d'une journée d'études tenue à Grenoble en février dernier, un colloque réunira à l'Université de Lausanne, les 5 & 6 mars prochain, à l'initiative de G. Thonney et G. Turin, des spécialistes de la fiction et des littératures du Moyen Âge à nos jours, didacticien·ne·s, ludopédagogues, philosophes, historien·ne·s de l'art, enseignant·e·s et auteur·e·s…, autour de la question du jeu de rôle sur table et des enjeux qui peuvent lui être associés, en termes de corpus littéraires, de méthodes d'enseignement, de transposition et de médiation.
Littératures pour temps extrêmes

Nous n’entrons pas seulement dans une « époque de terreur » (Simon C. Estok) : nous entrons dans une époque de terreur et de pitié. Nous sommes malades d’écophobie et malades d’écopathie : le climat nous épouvante, le sort du vivant nous afflige. Ce nouveau sentiment tragique trahit le retour d’un contexte excédant notre maîtrise. Nos modes de pensée s’en ressentent : sciences humaines et humanités entreprennent d’acclimater à leur épistémologie un paradigme écologique. Contre le dé-paysement de la pure textualité, une première écopoétique opérait un «tournant géographique» et réimplantait la littérature dans une esthétique du terrestre. Resituée dans l'univers de la perception, la littérature redevenait «ce qui a lieu» (Pierre Schoentjes). Fille des «années d'hiver» de l'écologie (Félix Guattari), cette première écopoétique ne faisait pas de politique. Le tragique environnemental invite aujourd'hui une seconde génération à conjoindre le souci de ce qui a lieu — dans un sens géographique — à l'urgence de ce qui a lieu — au sens historique de la tragédie infligée à la vie terrestre par les modes de production de notre modernité. À l'initiative de Jean-Christophe Cavallin et Alain Romestaing, le nouvel appel à contributions de la revue Fabula-LhT invite à réfléchir aux Littérature(s) pour des temps extrêmes : enjeux actuels de l'écopoétique.
Mise en (s)cène

Dans la France contemporaine, les figures, les écritures, les objets du culte peuvent-ils être raillés sans retenue ? Le théâtre peut-il porter à la scène les moments et les textes que les croyants regardent comme sacrés ? Si les tribunaux donnent des réponses constantes à ces questions, l’espace social s’en saisit régulièrement comme de dilemmes brûlants, générateurs de polémiques. L’affaire Golgotha picnic en a donné récemment l’exemple. Déclenchée par des groupes catholiques suite à l’annonce de la programmation en 2011 de la pièce de l’auteur hispano-argentin Rodrigo Garcia dans deux théâtres français, elle s’inscrit dans une longue série de procès contre l’art dit blasphématoire qui ont régulièrement animé l’espace public et les tribunaux français depuis les années 1960. Hors norme par sa longévité et son empan géographique, elle a réactivé non seulement les conflits de normes inhérents aux polémiques à enjeux religieux mais aussi ceux qu’entérine la querelle de l’art contemporain depuis les années 1990. À l'initiative d'Anna Arzoumanov et de Mathilde Barraband, une livraison de la revue COnTEXTES réunit des spécialistes venus de la sociologie de l’art, du droit, de l’analyse du discours, des sciences politiques, de l’histoire du théâtre, etc.,pour questionner les termes de cette controverse, et tenter d’appréhender et de décrire le processus de la polémique en lui-même.
(Photographie : © Davir Ruano)
Le cerveau comme machine

Après Hollywood face à la censure (CNRS Editions, 2005), Jeux de rôle : les forges de la fiction (CNRS Editions 2007) et Définir la fiction (Éditions de l’EHESS, 2011), Olivier Caïra fait paraître Le Cerveau comme machine (Georg éd.), en partant de ce constat : les surdoués envahissent aujourd’hui les écrans (drame, comédie, biopic, super-héros, espionnage...). L’intelligence est une obsession contemporaine, et la technologie est le principal moteur de cette obsession. Comme la révolution industrielle a engendré les figures de savants fous, l’informatique popularise une vision du cerveau comme machine : il s’optimise, se transplante, se pirate. Au confluent de la sociologie, de la narratologie et des études filmiques, cet essai sur l’intelligence extrême à l’écran porte sur plus de 200 films et de 100 séries.
La parisienne

Guides touristiques, reportages de mode, publicités pour parfums ou grands magasins exaltent le charme ineffable des femmes de Paris, subtile alchimie d’élégance, d’esprit, de "chien", et de ce "je-ne-sais-quoi" qui justifie sa réputation.
D’où vient cette représentation ? Pourquoi s’est-elle ainsi pérennisée, solidifiée, canonisée au fil des siècles ? N’est-elle qu’un cliché paresseux, un mythe duplice, une mystification des élites privilégiées et de la domination masculine ? Ou bien demeure-t-elle un référent vivace, apte à défendre une « certaine idée de la femme » dans un monde de plus en plus globalisé ? Dans La Parisienne. Histoire d'un mythe. Du siècle des Lumières à nos jours (Seuil), l'historienne Emmanuelle Retaillaud remonte aux sources de ce qui est d’abord et avant tout une construction culturelle, pour analyser son développement, repérer ses usages et interpréter ses fonctions.
À toute épreuve

La collaboration entre le poète Paul Éluard (1895–1952), l’éditeur Gérald Cramer (1916–1991) et l’artiste Joan Miró (1893–1983) pour l’édition de À toute épreuve, en 1958, a produit l’un des plus beaux livres d’artiste du XXe siècle. Éluard en écrit les poèmes entre 1929 et 1930. Les textes en sont publiés aux Éditions surréalistes en 1930, mais ce n’est qu’en 1947, à l’issue d’une entrevue avec Gérald Cramer, que naît le projet d’en faire un livre d’artiste avec des illustrations de Joan Miró. Séduit par la composition de l’édition de 1914 du poème de Stéphane Mallarmé, Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, Éluard répartit ses vers sur les quelque quarante doubles pages d’une première maquette. Cramer, qui assure pas à pas la mise au point du livre, lui donne toute latitude pour fixer l’importance de la typographie et son emplacement. À partir de leurs indications, Miró conçoit l’idée d’en faire une sculpture polychrome autant qu’un livre. Ayant découvert les xylographies de Paul Gauguin chez Gérald Cramer et trouvant de l’inspiration dans les estampes japonaises, il fait alors le choix de la gravure sur bois. Au total, ce sont 233 bois qui sont taillés, « sculptés », imprimés en couleur, et forment avec les poèmes autant de paysages de mots et d’images. La Fondation Michalski offrent aux uns et aux autres son espace d'exposition : «Paul Éluard, Gérald Cramer, Joan Miró | À toute épreuve», du 14 février au 10 mai 2020.
Nos petits livres rouges

Les éditions des Femmes inaugurent une nouvelle collection des "Classiques du féminisme américain", en rééditant au format de poche trois titres majeurs : Femmes, Race et Classe (1980), où Angela Davis développait une analyse critique des liens parfois conflictuels ayant existé au cours des XIXe et du XXe siècles entre féminisme et luttes d’émancipation du peuple noir, et affirmer que les oppressions spécifiques doivent être articulées à égalité pour mener un combat global contre le système capitaliste au fondement de toutes les exploitations ; Le Féminisme irréductible, de Catharine A. MacKinnon, qui réunit les texte de retentissantes conférences données dans les années 1980, et pose que "la sexualité est au féminisme ce que le travail est au marxisme : rien ne nous appartient davantage, et pourtant il n’est rien dont on ne soit davantage dépossédées" ; et Sexual Politics. La politique du mâle (1970), rédigé au plus vif du Women’s Lib américain par Kate Millett, considéré comme le premier essai de critique littéraire féministe : il s’attachait à dévoiler la dimension politique de la sexualité, à démasquer l’idéologie masculine à l’œuvre dans la littérature (D.H. Lawrence, Henry Miller, Norman Mailer, Jean Genet) et à démontrer que les relations entre les deux sexes sont organisées à la manière d’une politique destinée à tous les niveaux à maintenir la domination des hommes sur les femmes.
Enfances humanistes

Initié par le Laboratoire Langues, Littératures, Linguistique des universités d’Angers et du Mans (3L.AM), le projet "Enfances humanistes (XVIe-XVIIIe s.)" se donne à voir et à méditer sous la forme exposition virtuelle abondamment illustrée. Un premier chapitre dépeint la pédagogie humaniste ; un second nous ouvre les portes des écoles ; un troisième rend hommage aux élèves et maîtres du passé; le quatrième nous entraîne dans une bibliothèque sonore, riche d'une douzaine d'extraits de quelques minutes lus par une voix issue des Leslivreurs.com.
Postcolonie

Les éditions La Découverte publient coup sur coup deux titres d'Achille Mbembe: considéré déjà comme un classique dans le monde anglophone, son Essai sur l'imagination politique dans l'Afrique contemporaine sobrement intitulé De la postcolonie est une contribution à la critique de la tyrannie et de l’autoritarisme, cette facette inavouée et longtemps réprimée de notre modernité tardive. A. Mbembe interroge la manière dont les formations sociales issues de la colonisation s’efforcèrent, alors que les politiques néolibérales d’austérité accentuaient leur crise de légitimité, de forger un style de commandement hybride et baroque, marqué par la prédation des corps, une violence carnavalesque et une relation symbiotique entre dominants et dominés. C'est à ces formations et à ce style de commandement, qu'il donne le nom de postcolonie. Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage…
Le second titre, Brutalisme, part du constat que toutes les sphères de l’existence sont désormais pénétrées par le capital, et que la mise en ordre des sociétés humaines s’effectue dorénavant selon une seule et même directive, celle de la computation numérique. Mais alors que tout pousse vers une unification sans précédent de la planète, le vieux monde des corps et des distances, de la matière et des étendues, des espaces et des frontières, persiste en se métamorphosant. Cette transformation de l’horizon du calcul se conjugue paradoxalement avec un retour spectaculaire de l’animisme, qui s’exprime non sur le modèle du culte des ancêtres, mais du culte de soi et de nos multiples doubles que sont les objets. Fabula vous invite également à découvrir un extrait de l'ouvrage…
Après le premier baiser

"Le baiser isolé est rarement un problème pour les amoureux, c'en est sans doute un pour la littérature". Car la littérature ne veut s'intéresser qu'au baiser singulier comme à un événement absolu qui doit éclipser toute pluralité. Combien d'intrigues romanesques la phrase maintes fois citée et attribuée à Jean Paul, "Dix baisers sont plus facilement oubliés qu'un seul" suffit-elle à résumer ? Dans Sept baisers. Bonheur et malheur en littérature (Alma éd.), Peter von Matt fonde avec malice une science des baisers littéraires, de Kleist à Marguerite Duras, une osculologie qui tient de la poétique autant que l'imaginaire, voire de la métaphysique.
Pour ne pas s'arrêter au premier baiser, on pourra se replonger dans Fragments d'un discours amoureux enfin réédités en poche (Points Seuil), qu'accompagne la publication des textes du séminaire tenu à l'École pratique des hautes études (1974-1976) sous le titre Le Discours amoureux. Une rencontre réunira le 13 février prochain lecteurs et specialistes de Barthes autour de ces deux titres à la librairie Mollat à Bordeaux.
Céline et Cie

Le cas Céline ne cesse de défrayer la chronique, on sait assez pour quelles raisons. S'Il a pris une place de premier plan dans le paysage du roman français de l'entre-deux-guerres, il ne le résume pas à lui seul. Dans son nouvel essai intitulé Céline et Cie (Gallimard), Henri Godard entend restituer un tableau plus complet en rélargissant à d'autres œuvres qui ont compté – celles de Malraux, de Guilloux, de Cocteau, de Genet, de Queneau. Si à part soit-il, Céline participe aux deux mouvements que les romanciers français, après Proust, insufflent au roman : les uns incarnent dans leurs personnages une quête existentielle, quand les autres se détournent de la fiction pour aboutir, dans la seconde moitié du siècle, au Nouveau Roman. Fabula vous invite à feuilleter l'ouvrage…
Vous n'y couperez pas

Décembre 1950. Frank Bolton, un jeune colonel de l’US Army, rentre de la guerre de Corée avec une main en moins. À peine sa famille et sa ville natale retrouvées, il s’aperçoit que, l’une après l’autre, toutes les filles qu’il a aimées tombent sous les coups d’un assassin. Avec Narcissus, son ami détective, il se lance sur sa piste dans une noirceur croissante… Tel est le déroulé d'un roman policier que Boris Vian n'eut pas le temps de mener à son terme ("Si je le loupe, je me suicide", avait-il écrit). Ses héritiers confié à l’OuLiPo la mission d’écrire la suite manquante. L’Ouvroir a répondu oui : "Un cadeau pareil, On n’y échappe pas".
Bonne chançon vaillant

Nul ne saurait nier que la chanson d’Aspremont, composée vers 1190 et présentée d’emblée par le narrateurâjongleur comme "une bonne chançon vaillant", est une chanson de geste, dans le sillage de la Chanson de Roland. Pourtant, comme l’a souligné la critique, elle prend quelque distance avec la tradition. Sans jamais trahir la formule épique, elle use en effet de la multiplicité des thèmes, des personnages, des situations, des jeux de confrontation avec l’autre, formant comme un précipité de tout ce qui alimente le genre épique. Les Colloques en ligne de Fabula accueillent un sommaire préparé par C. Croizy-Naquet, A. Mussou et A. Paupert intitulé Bonne chançon vaillant : la chanson d’Aspremont, qui vient éclairer à nouveaux frais cette atypicité, rendant justice à une œuvre à la fois intrinsèquement épique et profondément originale, destinée à exalter l’engagement d’une communauté à l’aube de la troisième croisade.
Patrizia Lombardo. Mémoire et passions

Patrizia Lomabardo nous a quitté à la veille de l'été dernier. L'Université de Genève où elle a longtemps enseigné la littérature et le cinéma et développé les études en théorie des émotions lui rend hommage du 20 au 21 février prochain. Un volume de mélanges est à paraître tout prochainement, dont les premiers textes sont d'ores et déjà accessibles en ligne, sous le titre Patrizia Lombardo. L'expression des émotions.
Une Nuit de plus

Depuis qu’Antoine Galland, au tout début du XVIIIe siècle, les a proposés comme des contes, des lectures de divertissement, en leur donnant un titre lui-même inoubliable, les Mille et Une Nuits formentt un trésor inépuisable où l’art de raconter est aussi celui de nous conduire sur les chemins de notre humanité. La revue Europe leur consacre un sommaire, en offrant de surcroît un conte inédit qui pousse plus loin que jamais le procédé du récit emboîté et présente l’intérêt de toucher au dénouement même des Nuits, après le recouvrement de la raison par Shahriyâr et la fin de ses hantises. Fabula vous invite à voir le détail du sommaire et à lire la préface… Une soirée réunira à l'Inalco à Paris les contributeurs du volume entourés de nombreux invités, le 14 février prochain à partir de 18h sous le titre: Les Mille et Une Nuits : le rêve où tous les lecteurs devront se retrouver.
Penser juste

Penseur engagé dans la vie politique américaine depuis le combat pour les droits civiques, Michael Walzer est une figure marquante de la gauche intellectuelle aux États-Unis. Convaincu que le débat philosophique n’est utile que s’il est adossé aux pratiques concrètes et à la moralité des sociétés, il développe une critique sociale aux antipodes de la philosophie désincarnée, qui ne répond ni aux préoccupations quotidiennes des gens ordinaires ni au sentiment d’injustice des perdants de la globalisation. Il est inutile, selon lui, de vouloir écrire une théorie de la justice à l'instar de John Rawls dont l'impeccable édifice théorique n'oublie qu'une chose : que l'injustice est première et que la justice a d'emblée des inégalités à corriger. C’est à "penser la justice" en fonction du contexte donné (politique, économique, religieux, etc.) qu’il faut s’employer, comme l'a montré Michael Walzer dans plus d'un ouvrage. Un recueil d'entretiens avec Astrid von Busekist paraît ces jours-ci chez Albin Michel sous le titre Penser la justice, qui invite à défendre l'idée d'une morale politique pleinement "commune", enracinée dans des traditions culturelles particulières, mais capable de dialoguer par-delà les frontières. Face à l’urgence de l’engagement et de l’extrême attention à porter aux inégalités et aux injustices, elle définit le rôle que peut – et que doit – jouer le critique social ou le philosophe dans la cité moderne.
Une "histoire de la poësie par les ouvrages même des poëtes"

Les Cahiers du Gadges font peau neuve avec une version numérique mise en ligne sous le titre ratiques & formes littéraires 16-18. À l'initiative de Mathilde Bombart, le premier numéro est consacré au fameux Recueil imprimé en 1692 par le libraire parisien Claude Barbin qui fut l'éditeur de toute la génération que nous nommons "classique", de Molière à Mme de La Fayette en passant par La Fontaine, Perrault, Boileau et bien d'autres. Ce Recueil des plus belles pièces des Poètes français, tant anciens que modernes, avec l’histoire de leur vie, paru en 5 volumes en 1692, et attribué à Fontenelle, est souvent considéré comme le "manifeste" de la galanterie, mais constitue aussi la première véritable anthologie de la poésie française: Une "histoire de la poësie par les ouvrages même des poëtes". Une mise en ordre du patrimoine littéraire national s’y opère, qui soulève des enjeux sociaux, politiques et idéologiques. Que signalent la sélection des auteurs, des textes, de leurs versions, ainsi que leur organisation dans les différents volumes ? Quelle vision de la pratique de la poésie et de ce qu’est un poète promeuvent ces gestes éditoriaux, ainsi que les notices qui les accompagnent ?
L'adresse au sans-visage

L'entrée "Théâtre" de l'Atelier de théorie littéraire de Fabula donne à lire un nouveau texte inédit de Denis Guénoun intitulé "L'adresse au sans-visage. Remarques sur le jeu des acteurs", qui conjugue philosophie, théorie dramatique et théologie. Cette proposition vient rejoindre deux autres essais précédemment accueillis dans notre encyclopédie : "Sur les deux sens de la répétition" et "Théâtre et poésie. Propositions". Une chaîne Youtube récemment inaugurée permet de retrouver désormais les captations des spectacles de Denis Guénoun, notamment L’Augmentation de Georges Perec, texte traduit et interprété en chinois au Théâtre Xinguang, puis au grand théâtre de Shanghai (2010) ; Artaud-Barrault, créé au Théâtre Marigny en 2010 dans le cadre du centenaire de Jean-Louis Barrault, et filmé lors de sa reprise en 2013 au Théâtre National Populaire ; Soulever la politique, créé en novembre 2017 à la Comédie de Genève dans une mise en scène de Stanislas Roquette, et filmé en avril 2018 au Théâtre de Privas ; ou plus rare encore : le film Un Rêve de Goethe à Valmy, réalisé en 1989 pour être intégré dans le spectacle La Levée, créé au Centre Dramatique National de Reims. Les textes du Théâtre complet sont également accessibles en ligne sur le blog de l'auteur, parmi d'autres écrits et réflexions.
Photo.: spectacle Les Corps prochains, © Jean Couturier.
Rotrou au répertoire

Avec le treizième volume des Œuvres complètes du dramaturge et poète Jean de Rotrou s'achève une entreprise engagée il y a un peu plus de vingt ans à l'initiative de Georges Forestier et sous le parrainage de la Société des Textes Français Modernes. Le théâtre du quatrième plus grand dramaturge du XVIIe siècle n’était alors accessible que par l’édition très approximative de Viollet-le-Duc parue en 1820. Ce sont donc les 35 pièces de Rotrou qui nous sont rendues, dans une édition qui est demeurée fidèle aux principes formulés au départ : répartition des pièces selon des critères génériques plus que chronologiques ; modernisation de la graphie mais conservation de la ponctuation d’origine ; relecture des textes et de l’apparat critique par d’autres membres de l’équipe internationale. Pionnière en son temps, cette entreprise a essaimé et l’on peut évoquer d’autres programmes éditoriaux achevés ou en cours (Mairet, Baro, Hardy, Mareschal, Rayssiguier…). Il n’est pas indifférent que trois pièces de Rotrou, Antigone, Venceslas et Le Véritable saint Genest aient été inscrites au programme de l’agrégation en 2009. À l'initiative de la Société des Textes Français Moderne, une table ronde se tiendra à Paris le 17 juin prochain pour clore l’entreprise.
Autobiographie d'un immeuble

Retraçant les vies passées et présentes des habitants d’un immeuble du Xe arrondissement de Paris, Ruth Zylberman livre un magnifique récit après un film documentaire qui a lui-même fait date. Là se sont succédé, depuis les années 1850 jusqu’à nos jours, des générations d’enfants, d’artisans et d’ouvriers, d’immigrés de l’est ou du sud de l’Europe. Là se sont noués des amours, des amitiés, des tragédies. Là, l’ordinaire du quotidien a côtoyé l’extraordinaire du fait divers et des violences de l’Histoire. Dans 209 rue Saint-Maur, Paris Xe. Autobiographie d'un immeuble (Seuil), Ruth Zylberman propose une réflexion bouleversante sur les traces du passé, les lieux où se loge la mémoire et le lien invisible entre les vivants et les morts.
Un écrivain aux aguets

Écrivain, essayiste, traducteur et critique littéraire, Pierre Pachet (1937-2016) s'est intéressé aussi bien au sommeil, à la littérature de l'Est, de Kafka à Soljenitsyne, qu’à l'Histoire et à la politique. Il laisse une œuvre rare, inaugurée par une inoubliable Autobiographie de mon père, mais dont la dispersion ne permettait guère jusqu'ici de prendre toute la mesure. Un fort volume d'Œuvres choisies paraît ces jours-ci chez Pauvert qui donne à lire une dizaine d'essais, réunis par Yaël Pachet, préfacés par Emmanuel Carrère et postfacés par Martin Rueff. Le choix proposé, qui fait la part belle à l'écriture de l'intime, à l'écoute de personnes aimées et proches mais aussi des laissés pour compte de la vie moderne, permet de mieux saisir l'écrivain aux aguets que fut Pierre Pachet. Une rencontre réunira les amis de Pierre Pachet à la Maison de la Poésie le 10 février prochain à 20 h, avec le soutien de la Maison des écrivains et de la littérature.
Petits ruisseaux et grands orages

C’est en 1714, à l’aube de la première révolution industrielle, que le philosophe et médecin Bernard de Mandeville a publié ses Recherches sur l’origine de la vertu morale, complément sulfureux de sa fameuse Fable des abeilles. Dans Baise ton prochain. Une histoire souterraine du capitalisme (Actes Sud), Dany-Robert Dufour propose de lire ce libelle comme "le logiciel caché du capitalisme car ses idées ont infusé toute la pensée économique libérale moderne, d’Adam Smith à Friedrich Hayek". La thèse en est simple : il faut confier le destin du monde aux “pires d’entre les hommes” (les pervers), ceux qui veulent toujours plus, quels que soient les moyens à employer. Eux seuls sauront faire en sorte que la richesse s’accroisse et ruisselle ensuite sur le reste des hommes… Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage…
Franck Venaille aujourd'hui

Le poète Franck Venaille nous a quittés il y a un an et le voeu de celui qui disait aimer que son "écriture passe inaperçue" n'a peut-être été que trop bien exaucé. Si son importance au sein du paysage de la poésie contemporaine fait l’unanimité — en atteste le Prix Goncourt de la poésie obtenu en 2017 — l’œuvre peine à être mise en avant par la recherche. Sous le titre Franck Venaille aujourd'hui, les Colloques en ligne de Fabula sont heureux d'accueillir les actes de la journée d’étude tenue au musée d’art et d’histoire de Saint-Denis et à l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis en novembre 2019 : prolongé par le travail de création du cinéaste Martin Verdet (Je me suis mis en marche) et du romancier Arno Bertina, ce sommaire donne à mesurer à la fois le vif intérêt d’une nouvelle génération pour cette œuvre encore méconnue et la façon dont elle rencontre des objets de recherche d’aujourd’hui.
Livres de survie en milieu hostile (Les lecteurs l'aiment bien)

Depuis Mes petites communautés jusqu'à Éloge des bâtards, en passant par Les Félins m'aiment bien et Mécanismes de survie en milieu hostile ou On n'est pas là pour disparaître, Olivia Rosenthal déploie depuis plus de vingt ans une œuvre importante, essentiellement publiée aux éditions Verticales, mais aussi une activité de performeuse. À l'initiative de L. Demanze et de F. Gris, le numéro 15 de la série "Ecritures contemporaines" de la Revue des lettres modernes vient proposer un premier bilan sur la poétique d'Olivia Rosenthal, à la croisée des chemins entre fiction et documentaire, entre écriture personnelle et recueil de témoignages, entre intertextualité et intermédialité, entre pratique de dispositifs formels et interrogation sur les possibilités de dire l'intime. Fabula vous invite à découvrir le sommaire et à la lire les résumés des interventions…
(Illustr. : © ALPH. B. SENY/Service de presse)
Les voix de la poésie

La poésie n'est plus lue, se lamente-t-on souvent. Mais elle est aussi faite pour être déclamée, récitée, écoutée, et pendant longtemps elle n’a pas eu pour visée d'aboutir à un livre : c'est comme parole incarnée et échangée qu'elle a été et qu'elle reste aujourd’hui pratiquée. Depuis un siècle cette parole est entrée dans l’ère de l’enregistrement. Ce simple constat ouvre un vaste champ de recherches dont un collectif dirigé par Abigail Lang, Michel Murat et Céline Pardo entreprend l'exploration : celui des archives sonores de la poésie. Jacques Roubaud en avait eu l'intuition dans Dire la poésie dès 1981. Les enregistrements réalisés aux Etats-Unis offrent un modèle, dont Charles Bernstein a posé les fondements dans Close Listening : Poetry and the Performed Word en 1998. En France ces archives sont encore dispersées et très peu exploitées : c'est donc un domaine neuf qu’explore ce volume, qui nous invite à un "tournant oral" des études littéraires.
(Illustr.: extr. du documentaire Bernard Heidsieck, La Poésie en action, 2014)
Mathieu Riboulet aux portes de Thèbes

Les éditions Verdier publient Les Portes de Thèbes. Éclats de l’année deux mille quinze, le dernier récit de Mathieu Riboulet disparu en 2018, où l'écrivain, qui ne résolvait pas "à finir en laideur", cherchait à "chanter l'insignifiant drame que constitue l'horizon de [sa] mort en contrepoint des tragédies tressées qui embrasent le monde". Un volume collectif lui rend également hommage sous le titre Compagnies de Mathieu Riboulet.
La forme d'une ville

Plus de douze millions de personnes vivent dans l’attraction urbaine de la métropole de Paris. Vivre ? Vibrionner serait plus juste, tant il est vrai que, si l’on vit partout, on ne vibrionne qu’en métropole. Dans son agitation perpétuelle, l’espace et le temps se croisent sans cesse, dessinant la géographie mouvante d’une infinité d’occasions où l’inattendu se niche : ces douze millions de franciliens sont autant de romans possibles… Un collectif hétéroclite composé d’écrivains, de photographes et d’artistes a relevé le défi d’illustrer, chacun à sa façon, l’un de ces Douze millions de romans possibles (Gallimard). Révélateur de mutations en cours, d’évolutions à venir, cet ouvrage – oulipien dans son approche – en offre une vision sensible, presque sentimentale : et si la forme d’une métropole changeait plus vite que des cœurs urbains ?
(Illustr. : Martine Franck, Grande Arche de la Défense, Paris, 1989)
Nadeau dans votre poche

Le site En attendant Nadeau, fondé par l'équipe historique de La Quinzaine littéraire de Maurice Nadeau au terme d'une transition mouvementée, est désormais accessible via une application pour smartphone, à télécharger gratuitement sur Apple Store et Google Play. Elle offre un meilleur confort, un mode de lecture hors-ligne et une navigation bien plus fluide à tous ceux qui aiment lire sur mobile, soit près de la moitié du lectorat de la presse désormais. Fabula devrait y songer de son côté.
La recherche est un bien commun

En France, la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche qui s’annonce rencontre une opposition de plus en plus grande, tant elle paraît vouloir consacrer une politique, menée ces dernières années, qui fragilise les laboratoires et ceux qui y travaillent. Le site laviedesidees.fr ouvre le débat sur cet impératif qui ne devrait pas souffrir d'exception : la recherche est un bien commun. Fabula vous invite à lire, relayer et discuter ces différentes tribunes…
Le discours autre

Dans La Représentation du Discours Autre. Principes pour une description, Jacqueline Authier-Revuz propose une approche renouvelée du discours rapporté. Elle inscrit la "représentation du discours autre" dans une problématique d’ensemble comme articulation métalangage/altérité, à partir de choix théoriques explicites aux divers plans (langue, discours, sujet, langage) où elle opère. Les éditions De Gruyter offrent de téléchager librement l'intégralité de l'ouvrage…
Les noms d'époque

Le temps est la matière vive de l’Histoire, que l’on s’attache de longue date à découper et à périodiser. Ainsi sont nés les époques, les périodes ou les âges de notre histoire. À ces "divisions imaginaires du temps", selon l’expression elle-même datée de Charles Seignobos, les historiens ont consacré de nombreux et importants travaux. Un aspect est demeuré cependant en retrait : celui qui a trait aux noms et dénominations de ces époques : de "Moyen Âge" à "Belle Époque", de "Renaissance" à "Ancien Régime", ces noms pèsent à l'évidence sur notre compréhension du passé. Les quatorze essais réunis dans le volume Les noms d'époque. De «Restauration» à «années de plomb» (Gallimard) s’attachent à quatorze "noms d’époque" du contemporain, choisis parmi les plus usuels, en France comme à l’étranger. Fabula vous invite à découvrir cet ouvrage …
Puissance des images

Caractériser la force avec laquelle une image, devant nous, se souvient et celle avec laquelle elle nous demande d’identifier ce dont elle est le souvenir : tel est le propos de J.-C. Bailly dans son dernier livre, L'imagement (Seuil, Fiction & Cie). Il propose de considérer l’image, toute image, comme une énigme et comme l’espace incarné d’une expérience qu’il appartient à ceux qui la voient (regardeurs de Duchamp, regardants de Poussin !) de refaire. L’imagement nomme aussi bien les processus qui conduisent aux images que les chemins qu’elles suivent pour instiller dans la pensée la puissance de leur silence. Étoilée en treize chapitres, l’enquête traverse toutes les époques de l’art et parcourt les modes les plus variés de constitution de l’image. Fabula vous invite à feuilleter l'ouvrage…
Le roman pédophile

Le cas Gabriel Matzneff était-il resté dans l'angle mort de la théorie de la littérature ? Dans un livre paru en janvier 2014, Nelly Wolf traitait l'une de ses fictions, le triste Isaïe, réjouis-toi (La Table Ronde, 1974, réédité en 2003 et toujours disponible dans les librairies en ligne), comme un roman pédophile, en procédant à une évaluation tout à la fois sociologique et morale du style de l'auteur. Sous le titre "Le roman pédophile. Sur un roman de Gabriel Matzneff", l'Atelier de théorie de littéraire de Fabula redonne à lire ces pages issues de Proses du monde. Les Enjeux sociaux des styles littéraires (P.U. du Septentrion). On pourra également retrouver dans Acta fabula (Mai 2014, vol. 15, n° 5) un compte rendu de l'essai de Nelly Wolf : "Les langues du roman, de George Sand à Annie Ernaux" par Chloé Brendlé.
Lire, dire, et jouer Garnier aujourd'hui

Les mythes grecs que mettent en scène Hippolyte et La Troade étaient aussi éloignés des contemporains de Garnier que ses pièces peuvent sembler l’être de nous aujourd’hui. Pourtant, recourir à ces sujets mythiques fut, pour Garnier, le moyen privilégié d’incarner les questions de son temps. Celle du désir féminin ne s’exprime nulle part avec autant de liberté peut-être que dans la bouche de Phèdre amoureuse d’Hippolyte, la violence des hommes envers les femmes, des vainqueurs envers les vaincus, nulle part non plus sans doute avec plus de force que dans La Troade. C’est cette tension entre distance et proximité qu’a voulu interroger la journée d’étude du 29 novembre 2019 dont les Colloques en ligne de Fabula accueillent aujourd'hui les actes : comment cette langue et cette dramaturgie de Garnier, qui peuvent nous paraître si étranges, savent-elles nous rendre encore aujourd’hui si intensément vivants la présence, la voix et les drames des personnages déchirés qu’ils font surgir devant nous ? Réunis par Nathalie Dauvois, Olivier Halévy et Jean Vignes sous le titre "Lire, dire, jouer Hippolyte et La Troade de R. Garnier aujourd’hui", les textes sont mis en ligne avec le soutien de l'Université de Lausanne.
Illustr. : Metamorphoseos vulgare, Venise, Christoforo de Pensa, 1501, fol. 110v° (ch. 20 De Hecuba).
(Trans-)historicité de la littérature

De querelle en querelle, la question demeure : comment prendre en charge la littérature comme fait historique sans ignorer ni réduire ses effets anachroniques ? C’est, entre autres questions, la préoccupation qui a réuni les contributeurs du nouveau numéro de Fabula-LhT intitulé (Trans-)historicité de la littérature. Le dossier rassemblé interroge plus précisément les actes de temporalisation impliqués par nos catégories critiques et cherche à déclarer le rapport au passé et à l’avenir qui se trouve ainsi promu par nos commentaires. Il est accompagné dans Acta fabula d’une série de recensions centrées sur l’hypothèse, vivement discutée, d’une historicité propre à la littérature. À l’horizon de ce parcours, une question récurrente : l’interprétation littéraire a-t-elle d’autres fondations que les choix éthiques et politiques de l’interprète ?
Le canon littéraire

Dans sa dernière livraison, la revue Littérature porte son œil dans le canon littéraire, pour observer les principaux jalons de son instauration (C. Lucken) du Moyen Âge (A. Paupert, M. Séguy) à "l’ère de la reproductibilité technique" de la littérature qui est aujourd'hui la nôtre (B. Bourrit) ou en passant par le Grand Siècle (S. Kreho) et le moment révolutionnaire (J. Tatin-Gourier) ou encore les temps de guerre (J.-L. Fournel) et la poésie moderne (I. Radeljkovic), sans négliger de faire une place aux possibles oubliés de l'histoire littéraire : "Et si Proust n’avait pas existé ?", se demande Pierre Bayard. Fabula vous invite à découvrir le sommaire ainsi que les résumés des contributions.
Exposer la littérature et le livre. État de la recherche

Le domaine des études littéraires a connu ces vingt dernières années une évidente extension de ses objets d’investigation. Dans ce contexte, l’étude de l’exposition de la littérature, dans son acception la plus large, constitue indéniablement un champ de recherche en gestation. Dans le but de dresser un état des lieux de la recherche, les RIMELL (réseau de Recherches internationales sur la muséographie et l’exposition de la littérature et du livre) ont pris l’initiative de constituer une bibliographie des publications disponibles. Élaborée collectivement, elle reprend aussi bien les publications universitaires que celles des professionnel·le·s de l’exposition ou les témoignages de ces dernier·e·s, et sera constamment mise à jour.
Signalons aussi la mise en ligne des vidéos de la journée Patrimoines littéraires et musées : modes d’écriture et nouveaux territoires, tenue à Amiens en novembre dernier.
L'affaire Jauss

Le scandale éclata en 1995 seulement : Hans Robert Jauss, l'un des universitaires allemands les plus connus de la seconde moitié du XXe siècle, co-fondateur de l'école de Constance et théoricien de " l'esthétique de la réception", fut, dans une vie antérieure, un officier SS de haut rang. Comment avait-il réussi à dissimuler son passé? Pourquoi certains de ses collègues ont-ils continué à le défendre? Le livre d'Ottmar Ette, dont R. Kahn nous offre aujourd'hui la traduction sous le titre L'Affaire Jauss (PU Rouen) répond à ces questions en s'appuyant sur la recherche historique la plus récente. Au-delà, il pose les questions essentielles du rapport entre la biographie et la théorie. Alexandre Seurat en donne le compte rendu dans la livraison de janvier d'Acta fabula : La philologie dévoyée par le non-dit : Jauss face à son passé SS.
Lire dans la bibliothèque mondiale

Élu au Collège de France au printemps dernier, à la chaire de littérature comparée, William Marx prononcera sa leçon inaugurale jeudi 23 janvier prochain à 18h, sous le titre : "Par-delà la littérature. Lire dans la bibliothèque mondiale". La leçon sera retransmise en direct sur le site du Collège. Retrouvez dans l'index de nos deux revues les articles qu'il a publiés sur Fabula, ainsi que les comptes rendus de ses principaux essais dans Acta fabula.
À qui appartient Kafka ?

On sait qu'avant de mourir, en 1924, Kafka demanda à son ami Max Brod – qui refusera – de brûler son journal, ses lettres, ses romans inachevés, etc. Quand, en 1968, Max Brod meurt à son tour à Tel-Aviv, son héritage devient un enjeu passionné. Dans Le dernier procès de Kafka. Le sionisme et l’héritage de la diaspora (La Découverte), Benjamin Balint montre comment les procès de cet héritage réveillent "l’éternel débat sur l’ambivalence de Kafka envers le judaïsme et le projet d’établissement d’un État juif, tout comme sur l’ambivalence d’Israël envers Kafka et la culture de la diaspora". Le livre restitue le monde de Kafka de l’entre-deux-guerres. Le sionisme apparaît comme un refuge, face au double risque qui menace le peuple juif : d’un côté, la violence antisémite, de l’autre, la perte d’identité par une lente assimilation. "À qui appartient Kafka ? Et, plus généralement, à qui appartient l’héritage de la diaspora ? Kafka lui-même n’avait pas tranché cette question, soulignant qu’il était un Juif écrivant en allemand : Suis-je un écuyer monté sur deux chevaux ? Malheureusement, je n’ai rien d’un écuyer. Je gis par terre. Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage…
Signalons la toute récente parution d'une traduction intégrale par le même R. Kahn des Journaux de Kafka (Nous éd.).
Crime et représentation

Il existe depuis toujours une sorte de mélange entre le crime (plus ou moins) organisé et ses représentations. Cet amalgame, qui créé une sorte d'écran fantasmatique, a gagné en vigueur et consistance à partir des années 1830 lorsque dans la presse ont commencé à apparaître des colonnes consacrées aux faits-divers, mais aussi des feuilletons et de véritables chroniques judiciaires. Une livraison des Cahiers de narratologie vient se pencher courageusement sur ce phénomène criminel très particulier que sont les mafias (Cosa Nostra, 'Ndrangheta, Camorra). Menée conjointement par des sémioticiens, des historiens, des experts auprès de ministères ou de tribunaux, des criminologues, des critiques littéraires, des spécialistes de l'information, du renseignement et de la communication, l'enquête porte sur les images, rituels, mythes et symboles que les associations de malfaiteurs utilisent pour communiquer non seulement entre elles, mais avec le monde extérieur. Elle montre comment, tirant parti d'un imaginaire partagé, les mafias ont exploité et exploitent des pratiques anciennes et d'anciens langages afin de construire et de transmettre des récits autoréférentiels qui se valident d'eux-mêmes. Elle révèle que les histoires élaborées par les mafias ont fini par influencer nos propres représentations de la pègre.
Vœux de toutes parts !

Pour la vingtième année consécutive, toute l'équipe Fabula vient présenter ses meilleurs vœux à ses lecteurs et amis, de plus en plus nombreux. En 2020, Fabula entre donc dans sa troisième décennie, et mettra en ligne, vraisemblablement avant l'été, sa 100 000e page d'actualité, dont on ne sait pas encore si elle affichera une nouvelle parution, le programme d'un événement scientifique, un appel à contributions ou encore une offre de poste. Quant à ses ressources propres, impossible de dénombrer exactement les pages de l'Atelier de théorie littéraire, des Colloques en ligne accueillis année après année, ou de nos deux revues : Acta fabula, notre revue des parutions qui poursuit son chemin depuis vingt ans également, à raison de quatre articles par semaine, et qui prépare son numéro anniversaire, ainsi que Fabula-LhT, la revue vouée à l'étude des rapports entre "Littérature, histoire, théorie".
Amiel & co

Pour son numéro 43, la revue Les Moments littéraires présente, sous le titre "Amiel & Co", des extraits de journaux ou de carnets intimes – presque tous inédits – pour livrer un panorama des diaristes suisses d’hier et d’aujourd’hui. La Suisse semble être une terre d’élection pour l’introspection : Jean-Jacques Rousseau avait ouvert la voie avec ses Confessions. Amiel lui a emboîté le pas avec son monumental Journal, et, à sa suite, sont venus Jaccottet et ses semaisons, Georges Haldas et ses carnets ainsi que Maurice Chappaz, Alexandre Voisard, Gustave Roud, Alice Rivaz, Ramuz... Un cahier photographique vient aussi témoigner de l’apport de l’image dans la démarche autobiographique.
Paraît dans le même temps la Correspondance 1869-1881 entre Henri-Frédéric Amiel et Élisa Guédin, inconnue jusqu’à ce jour, récemment retrouvée dans une maison de campagne genevoise.
Femmes de presse

Alors que l’histoire de la presse célèbre volontiers ses grands hommes, elle n’a jusqu’ici accordé quasiment aucune place aux femmes journalistes, qu’elles aient été célèbres en leur temps comme Delphine de Girardin, Séverine ou Titaÿna, ou des écrivaines reconnues comme George Sand ou Colette. Pourtant, dès le XVIIIe siècle, des femmes créent et dirigent des feuilles périodiques. Les femmes journalistes du XIXe siècle, qui écrivent un journalisme de chronique directement issu du bel esprit des salons, sont leurs héritières. Dans Femmes de presse, femmes de lettres. De Delphine de Girardin à Florence Aubenas (CNRS éditions), Marie-Ève Thérenty raconte la progression des femmes dans les journaux généralistes et la manière dont elles ont réussi à s’infiltrer et parfois à s’imposer dans l’article politique, dans la chronique judiciaire, dans la chronique des sports et dans le grand reportage. Ces femmes ont dû inventer des pratiques, créer des postures et imposer des écritures. Pour faire passer leur prose dans le journal, elles ont pu privilégier la narration, la fiction, l’écriture intime aussi. Subalternes elles-mêmes, elles ont par ailleurs souvent choisi d’enquêter sur les exclus de la société.