Acta fabula
ISSN 2115-8037

2011
Mai 2011 (volume 12, numéro 5)
Virginie Pouzet-Duzer

L’œil crevé du cyclope

Effie Rentzou, Littérature malgré elle : Le Surréalisme et la transformation du littéraire, Louvain‑la‑Neuve : Peeters Publishers, coll. « Pleine Marge », 2010, 358 p., EAN 9782953726305.

Le surréalisme en Grèce fut pour longtemps un mouvement sans visage et sans nom ; tel Ulysse qui sous le nom de « οὖτις », « personne », crève l’œil du Cyclope insoupçonné, le surréalisme grec, invisible et souterrain, montre la force modulatrice des avant‑gardes sur le concept du littéraire, visant l’œil unique et borné de la convention. (p. 137)

1Tandis que les études sur les alentours du surréalisme, ainsi que sur le rapport du mouvement aux autres cultures foisonnent depuis une dizaine d’années1, l’ouvrage d’Effie Rentzou propose une éloquente reconstruction des questions de centre et de marges. À la métaphore des répercussions sismiques ondulant depuis le centre surréaliste que fut Paris, E. Rentzou préfère l’image d’un pendule où le mouvement du balancier — relancé sans cesse et perpétuellement mobile — influencerait ce point qui, au départ, fut peut-être le centre (p. 133). Et c’est ainsi à une relecture du surréalisme français, par l’intermédiaire de son écho grec, que nous convie l’auteur. L’étincelle surréaliste aveuglant le cyclope avant le coup de grâce est celle de mouvantes frictions :

ce livre est un terrain de confrontations. L’avant-garde, la tradition et la société, la Grèce et la France, la théorie et le texte, le littéraire et le non‑littéraire, l’auteur et le lecteur, le « je » et le « tu » : rencontres capitales qui ouvrent un espace pour une littérature autre. (p. 16)

2Politique, historique mais aussi littéraire, le livre constitue à la fois un retour sur un surréalisme grec encore mal connu, et une manière de comprendre les raisons pour lesquelles les critiques des années trente comme les critiques d’aujourd’hui, ont tendance à éluder ce mouvement et le présentent  plutôt comme une sorte de « style d’époque » qu’aurait connu la littérature grecque.

3« Littérature malgré elle » inscrit l’ouvrage en turquoise sur le lissé crème de l’élégante couverture, qu’illustre la représentation circulaire et quasiment abstraite d’une « tête de vierge du mais ». Énigmatique, ce titre surprend efficacement, d’autant plus que ce n’est que dans la conclusion‑postface que l’on en viendra à saisir au mieux toute la dimension ludique de l’expression. Mais dès le sous-titre, le lecteur comprend qu’il sera question d’un paradoxal rapprochement entre le surréalisme et la littérature. De fait, comme il est souligné dans la préface, l’intérêt suscité par le surréalisme d’expositions en catalogues depuis le début du xxie siècle relève avant tout d’une fascination pour ce qui, dans le  mouvement, renvoie au visuel. En insistant sur la présence de l’image au cœur de toutes leurs créations, les surréalistes eux-mêmes avaient d’ailleurs pris le pli d’une telle esthétique. De sorte que, pour la critique, les textes surréalistes sont souvent réduits au statut de reliques évocatoires ou de témoignages, « simples documents d’un genre ou d’une époque ». C’est la raison pour laquelle « ramener le paradigme surréaliste au littéraire », ainsi que le propose E. Rentzou, est d’autant plus essentiel (p. 10). Il s’agira alors de comprendre le paradoxe d’« un mouvement qui défie la littérature » et qui pourtant « arrive à tisser des liens avec la littérature elle‑même » (p. 7).

4Intitulée « Surréalisme et société » la première partie examine « comment la littérature fait de la politique en tant que littérature » (p.19). E. Rentzou y présente tout d’abord ce qu’elle nomme l’ « histoire singulière » du surréalisme en Grèce comme une manière de repenser la notion d’avant‑garde. Cette partie constitue une belle évocation des rencontres ayant institué le réseau d’interdépendances que fut le surréalisme grec : « Deux télégrammes, une publication collective, deux expositions — dont une « internationale » — manifestent une volonté de présenter une identité cohérente » (p. 54). Les traductions de lettres, d’extraits de revues, d’anecdotes et de souvenirs souvent inédits en français, et où évoluent des artistes tels Dimitri Mendzelos, Théodoros Dorros, Nikolaos Kalamaris, Odyssaus Elytis, Nikos Engonopoulos, Nikos Gatsos ou Nikos Valaoritis, permettent de se plonger dans l’air du temps des années d’après 1935. Ce point de départ du mouvement — un peu plus de dix ans après le Manifeste parisien de 1924 — est  la date de la parution du premier recueil d’écriture automatique d’Andreas Embiricos. Par la suite, revendiquant « une culture très internationale » ainsi qu’une « nouvelle écriture » ces artistes amicalement liés ne voulurent guère « se manifester assidûment comme un groupe organisé » (p. 46).  Or ce refus du groupe n’expliquerait-il pas la marginalisation du surréalisme grec ? E. Rentzou montre que l’écueil fut avant tout esthétique puisque, n’étant pas parvenu au lendemain de la guerre à fonder une revue surréaliste, la plupart de ces artistes en vint à collaborer à la revue moderniste Ta Nea Grammata. Et quelques années plus tard, en 1963, l’ultime tentative de coalition autour de la publication de la revue Pali constituait déjà une forme de « post-surréalisme », marqué par des influences « beat » (p. 53).

5Jamais vraiment concrétisé autrement qu’au cœur des textes particuliers et individuels des artistes grecs qu’il a influencé, le surréalisme est ainsi une sorte de lien tacite, un interstice entre politique et esthétique. Et si l’on en croit la critique des années quarante, le surréalisme grec constituerait surtout une régression linguistique. À l’écriture automatique est ainsi reproché non seulement d’être un apport venu de l’étranger, mais aussi de nier ce que serait l’esprit grec, en mélangeant katharevousa et démotique. Les articles d’Elytis — qu’E. Rentzou étudie consciencieusement jusqu’au cœur de leurs éclats d’intertextualité bretonienne — tâchent de répondre aux attaques subies par le surréalisme en Grèce. Ses justifications permettent une définition, à rebours, du surréalisme grec en trois points : « indépendance centrifuge à plusieurs niveau (aliénation progressive par rapport au centre français, résistance à la formation d’un groupe dirigé par un chef, négation de l’activité politique, hésitation envers la théorie) ; détournement du surréalisme de l’engagement politique concret et focalisation sur le côté esthétique et libérateur au niveau personnel […] ; intense problématique touchant à l’identité nationale » (p. 77). Or, à cette description complexe, nuancée et organiquement empreinte de vitalités, la critique contemporaine préfère celle d’un enfermement dans le rapport original/faux, modèle/ersatz où le surréalisme grec est présenté comme la mauvaise copie, ratée, du surréalisme français (pp. 83‑90). Revenant de manière érudite sur la fabrication des idéologèmes de l’État grec, et plus particulièrement sur le conflit entre les deux formes de la langue que sont la katharevousa et la démotique, E. Rentzou expose combien la dichotomie simpliste entre tradition et modernité qui étaye ces tensions linguistiques, a offert aux écrivains modernistes des années trente «  une machine à inventer un nouvel imaginaire » (p. 101) autour de la question de « grécité ». Davantage que l’influence du mouvement français, c’est bel et bien cette « matérialité de la langue », son exceptionnel et complexe dédoublement, qui permettent au surréalisme grec d’acquérir une dimension politique d’avant‑garde — sans qu’il y ait pour autant de réelles revendications politiques de la part des membres du groupe :

[L]a position d’avant-garde du surréalisme grec repose exactement sur la synthèse du politique, du social, du culturel et, évidemment, du littéraire dans la langue. L’avant‑garde du surréalisme grec réside dans ce registre, et non dans son engagement ou non à la sphère politique concrète. (p. 118)

6Dans ce cas, la subversion est d’ailleurs possible par l’intermédiaire de la littérature et non pas dans sa destruction : « [l]eur geste le plus osé fut précisément la démolition interne de l’édifice du langage/idéologie. » (p. 112) De sorte que si, en France, les différents scandales provoqués par le surréalisme furent « à caractère ouvertement politique », c’est l’objet‑littéraire, soit ces textes automatiques « apparemment a-politiques », qui levèrent le tollé en Grèce : « en France, le scandale c’était l’action, en Grèce, le scandale c’était le texte » (pp. 126-127). Périphérie active,

le surréalisme grec pourrait être lu comme un « miroir » du surréalisme français dont la force est de refléter ce qui est déjà latent dans le projet initial. (p. 136)

7Aussi E. Rentzou conclue-t-elle la première partie de son ouvrage en soulignant que la structure du surréalisme ainsi révélée n’est autre qu’un « élargissement » du littéraire (p. 137). « Littérature malgré elle » donc : le titre du livre n’est désormais plus indéchiffrable énigme.

8Dans « Surréalisme et poétique », deuxième partie de son ouvrage, l’auteur développe davantage la question du littéraire à travers une approche en parallèle de textes surréalistes français et grecs. Les frontières génériques que sous-tend toute littérature sont interrogées : considérant le détournement des proverbes par les surréalistes français et des chansons populaires par les surréalistes grecs, elle montre que ce qui est en jeu pour le mouvement surréaliste est justement une reprise du paradigme littéraire. « Discours littéraire oral », le proverbe constitue une « systématisation des vérités de la vie » apte d’autant plus à décrire le monde de manière objective, que son origine est collective, anonyme, intemporelle et fixe (p. 162) :

[À] travers cette fixité formelle se manifeste un fragment d’expérience » qui séduisit les surréalistes, créateurs et repriseurs de proverbes. Proche de la poésie en son versant incantatoire, le proverbe possède une matérialité utile aux surréalistes parce qu’ils « cherchent dans le proverbe ce qu’ils pensent atteindre avec l’écriture automatique ; une parole objectivée qui porte intacte la marque du sujet. (p. 167)

9E. Rentzou souligne d’ailleurs judicieusement que dès lors que l’objet surréaliste acquiert une grande place dans les créations des membres du groupe de Breton, le proverbe décline « comme si le premier avait rempli les fonctions du second dans un système sémiotique autre que celui du langage » (p. 167). S’arrêtant particulièrement sur la revue Proverbe et le recueil 152 Proverbes, elle s’appuie sur les analyses de Jacqueline Chénieux-Gendron2 afin de montrer que les proverbes participent de l’élaboration du mythique, «établi[ssant] une série de normes surréalistes qui garantissent une certaine régularité contre l’aléatoire » (p. 168). Au bout du compte, les proverbes sont d’autant plus essentiels aux surréalistes que c’est le mythe même de l’écriture qu’élaborent le travail linguistique et le processus d’appropriation indispensables aux créations proverbiales. Aussi E. Rentzou revient-elle sur la présence des proverbes dès le Manifeste de 1924, avant de plus longuement considérer la place de cette forme en 1930, dans L’Immaculée Conception. Au fil d’une élégante analyse du célèbre texte d’Eluard et Breton, elle conclue que

ce que les Manifestes affirment dans un registre théorique et polémique, L’Immaculée Conception le réalise à travers la pratique poétique. Le côté normatif et pragmatique d’un manifeste est ainsi intériorisé dans les traits génériques du proverbe. (p. 180)

10S’appropriant une forme populaire, les surréalistes sont de fait parvenus à si bien la subvertir, que l’idée même du statut novateur de tout « littéraire » est remise en question. « [H]iatus entre familiarité et radicalisme », produits et symptômes du folklore et de l’identité nationale grecque, les chansons populaires, très présentes dans la tradition littéraire du pays, eurent une importance semblable à celle des proverbes pour les surréalistes français (p. 183). Étant donné que le lyrisme de ces chansons populaires suppose un recours à l’image — dont est rappelée l’importance « explosive » pour les surréalistes —, la forme est facilement adoptée par les poètes grecs. Ainsi est-ce le cas avec Amorgos que Nikos Gatsos publia en 1943 et que Rentzou étudie, soulignant le jeu des images ainsi que la facette « performative », liée « à une tradition orale vivante » de l’ensemble (p. 196). Dans Bolivar de Nikos Engonopoulos, qui date de la même période, le « rituel performatif » est si prégnant que la textualité y acquiert « une qualité d’événement » :

[d]e la tradition orale folklorique, Engonopoulos semble garder son noyau dur qu’est la légende, le mythe, et le transforme en élément de la surréalité. (p. 201)

11Or ce mythe ne serait autre qu’une ouverture du surréalisme vers l’universel, de l’individuel vers le collectif et du sujet vers l’objet. C’est-à-dire qu’en reprenant les formes d’un folklore nationaliste, les surréalistes grecs sont parvenus à une sorte de décentralisation sinon d’internationalisation.

12Dans le second chapitre de la deuxième partie de son ouvrage, E. Rentzou interroge le paradoxe surréaliste d’une « littérature » rejetée au profit de la poésie :

La poésie se distingue comme concrétisation d’une proposition littéraire surréaliste, comme cristallisation d’une attitude anti-littéraire, comme terrain de réalisation de l’a-généricité souhaitée […] (p. 205)

13Parce qu’il permet d’évoquer les particularités d’un poème surréaliste, L’Immaculée Conception3 est de nouveau au cœur de l’analyse. Afin de mieux saisir la place de la « simulation » dans un tel texte, et se demandant si elle ne serait pas une réponse possible à la mimésis, E. Rentzou revient sur une des propositions de Gilles Deleuze4 pour mieux montrer que « la simulation nie ces concepts, et sape la distinction entre original et reproduction, entre vérité et illusion, entre essence et apparence » (p. 218). L’idée que les surréalistes remettent en jeu le concept de mimésis en ce qu’il supposait de volonté de vérité et d’authenticité représentative est un des fils directeurs tacites de l’ouvrage d’E. Rentzou dans son ensemble. C’est le paradigme de la simulation, en ses différences et discontinuités, sa facilité également à déjouer les concepts de sujet et d’objet qui définit le mieux l’objet littéraire surréaliste — qu’il soit français ou grec. Dans Amorgos, sur lequel revient également l’auteur, tout l’intertexte, ponctué de références et d’allusions, permet au poème de Gatsos de ne pas dissimuler son statut de simulacre : « [il] apparaît ainsi comme un carrefour de textes et de traditions, débordant de références et de citations qui ont aussi une fonction méta-poétique. » (p. 243) Amorgos, dans la racine duquel se dissimule une collection, constitue selon E. Rentzou « un compendium de styles, une encyclopédie d’écriture, une anthologie réussie de modes nouveaux pour chanter, pour écrire » (p. 250). Poème moderniste autant que surréaliste, où le mythe de l’écriture est de nouveau essentiel, il serait avant tout une manière lyrique de restaurer « la foi en la poésie » (p. 251).

14C’est sous le titre « Surréalisme et rhétorique » qu’est annoncée la troisième et dernière partie du livre d’E. Rentzou, placée sous le signe d’Eros, et qui propose l’analyse de trois textes surréalistes d’Embiricos, de Breton et de Bataille, pour y retrouver trace d’une certaine rhétorique. Rentzou y rappelle que le surréalisme demeure avant tout « une adresse à effet sur l’autre », et que ce geste est déchiffrable grâce à la rhétorique : « le surréalisme […] propose une rhétorique renforcée, une sur‑rhétorique, qui vise à intensifier la communication entre sujets jusqu’au degré de communion » (p. 261).  Revenant sur des textes automatiques mais aussi sur la volonté de partage que supposent les expositions surréalistes, elle évoque la fonction structurelle de l’amour pour les surréalistes. L’expérience amoureuse n’est-elle pas en effet le modèle de ce point sublime idéal cher à Breton où s’annulerait la distinction entre perception et représentation ? Ce qui s’établirait alors entre l’auteur et le lecteur d’un texte surréaliste ne serait autre que « l’érotisation du “pacte rhétorique” » :

[C]ette érotisation ne peut qu’avoir aussi des implications politiques, vu le rôle de l’amour et du désir dans la transformation du monde ; cette dimension politique est implicite dans la fonction d’une rhétorique, en tant que terrain de négociation de distance et de proximité des sujets d’une communauté. (p. 271)

15Dans le texte « Amour Amour »  écrit par Andreas Embiricos en 1939, Rentzou déchiffre ainsi une sorte d’inventio du surréalisme où l’écriture est le fruit de l’amour et où « le texte fini est le résultat de cet élan libidinal de l’auteur » (p. 287). Publié en 1937, l’Amour fou d’André Breton est relu, en ses célèbres convulsions de beauté, comme un exemple d’actio surréaliste :

[L]’annulation de toute barrière entre perceptions et représentation, que la beauté convulsive assume, trouve de cette façon sa voie privilégiée dans le trouble éprouvé, trouble immanent à la convulsivité de la beauté et à la convulsivité de sa réception. (p. 301)

16Étant donné que le texte surréaliste suppose qu’au frisson de l’émetteur corresponde un véritable trouble d’excitation du récepteur, E. Rentzou souligne la parenté entre la littérature érotique et le surréalisme (p. 302). Évoquant, via la figure de Théodore Adorno, cette facette possiblement pornographique du surréalisme — et plus particulièrement le lien entre les collages et la question de fétiche —, il est dommage qu’elle n’en profite pas pour reprendre le fil de la réflexion initiée dans la deuxième partie, autour d’une esthétique de la simulation et du simulacre (p. 304). Mais le plaisir du texte est bien entendu aussi dans ses failles. Parue en 1929 dans la revue Documents, l’entrée « Informe » de Georges Bataille est donc le dernier texte qu’étudie E. Rentzou — celui à qui elle confère la fonction rhétorique d’elocutio. Une brillante analyse de cet texte lui permet de préciser « le point où la conception que Bataille se fait de l’informe diverge d’avec la pratique surréaliste de l’informe » (p. 325). Tandis que Bataille comprend l’informe comme le signe de l’impossibilité de communiquer, les surréalistes en font un idéal de communication, ce qui confère au langage une capacité de signification infinie : « [l]e surréalisme résout l’impasse bataillienne en contournant l’ontologie et l’essentialisme et en se concentrant sur l’expérience, l’empirie. » (p. 328). Et c’est pourquoi le langage y est avant tout une expérimentation, érotisée, où les mots, sans cesse, feraient l’amour : « [l]’elocutio surréaliste se présente alors comme la réalisation discursive du désir érotique. » (p. 331).

17Au bout du compte, évoquant la célèbre image de cette femme « qui souffle à la première page des dictionnaires », Effie Rentzou parvient à montrer que c’est au cœur même du geste que la littérature est reprise par les surréalistes (p. 331). Elle répond donc parfaitement à un Roland Barthes, qui, dans un entretien donné le 13 mai 1975 au Quotidien de Paris, affirmait : « Ils [les surréalistes] ont, me semble-t-il, manqué le corps. C’est pourquoi il reste d’eux trop de littérature5 ». Presque quarante années plus tard, la formule de Barthes s’est en fait inversée : le surréalisme, essentiellement considéré picturalement et à l’aune de ses créations artistiques, constitue cette remise en jeu de la vie qui — toute littéraire puisse-t-elle paraître — suppose aussi un corps et de mouvants désirs.