Acta fabula
ISSN 2115-8037

Dossier critique
2014
Juin-juillet 2014 (volume 15, numéro 6)
titre article
Thierry Roger

« Camarade Mallarmé » : mallarmisme, anachronisme, présentisme

Jean-François Hamel, Camarade Mallarmé. Une politique de la lecture, Paris : Les Éditions de Minuit, coll. « Paradoxe », 2014, 206 p., EAN 9782707323378.

Je t’envoie un entrefilet du journal The Globe, où il est question de toi : cela t’amusera, comme il m’a amusé. Il doit avoir été très drôle d’entendre Louise Michel s’occuper de littérature. Tu dois avoir raison : elle a dû prendre les décadents pour des anarchistes. Tu vois, scélérat, les méprises auxquelles tu t’exposes, en feignant par pur amour du paradoxe, d’être Républicain et Gréviste, toi qui es Conservateur et raffiné, aristocrate même, au dernier point, haïssant au fond de ton âme de délicat toute cette sale cuisine de piperie et d’obscurantisme intéressé qu’on nomme (lucus a non lucendo) le Libéralisme.
John Payne, lettre à Mallarmé, octobre 1886.  

Robespierristes, anti-robespierristes, nous vous crions grâce : dites-nous, simplement, quel fut Robespierre.
Marc Bloch, Apologie pour l’histoire, 1941.

1Albert Thibaudet sentit assez vite la nécessité de compléter son étude monographique consacrée à l’auteur du Coup de dés par un « Mallarmé après Mallarmé ». Ce projet resté en friche, notre époque commence à le mener à bien depuis que l’analyse des phénomènes de réception a le vent en poupe, depuis que l’on scrute en profondeur l’acte de lire, depuis que l’on déplace le centre actif de la littérature de l’auteur vers le lecteur, et dès lors que l’on ne cesse de souligner, du côté des études mallarméennes, la très singulière « valeur d’exportation1 » — Thibaudet, encore lui, notait en 1926 que « le nom, le signe de Mallarmé authentiquait une valeur-or2 » — d’un auteur qui « a connu toutes les sollicitations des modernités successives3 ». L’essai de l’universitaire canadien Jean-François Hamel s’inscrit dans cette double conjoncture critique qui consiste à nouer le nom et l’œuvre de Mallarmé moins à la question du sens qu’à celle de la valeur et de l’usage, moins à l’exhumation d’un faire qu’à l’archéologie d’un faire dire4, et trouve donc sa place dans une courte série de travaux récents qui font système : notre Archive du Coup de dés publiée chez Classiques Garnier en 2010, La Faute à Mallarmé de Vincent Kaufmann parue au Seuil en 20115. Jean‑Marie Schaeffer regrettait il y a peu la rareté des « travaux empiriques précis » centrés sur les faits de « dérive herméneutique6 » ; J.‑Fr. Hamel nous en donne un exemplaire, qui est aussi un exemple. Disons‑le d’emblée, cet ouvrage, qui devait être écrit, nous paraît un excellent et brillant complément donné à ces deux livres antérieurs, puisqu’il décrit l’amont et l’aval de la période structuraliste abordée par Kaufmann, et qu’il retraverse les textes que nous avions analysés7 en suivant le seul fil des « usages politiques du passé », pour reprendre le titre de l’ouvrage collectif de 2001 dirigé par François Hartog et Jacques Revel8.

2De fait, ce livre doit aussi son existence à un autre moment épistémologique, légué par l’historiographie « contemporaine », issue, depuis la fin des années 1970, des travaux inauguraux de Pierre Nora, de Jacques Le Goff, relayés par ceux de Paul Ricœur et de François Hartog, qui a fait de la mémoire un objet d’histoire, dans le sillage des études pionnières de Maurice Halbwachs consacrées, d’un point de vue sociologique, à « la mémoire collective ». En réaction aux mobilisations identitaires du passé opérées tant par l’exécutif étatique, que par les communautés, ou les entités locales (villes, régions), les historiens de métier font la généalogie ou l’archéologie des « usages publics de l’histoire ». L’émergence de ce nouvel objet converge avec un retour sur la condition narrative et / ou herméneutique propre à la pratique historienne, ce qui conduit à brouiller les frontières entre histoire et mémoire. Camarade Mallarmé appartient à cette longue série d’ouvrages récents qui traquent « ce passé qui ne passe pas9 », question qui se trouvait au centre du précédent essai de J.‑Fr. Hamel, publié aux Éditions de Minuit en 2006, intitulé « Revenances de l’histoire », sous-titré « Répétitions, narrativité, modernité ». Le livre, assez ambitieux, traversé par une critique de Temps et récit appuyée principalement sur la pensée de Benjamin, les travaux de Fr. Hartog (« régimes d’historicité ») et de Jacques Rancière (« régimes esthétiques »), tentait d’éclairer « la genèse » des « grands récits » dont Lyotard a proclamé la fin, de Michelet à Claude Simon, en analysant des « poétiques de la répétition » élaborées contre le régime moderne d’historicité, fondé sur une conception linéaire du temps10. Ainsi donc, après s’être attaqué à la « reprise » du passé par le récit historique ou romanesque, l’universitaire canadien en vient à suivre la « reprise » d’une œuvre poétique singulière par la critique littéraire, la théorie littéraire et la philosophie. Après avoir mis en avant « l’historicité des pratiques narratives11 », J.‑Fr. Hamel, à travers l’auteur du Coup de dés, fait l’histoire d’une pratique herméneutique : « l’actualisation » politique. Cela aurait pu s’intituler aussi « spectres de Mallarmé », ou « revenances de Mallarmé12 ». Cependant, la coloration de l’ensemble change du tout au tout. Après la mise en évidence d’une « politique du deuil13 », l’auteur poursuit ici les transformations d’une politique de la contestation et de la résistance, « camarade » oblige. À un livre sur la mélancolie succède un livre sur la révolution : avers et envers de notre condition historique ?

3Ajoutons que l’ouvrage de J.‑Fr. Hamel, qui reste donc un modèle en matière de travail véritablement transdisciplinaire — entre histoire, littérature et philosophie — a le grand mérite de faire dialoguer avec finesse conscience méthodologique dans les pages introductives et conclusives intitulées respectivement « Toute révolution est un coup de dés » et « Lire pour son époque », et mise en perspective très informée des auteurs cités dans le corps de l’ouvrage. L’essai suit pour l’essentiel un parcours chronologique scandé par quatre moments : les lectures de Mallarmé publiées entre les années 1930 et la Seconde Guerre mondiale, proposées par Valéry, Mondor, Blanchot (« L’invention d’une politique de la lecture ») ; les lectures données de part et d’autre du champ littéraire dominé par l’existentialisme avec Sartre, Blanchot et Barthes (« Le terroriste de la dialectique ») ; les lectures surgies à l’époque où les structures descendirent dans la rue, nées autour des revues Tel Quel et Change, avec Sollers, Derrida, Faye et Kristeva (« La vieille taupe du texte ») ; les lectures déterminées par l’effondrement du bloc communiste et la prétendue « fin des idéologies », avec Badiou, Lacoue-Labarthe, Rancière et Milner (« Le cygne des fins de siècles »).

4Comme nous allons le montrer dans les lignes qui vont suivre, cet essai scrutant la formation et les transformations d’une figure d’auteur, celle du « camarade Mallarmé », se donne, de manière très assumée, comme un livre portant moins sur Mallarmé que sur ce que nous avons appelé le « mallarmisme14 » ; de manière plus oblique, moins sur Mallarmé que sur Sartre ; et autant sur les avatars du « mallarmisme» que sur le devenir du marxisme et du paradigme révolutionnaire au sein de la vie intellectuelle française du xxe siècle. C’est une sorte d’histoire des gauches intellectuelles françaises, entre littérature et philosophie, saisie à travers le test projectif de Mallarmé. En cela, il faudrait le rapprocher, mutatis mutandis, du livre récent de Laurent Jenny consacré à l’histoire de la métaphore de la révolution15. Mais, de manière plus sourde, l’essai de J.‑Fr. Hamel, en prenant pour objet une « politique de la lecture » fondée sur « l’anachronisme », donnerait presque l’impression qu’il n’y a pas de politique de l’écriture chez l’auteur de Divagations. En outre, il repose souterrainement, malgré la connaissance affichée des débats historiographiques modernes, sur l’idée d’une rupture entre les « époques », et donc sur une conception du temps historique qui resterait à nos yeux quelque peu substantialiste. De fait, une question cruciale et difficile traverse l’essai, sur laquelle nous terminerons, qui nous conduit à penser que la figure du « camarade Mallarmé » n’est pas si « anachronique » que l’universitaire le laisse entendre : à quel temps appartient Mallarmé ? Ou encore : le xixe siècle est‑il achevé ? Cette question est la variante ou l’envers de cette autre interrogation : « le xixe siècle existe‑t‑il16 ? ».

Histoire d’une mémoire : l’auteur comme « figure du souvenir »

5Dans son introduction, J.‑Fr. Hamel revient en deux pages sur la position politique de Mallarmé, en renvoyant à la synthèse proposée par Antoine Compagnon, qui a montré l’ambiguïté du poète vis‑à‑vis de la IIIe République17. Voilà pour l’Histoire. L’universitaire canadien soutient d’entrée de jeu que les interprétations du poète qu’il va étudier dessinent non pas une « figure historique » mais une « figure du souvenir » (p. 14). On retrouve la dichotomie histoire / mémoire chère aux historiens contemporains, auxquels J.‑Fr. Hamel emprunte son vocabulaire et une partie de ses catégories, on l’a dit plus haut18. Mallarmé, qui ici « incarne exemplairement le nouage de la littérature et de la politique auquel la pensée française du xxe siècle n’a cessé de faire retour » (ibid.), devient un véritable lieu de mémoire immatériel, lieu inséparable d’un « travail de mémoire » (p. 16 et p. 120), mais aussi, comme il se doit, d’une « bataille des mémoires » (p. 16 et p. 145), ou d’une « guerre des lectures » (p. 16). L’essai aura donc pour objet « le mémorable mallarméen » (p. 119), tel qu’il opère dans « la mémoire culturelle » (p. 104) française au xxe siècle. Ajoutons qu’ici, d’un point de vue littéraire, la dichotomie histoire / mémoire recoupe l’opposition entre philologie et allégorie, telle qu’elle a pu être décrite par Antoine Compagnon19 ou par Yves Citton, en rapport avec l’idée de « lecture actualisante20 ». J.‑Fr. Hamel écrit en effet :

Quand la philologie fait acte d’histoire en mettant passé et présent l’un à côté de l’autre, l’allégorie fait acte de mémoire en les mettant l’un dans l’autre. (p. 20)

6Sans rentrer dans le détail des analyses précieuses de l’ouvrage, commençons par donner un aperçu des différentes facettes de ces « lectures allégoriques », qui dessinent un « Camarade Mallarmé » en constante métamorphose : œuvre symbolisant « l’Esprit européen » (p. 56) pour Valéry, ou recelant une « parcelle de la France libre » pour Mondor, à une époque de forte « nationalisation » de l’œuvre (p. 55‑57), et « d’inscription au panthéon des grands écrivains français » placée sous le signe du « souvenir de la Résistance » (p. 61) ; auteur mu en « professeur de morale » pour Leiris signant anonymement en 1943 dans Les Lettres françaises un plaidoyer pro-mallarméen réfutant les attaques de la droite maurrassienne accusant le poète-esthète d’avoir déserté le champ politique ; œuvre « française » par son universalité qui permet de « se consoler » (p. 59) de la défaite pour le Blanchot chroniqueur au Journal des débats, quand il n’incarne pas, aux yeux de l’auteur de « La littérature et la mort », la Terreur absolue et l’absolue liberté révolutionnaire travaillant dialectiquement contre elle-même ; « collaborationniste21 » par l’esprit, « irresponsable » pour le Sartre de Qu’est-ce que la littérature ? (p. 72‑76), mais aussi, plus tard, sous l’influence de Blanchot, figure de l’engagement paradoxal, par conscience de l’impossibilité de s’engager (p. 95‑97) ; écrivain porteur d’« une leçon mosaïque » (p. 104) aux yeux de l’auteur du Degré zéro de l’écriture, qui perpétue la lecture terroriste de Blanchot ; poète incarnant la question du langage, sollicité pour mettre à nu, et à mal, les « déterminations linguistiques de l’idéologie » (p. 113), soit : « révolution formelle » (p. 119) préfigurant une révolution politique pour Sollers et Kristeva, « renversement anarchique de tous les règnes » (p. 129) avec Derrida, couplage de la science linguistique moderne et de la révolution politique pour Faye ; compagnon de route fidèle à l’événement « indécidable » comme à « l’hypothèse communiste » selon Badiou ; œuvre témoignant de la « résistance » (p. 171) à la politique du mythe forgée par le « national-esthétisme » pour Lacoue-Labarthe ; poète aux sympathies ouvriéristes avec Rancière, visant le dépassement par le poème communautaire de la « division du travail manuel et du travail intellectuel » (p. 179). Quant à l’ancien althussérien Jean‑Claude Milner, son interprétation mélancolique insiste sur le « rien n’aura eu lieu que le lieu » du rêve révolutionnaire, sculptant de son côté le « tombeau du camarade Mallarmé » (p. 181), tout en sachant bien, comme le précise à juste titre l’auteur, que ce moment conclusif ne marque en rien la fin des usages de l’œuvre, promise à d’autres « actualisations ».

7Saluons aussi dans cet ouvrage la présence d’une approche systémique et contextuelle des interprétations, qui ne sont pas présentées de manière simplement successive ou juxtaposée, mais mises en relation différentielle. La lecture de Blanchot s’éclaire par son dialogue avec le Paulhan des Fleurs de Tarbes, et ses effets sur les commentaires de Sartre ou de Barthes ; Change répond à Tel Quel, les althussériens aux sartriens, le « matérialisme sémantique » (p. 136‑138) se substitue au « matérialisme historique ». J.‑Fr. Hamel établit des généalogies critiques, tout en cherchant à distinguer des « chaînes de mémoire » (p. 61‑62).

8Au total, si l’on saisit les choses de plus haut, l’exemple de la construction du « Camarade Mallarmé » permet de revenir sur les relations entre littérature et engagement. Prenant, avec Sartre, le contrepied de la vulgate sartrienne, J.‑Fr. Hamel renverse les points de vue.

« Littérature engagée » veut dire « lecture engagée »

9Dans ces conditions, la lecture se voit présentée à la fois comme un « acte politique » et comme un « acte de remémoration » (p. 14‑17). Pour J.‑Fr. Hamel, l’acte de lire, construit autant une « communauté interprétative », pour reprendre le concept de Stanley Fish remis en honneur par Y. Citton22, qu’une communauté politique. Mais à la différence de ce qui a lieu dans le monde herméneutique de St. Fish, ce ne sont pas les communautés qui font les textes et les lectures, ce sont ici les lectures-remémorations qui « inventent » (p. 16) des communautés. Les lecteurs sont définis comme des « passeurs de la mémoire culturelle » qui contribuent à la fabrication de « l’identité historique d’une communauté ». Les stratégies d’interprétation ne sont que « des stratégies d’appropriation ». Il faudra donc revoir du même coup la notion de « responsabilité » littéraire, en la déplaçant du côté du lecteur, qui ne saurait se borner à comprendre un message. La lecture est un geste, le mot revient à plusieurs reprises. Mallarmé devient donc un auteur engagé, par l’intervention du lecteur : tels sont les avatars de « l’action restreinte » dans le contexte d’une théorie pragmatiste du texte et de son interprétation. Ainsi, J.‑Fr. Hamel, à l’issue de son parcours, en arrive à souligner, de manière synthétique, que le « mallarméisme militant de la seconde moitié du xxe siècle démontre la fortune durable de l’antisartrisme » (p. 192).

10Toutefois ce pragmatisme herméneutique, qui consiste non plus à « écrire pour son époque », conformément à une certaine vulgate sartrienne, mais à « lire pour son époque », s’enracine dans une relecture très stimulante de l’œuvre entière du philosophe-écrivain des Temps modernes, qui met en avant un autre Sartre, plus tardif. De fait, Camarade Mallarmé nous semble très utile en cela qu’il complète la généalogie de l’idée de « lecture actualisante » donnée par Citton lecteur de Deleuze et des grandes références deleuziennes (des stoïciens à Simondon, en passant par Spinoza et Nietzsche). J.‑Fr. Hamel convoque deux textes importants, l’un de Benjamin, l’autre de Sartre, qui doivent désormais figurer dans la bibliothèque théorique de tout lecteur-actualisateur. Il y a ces lignes de Benjamin rédigées dans les « Notes sur les Tableaux parisiens » qui font de Baudelaire non une « serrure » à forcer par la reconstitution historienne, mais « une sorte de clé » ouvrant la porte du présent de ses lecteurs, livrant une « réalité qui sera non tant celle du poète défunt que la leur propre23 ». Il y a ces pages de Questions de méthode consacrées à Madame Bovary, dans lesquelles Sartre convoque à nouveau le concept physique d’hystérésis pour l’appliquer aux œuvres en situation de « décalage » temporel, ce qui lui permet de réfuter la thèse marxiste du « reflet » (p. 196). L’auteur de Qu’est-ce que la littérature ? défend en 1957 une autre théorie du temps des œuvres, et donc de la dialectique écriture / lecture, qui accorde une place nouvelle à la hantise, au malentendu, à l’utilisation, en un mot à l’anachronisme : « les œuvres surgissent en témoignant d’un autre temps que le leur, comme s’il était interdit à la littérature d’être contemporaine de son époque » (p. 197). Toute « politique de l’écriture » se voit donc vouée à l’échec, à moins d’être retournée en « politique de la lecture », en s’engouffrant dans le contretemps. Et de conclure : « une fois de plus, Sartre pense contre lui‑même » (p. 200). Ainsi, la doctrine de la littérature engagée aura eu deux versants, et donc une double postérité : de Blanchot à Rancière, écrit J.‑Fr. Hamel, on aura rejeté « la politique de l’écriture », mais on aura prolongé et pratiqué sans réserves cette « politique de la lecture ».

Éloge de « l’anachronisme » : quand lire, c’est « trahir »

11L’intérêt méthodologique de cet essai, et peut‑être aussi ses limites, puisqu’il s’agit de mettre sur le même plan, de manière analogique, le devenir d’une œuvre d’art et celui d’une archive24, tient justement dans ce transfert interdisciplinaire qui amène à considérer « Mallarmé » — personne, personnage, œuvre ? — comme Napoléon ou Jeanne d’Arc, Verdun, Vichy ou Bouvines. Ce livre offre une nouvelle contribution versée au dossier que Blanchot a appelé le « mythe de Mallarmé25 », en apparence plus proche méthodologiquement du « mythe de Napoléon » décrit par Jean Tulard, que du « mythe de Rimbaud » vu par Étiemble, puisque le projet se veut descriptif, et non pas normatif. J.‑Fr. Hamel s’en explique :

On aura beau jeu de relever les contresens historiques provoqués par le démon de la théorie […]. On pourra de même regretter que le souvenir de Mallarmé soit défiguré par des générations de lecteurs et que les exégètes peinent toujours à produire une interprétation dégrisée de ses poèmes et de ses proses. C’est ainsi qu’Étiemble réagissait devant « le mythe de Rimbaud ». […] À ces dérives obscurantistes, il opposait la sobriété démystificatrice de la lecture : « Pour ridiculiser la fable de Rimbaud rien ne vaut l’œuvre de Rimbaud ». (p. 12‑13)

12J.‑Fr. Hamel ne cherche par à démystifier ces lectures politiques, bien au contraire. À ces critiques virtuelles venant de ceux qui verraient d’un mauvais œil la trop grande liberté laissée au lecteur, J.‑Fr. Hamel répond paradoxalement par l’argument de l’intention de l’auteur. Mallarmé lui-même, comme il le rappelle à juste titre, dans son « médaillon » consacré au passant de Charleville, pouvait écrire :

Il ne faut jamais négliger, en idée, aucune des possibilités qui volent autour d’une figure, elles appartiennent à l’original, même contre la vraisemblance, y plaçant un fond légendaire momentané, avant que cela se dissipe tout à fait26.

13J.‑Fr. Hamel, estimant que « Mallarmé refuse pour sa part de jouer la lettre de l’œuvre contre l’esprit du mythe » (p. 13), s’autorise de la parole du Maître pour écarter toutes les réticences de type philologique à l’endroit des opérations de lecture que son essai va décrire. De fait, les interprétations présentées ici se verront résumées et contextualisées, mises à plat sans être jamais mises à mal. Mais sont-elles véritablement mises à distance ?

14La lecture de l’épilogue méthodologique clarifiera l’équivoque. J.‑Fr. Hamel prend le parti de « l’allégorie » contre celui de la « philologie », de la « traîtrise » contre la tradition-trahison. Il convient de « lire dangeureusement », quand « lire pour son époque signifie lire contre son époque » (p. 201‑202). Comme Y. Citton, J.‑Fr. Hamel passe du pragmatisme de la lecture littéraire au militantisme de la lecture littéraire. Cette pratique permet l’existence d’un « lieu de résistance à l’empire du présent » (p. 203). Ces lectures allégoriques tirent Mallarmé loin de son époque et font de la littérature « un discours de résistance au pouvoir » (p. 62).

15La « survie » d’une œuvre sera donc par essence anachronique :

Les vies posthumes de Mallarmé sont autant de survivances de son œuvre, qui entrelacent des temps disjoints ; ses textes ont été allégorisés et actualisés à la lumière d’époques qui n’étaient plus la sienne. (Ibid.)

16Cette idée sera un leitmotiv du livre. Ici on décrit « un art délibéré de l’anachronisme » consistant pour ces lecteurs à « arracher l’œuvre de Mallarmé à son époque pour éclairer les débats de leur propre temps et y faire valoir la littérature comme discours de résistance au pouvoir » (p. 62) ; là on célèbre « une vielle taupe qui persiste en un siècle qui n’est plus le sien » (p. 146), avant de découvrir un Mallarmé « convoqué en tant que témoin d’un siècle qu’il n’a pas connu » (p. 153). De fait, J.‑Fr. Hamel, homme de son temps épistémologique, en ceci fort peu anachronique, reprend la thèse métahistorique, formalisée en particulier par Koselleck, de la « simultanéité du non-simultané », héritée de Benjamin, d’Althusser, de Foucault, remise à l’honneur par les travaux de Georges Didi-Huberman, qui propose une conception non-homogène du temps, remettant en question les périodisations conventionnelles. On nous rappellera donc qu’une œuvre « s’inscrit dans une stratification plurielle et mouvante », que c’est un « objet anachronique, à la fois de son temps et de plusieurs autres temps, façonné comme un fossile » (p. 19).

17Ainsi, l’histoire de la mémoire déclare la « guerre » à l’histoire littéraire, épinglée pour ses « sempiternelles dénégations » (ibid.), dans une « guerre », cette fois, des disciplines et des méthodologies. De manière symptomatique, l’universitaire canadien greffe l’opposition mort / survie sur la dichotomie histoire / mémoire. Rappelant avec A. Compagnon qu’« une œuvre qu’on cesse d’allégoriser est une œuvre morte », il complète le propos en soutenant qu’une « œuvre vivante » n’existe pas, puisqu’on ne « rencontre que des textes morts, condensant une mémoire figée, qui n’étant pas lue est oubliée, et des textes survivants dont le glissement vers l’oubli est suspendu par des lectures allégoriques qui les exposent au souffle du présent » (p. 21). À en croire ces lignes, il n’y a donc ni passé vivant, ni œuvre contemporaine ; seul le présent maintient en vie une œuvre réduite à son être-pour-l’oubli. Au plan méthodologique ici, et sans doute aussi idéologique, le « présentisme » l’emporte finalement sur « l’anachronisme ». La « traîtrise » propre aux lectures allégoriques se trouve célébrée parce qu’elle « arrache le passé à l’aura de la tradition, en réinscrit les traces dans le présent pour augmenter la puissance des textes, et dans une visée agonistique, inscrire à travers eux une dissidence» (p. 203). Les auteurs du « passé » étaient‑ils à ce point aliénés, complices ou « dépolitiqués » ? La philologie est‑elle si conservatrice ? Tout le problème, qui consiste à définir ce que l’on entend par présence du passé, réside dans l’alternative entre un passé vivant qui ne cesse d’agir sur le présent (pensée de la continuité temporelle), et un passé autre transformé anachroniquement par un présent actif (pensée de la rupture temporelle) : J.‑Fr. Hamel a choisi la seconde voie, en étudiant ce que Derrida appelait dans Spectres de Marx « interprétation performative27 », à savoir une lecture qui « transforme ce qu’elle interprète ».

18À ce point de la réflexion, les grandes vertus heuristiques de ce livre trouvent leurs limites. Nous voudrions maintenant donner des éléments permettant d’esquisser une discussion de la thèse d’ensemble, en jouant les avocats d’un diable, qui a pour nom, ici, aujourd’hui, philologie.

Questions d’époque : « Mallarmé & son temps28 »

19L’enquête historique de ce livre conclut à « l’invention » d’une lecture politique de Mallarmé « en l’an quarante » (p. 55) avec Mondor et Blanchot, en raison du verrouillage idéologique opéré par la NRf. J.‑Fr. Hamel s’explique sur ce point : « Jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, l’autorité conjuguée de Thibaudet et de Gide, qui ne se détournent pourtant pas des affaires de la cité, tend à interdire toute interprétation politique de l’œuvre de Mallarmé » (p. 37). Il rappelle que pour Gide : « la littérature engagée est une contradiction dans les termes » (p. 40). De même, comme l’on sait, les surréalistes ne mobiliseront quasiment pas l’auteur des Poésies : « Si la fréquentation des écrivains symbolistes est essentielle à la formation des avant-gardes de l’entre-deux-guerres, la lecture politique du poète du Coup de dés leur est étrangère » (ibid.). Il suffirait de rappeler le mot de Vaché : « Nous ignorons MALLARMÉ sans haine, mais il est mort29 ».

20Ce que ne dit pas J.‑Fr. Hamel, c’est que les interprétations de Lacoue-Labarthe et de Rancière, présentées ici comme « allégoriques », convergent très largement avec la lecture de B. Marchal donnée en 1988 sous le titre « Religion de Mallarmé », qu’il est difficile de ne pas qualifier de « philologique » : que conclure de cette aporie apparente ? D’abord, qu’il n’est pas si aisé de séparer « politique de l’écriture » et « politique de la lecture ». Il nous semble très insuffisant de soutenir comme le fait J.‑Fr. Hamel que « le seul engagement sans équivoque » (p. 12) de Mallarmé concerne le projet de « Fonds littéraire ». Il suffirait de rappeler, entre autres choses, l’attaque du poète en direction du concept de laïcité30, qui nous paraît décisive ici à cause d’un malentendu important, qu’il aurait fallu interroger. Si l’on concède qu’il y a une lecture allégorique de Rancière et une lecture philologique de Marchal, c’est parce que l’un nomme « politique » ce que l’autre appelle « religion ». Ensuite, que la figure du « Camarade Mallarmé » a pu être construite par Mallarmé lui‑même, et qu’elle n’a donc rien d’« anachronique ». La lettre de John Payne l’atteste, ce qui fait dire à A. Compagnon, à juste titre selon nous, que « Mallarmé a joué avec l’anarchie, en tout cas avec le mot, et c’était un jeu risqué, provocateur31 ». On ne peut trancher « le gros dossier » (p. 59) touchant aux liens complexes entre anarchisme et symbolisme en écrivant que Mallarmé ne fut « ni communard, ni communiste » (p. 11).

21Mais sans aller jusque-là, il convient alors de souligner, au regard de l’histoire des réceptions successives de l’œuvre, que l’émergence de cette « figure » ne date pas du tout des années 1940, mais qu’elle est bien contemporaine des crises de la Troisième République. Le premier chapitre de l’essai de J.‑Fr. Hamel, croyant décrire une « invention », ne fait que parcourir le renouvellement d’une tradition herméneutique, emblématisée par la citation de John Payne donnée en épigraphe de cet article, qui sera d’ailleurs convoquée bien plus tard, par une certaine Julia Kristeva justement. L’auteur de La Révolution du langage poétique s’empresse de préciser : « Louise Michel dans une conférence revendique Mallarmé parmi les siens32 ». Nous sommes en 1886 : ici commence l’aventure du « Camarade Mallarmé ». Dès l’entrée dans « l’ère des attentats » surgit en outre une seconde « politique de la lecture », qui constitue l’envers de celle qui est décrite dans l’essai de J.‑Fr. Hamel : seule l’axiologie diffère. C’est Lanson qui voyait en 1891, à l’époque des Ravachol et des Vaillant, l’anti-syntaxe mallarméenne comme une transposition littéraire de l’anarchie politique33 ; ce sera aussi l’interprétation des tenants de l’anti-romantisme de droite, incarné par Maurras, résumé dans la thèse de Pierre Lasserre. Ainsi, le fondateur de L’Action française, ne séparant jamais, comme Hugo, histoire politique et histoire artistique, attaque toutes les manifestations d’un même individualisme honni34. Il écrit ceci, lors de la mort de Mallarmé :

Source de peine et de plaisir, vivant principe de toute la poésie, ayant des vertus personnelles et des aspects originaux que tout écrivain s'est appliqué depuis à dégager et à souligner, tel est le grade auquel Chateaubriand a promu le mot. Avant lui, la syntaxe et le style, c'est à dire le génie de la langue et la pensée de l'auteur, étaient au premier rang ; ils sont, grâce à lui, descendus jusqu'au second, ayant cédé la place au vocabulaire. Les conséquences de cette révolution se sont continuées non seulement dans Hugo et ses contemporains mais jusque dans l'œuvre de ce romantique attardé que nous venons de perdre35.

22Peu après, Maurras reviendra à la charge dans Le Temps du 19 octobre 1898, estimant que « Mallarmé fut bon romantique et digne parnassien », parce qu’il « libéra les mots français ». Il ajoutait : « les mots cessèrent d’être des signes. Ils devinrent mieux que des choses, des personnes, comme des citoyens jaloux de leur indépendance », avant de conclure ainsi : « ce fut un libertaire et son école d’anarchie a gâté des générations36 ». L’auteur du « romantisme féminin » ne cessera de revenir sur cette thèse héritée de la fameuse théorie de la décadence formulée par Bourget. En pleine réaction néo-classique, Mallarmé se verra enrôlé par l’anti-romantisme de droite dans le camp des agitateurs qui contribuent à la décomposition sociale. Choisir entre Racine et Mallarmé, c’est choisir « entre l’ordre et l’anarchie37 » soutient Jean‑Marc Bernard en 1910, qui reprend les analyses de Brunetière réduisant le romantisme au principe de « l’émancipation du Moi ». On le voit, à trop opposer histoire et mémoire, on gomme la réalité d’une tradition herméneutique qu’il est difficile de séparer de « l’époque » même de Mallarmé. On comprend aussi pourquoi J.‑Fr. Hamel, de manière cruciale ici, a besoin d’une « invention » justement tardive du « Camarade Mallarmé » pour légitimer des lectures « allégoriques » jugée positivement « anachroniques ». Or l’allégorèse se conjugue dans le temps, et pas seulement dans le contretemps.

23Ajoutons que les lectures de Mallarmé données par Blanchot, Mondor, Valéry, le Sartre de Qu’est-ce que la littérature ?, n’ont rien d’une lecture spécifiquement marquée « à gauche », et ne présentent donc que peu de rapport avec l’idée du « Camarade Mallarmé ». Il y a des pages du premier chapitre qui n’ont selon nous que partiellement leur place dans le livre, puisque liées à un autre sujet, et donc à la construction d’une autre « figure du souvenir », venue des disciples du Maître, beaucoup plus proche d’une éthique et d’une mystique que d’une politique, et qui aurait pour nom : « Mallarmé, un héros38» , « Mallarmé saint et martyr des Lettres », « Mallarmé nouveau Socrate ». L’article de Leiris, présenté ici comme fondateur, par son idée principale, « Mallarmé professeur de morale », ne fait que reprendre un cliché aussi vieux que la première réception du poète, celle des années 189039. À cette date, Mallarmé, ce « Maître », auteur en grande partie sans œuvre écrite, est perçu comme un guide spirituel. Francis Viélé-Griffin publie en 1907 dans La Phalange un texte intitulé « La discipline mallarméenne ».

24Le mallarmisme de J.‑Fr. Hamel existe donc aussi. Il consiste à fonder son livre sur l’opposition entre un Mallarmé de son temps, « poète par excellence de la tour d’ivoire40 » et un « Camarade Mallarmé », intempestif. Or, ce Mallarmé apolitique n’est pas une figure historique, c’est une autre figure du souvenir, dont J.‑Fr. Hamel semble l’un des lointains héritiers. Mallarmé, « trahi » en son présent, reste encore ici celui dont l’œuvre « signifie le refus de compromettre la littérature avec le siècle » (p. 11). Lisons en effet la fin du chapitre consacré à l’interprétation de Kristeva ; en contexte, les lignes suivantes semblent appartenir au mode du discours indirect libre, celui de la reformulation de la pensée d’autrui :

Toute stratégie de lecture informée par le matérialisme dialectique doit intervenir sur ce double registre du texte afin de réinscrire l’œuvre non seulement dans l’époque de son auteur, mais dans une durée culturelle stratifiée qui s’étend en amont et en aval du moment de sa production. La double historicité des textes de Mallarmé permet ainsi de les envisager selon deux perspectives contradictoires : d’une part, en ce qu’ils appartiennent à leur temps et en partagent l’horizon idéologique, ces textes ne sont qu’abolis bibelots d’inanité sonore, qui passionnèrent les amateurs et les mondains, et qui n’intéressent désormais que les historiens de la littérature ; d’autre part en ce qu’ils constituent une réserve de négativité toujours disponible, en ce qu’ils témoignent d’un mouvement destructeur qui transforme le statut même du sujet, ils échappent à leur époque et manifestent une actualité intempestive en vertu de laquelle ils annoncent pour ainsi dire un passé encore à venir. Cette double historicité par laquelle le texte échappe au statut de fétiche, exige cependant une lecture qui actualise le passé afin d’éclairer le présent et de le transformer. (p. 144‑145)

25Mais confrontée à « l’épilogue » théorique du livre, cette page devient rétroactivement un programme de lecture anti-philologique. Il semblerait que la philologie soit forcément réactionnaire (« aristocrate Mallarmé »), tandis que l’allégorie se verrait à l’inverse dotée d’un immense prestige révolutionnaire (« camarade Mallarmé »).

26Tout cela nous ramène à la Révolution française, comme à la permanence d’un certain xixe siècle fondateur de notre vie républicaine, et donc en grande partie interminable. Non seulement c’est le destin de tout grand écrivain du « siècle de l’histoire » que de faire l’objet d’une lecture « actualisante » de type politique. Il n’y a pas lieu de s’en étonner. Jean-Claude Caron a bien montré l’existence d’une « assimilation entre xixe siècle et histoire politique41 », conduisant à l’époque de l’essor de la « Nouvelle Histoire », au plan historiographique, à un double rejet et du siècle des révolutions, et des travaux d’histoire politique. Mais le « schème » révolutionnaire dont parlait Lévi-Strauss42 se voit autant utilisé par Mallarmé imaginant en 1887 dans « Solennité », « le Ministère du poète, en 188943 », que par la lignée Blanchot-Rancière étudiée ici. Pour partie, le temps de Tel Quel est le temps de Mallarmé ; dans un société post-révolutionnaire et post-chrétienne, les questions socio-politiques profondes sont les mêmes, ce qui ne veut pas dire bien évidemment que les réponses le soient aussi : capitalisme, individualisme, rationalisme. Nous restons d’ailleurs sceptique devant l’idée de voir dans toutes ces lectures allégoriques une « stratégie anachronique» (p. 184) délibérée. Rancière ou Lacoue-Labarthe seraient sans doute surpris d’un tel jugement sur leur pratique. La notion d’« anachronisme » nous paraît en cela devoir être nuancée, d’autant qu’elle reconduit ce dont on croyait s’être affranchi : une conception essentialiste et homogène du temps, comme l’a montré par exemple Rancière, suggérant de distinguer « anachronisme » et « anachronie44 ». J.‑Fr. Hamel, on l’aura compris, comme l’auteur des Noms de l’histoire, estime dans la perspective anti-historiciste qui est la sienne, qu’il y a grand profit à tirer des « anachronies » ; mais il maintient l’idée d’une « époque de Mallarmé » séparée, enfermée dans un passé autre. Il conviendrait plutôt de regarder selon nous vers la « longue durée » chère à Braudel, associée à la triade structure / conjoncture / événement. Ce que l’historien disait de l’objet « machiavélisme » peut s’appliquer à l’objet « mallarmisme ». L’enjeu du livre de J.‑Fr. Hamel nous paraît moins le « montage de temporalités hétérogènes » mis en avant par G. Didi-Huberman, qu’une série de variations conjoncturelles (Résistance, Libération, mai 1968, fin du communisme) sur une structure révolutionnaire avec laquelle fait corps aussi bien la prétendue « époque de Mallarmé » que les « époques » ultérieures. Non sans contradictions internes, c’est d’ailleurs ce que note J.‑Fr. Hamel en passant, lorsqu’il évoque le xixe siècle comme « l’arrière-pays » (p. 15) du xxe siècle. Il y a comme un long xixe siècle, qui va du romantisme à 1989. La fin du romantisme, ce ne serait pas la mort de Hugo, mais le tombeau du « camarade Mallarmé » édifié par Jean-Claude Milner sur les ruines du (calme ?) bloc communiste chu ici-bas.