Fabula-LhT
ISSN 2100-0689

Présentation
Fabula-LhT n° 19
Les Conditions du théâtre : le théâtralisable et le théâtralisé
Romain Bionda

Le théâtralisable et le théâtralisé : présentation des contributions

The Theatricalizable and the Theatricalized: Presentation of the Contributions

1 Le projet sur Les Conditions du théâtre, présenté par l’« avant-propos » qui précède1, trouve son aboutissement dans la publication simultanée de trois numéros de revues2. Les lignes ci-dessous sont consacrées à la présentation des dix contributions au présent sommaire du n° 19 de Fabula-LhT sur le théâtralisable et le théâtralisé.

Le théâtralisable et le théâtralisé

2L’appel à contributions de juillet 2015 affichait un but :

L’ambition du présent volume de Fabula-LhT est de réfléchir aux conditions du théâtre en s’émancipant des notions de « possible » et de « représentable », au bénéfice d’un autre concept dont la théorisation reste à entreprendre : le théâtralisable.

3Cet « autre concept », qui n’a pas été inventé pour l’occasion, devait former avec le théâtralisé « un couple de notions susceptible de déposer les présupposés ontologiques de la notion de “Théâtralité” (ou d’“essence du théâtre”)3. » Ici comme ailleurs, la théorisation n’est pas ennemie de l’historicisation — et réciproquement. On pose même que, malgré des différences qu’il ne s’agit pas de nier, le défaut d’historicisation nuit à la théorie comme le défaut de théorisation nuit à l’histoire4. C’est donc ainsi, dans une interaction constante entre ces deux pôles, que les concepts de « théâtralisable » et de « théâtralisé » ont été réfléchis, discutés, partagés et employés — numéro d’équilibriste que le caractère transhistorique du numéro invitait à tenter.

4 Ce couple de notions est examiné ensemble dans les premières parties du sommaire. La première partie intitulée « Idée, image et désir de théâtre » réfléchit à l’interaction entre les différents plans de réalité sur lesquels existent les conditions du théâtre : c’était le cas de l’introduction au colloque (sous la forme d’une « proposition ») et de l’article de Floriane Toussaint (la mise en scène des romans de Dostoïevski en France depuis le début du xxe siècle). La réflexion est prolongée dans la partie intitulée « Théâtralisable <-> Théâtralisé », qui intègre plus avant la question de la pratique théâtrale avec Matthieu Protin (la réécriture par Beckett des dialogues d’En attendant Godot au gré des mises en scène) et Marie Astier (le handicap dans le théâtre français depuis les années 1980). La troisième partie, nommée « Quand le théâtralisé n’est pas théâtralisable », présente deux objets qui, bien que théâtralisés dans certains contextes, ne sont pas reconnus comme étant adéquats aux scènes les plus habituelles. Ils sont analysés par Barbara Selmeci Castioni (les saints sur la scène du xviie siècle) et Valentina Ponzetto (les proverbes dramatiques des xviiie et xixe siècles). « Le théâtralisable comme outil d’historicisation du théâtre » explore ensuite la manière dont le théâtralisable peut aider à caractériser un certain théâtre, à l’échelle d’une époque et d’une zone géographique comme le propose Florence Dupont (le théâtre dans l’Antiquité grecque et romaine) ou à l’échelle d’un individu, en l’occurrence représentatif d’une certaine manière de penser le théâtre et ses effets, comme le propose Vanessa de Senarclens (le théâtre selon Pierre Brumoy, traducteur d’Eschyle). Dans la partie « Théâtralisables contemporains », Benjamin Wihstutz (Disabled Theater et Gala de Jérôme Bel) et Didier Plassard (le « réel » au théâtre au xxe siècle) réfléchissent enfin à la manière dont le théâtre, bien que déplacé, continue d’assurer quelques-unes des fonctions qui lui sont traditionnellement associées en termes esthétiques et politiques.

Idée, image et désir de théâtre

5 Le premier article, intitulé « Le théâtralisable : une proposition », qui est la version écrite de l’introduction au colloque lausannois d’avril 2017, entend proposer une « boîte à outils » nécessairement généralisante. À partir d’une expérience de pensée qui prend appui sur une lecture de Voyage à travers l’impossible de Jules Verne, il peut apparaître que les conditions du théâtre existent non seulement comme des réalités qui conditionnent une pratique, mais encore comme des représentations : comme idée (comme théâtralité), comme image (comme théâtralisé), et comme désir. Si l’on se demande comment un objet (texte, image, événement, etc.) peut être adapté au théâtre (ou s’il y est « possible », « jouable » ou « représentable »), on procède à un moment ou à un autre de la réflexion à une évaluation plus ou moins complète, concrète et informée de l’adéquation de cet objet à ces conditions du théâtre telles que décrites ci-dessus, dans un aller-retour entre ces divers plans de réalité qui s’avère très vite complexe. Pour décrire cette adéquation et tenter d’y voir plus clair, il paraît utile de mobiliser et de redéfinir un terme utilisé depuis le xixe siècle au moins : théâtralisable. Sa réélaboration, qui exclut d’emblée toute essentialisation, permet peut-être de se passer d’une définition du « théâtre » tout en en parlant. Elle invite surtout à penser les rapports d’adéquation au théâtre en termes de possibilité et d’intérêt (ils s’opposent parfois). On s’aperçoit que les situations sont multiples et complexes : s’il semble évident que seule une partie du théâtralisable est théâtralisée, on remarque aussi (dans un paradoxe qui n’est qu’apparent) qu’une partie de ce qu’on peut nommer le théâtralisé n’est pas théâtralisable. En s’écartant des notions de « jouable » et de « représentable » sans les remplacer, le terme aide peut-être à expliquer comment et pourquoi les objets injouables et irreprésentables, tout en le restant, peuvent s’avérer théâtralisables — et théâtralisés : de fait, leur présence sur la scène « de théâtre » est incessante.

6Parallèlement à cette réflexion, Floriane Toussaint livre une étude qui met en évidence le fait que le théâtralisable varie selon les époques et aussi les individus, au gré d’une idée et d’une image du théâtre — mais aussi d’un désir. En effet, si les œuvres de Dostoïevski sont théâtralisées tout au long du xxe siècle et estimées par beaucoup comme étant particulièrement théâtralisables, ce n’est pas pour les mêmes raisons — et inutile de dire qu’elles ne sont pas théâtralisées de la même manière. Passant rapidement sur les questions déjà bien étudiées qui ont trait à la dramatisation des romans (sur ce qu’elle appelle « l’approche poétique »), F. Toussaint livre une réflexion sur le théâtralisable tel qu’on peut le reconstruire à partir de trois mises en scène, qui sont trois exemples du « rapport pluriel » à Dostoïevski, mais aussi au théâtre. C’est par une attention portée au « double mouvement » allant « du roman vers la scène et de la scène vers le roman » que F. Toussaint peut conclure que « ce qu[e les metteurs en scène] considèrent comme théâtralisable dans [l]es romans [de Dostoïevski] est indissociable du déplacement qu’ils recherchent avec lui5 ». L’adaptation, plus qu’un mouvement linéaire devant mener du non théâtral au théâtral, apparaît dès lors comme un mouvement circulaire, travaillant la théâtralité de l’intérieur.

Théâtralisable <-> Théâtralisé

7 Ce mouvement circulaire dont procède la théâtralisation est décrit dans ce chapitre par Matthieu Protin qui, dans son étude des dialogues d’En attendant Godot, est attentif à décrire comment leur réécriture au fil du temps est « lié[e] à la confrontation incessante de ce que Beckett juge, à un moment, “théâtralisable”, et à ce qu’il voit, ensuite, “théâtralisé” », en fonction de l’idée du théâtre qui lui est propre, et qui évolue. En effet, si « le théâtralisable initial se déploie hors de toute considération pratique » et s’avère « peu “dramatique” par rapport aux critères aristotéliciens », l’implication de Beckett dans la création scénique infléchit son écriture : « il estompe les caractéristiques “romanesques” des dialogues », dans un « accommodement progressif des dialogues au théâtre en tant que scène, sur laquelle des corps se déplacent et où des voix résonnent. » M. Protin peut ainsi faire l’hypothèse que « l’écriture n’a plus pour horizon une idée de théâtre, mais un lieu : la scène. » La saisie de « l’interaction du théâtralisé et du théâtralisable, pour ne pas occulter la dynamique qui gouverne ces réécritures, de mise en scène en mise en scène », doit nous « rappelle[r] que le théâtre est à la fois ce que l’on en fait, ce que l’on en pense, et ce que l’on en désire faire ». De ce point de vue, il est probable que Beckett « a considérablement élargi la conception que l’on pouvait se faire du théâtralisable6. »

8 C’est à une conclusion similaire qu’arrive Marie Astier au sujet du handicap mental, qui a pu « bouleverser » les « représentations » de ce qu’on peut considérer comme du théâtre. En réfléchissant à « l’histoire des liens entre ce qui est devenu le “théâtre” d’une part, et le “handicap mental” de l’autre », M. Astier conclut que « le handicap présente désormais une valeur sur le plan artistique ». À ce titre, « la pratique théâtrale de comédien·ne·s en situation de handicap mental aurait toute sa place dans des ouvrages consacrés à l’histoire du théâtre » surtout s’il s’agit de rendre compte des « bouleversements et [des] ruptures majeures survenues dans le champ de l’art dramatique depuis les cinquante dernières années. » Pour M. Astier, la professionnalisation des compagnies incluant des comédiens en situation de handicap, qui pendant longtemps n’avaient accès qu’au théâtre amateur ou à un théâtre à visée thérapeutique, témoignerait en effet d’une « sorti[e] du paradigme du “drame absolu” », qui toutefois n’est pas accomplie dans l’idée de tout le monde — comme peut en témoigner la critique qui en certaines occasions, « implicitement, consid[ère] que le handicap mental n’est pas vraiment théâtralisable, même s’il a bel et bien été théâtralisé…7 »

Quand le théâtralisé n’est pas théâtralisable

9 C’est ce dernier paradoxe apparent qu’affronte Barbara Selmeci Castioni à propos du saint qui, au xviie siècle, s’avère « idéalement théâtralisable, opiniâtrement théâtralisé, et pourtant constamment critiqué » en dehors du « théâtre de collège », car il ne cesse de « dé[cevoir] dramaturges et publics de l’époque ». Cette « figure “à haut potentiel” théâtralisable » pour des raisons « religieuses, spirituelles, morales, culturelles, politiques et esthétiques », s’avère peu dramatique (Pierre Corneille le remarque) en raison des « vertus » qu’il est censé « incarner ». Selon B. Selmeci Castioni, « ces hiatus » sont aussi en rapport avec le « l’image visuelle du saint », à la fois « historique […] et allégorique », dont la « triple fonction » « mémorielle, instructive et émotionnelle » n’est peut-être plus garantie dès lors qu’un comédien le figure sur une scène : « l’incarnation théâtrale du saint fait échec aux multiples tentatives pour théâtraliser son image. » À la suite de l’étude de trois pièces, toutes mises en livre, qui paraissent recourir à trois stratégies différentes pour mettre en scène une figure qui encourt sans cesse le risque d’être rendue « méconnaissable » sur scène, B. Selmeci Castioni revient en fin d’article sur la récente mise en scène de Polyeucte par Brigitte Jaques-Wajeman (c’était aussi son point de départ) qui peut sembler « laisse[r] penser » que « les vies de saints sont [devenues] théâtralisables » dans le cadre d’un nouveau « théâtre de martyres ». Or « le devenir de l’image du saint, hier comme aujourd’hui, […] semble orienter de manière décisive les conditions de possibilité et d’intérêt de ce théâtre ». En effet, que faut-il en penser ? B. Selmeci Castioni se contente d’ouvrir la discussion : « c’est au spectateur qu’il incombe de ne pas se laisser aveugler8. »

10Ouvrir les yeux, le spectateur des pièces analysées par Valentina Ponzetto le voudrait bien, sans doute — mais encore faudrait-il qu’il ait pu assister aux représentations de L’Esprit des mœurs au xviiie siècle ou la Petite Maison ou, plus explicite dans son titre, de La Matinée libertine, ou les moments bien employés. Plus sérieusement, V. Ponzetto constate que le genre du proverbe dramatique accueille, à cheval entre les xviiie et xixe siècles, nombre d’éléments généralement exclus du « panorama théâtral », qui concernent des niveaux aussi divers que « les objets représentés, mais également le ton, le style, le format de la pièce, la mimesis, la vraisemblance ». À la faveur de nombreux exemples qui contreviennent à la pudeur, menacent de subvertir les pouvoirs politiques et religieux en place ou relèvent de « choix esthétiques trop à l’encontre des goûts du public », V. Ponzetto donne un aperçu de ce qu’a pu produire le genre du « proverbe dramatique » pendant plus d’un siècle. Qu’il soit « à lire » ou « de société », ce théâtre « offre un accès au théâtre à tous ces objets problématiques » et, en cela, « a sans doute aidé, par ses voies détournées et discrètes, à repousser les limites du théâtralisable9. »

Le théâtralisable comme outil d’historicisation du théâtre

11 Comme les deux contributions précédentes le montrent, la question du théâtralisable peut aider à saisir un « panorama théâtral » et par là à historiciser le théâtre. Florence Dupont s’y emploie à propos de l’Antiquité grecque et romaine. En s’intéressant à « l’événement spectaculaire (tragédie, comédie, etc.) dans sa singularité rituelle », elle se demande « quels sont les textes — musicaux et verbaux — qui permettent de [la] réaliser », et « quels sont ceux qui auraient échoué à le faire ? » On remarque que l’absence d’une « institution sociale et culturelle » qui s’appellerait « théâtre » dans l’Antiquité n’empêche pas, sans se poser la question de sa définition (pour F. Dupont, si « la catégorie de théâtre est pratique », « en tant que chercheurs nous devons l’abandonner très vite »), de « construire un théâtralisable », c’est-à-dire dans ce cas précis de se demander quel « but » sont censés atteindre ces performances rituelles et quel « type d’attention [elles] impliquent ». F. Dupont attire notamment notre attention sur le fait qu’« à Rome, comme en Grèce, le “théâtralisable” ne se confond […] pas avec le représentable » et que le théâtralisable antique se saisit mieux, sans doute, à partir « d’autres “théâtres” non occidentaux, comme le Nô, le Kathakali ou le Tazieh qui ne sont pas non plus des théâtres de la représentation10. »

12 C’est un tel décalage de perception qu’interroge Vanessa de Senarclens en se penchant sur la traduction et l’édition des Euménides d’Eschyle par Pierre Brumoy — non pas pour étudier le théâtre antique, mais bien pour comprendre « les préoccupations de [ce xviiie] siècle à la fois “éclairé” et “poli” » en face d’un motif qui produit des « défis interprétatifs » et semble agir chez les Modernes à la façon d’une « provocation singulière » : celui que représente « le caractère transgressif [des] furies dansantes, agressantes, et surtout, ronflantes » — à même de faire disparaître « l’espace entre “notre goût” et le “vrai goût” que Brumoy », poussé par une prudence qu’on peut qualifier d’historienne, « ne cesse [pourtant] d’arpenter ». Ce dernier essaie malgré tout de « réhabilite[r] ces personnages monstrueux dans le domaine de l’acceptable », tout comme il « tent[e] de réhabiliter le théâtre des Grecs ». Pour ce faire, il « engage une réflexion sur le goût contemporain » que V. de Senarclens propose de saisir dans le cadre des « débats à la fois historiques, poétiques et esthétiques suscités par la tragédie antique11 » qui ont eu lieu au xviiie siècle. Par l’analyse des conceptions de Brumoy, ce sont donc les dimensions complexes des représentations de toute une époque qui se font jour : le théâtre antique tel qu’on pouvait se le représenter bien sûr, mais aussi le théâtre contemporain tel qu’il semblait se présenter — ou tel qu’il aurait dû ou aurait pu être.

Théâtralisables contemporains

13 « L’idée de “jeu” ou de “danse” » telle qu’elle peut se reconfigurer aujourd’hui, Benjamin Wihstutz propose de l’interroger en étudiant Disabled Theater (2012) et Gala (2015) de Jérôme Bel. Il fait l’hypothèse que ces deux spectacles éloignent la danse et le théâtre du paradigme de la performance en « romp[an]t avec » les « exigences [qui] ont trait à un répertoire de techniques, à une capacité, à une perfection dans la représentation auxquelles les comédiens sont confrontés d’une manière toute particulière ». Mais bien plus que de simplement dénoncer l’« ideology of ability » qui traverse le théâtre, les spectacles de Jérôme Bel transforment la différence en « indifférence esthétique » qui serait susceptible de rapprocher « le savoir-faire et son envers » et participerait d’une « promesse hétéronomique de liberté et d’égalité » — « égalité esthétique » qui présenterait dès lors « également des implications sur le plan social », dans la mesure où elle serait réalisée, vérifiée in actu (Rancière).

Au moyen de la théâtralisation, Bel transforme l’imparfait, l’inachevé et le dilettantisme en art qui suspend le paradigme du savoir-faire tout en en reflétant les conditions (la présupposition de la technè).

14C’est en partie pourquoi B. Wihstutz conclut que « la disability aesthetics de Gala n’est en aucun cas liée aux corps handicapés12 ». En cela, elle ne s’opposerait pas au « régime » de l’« autonomie » et du « désintérêt » esthétiques, mais en profite.

15 Didier Plassard, enfin, rappelle qu’« il n’est pas seulement possible, aujourd’hui, de “faire théâtre de tout” ; c’est la remédiation du “faire théâtre” qui s’amenuise jusqu’à l’inframince, en tant que marquage des différences entre les événements du monde réel et leur reproduction théâtrale », si bien qu’il s’avère que « le dispositif théâtral absorbe jusqu’à la matérialité du monde. » À la faveur de très nombreux exemples de ce « mouvement continu de diversification des matériaux théâtralisés » et d’« illimitation des matériaux théâtralisables » qui traverse le xxe siècle, D. Plassard explique comment, à plusieurs occasions, les relations théâtrales et esthétiques peuvent être « profondément modifiée[s] » : il s’agit parfois d’

accepter de l’œuvre représentée qu’elle ne produise aucun surplus d’expérience ni de signification en regard de l’événement tel qu’il aurait pu être directement vécu […] — mais aussi [que] la rencontre avec l’œuvre d’art [ne soit pas] l’espace d’une intensification du sensible.

16D. Plassard s’interroge alors, et nous avec :

Annexant sans fin de nouveaux territoires, le mouvement d’expansion du théâtralisable ne conduit pas seulement à ce que le monde dans lequel nous vivons s’invite sur la scène, mais aussi à ce que la scène ne se distingue plus de ce qui l’entoure, à ce que tout cadre de scène s’abolisse. Au terme de ce processus, la représentation théâtrale risque-t-elle de laisser place à une simple présentation du réel, perdant ses pouvoirs et sa signification en même temps qu’elle renonce à la séparation qui la fonde ?

17C’est bien pourtant à un « renforce[ment de] l’efficacité symbolique de la relation théâtrale ou de ce qui en tient lieu » que conclut D. Plassard.

Si tout est, en droit, devenu théâtralisable, la complexité des opérations symboliques induites par la théâtralisation ne s’est pas réduite pour autant. Et ce sont ces opérations qui fondent le théâtre, non le choix de ses matériaux, devenus en quelque sorte indifférents13.

Le théâtralisable et le théâtralisé

18 On serait en droit, à la fin de ce parcours, de se demander si le volume remplit les objectifs que l’appel avait fixés. Ce n’est sans doute pas à nous d’en juger. Nous nous contenterons plutôt d’inviter à circuler dans ce sommaire en s’écartant du trajet proposé par la présentation qui vient d’être faite : les chemins de traverse, ont le sait, sont les plus excitants — et ce sont eux qui, parfois, engagent les meilleurs détours.

19 Il nous reste donc à dire notre plaisir. Plaisir d’accueillir deux articles dans la rubrique Varia, que l’on doit pour l’un à Matthias de Jonghe (sur le moi dans Coma de Pierre Guyotat) et pour l’autre à Ben de Bruyn et David Martens (sur les relations entre poésie et noblesse dans l’œuvre critique de Gabriel Bounoure). Et plaisir de livrer ce numéro à l’accueil des lecteurs de Fabula-LhT — encore renforcé par le fait qu’il s’agit du premier numéro de LhT sur le théâtre. Bonne lecture !