Acta fabula
ISSN 2115-8037

2000
Printemps 2000 (volume 1, numéro 1)
titre article
Éric Benoît

Le Livre du Partage

Portrait(s) d’Edmond Jabès, sous la direction de Steven Jaron, Paris : Bibliothèque Nationale de France, 2000, 176 p., EAN 9782717720891.

1Quelques mois avant sa mort, Edmond Jabès avait fait don de ses manuscrits à la Bibliothèque nationale de France. Dix ans plus tard, la BnF rend hommage à l’écrivain par un ouvrage collectif dirigé par Steven Jaron, et magnifiquement illustré de photographies qui nous rendent le poète plus proche.

2Le livre s’ouvre par un hommage de Jabès à Éluard, texte de 1952 où se révèle une étonnante maturité poétique. Puis Didier Cahen, auteur d’un ouvrage de référence sur Jabès (Belfond, 1991), nous présente une biographie détaillée de l’écrivain (p. 17‑67). St. Jaron évoque l’amitié de Jabès et de Jean Moscatelli, et le voyage qui les conduisit d’Égypte au Liban en 1934. Il présente aussi, en transcription « diplomatique », deux manuscrits : deux brouillons de l’une des séquences principales du premier Livre des Questions. Autre document : un entretien de 1978 avec Paul Auster, où Jabès éclaire bien des aspects de son œuvre. Treize « anamnèses » de Marcel Cohen nous montrent ensuite, sous forme d’anecdotes parfois émouvantes, « l’angoisse ordinaire » de Jabès au quotidien, et aussi son sens de l’humour. Rosmarie Waldrop, quant à elle, fait partager l’affinité avec l’œuvre que lui a donnée son courageux travail de traductrice passionnée. Puis le beau texte de Dominique Gramont résonne en empathie profonde avec l’écriture de Jabès, et scrute l’essence de la poésie, là où naît le sens, au sein de l’énigme des mots et du secret d’un homme. Aurèle Crasson, petite‑fille de l’écrivain, envisage les avantages que donnerait une édition électronique de l’œuvre de Jabès, sa constitution en ensemble « hypertextuel » où le lecteur percevrait les liens : perspective dont certainement bénéficieront les chercheurs à venir. Puis Guy Petitdemange lit Le Livre du Partage et en dégage les lignes de force : le rapport entre poésie et pensée, le partage‑don et le partage-séparation, le désert, l’origine, et l’inextinguible dynamique de la phrase « L’infini est devant ». Stéphane Mosès, enfin, montre à quel point les derniers livres de Jabès sont marqués par l’approche de la mort.

3Bientôt dix ans après la mort du poète, ce bel ouvrage donnera, je pense, de nouveaux lecteurs à l’œuvre de Jabès, et suscitera, je l’espère, une nouvelle dynamique aux études jabésiennes.