Parutions Acta Fabula https://www.fabula.org/revue/ Dans l'ensemble des publications consacrées à la littérature, Acta fabula sepropose de recenser les essais présentant de nouveaux objets théoriques,mais aussi les ouvrages collectifs qui, relevant d'un champ disciplinaireplus étroit, recèlent de réels enjeux de poétique générale. fr contacts@fabula.org (Webmestre Fabula) 60 Copyright © Fabula contacts@fabula.org (Webmestre Fabula) acta La « métrique intellectuelle » de la prose https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18064 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18064/Le-Thyrse-de-la-prose.jpg" width="100px" /> En lisant l’essai de Sylvie Thorel, on ne peut s’empêcher de penser à ce qu’écrit dans ses cahiers, en mai-juin 1917, Paul Valéry : Trouver la formule d’un ordre. En général, le discours en prose est sans lois (par définition) – on lui donnerait des règles aussi rigoureuses qu’aux vers – rigoureux. Mais non des règles auditives – des règles de métrique intellectuelle. Règles invisibles. Alors il y aurait un travail de mise en prose. Mais cela ne s’appellerait plus prose1. Bien qu’à aucun moment Sylvie Thorel ne cite ce passage, on y trouve formulé, avec une densité et une clarté admirables, un problème auquel nombre d’écrivains des xixe et xxe siècles se sont confrontés. C’est aux réponses qu’ils lui ont données, mais au nom de la prose, en cherchant à demeurer sous l’étendard de la prose, que s’attache ici le propos, souvent nouveau et éclairant, de l’autrice. Si la question de la prose (et donc, nécessairement, du vers) ne cesse de susciter des travaux d’importance, en particulier en ce qui concerne le xixe siècle, dans lequel se joue une véritable « crise de prose2 », l’ouvrage se signale par une approche de large envergure, qui, contrairement à ce que pourrait laisser entendre le sous-titre, concerne un ample corpus. L’autrice commente en effet de manière détaillée plus d’une vingtaine d’auteurs de langues française, anglaise, allemande et espagnole, du romantisme à la fin du siècle dernier. Outre Poe, Baudelaire et Mallarmé, nommés dans le sous-titre, sont abordés par exemple Mary Shelley, Hugo, Mérimée, Hoffmann, Bertrand, Banville, Melville, L. Carroll, Rimbaud, Laforgue, Jarry, Kafka, Joyce, Gide, Cendrars, Borges, Nabokov, Beckett ou Perec. Mais, sous cette diversité apparente, nulle juxtaposition facile d’études hétérogènes. Tout le livre, bien au contraire, se développe autour d’une thèse fermement tenue, à partir de laquelle se développent de fines analyses d’œuvres majeures ou moins connues, qui, sans être soumises à une perspective unique qui les réduiraient au rang d’illustrations d’une interprétation préétablie, resserrent le propos global et ramènent, après des détours parfois inattendus, à la ligne démonstrative. Ainsi peut-on penser que le thyrse, symbole baudelairien élu en emblème d’une certaine modernité littéraire, a donné à l’essai lui-même sa forme et sa démarche. Le désastre du vers Une première partie se propose comme « Une histoire de la poésie » (p. 21-79) fondée sur la notion de forme symbolique telle que Panofsky (a Sun, 07 Apr 2024 19:02:33 +0200 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18064 acta Plutarque et Amyot : au plus près du « moment Renaissance » https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18071 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18071/guerrier_plutarque.jpg" width="100px" />La quête des glissements, des strates, des télescopages ; un horizon qui est celui de l’appropriation singulière et de la différence de culture : la perspective d’Olivier Guerrier n’est résolument pas de traquer les contre-sens des humanistes sur Plutarque. Rappelant tout d’abord que l’œuvre de Plutarque est elle-même composite, le critique n’a de cesse de montrer comment ce phénomène se trouve élevé au carré par les humanistes, à rebours d’une saisie lisse et uniforme de leur part, qui serait immédiatement perceptible à la lecture de leur traduction. Il s’agit donc pour Olivier Guerrier d’étudier tout ce qui manifeste ce travail, conscient ou non, d’appropriation singulière, et surtout, ses symptômes, en évitant toute approche axiologique qui renverrait telle ou telle traduction à une mauvaise compréhension de la pensée de l’auteur. Cette perspective, rigoureuse tout autant que porteuse, est celle, pour reprendre les mots d’Olivier Guerrier, de « l’histoire des textes et la philologie », « mises au service de la traductologie et de l’herméneutique » (p. 17). L’auteur nous invite donc à l’étude d’un Plutarque humaniste qui, au total, ne peut être autre qu’un remarquable palimpseste, tant cet auteur est édité, traduit – en latin et en langues vernaculaires, lu, commenté ; et plus encore, c’est bien la découverte du caractère profondément matriciel de l’œuvre de Plutarque pour les hommes de la Renaissance qui attend le lecteur. Du temps de Plutarque à la Renaissance Dans l’introduction, Olivier Guerrier situe un travail dont il justifie l’ampleur en rappelant l’importance de la fréquentation de la philosophie antique à la Renaissance, qu’il faut resituer dans le cadre du développement de l’imprimé ; à cet égard, il rappelle les principales évolutions du siècle, ce qui est l’occasion d’introduire un thème central, sur lequel nous aurons beaucoup à revenir : celui du christianisme, et plus précisément de la christianisation croissante des auteurs païens tout au long du siècle ; aucun philosophe n’y échappe. De façon générale, Olivier Guerrier montre bien que pour les humanistes, il y avait assurément matière à tirer profit des enseignements de Plutarque, lui pour qui le quotidien est un domaine à déchiffrer et dont la lecture s’avère au plus haut point profitable pour ce qui est de la « Philosophie active », d’après Goulart (p. 16). Le critique invite en préambule à revenir sur la généalogie de la constitution du corpus de Plutarque. Il s’intéresse à ce titre Sun, 07 Apr 2024 19:36:35 +0200 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18071 acta Écrire animal https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18067 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18067/Vago_tissage.jpg" width="100px" />Une synthèse sur l’histoire de l’écopoétique Davide Vago inscrit son ouvrage, Le Tissage du vivant, dans le mouvement écopoétique dont il retrace l’histoire dans l’introduction, de façon à la fois claire et documentée. Il rappelle comment l’ecocriticism américain, développé à partir des années 1980 dans une perspective « d’activisme culturel » (p. 15), a été adapté par les chercheurs francophones sous la forme de l’écopoétique. Alors que pour le premier, « l’analyse littéraire est […] considérée comme préliminaire à une injonction pédagogique ou éthique » (p. 15), à savoir changer son rapport à l’environnement, l’écopoétique opère un retour à « la littérarité, comme lieu d’élaboration d’une conscience littéraire de l’environnement » (p. 17). L’auteur rappelle avec raison que les modifications survenues lors de ce transfert ne tiennent pas seulement aux traditions universitaires respectives de la France et des États‑Unis mais aussi aux corpus littéraires analysés. L’ecocriticism est né dans des études d’œuvres représentant la wilderness, « ces milieux naturels non contaminés, intacts, vierges, qui s’étendent souvent sur de vastes superficies » (p. 15). Walden ou la Vie dans les bois (1854) de Henry David Thoreau ou Nature (1836) de Ralph Waldo Emerson sont des œuvres iconiques de ce mouvement. La wilderness y est conçue comme un pôle opposé à l’humanité, comme une sauvagerie irréductible1. Cette représentation est beaucoup moins présente dans la tradition littéraire européenne, à partir de laquelle s’est développée l’écopoétique. C’est pour cette raison que le belge Pierre Schoentjes, propose de substituer à la wilderness le concept d’oïkos, qui « renvoie à l’habitation d’un monde situé » (p. 9) et partagé par les différentes espèces vivantes, dont l’homme2. Dans l’oïkos, l’homme et les autres formes du vivant ne s’opposent pas radicalement mais interagissent. Plus que ces interactions, ce qu’étudie Davide Vago est la compréhension du vivant par l’humain, sous une forme spécifique : la représentation du point de vue animal dans la littérature. Or représenter le point de vue (d’un) animal nécessite de l’empathie envers l’animal, c’est‑à‑dire la projection, « le passage d’un référentiel égocentré à un référentiel allocentré » (p. 25), et donc en même temps, d’un « référentiel » anthropocentré à un « référentiel » zoocentré. On peut regretter l’imprécision fréquente des définitions données, à commencer par celle de l’empathie. Le premier chapitre constitue u Sun, 07 Apr 2024 19:07:28 +0200 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18067 acta Rencontre entre le SLAC et le comité de la revue COnTEXTES https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18047 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18047/Rene-Magritte-L-Art-de-la-conversation.jpg" width="100px" />Le Séminaire littéraire des armes de la critique (SLAC) a invité le 27 janvier 2023 les membres de la revue de sociologie de la littérature COnTEXTES à participer à une discussion sur l’histoire et le fonctionnement de la revue, comme sur les approches externalistes à la littérature. SLAC — Pouvez-vous revenir sur le contexte et les éléments qui ont mené à la création de la revue COnTEXTES en 2006 ? De quelle conjoncture intellectuelle et sociale la revue est-elle le produit ? COnTEXTES — COnTEXTES est une revue, mais également, au départ, un groupe de recherche informel issu de deux universités : l’Université Libre de Bruxelles et l’Université de Liège, et plus précisément de deux professeurs, Paul Aron à Bruxelles, Jean-Pierre Bertrand à Liège, qui ont inspiré toute une génération d’étudiant·e·s, devenu·e·s depuis chercheuses et chercheurs (Cécile Vanderpelen, Bibiane Fréché, Björn-Olav Dozo, Daphné de Marneffe, François Provenzano, Anthony Glinoer, Tanguy Habrand, Frédéric Claisse, etc.). Avant cette génération, le contexte était largement dominé, d’une part, par l’histoire de la littérature, d’autre part, par une tradition plus philologique, textualiste. À la faveur de certaines lectures et de certains cours de sociologie de la littérature accessibles en option dans les deux universités, ils et elles ont découvert d’autres manières d’approcher la littérature que les méthodes dominantes, et ont organisé un séminaire informel où ils et elles se retrouvaient pour parler de leurs lectures ainsi que de leurs travaux de mémoires de DEA1. L’enjeu était donc dans un premier temps de se retrouver, de discuter. Il s’agissait d’une sociabilité bricolée, informelle, une manière d’ouvrir des chemins de traverse pour s’aventurer dans une appréhension du littéraire qui n’allait pas de soi. En effet, l’équipe était essentiellement composée de jeunes chercheur·se·s, parmi lesquels seul Anthony Glinoer avait à l’époque défendu sa thèse. Les choses ont bien pris, les rassemblements se sont systématisés, et ils et elles ont été encouragé·e·s à formaliser cela sous la forme, d’abord, d’une journée d’études2, puis de la revue qui a paru d’emblée au format numérique — option assez démocratique et assez pratique. Le groupe de chercheur·se·s à l’origine de COnTEXTES procédait en partie du CIEL (Centre Interuniversitaire d’Études du Littéraire), coanimé par Paul Aron (ULB), d’une part, et Jean-Marie Klinkenberg et Benoît Denis (ULiège), d’autre part. Cécile Vanderpelen, Bibi Sat, 30 Mar 2024 17:44:39 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18047 acta Spectrographie pour un voyeur paranoïaque https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18053 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18053/BayardHitchcock.jpg" width="100px" />« Je n’ai pas permis à la vraisemblance de montrer sa vilaine tête1 ». Creusant un filon brillamment illustré par Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ? (2007), Pierre Bayard (se) propose d’investiguer cette fois l’un des plus célèbres thrillers d’Hitchcock : Fenêtre sur cour, une fiction cinématographique qui garde toutes les contraintes d’une dramaturgie scénique, et qui permet de croiser les engrammes de la critique policière classique et de l’analyse filmique, aussi détaillée et précise que possible. Contrairement aux autres livres que j’ai consacrés à la critique policière, celui-ci portera sur le cinéma, ce qui, sur bien des points, devrait changer la donne. (p. 18) On remarquera tout de suite le tour affirmatif donné au titre de ce nouvel essai2, contrairement aux précédents opus qui maintenaient le doute par la forme interrogative : songeons à Aurais-je été résistant ou bourreau ? (2013), ou bien encore à Qui a tué Roger Acroyd ? (1998) ; en 2021 toutefois, le titre Œdipe n’est pas coupable procédait déjà par l’affirmative. On remarquera que la plupart des titres capitulaires voyagent de façon nomade de livre en livre, comme l’illustre ici le sous-titre « Contre-enquête », déjà donné à l’un des chapitres de Qui a tué Roger Acroyd ? comme d’Œdipe n’est pas coupable3. Ces titres-transfuges (par analogie avec les « fictions transfuges » théorisées par Richard Saint-Gelais, qui ne sont pas sans rapports avec les exercices de Pierre Bayard), nous montrent au moins une chose : le caractère auto-commentatif et auto-citatif de ces ouvrages, qui s’amusent à déterritorialiser les grands classiques du polar et de l’énigme, en en proposant — sans trop y croire, mais en est-on bien sûr ? — des exégèses alternatives auxquelles l’auteur ne nous demande nullement d’adhérer, mais qui, par leur habileté et leur ébouriffante fantaisie déguisés en un sérieux immarcescible, nous plongent dans un jubilatoire What if ? « Qu’est-ce qu’un délire » ? Lecture non pas intrinsèquement folle mais sans doute traversée par moment comme les grands délires systématisés par une fêlure invisible. Entreprendre d’édifier un délire présente en tous cas un avantage : permettre de réfléchir autrement sur la nature ou sur les fondements d’une lecture vraie4. Comme tous les volumes de Pierre Bayard, ce livre est charpenté de façon très pédagogique5, puisque les quatre grandes parties sont elles-mêmes subdivisées en quatre sous parties (c’est le cas d’à peu près toutes les enquêt Sat, 30 Mar 2024 20:12:50 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18053 acta Questions à l’équipe de la revue COnTEXTES https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18052 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18052/magritte-mostra-milano-tiziana-leopizzi-min.jpg" width="100px" />Carla Robison — L’appellation « sociologie de la littérature » affichée sur le site de COnTEXTES me laissait toujours un peu perplexe parce que je suis encore dans une manière de voir très franco-française ; pour moi la sociologie de la littérature telle qu’elle est représentée en France est une approche externaliste. Comprendre cette tradition belge ou liégeoise qui mélange l’approche internaliste et l’approche externaliste est très éclairant. Vous n’avez pas mentionné la sociopoétique d’Alain Montandon. Comment est-ce que vous vous situez en fait par rapport à cette approche ? À propos des différentes traditions d’administration de la preuve, la méthodologie de l’approche internaliste se limite-t-elle à la citation comme vous l’avez dit ? Je pense aux protocoles que propose Alain Montandon dans son article sur la sociopoétique dans la revue éponyme1.  Valérie Stienon — Il m’a semblé adéquat de sous-titrer ma thèse Sociopoétique d’un genre panoramique2, et c’était avant même l’existence de la revue Sociopoétique. Chez certain·e·s autres chercheur·se·s aussi, comme dans l’étude de David Vrydaghs sur Henri Michaux, l’idée était vraiment d’étudier des formes dans l’espace des possibles et en particulier de plus petites formes, souvent déconsidérées, en appliquant la même acuité d’analyse qu’on pouvait avoir pour le texte à la sémiose sociale. C’était une sorte de dérivé de sociocritique, mais s’appliquant à des cadres génériques, davantage formels. La preuve n’est donc pas seulement la citation, mais une forme de poétique, plus large donc que de simples citations. On n’a jamais vraiment explicité cette sociopoétique, et le terme a eu d’autres postérités, auxquelles COnTEXTES n’est pas forcément liée.  Clement Dessy — Viala employait aussi le terme de sociopoétique des œuvres pour la science des œuvres. Le terme connaît en effet une pluralité de nuances et de définitions.  Denis Saint-Amand — Jean-Pierre Bertrand, notamment dans son approche des Complaintes de Laforgue, proposait quelque chose qui dialoguait avec cette approche sociopoéticienne. Je sais qu’Alain Vaillant n’aime pas qu’il y ait du « socio » là-dedans, mais ce qui se joue à Nanterre du côté de la poétique historique des textes modernes me semble correspondre aussi, en partie, à l’approche que Valérie et David Vrydaghs développent.  Vincent Berthelier — Vous avez dit que COnTEXTES apparaît à un moment où l’on sacralisait plus la littérature dans les études littéraires qu’on ne le fait aujourd’hu Sat, 30 Mar 2024 18:11:51 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18052 acta Unclaimed Expérience/L’Expérience inappropriable. Une première traduction française d’un des ouvrages fondateurs des trauma studies https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18034 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18034/Laumier_Caruth.jpg" width="100px" /> En 2017, dans Réparer le monde, Alexandre Gefen pointait « le développement accéléré en France ces dernières années de ce que l’on appelle les trauma studies littéraires […] ces “études” culturelles [...] nées aux États-Unis1 ». Malgré ce diagnostic, nourri par l’indéniable récurrence de la question du trauma dans la littérature comme dans les études littéraires françaises, force est de constater que les travaux des trauma studies, issus en grande partie du monde anglophone, restent assez superficiellement connus en France et peu diffusés. C’est ce dont témoigne, il me semble, l’absence de traduction française des livres structurant ce champ d’étude qui s’est peu à peu constitué à partir de la fin des années 1990 et qui depuis lors n’a cessé de croître et de se reconfigurer. Il aura en effet fallu attendre septembre 2023 pour que paraisse aux Éditions Hermann une première traduction d’un des ouvrages à la fois phare et fondateur des trauma studies : Unclaimed Experience : Trauma, Narrative and History de Cathy Caruth – soit L’Expérience inappropriable. Le trauma, le récit et l’histoire – initialement publié en 1996. Dans une écriture dense, le livre présente cinq textes qui théorisent en même temps qu’ils mettent en œuvre un « nouveau mode de lecture et d’écoute » (p. 18) pensé à partir du trauma. Ces textes, pour certains publiés dès 1990 sous forme d’articles, portent sur la pensée psychanalytique, la littérature ou encore la philosophie, tout en montrant une nette préférence pour les zones de rencontre entre ces différents discours et langages. Pour rendre compte de L’Expérience inappropriable il convient de se pencher sur les propositions théoriques et les analyses de Cathy Caruth dans les années 1990 et sur la façon dont elles ont été traduites par Élise Guidoni. Mais cela suppose également de prendre en considération les écarts temporels qui travaillent le texte : liés en premier lieu à la trentaine d’années qui séparent la première publication de la traduction en français et renforcés par le fait que la version publiée chez Hermann comporte une postface de Cathy Caruth ajoutée lors de la réédition américaine d’Unclaimed Experience en 2016. Après coup À l’occasion des vingt ans de Unclaimed Experience, paraît en effet une nouvelle édition augmentée d’une postface intitulée « Addressing life : the literary voice in the theory of trauma » (« S’adresser à la vie : la voix de la littérature dans la théorie du trauma »). Ce texte semble avoir un Sun, 24 Mar 2024 10:57:22 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18034 acta Quelle(s) vérité(s) pour le roman de Proust ? Edward Bizub à contre-pied https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18030 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18030/Bizub_Proust.jpg" width="100px" />Du roman de Marcel Proust, chacun connait l’épisode de la madeleine, l’extase sensorielle du héros face à son passé retrouvé autorisant en même temps, par un habile jeu de structure, la transition entre la première et la deuxième partie de « Combray ». À l’autre extrémité d’À la recherche du temps perdu, soit plus de 3000 pages plus loin (dans l’édition de la Pléiade1), les autres phénomènes de mémoire semblent parfois faire pâle figure : bruit d’une cuiller contre une assiette, sensation du degré de raideur d’une serviette, impression de déséquilibre sur des pavés mal équarris ; les moments d’épiphanie du Temps retrouvé peinent à rivaliser dans l’esprit de nombre de lecteurs avec la pâtisserie ronde et dodue si souvent associée au nom de Proust. À tort, selon Edward Bizub, qui dans Faux pas sur les pavés, Proust controversé2 vise à déplacer le foyer de la signification de la Recherche de la madeleine à la scène des pavés, c’est-à-dire de la bouche de Marcel à ses pieds. Original, stimulant et volontiers provocateur, l’essai d’Edward Bizub est un ouvrage à thèse assumant une forte orientation positiviste. L’œuvre de Proust s’érigerait sur un « socle théorique » (p. 39) dont le romancier aurait eu conscience tôt. Il existerait dans la Recherche un message dissimulé, garant du « véritable contenu du roman » (p. 38), « pierre angulaire » (p. 41) ou encore « clé de voûte » (p. 41) de l’ensemble de l’édifice. On voit d’emblée ce qu’a d’entraînante la démarche d’Edward Bizub : pour caché qu’il soit, le message existe bel et bien. Il faut donc enquêter et rassembler les indices afin de le décrypter. Voilà légitimée la tâche du critique, qui double la figure d’un Proust en quête d’une vérité d’une méticuleuse recherche de la vérité du roman et de la vie de son auteur – la notion de vérité étant pour Bizub rarement plurielle. L’essai de Bizub s’apparente ainsi à une quête des origines. Il s’agit d’une méthode déjà éprouvée par le critique, puisqu’un premier livre portait sur la pratique de traduction de Proust de l’œuvre de John Ruskin3, tandis qu’un second avait pour objet la cure faite par Proust auprès du docteur Paul Sollier4. Faux pas sur les pavés reprend les acquis des études précédentes pour mieux les redéployer à l’intérieur de la scène où le héros trébuche sur les pavés de la cour de Guermantes, à la fois apothéose de l’œuvre et moment révélateur d’une vérité dissimulée. Quelle est cette vérité que la scène des pavés du Temps retrouvé révèlerait ? Il n’y Sun, 24 Mar 2024 10:51:50 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18030 acta Une didactique qui reste encore à dessiner https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18017 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18017/Raux_Bande_dessinée.jpg" width="100px" />S’il ne fallait donner qu’un exemple, le succès auprès des scolaires du festival international d’Angoulême témoigne de la fortune de la bande dessinée auprès des enseignants de français. Peut-on pour autant parler d’un objet disciplinaire identifié et surtout maîtrisé par les professeurs ? Notre propre expérience professionnelle, la lecture des manuels comme les réactions des élèves nous permettent personnellement d’en douter. L’ouvrage d’Hélène Raux apporte de très intéressantes pistes de réflexion sur le malentendu scolaire autour de l’utilisation de ce média ambivalent. L’objet de l’autrice, qui reprend ici ses travaux de doctorat (thèse sous la direction de Brigitte Louichon et de Nicolas Rouvière, soutenue en 2019), n’est donc pas tant la bande dessinée en elle-même que « les discours et pratiques qui lui sont consacrés à l’école » (p. 10). L’introduction revient sur la polarisation du genre depuis les années 1970, entre d’un côté une bande dessinée populaire et de l’autre des romans graphiques qui paraissent plus légitimes. La bande dessinée est-elle de la littérature dessinée ? La critique est déjà revenue sur cette question propre à embarrasser le travail des enseignants. En premier lieu, il convient de renoncer à la question du rapport texte-image ainsi qu’à une grille de lecture du type linguistique, qui seraient toutes deux inopérantes. En réalité, la bande dessinée est un médium indépendant de la littérature classique, quand bien même elle reste en grande partie liée à cette littérature dans les discours officiels et officieux. Littéraire, la bande dessinée l’est du moins par la lecture livresque qu’elle demande, en opposition aux arts du spectacle. Qu’en est-il de l’objet disciplinaire ? S’il est difficile de quantifier l’utilisation de la bande dessinée par les classes, on reconnaîtra néanmoins son caractère pédagogique dans le développement de certaines compétences en lecture. À partir de ces quelques constats, Hélène Raux va apporter dans une première partie des « éclairages historico-didactiques » qui peuvent expliquer cet état des lieux, avant d’analyser avec beaucoup de finesse quelques pratiques enseignantes. Naissance d’un malentendu Ce sont les années 1970 qui voient émerger la possibilité d’une lecture scolaire autour de la bande dessinée, notamment avec la « rédaction à partir d’un support visuel », même si la méfiance semble toujours de mise pour ce médium. En découlent de nombreuses crispations entre des tenants du classicisme l Sun, 17 Mar 2024 11:40:35 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18017 acta Giraudoux, la littérature, la politique https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18011 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18011/Giraudoux_Essais.jpg" width="100px" />« Que reste-t-il de Jean Giraudoux à l’aurore — déjà bien avancée — du xxie siècle ? La question éveille encore une réaction indignée et/ou un sentiment douloureux chez un bon nombre d’amoureux de la littérature, ce qui prouverait si nécessaire que ses œuvres n’ont pas totalement disparu du paysage affectif et culturel de la France contemporaine1. » C’est en ces termes qu’Yves Landerouin commence sa préface au premier volume des Essais de Giraudoux, publié dans la Bibliothèque de littérature du xxe siècle des éditions Classiques Garnier en 2020. Deux ans plus tard, un second volume, encore plus copieux que le premier (1175 pages), rassemble la suite de ces essais, les textes critiques et politiques. Si Giraudoux reste connu et apprécié du grand public pour son œuvre dramatique, il faut reconnaître que ses romans ont aujourd’hui un lectorat des plus réduits. Les amateurs de romans se privent ainsi du plaisir que peut procurer la lecture de Combat avec l’ange, de Choix des élues ou des Aventures de Jérôme Bardini. Que dire du lectorat des essais de Giraudoux ? Curieusement, Littérature, volume publié en 1941 chez Grasset, reste cité et même réédité, d’abord dans la collection « Idées » chez Gallimard en 1967, puis dans la collection « Folio Essais » en 1994. Il prend sa place au milieu de ces essais sur la littérature, écrits par des écrivains, au même titre que les Préférences de Julien Gracq ou le Sous bénéfice d’inventaire de Marguerite Yourcenar, pour ne citer que ces deux exemples. Giraudoux entre de plein droit dans cette grande école de la critique des créateurs. Qu’en est-il des textes politiques ? Dans l’entre-deux-guerres, et surtout dans les années trente, la plupart des grands romanciers français ont publié des essais : c’est le cas de Gide, de Bernanos, de Giono. Henri Godard, à propos de Giono, a bien insisté sur les dérives auxquelles les essais pouvaient conduire ces romanciers2. Pierre Glaudes et Jean-François Louette dans leur synthèse sur l’essai s’interrogent aussi sur ces ouvrages publiés dans les années trente3. Il faut enfin rappeler que le corpus des essais de Giraudoux a fait l’objet d’un colloque à l’Université d’Aix-Marseille, organisé par Mireille Brémond, Annick Jauer et Anne-Marie Prévot. Les actes de ce colloque ont été publiés dans le numéro 44 des Cahiers Jean Giraudoux, publiés par Classiques Garnier en 2016.4 Essais littéraires La première partie de ce second tome, soit environ la moitié du livre, regroupe avec les deux li Sun, 17 Mar 2024 11:38:57 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18011 acta « Un chaînon qui relie un passé défini, indéfini à un avenir » https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18022 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18022/Cavallaro_Aragon.jpg" width="100px" />Dans la collection « Études de style », placée par l’éditeur bordelais Le Bord de l’eau sous le signe du travail de Leo Spitzer, Adrien Cavallaro propose une lecture de « Poème à crier dans les ruines », un texte de cent trente-deux vers, l’avant-dernier du recueil d’Aragon, La Grande Gaîté, paru à la Librairie Gallimard en 1929, avec deux dessins d’Yves Tanguy1. Ce volume poétique, demeuré longtemps oublié2, avait récemment reparu aux éditions Hermann, avec une préface de Bernard Vasseur et des dessins de Charles Leval, dit Levalet, à l’occasion d’une exposition consacrée à La Grande Gaîté organisée par La Maison Elsa Triolet-Aragon du 26 mai au 9 septembre 2018, avant d’être repris dans la collection « Poésie », chez Gallimard, avec une préface de Marie-Thérèse Eychart, en 2019. La critique aragonienne avait également longtemps négligé ce recueil comme le rappelait Michel Murat3 : « Quand je me suis intéressé à La Grande Gaîté, il y a quinze ans, je n’ai trouvé devant moi que le livre d’Olivier Barbarant4 ». Dans ce contexte, le travail d’Adrien Cavallaro – maître de conférences en langue et littérature françaises à l’université Grenoble Alpes, spécialiste de la poésie des xixe et xxe siècles5 – est particulièrement bienvenu. De plus, la référence à Spitzer qui guide le principe de la collection peut faire écho aux récents travaux qui permettent de mieux saisir les démarches du stylisticien6. La méthode adoptée par Adrien Cavallaro consiste donc à : « chercher dans les fragments ou extraits tirés des œuvres littéraires, les éléments caractéristiques de ces œuvres », selon les termes de Spitzer, lors d’une conférence prononcée à l’Université d’Istanbul en 1933, lorsqu’il a fui l’Allemagne nazie7. Saisir des dominantes stylistiques implique alors de passer du détail à l’ensemble et de revenir au détail, selon un principe issu de la circularité herméneutique de Friedrich Schleiermacher (1768-1834)8. Aragon et Nancy Cunard : « une femme très singulière, grande, mince, un roseau pliant9 » Les huit sections qui composent l’ouvrage permettent ainsi de saisir, à partir du « Poème à crier dans les ruines », les circonstances de la création et les enjeux d’un recueil « purement surréaliste10 » – composé en 1927‑1928. Je rappellerai que l’auteur d’Une vague de rêves (1924)11 collabore alors régulièrement à La Révolution surréaliste, revue créée en décembre 1924. En décembre 1926, huit surréalistes ont adhéré au PC, ce que font Breton et Aragon le 6 janvier 1927 ; Sun, 17 Mar 2024 11:49:00 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18022 acta S’affranchir du temps des horloges, le chronos au xixe siècle https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18002 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18002/Kohnen_Chronomania.jpg" width="100px" />Nombreuses sont les études sur le temps, car (le) c(C)hronos1 fascine et le maîtriser est un rêve devenu manie pour les écrivains (« l’omniprésence [du temps] nous hante », lit-on à la page 49). Que l’on veuille saisir ce Tempus fugit virgilien ou cette moderne uchronie (Charles Renouvier – 1857, p. 17, p. 220 à propos du personnage Des Esseintes de Huysmans), la littérature n’a eu de cesse d’en parler et de vouloir le figer par le truchement des mots. C’est cette fascination absolue que Myriam Kohnen veut discuter à travers son enquête qu’elle intitule judicieusement : Chronomania. Littérature et pensée du Temps au xixe siècle, publiée aux éditions Peter Lang, en 2023. L’ouvrage est quadripartite (avec en sus trois annexes dont deux textes de Malot et un de Victor Bois) et a pour ambition de plonger les lecteurs dans un vaste xixe siècle, des premiers romantiques aux écrivains fin-de-siècle. L’idée de l’ouvrage est de montrer en quoi cette période, marquée par d’innombrables transformations sociales et technologiques, a entraîné un nouveau rapport non seulement au temps mais aussi à l’histoire, qui en est le corollaire. Ce temps qui est d’abord présenté comme un grignoteur de jours, comme un danger ou une perte, une obsession chez « les hommes de lettres » qui tentent de mieux le comprendre. Si certains d’entre eux le perçoivent comme une marque optimiste visible à travers les progrès (on se situe plutôt au début du siècle), d’autres, plus pessimistes, imaginent une fin moins réjouissante, annonciatrice d’« une fin des temps », d’un temps d’apocalypse et de destruction — à l’aube d’un sombre xxe siècle, voire de notre xxie siècle. Cependant, tous semblent se rejoindre sur un point : la nécessité de trouver un hors-temps, une forme d’échappatoire pour déconstruire le temps réel. La première partie, intitulée « Nouveaux genres, nouveaux cadrages », démontre que la littérature cherche par de nombreux cadrages et formes génériques à se saisir du temps (en particulier le récit et la poésie). Ainsi les écrivains charpentent-ils leurs œuvres à l’aide d’un temps personnel et d’un temps universel ou collectif (Paul Ricoeur, p. 55), qui s’entrecroisent par impressions, cycles (p. 97) ou même zigzags (p. 88), car pour eux le temps se difracte et se fractionne. En le saisissant à leur manière, surgit une esthétique impressionniste fondée sur le hasard. Les moments de crises personnels (la perte d’un animal chez Zola, p. 78, le dimanche chez Vallès, p. 79) sont eux au Sun, 10 Mar 2024 09:56:40 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18002 acta « Le pire n’est jamais décevant » : à propos des fictions du Near Chaos dans la littérature française contemporaine https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18008 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18008/Bréan Bridet Near Chaos.jpg" width="100px" />« Le pire n’est jamais décevant » : dans Hommes, femmes : mode d’emploi de Claude Lelouch (1996), c’est par cette formule lapidaire que l’éminent professeur Lerner (joué par Pierre Arditi) conclut son entretien avec un patient auquel il vient de faire subir une endoscopie gastrique. Si elle échoue à rassurer l’inspecteur de police angoissé qu’incarne à l’écran Fabrice Luchini, cette déclaration en forme de vérité générale pourrait constituer un diagnostic littéraire d’une remarquable pertinence : parcourant un ample corpus composé d’une « cinquantaine de romans parus, sauf exception, depuis le début des années 2010 », Simon Bréan et Guillaume Bridet donnent corps à « un genre littéraire émergent » (p. 7), dont l’objectif serait de « nous préparer au pire », en décrivant des sociétés balayées par « une crise multifactorielle qui est en fait davantage qu’une simple crise : la manifestation de contradictions structurelles et irrémédiables » (p. 46). Au spectre d’une catastrophe naturelle ou technologique (pandémie mortelle, crise climatique ou accident nucléaire) s’ajoutent ainsi en rafales successives le risque d’attrition des ressources, le crash économique et l’effondrement du modèle capitaliste, la cristallisation des crispations identitaires et l’exacerbation de la conflictualité sociale, au point d’aboutir à des situations de guerre civile ou à l’instauration de régimes autoritaires prompts à faire fi des droits des citoyens. L’essai s’emploie à montrer combien ces quelques ingrédients récurrents, dont l’agencement varie en fonction des auteurs, contribuent à la peinture d’un monde au bord du gouffre : « nous ne vivons plus dans une époque mais dans un délai » note le narrateur de L’Homme qui brûle d’Alban Lefranc (cité p. 66), avant d’ajouter, dans un tout autre registre : « nous sommes ce qui reste encore, les quelques mètres que les personnages de Tex Avery continuent de courir au-dessus du vide » (cité p. 81). Assimilée dans les pages de conclusion à l’un des « ensembles générationnels » étudiés par Franco Moretti1, la fiction du Near chaos semble avoir encore de beaux jours devant elle : sa fortune actuelle est telle qu’un post-scriptum vient signaler au lecteur de nouvelles extensions du corpus dans des romans parus en 2022 et 2023. Le pire serait donc devenu une recette littéraire fructueuse et une garantie de succès : aux sirènes des feel-good books, contre lesquels met en garde la sociologue Eva Illouz2, aurait succédé en France une vague rival Sun, 10 Mar 2024 10:40:28 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18008 acta La tolérance ou « ces hypothèses qui nous libèrent » https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=17974 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/17974/Bayle_Paganini.jpg" width="100px" />Connu pour les Pensées diverses sur la comète1, Pierre Bayle est un philosophe, fils de pasteur, né en 1647 en Ariège et mort en 1706. Dans son œuvre, Bayle vise à démystifier la crédulité humaine ainsi que les « vérités » théologiques fondées sur la Révélation. L’un de ses ouvrages, le Dictionnaire historique et critique, publié en 1697, préfigure le mouvement opéré par le siècle des Lumières. Dans De Bayle à Hume, tolérance, hypothèses, systèmes, Gianni Paganini montre que Bayle examine les fondements et les implications des doctrines philosophiques jusqu’à aboutir à une forme de scepticisme, scepticisme qui n’a cependant rien de radical ou de « pyrrhonien ». Bayle considère en effet la raison sceptique comme une pratique du jugement « critique », comme une analyse de tous les dogmatismes, et en aucun cas comme une raison finissant par s’auto-détruire. En bref, le sceptique n’est pas étranger au rationalisme, et il est même possédé par une dynamis, habileté consistant à comparer les arguments et non pas à les faire disparaître. Contre toute attente, c’est au Livre biblique de Job que l’auteur fait référence pour présenter Bayle. Le Livre de Job, en effet, donne l’occasion de déplacer le récit biblique sur le terrain philosophique, de Saint-Augustin à Saint-Thomas d’Aquin, déplacement opéré sous d’autres auspices par la scolastique juive à travers le Guide des égarés de Maïmonide (1138‑1204), texte commenté par Bayle. Conte mythique pour Spinoza (ce qui signe l’audace du philosophe hollandais) mais figure philosophique pour Hobbes, le Livre de Job a aussi inspiré Bodin (1529‑1596) et Grotius (1583‑1618). Or de quoi est-il question dans les analyses évoquées sinon du problème du mal, problème qui constitue le plus grand scandale que le « gouvernement divin » ait eu à traiter ? Existe-t-il plus de mal que de bien demande Bayle (à l’instar de Leibniz) à l’article « Xénophanes » du Dictionnaire ? La toute-puissance divine est-elle compatible avec la liberté humaine, interrogation posée par Leibniz en référence à Job ? En critiquant sévèrement Jurieu2 et sa théologie, Bayle n’en reconnaît pas moins qu’il pourrait exister une « volonté cachée » de Dieu, à savoir la propension à couvrir le péché, en d’autres termes à être l’auteur même du péché, idée scandaleuse et inadmissible. Le Dieu de Leibniz n’est pas dépourvu non plus d’ambiguïté puisqu’il suppose que les décrets divins englobent d’ores et déjà (volonté antécédente) trahison et péchés à venir (Adam, Judas Sun, 03 Mar 2024 09:38:03 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=17974 acta Une histoire des rois de Norvège https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=17990 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/17990/Norvège_Snorri.jpg" width="100px" />Le présent ouvrage est le deuxième tome de la traduction en français de l’Histoire des rois de Norvège, ou « Heimskringla » en langue originale, par François-Xavier Dillmann. Cette compilation de seize sagas, composée autour de 1230, est traditionnellement attribuée à l’auteur islandais Snorri Sturluson (1179‑1241). La recherche dans le domaine des études médiévales scandinaves divise traditionnellement cette œuvre en trois parties : la première qui comprend les six premières sagas de la compilation, la seconde composée uniquement de la Saga de saint Olaf, et la troisième composée des neuf dernières sagas et qui s’achève sur la Saga Magnús Erlingsson. La traduction de Dillmann, dont le premier tome est paru en 2000, respecte fidèlement cette division et le second tome est donc exclusivement consacré à la Saga de saint Olaf. Cette saga est la plus importante de la compilation tant par sa taille que par son sujet : saint Óláfr est le saint patron de la Norvège et sa biographie représente le cœur de l’œuvre de Snorri. En plus de la traduction, longue de 381 pages, l’ouvrage de Dillmann comprend une introduction de 64 pages, une note sur la traduction de 11 pages, et un exceptionnel appareil critique composé de 649 pages de notes et 116 pages d’appendices (une section sur les manuscrits et les éditions, des généalogies, des cartes, des illustrations en couleurs, ainsi qu’une bibliographie et un index). Dans la première partie de son introduction Dillmann revient sur les sources de la saga, parmi lesquelles il identifie l’Histoire du roi Olaf le Saint de l’auteur islandais Styrmir le Savant, († 1245), l’Orkneyinga saga, la Færeyinga saga ainsi que des poèmes composés du vivant du roi Olaf le Saint, et transmis oralement jusqu’à l’époque de Snorri. Dans son introduction Dillmann prend clairement le parti de considérer la Saga de saint Olaf comme une source historique. Dillmann rejette les conclusions de l’école hypercritique selon laquelle la grande majorité de l’œuvre de Snorri ne serait qu’une pure invention littéraire. L’auteur argumente bien son propos et analyse avec précision l’emploi que fait Snorri de ses sources, en particulier les strophes poétiques parfois composées par des poètes témoins des évènements relatés. En cela l’analyse de Dillmann rejoint l’historiographie moderne qui ne prête guère plus de crédit aux thèses hypercritiques. Cela dit, si Snorri essaye généralement de s’appuyer sur des sources, et s’il fait souvent preuve de rigueur et d’acui Sun, 03 Mar 2024 09:38:59 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=17990