Acta fabula
ISSN 2115-8037

Dossier critique
2013
Janvier 2013 (volume 14, numéro 1)
titre article
Virginie Brinker

Repenser les études francophones au sein d’une université « posthistorique »

Vincent Bruyère, La Différence francophone, de Jean de Léry à Patrick Chamoiseau, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, coll. « Plurial », 2012, 201 p., EAN 9782753520721.

Le champ universitaire des études francophones : un problème de définition

1Les études francophones sont l’objet de constantes redéfinitions tant il peut parfois paraître malaisé de connaître précisément l’étendue de leur champ et la méthodologie qu’elles recouvrent. L’appellation « littérature francophone » au singulier ne constitue‑t‑elle pas, elle‑même, une gageure, comme le rappelle Dominique Combe1 qui préfère employer le pluriel en la matière, tant les littératures francophones sont nécessairement multiples, couvrant des aires géographiques extrêmement diverses, parmi lesquelles le « Monde francophone du Nord » (Europe : Suisse, Belgique, Luxembourg, Val d’Aoste, Roumanie ; Amérique du Nord : Québec, provinces partiellement francophones du Canada — Acadie, Ontario, Manitoba — ou des États‑Unis, quoiqu’à titre résiduel : Louisiane, Vermont…, Terre‑Neuve….) et le « Monde francophone postcolonial du Sud » (Afrique : Maghreb — Tunisie, Algérie, Maroc —, Afrique subsaharienne — Côte d’Ivoire, Sénégal, Tchad, Mali, Niger, Gabon, Cameroun, Congo… ; Caraïbes : Guyane, Martinique, Guadeloupe, Haïti ; Océan Indien : Madagascar, Djibouti, Comores, Réunion, Maurice ; Proche‑Orient : Syrie, Liban, Égypte ; Asie du Sud‑est : Vietnam, Cambodge, Laos ; Pacifique : Nouvelle‑Calédonie, Polynésie Française).

2Surtout, l’adjectif « francophone » souffre parfois aujourd’hui de fâcheuses connotations renvoyant à l’idée d’une institution devenue fardeau, pour certains écrivains et critiques2. L’adjectif « francophone » est attesté en effet dans les dictionnaires depuis les années 1930, mais il semble avoir été inventé dès 1880 par le géographe Onésime Reclus, frère d’Élisée. Le contexte est celui du traité de Berlin de 1885 par lequel les puissances européennes, construisant leurs empires coloniaux, se répartissent les territoires africains. Sous l’impulsion d’anciennes colonies de l’Empire français — d’Afrique occidentale et des Antilles, du Maghreb, d’Indochine (le Sénégal de Senghor, la Côte d’Ivoire d’Houphouët‑Boigny, la Tunisie de Bourguiba, le Cambodge de Sihanouk etc.) — germe l’idée (inspirée du Commonwealth britannique) d’une Communauté des pays francophones, que rapprochent une histoire et une langue communes, et qui finira, au gré des années et des mutations, par devenir l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) en 2005. Étroitement liée aux organes de coopération et aux institutions internationales, elle réunit la France et ses anciennes colonies et d’autres États attachés à la défense et à la protection de la langue française dans un environnement où domine l’influence anglo‑saxonne (Québec, Wallonie, Suisse romande, mais aussi Liban, Égypte etc.). Elle compte aujourd’hui 57 états membres et 20 états observateurs. Mais l’idée de « francophonie », telle qu’elle est présentée par ses pères Fondateurs dans un numéro spécial de la revue Esprit paru en 1962, « Français langue vivante », excède la dimension politico‑économique. Léopold Sédar Senghor en propose alors une définition :

La Francophonie, c’est cet humanisme intégral, qui se tisse autour de la terre : cette symbiose des « énergies dormantes » de tous les continents, de toutes les races, qui s’éveillent à leur chaleur complémentaire3.

3Le français leur apparaît comme la langue porteuse du message de liberté et d’égalité, hérité de la Révolution de 1789 et le terme « francophonie » s’écarte alors de son acception géographique et linguistique pour s’apparenter à l’idée de « francité », désignant l’esprit de la civilisation française, la culture française et son influence : « la francophonie c’est, par‑delà la langue, la civilisation française : plus précisément l’esprit de la culture française que j’appellerai la francité4 ». Dans la postface des Éthiopiques, intitulée « Comme les lamantins vont boire à la source », Senghor écrit également :

Parce que nous sommes des métis culturels, parce que, si nous sentons en nègres, nous nous exprimons en français, parce que le français est une langue à vocation universelle, que notre message s’adresse aussi aux Français de France et aux autres hommes, parce que le français est une langue de « gentillesse et d’honnêteté5 ».

4Or, les thèmes de la « rationalité » et de l’« universalité » de la langue française, devenus des poncifs réutilisés ici par Senghor, sont les principaux arguments utilisés par le colonisateur, depuis 1830, pour justifier la contrainte linguistique, par l’enseignement et l’administration. Le terme « francophonie » se pare ainsi de connotations symboliques dépréciatives, aux relents colonialistes, revêtant une signification éminemment politique qui alimente toutes les controverses depuis les années 1960. Nombre d’opposants aux régimes issus des indépendances et d’intellectuels anticolonialistes verront ainsi dans la Francophonie « le cheval de Troie du néocolonialisme6 ». Dans les pays en voie de développement, les soupçons de visées néocoloniales et impérialistes pesant sur la Francophonie, lui font donc préférer la dénomination jugée plus neutre de « littératures de langue française » ou d’« expression française », ou plus récemment, avec le Manifeste de 44 écrivains publié dans Le Monde le 16 mars 2007, celui de « littérature‑monde en français », en faveur d’une langue « libérée de son pacte avec la nation ».

Études francophones et université « posthistorique »

5Loin de ces débats, Vincent Bruyère nous offre sur la question le point de vue d’un chercheur établi aux États‑Unis, puisque l’auteur est maître de conférences dans le département d’études françaises et francophones de Pennsylvania State University, et qu’il assoit essentiellement ses réflexions sur le concept « d’université posthistorique », forgé par Bill Readings dans The University in Ruins7.

6Comme il le précise, dans le post‑scriptum de son ouvrage, il n’est nullement question, dans La Différence francophone,d’un plaidoyer en faveur d’une meilleure intégration des études françaises et francophones dans un cursus académique. L’auteur entend plutôt prendre la mesure, d’un point de vue épistémologique, de la fin d’un mythe, qui caractériserait les études francophones, celui d’un projet d’histoire littéraire fondé sur la recherche d’un effet de coïncidence identitaire entre un corpus et une collectivité ou même une langue et sa souveraineté. L’un des objectifs que s’assigne l’ouvrage, en effet, est de questionner le champ des études francophones en se fixant deux garde‑fous, afin d’éviter de figer et de généraliser des dynamiques complexes : les études francophones ne sauraient se « limiter à l’ouverture de nouveaux chapitres d’une histoire littéraire », ni se définir par « la multiplication des appendices postcoloniaux et des subdivisions géographiques » (p. 11). Elles sont au contraire à repenser, selon l’auteur, à l’aune d’un cadre interdisciplinaire au sein de ce que B. Readings sanctionne comme la fin de l’État‑nation et de l’idée de culture nationale, et appelle l’« université posthistorique », autrement dit une université qui cesse de se comprendre uniquement dans la relation qu’elle entretient avec la culture, dans une société « qui n’est plus organisée dans l’intérêt de la réalisation de l’identité culturelle » (p. 22). La « différence francophone » pourrait ainsi se concevoir comme ce qui transforme le discours sur l’identité culturelle et même comme une « tactique d’intervention » (p. 19) dans le champ des études littéraires. Cela a deux conséquences prioritaires : penser le repositionnement des études françaises, et ne pas réduire les études francophones à la littérature comparée.

Penser le repositionnement des études françaises et de la littérature comparée

7Reprenant la question formulée par Abdelkebir Khatibi8, l’ouvrage se demande si la dénomination de « littératures francophones » relève du simple constat ou bien désigne une situation nouvelle et essentielle, mettant en jeu non seulement la littérature française, mais d’une façon radicale le français en son principe d’identité. Il s’agit en fait de mesurer les impacts, sur l’histoire de la littérature française et de « ce qu’elle peut avoir précisément de française » (p. 16), de l’adoption de ce point de vue transnational et de la dimension multiculturelle des sociétés dans lesquelles nous vivons. En tant que dynamique transnationale, la différence francophone ne définit donc pas une identité disciplinaire, mais une relation de « défamiliarisation » (p. 21) que l’ouvrage cherche à interroger.

8Il devient ainsi difficile d’adopter une stratégie « localiste » renvoyant la culture à son statut d’origine et de considérer les études francophones comme « une nouvelle littérature comparée9 » ou plus exactement une instance en collaboration entre études sur des aires culturelles et littérature comparée. Si études francophones et littérature comparée semblent en effet partager un « sens de l’hospitalité », compris comme « l’attention à ce que signifie le fait d’être l’hôte et l’otage d’une institution et de donner lieu en elle à une institution de la littérature » (p. 15), elles ne sauraient se confondre.

La « différence francophone » comme archéologie d’un sens du faire et du dire

9Prenant acte, à partir de la lecture de B. Readings, de la ruine de l’université de culture et de son discours sur l’histoire littéraire, et reprenant un propos de Louis Althusser selon lequel notre temps serait marqué par l’épreuve de la « découverte et l’apprentissage du sens des gestes les plus « simples » de l’existence : voir, écouter, parler, lire, ces gestes qui mettent les hommes en rapport avec leurs œuvres10 », V. Bruyère propose une série d’études de cas conçus comme expériences de pensée réfléchissant, à l’aune de fictions théoriques, ces « gestes les plus simples » : parler, écouter, voir, lire, toucher, et transmettre, dans l’ordre de leur apparition au fil des chapitres. Il s’agit ainsi de questionner la formation d’un sens du faire et du dire au sein de l’université posthistorique.

10Ces différents cas d’étude sont objets de tension entre l’« objectivation historiciste et culturaliste de la littérature et sa dimension spéculative » (p. 179). Ce n’est pas dans la langue reçue en partage que le corpus très éclectique envisagé — de Jean de Léry à Patrick Chamoiseau, d’Ovide à Michel de Certeau — trouve son unité, mais dans le fait que ces textes rendent lisibles « la relation de co‑implication historiciste et culturaliste entre l’objet littéraire et les discours sur la formation du sujet » (p. 180).

Parler

11Le premier chapitre interroge ainsi les travaux de quatre historiens des pratiques discursives, à savoir Michel de Certeau, Valentin Mudimbe, Gayatri Spivak et Louis Marin, permettant de mettre à jour un désir de rendre justice à la parole de « l’absent de l’histoire » et de signaler « l’événement par excellence qu’est la venue de l’autre », inséparable, selon V. Bruyère, « des phénomènes associés à la prolifération de l’adjectif postcolonial (diversement orthographié) au sein du monde universitaire » (p. 38). Mais l’avènement de cette parole, celle du « subalterne », pour reprendre le mot de G. Spivak, est surtout affaire de réception. Cette parole peut‑elle, en effet, être entendue ? Comment cette voix, celle du « subalterne » a‑t‑elle été transformée par l’historiographie coloniale et postcoloniale ? Quelles archives veut‑on en donner ? Le chapitre tend ainsi à expliciter comment faire entendre la voix de l’autre au sein de la discipline historique, telle qu’elle s’est constituée.

Écouter

12Mais ce sens de « l’écoute » est plutôt privilégié dans le chapitre suivant, consacré à L’Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil de Jean de Léry (1578), ce voyageur et écrivain français du xvie siècle qui partagea pendant quelques mois le quotidien des indiens Tupinambas. Le chapitre n’a pas pour objectif de faire entendre ce qu’a dit l’« absent », le « sauvage », autrement dit de reconstituer un discours de l’« autre », mais de mettre à jour la parole « en réserve » de celui qui n’a pas toujours été reconnu ni comme humain, ni comme sujet.

Voir

13Poursuivant la réflexion sur Jean de Léry, le troisième chapitre se fait fort d’interroger le « droit de regard » (p. 104) de l’« indigène », en s’efforçant de retrouver le « Sauvage » en dehors de l’imaginaire mythique qui l’a forgé de toutes pièces en le figeant dans de fausses images. Identifier le moment où coïncident exclusion du Sauvage du faire de l’histoire et inclusion de ce dernier comme objet visuel et discursif est l’objectif affiché de ce chapitre. L’auteur y interroge également un corpus moins connu, montrant comment, après les gravures du xvie siècle, les « Sauvages » sont rendus visibles sur d’autres écrans, avec le déferlement gore des films associés au « Cannibal boom » des années 1980 en Italie, le film Cannibal Holocaust11 en tête (p. 111 et sqq).

Lire, toucher

14Il ne s’agit pas ici de distinguer discours de l’histoire et discours de la fable, res factae et res fictae, mais plutôt de questionner des textes aux genres indécis manifestant l’énigme du désir qui meut l’historien, comme la nouvelle Gradiva de Wilhelm Jensen12 le met en scène, emblématique de « ce que le sujet veut de l’autre13 », pour reprendre les termes employés par Certeau dans Psychanalyse et histoire, entre science et fiction. Il s’agit ici de pallier par la fiction le silence de l’histoire, ce qui peut être rapproché de la démarche de Chamoiseau entendue comme « récit du mal d’archive14 » (p. 132), notamment dans L’Esclave vieil homme et le molosse15ou Biblique des derniers gestes16,qui est explorée dans la suite du chapitre : « face au silence de l’histoire antillaise et des ses empreintes, Chamoiseau partage le même fantasme archéologique de tangibilité du passé » (p. 136). Le « toucher » institue en effet une relation au réel et à la référentialité. Il s’agit donc de mesurer, à l’aune de la fiction, ce qu’il est possible de « toucher de l’histoire et de constituer en archive », mais aussi « ce qui se dérobe du corps et du contact dans la fable » (p. 139).

Transmettre

15La cinquième étude de cas retrace le désir filmique et filial de transmission mémorielle du réalisateur guinéen David Achkar dans son documentaire, Allah Tantou (« à la grâce de Dieu ») de 1991, prenant pour objet l’histoire de Marof Achkar, diplomate, ambassadeur aux Nations Unies, directeur du comité spécial sur l’apartheid en Afrique du Sud, arrêté en 1968, emprisonné au camp Boiro en Guinée et exécuté en 1971.

Le choix du corpus, un apport méthodologique

16Les études de cas proposées mêlent d’abord, entre fiction et histoire, les genres, aussi bien écrits que cinématographiques d’ailleurs, mais aussi grands classiques et œuvres moins connues, à l’instar d’Allah Tantou.

17Mais ce corpus de large ampleur, de Jean de Léry, auteur français du xvie siècle à P. Chamoiseau, auteur martiniquais contemporain, comme le mentionne le sous‑titre, constitue surtout, en tant que tel, une rupture méthodologique, notamment vis‑à‑vis des théories postcoloniales, ainsi définies en France par Jean‑Marc Moura :

« Post‑colonial » désigne […] le fait d’être postérieur à la période coloniale, tandis que « postcolonial » se réfère à des pratiques de lecture et d’écriture intéressées par les phénomènes de domination, et plus particulièrement par les stratégies de mise en évidence, d’analyse et d’esquive du fonctionnement binaire des idéologies impérialistes17.

18Les études postcoloniales se concentrent en effet sur « les littératures en langues européennes liées à l’histoire des empires coloniaux européens (telle est, pour l’heure, la posture critique la plus couramment adoptée)18 ». Cette approche critique permet à la fois de souligner les aspects idéologiques d’une idée trop globale de la francophonie tout en s’efforçant de dégager des ensembles littéraires francophones plus réduits mais homogènes. L’étude des littératures francophones permet en effet de porter un autre regard sur la littérature européenne puisqu’elle participe d’un processus de « contestation de la vision évolutionniste des sociétés (propagée, entre autres, par l’impérialisme colonial) et de l’européocentrisme culturel19 ».

19Les procédures des travaux postcoloniaux sont toutefois diverses. On peut ainsi considérer20 les modèles nationaux ou régionaux qui envisagent les œuvres comme l’expression d’une nation ou d’une région. Un ouvrage comme celui dirigé par Christiane Ndiaye, Introduction aux littératures francophones, fait ainsi apparaître plusieurs sections correspondant à différentes aires géographiques. Mais d’autres modèles d’études voient le jour : les modèles du type « Black writing studies » ou la notion de « littérature nègre » dans le monde francophone, ou encore, notamment, les modèles comparatifs. L’une des analyses les plus courantes est ainsi d’étudier conjointement littératures africaine subsaharienne et antillaise à travers des parallèles thématiques (tels la célébration du combat pour l’indépendance, l’influence d’une culture étrangère sur la vie traditionnelle) ou plus formels, notamment l’importance de l’ironie, de la discontinuité narrative…

20De façon plus ciblée, la critique postcoloniale, centrée, par conséquent, sur les littératures francophones trouvant leur origine dans l’expansion coloniale française hors d’Europe, privilégie la mise en évidence de l’esthétique de la résistance des pionniers et les stratégies de construction d’un champ littéraire qui n’existe pas encore ; l’étude de la conscience linguistique des auteurs, d’où les recherches sur l’hétérolinguisme des textes ; ou encore le caractère hybride du genre de l’œuvre francophone en termes de poétique.

21Pourtant, ces différentes approches produisent parfois des réflexions préconçues qu’Abdourahman A. Waberi tourne ainsi en dérision :

Plus d’un écrivain francophone est déjà parti, au moins une fois, rencontrer la presse française comme d’autres vont à l’abattoir, redoutant la question qui coupe net tout élan : « Pourquoi écrivez‑vous en français ? » Et notre écrivain de ressasser : « Quel stress ! Je vais encore bafouiller des banalités sur mes origines, sur ma couleur, l’histoire des miens, l’état du monde, les griefs contre la colonisation ou sur mes rapports avec la langue…21

22Par conséquent, comme V. Bruyère choisissant d’intégrer un auteur français à son corpus, Josias Semujanga, notamment, prône une « vision inclusive des textes en français22 », devant dépasser le cloisonnement géographique. Cette approche inclusive de la francophonie amènerait ainsi à étudier dans le même temps et dans le même bloc, Aimé Césaire, André Breton et Paul Chamberland (Québec), tous des poètes de la période surréaliste du xxe siècle, ayant produit des œuvres en français, par exemple. J. Semujanga va ainsi jusqu’à parler de « poétique transculturelle23 », fondée sur les « relations transversales que les œuvres littéraires établissent nécessairement entre elles par le biais de l’écriture ». Selon lui, l’écriture littéraire serait à penser comme un « phénomène transculturel » si l’on tient compte du « brassage d’horizons » caractéristique du monde contemporain, des contacts des différentes cultures et civilisations favorisés par les flux migratoires mais aussi les outils techniques modernes de communication.

23Mais si la réflexion de Vincent Bruyère peut en partie recouper cette « vision inclusive », elle se veut plus radicale, prenant acte de la ruine du mythe de l’histoire littéraire, de ses périodes, ses siècles et ses corpus, en cherchant à mettre au jour les liens entre objets artistiques et discours sur la formation du sujet, et à définir in fine le sens d’un nouveau savoir‑faire et d’un nouveau savoir‑lire.

24Stimulant les débats épistémologiques, La Différence francophone montre bien, finalement, que s’interroger sur les littératures francophones nous permet d’interroger la littérature en général, et plus particulièrement sa place et ses enjeux dans le monde contemporain. C’est pourquoi nous ne pouvons, pour conclure, que reprendre à notre compte cette réflexion plus large de Dominique Combe :

Cette communauté « inavouée », fragile et incertaine des littératures francophones malgré elles, si hypothétique ou problématique qu’en soit la dénomination, interroge la littérature elle‑même. Les études dites francophones sont un laboratoire de la théorie littéraire. Réfléchir à la place et à la signification des littératures francophones, c’est réfléchir au statut de la littérature comme telle24.

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