Fabula-LhT
ISSN 2100-0689

Entretiens
Fabula-LhT n° 7
Y a-t-il une histoire littéraire des femmes ?
Audrey Lasserre

Entretien avec Jean Rohou, directeur de l’Histoire de la littérature française (Presses universitaires de Rennes)

Anne Berthelot, Histoire de la littérature française du Moyen Age, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006.

Michel Bideaux, André Tournon, Hélène Moreau et Gilles Polizzi, avec la collab. de Ph. Gardy, M.-Ch. Géraud-Gomez et M. Simonin, Histoire de la littérature française du xvie siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004.

Jean Rohou, Histoire de la littérature française du xviie siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2001.

Béatrice Didier, Histoire de la littérature française du xviiie siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003.

Alain Vaillant, Jean-Pierre Bertrand et Philippe Régnier, Histoire de la littérature française du xixe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006.

Michèle Touret (dir.), avec les contributions de Francine Dugast-Portes, Bruno Blanckeman, Jean-Yves Debreuille et Christine Hamon-Sirejols, Histoire de la littérature française du xxe siècle, 1898-1940, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2000et Histoire de la littérature française du xxe Siècle après 1940, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008.

1- Quelle histoire littéraire pratiquez-vous ? Quelle définition en donneriez-vous ?

2Pour moi, une œuvre littéraire est, dans le cadre d’un genre plus ou moins contraignant, la combinaison structurale et dramatique de signifiants (mots, phrases, personnages, thèmes, etc.), où s’expriment la vision, la problématique et les aspirations d’un auteur et qui produisent des effets esthétiques, affectifs et intellectuels chez les lecteurs.

3Pour la connaître, la comprendre, il faut donc l’analyser avec toutes les disciplines correspondantes (linguistique, stylistique, esthétique, théorie des genres, structuralisme, dramaturgie, thématique, psychologie, psychanalyse, philosophie, etc.). La sociologie ni l’histoire ne me semblent pertinentes pour cette analyse interne. Elles sont en revanche indispensables pour expliquer la particularité, dans un moment, un lieu et un milieu donnés, de tous les facteurs constitutifs de la création littéraire (les auteurs avec leur formation, ressources, loisirs, relations, mentalité, aspirations, etc. ; les systèmes de publication, de diffusion et de promotion), de sa modalisation (histoire des genres et des styles), de sa filiation (imitation, réactions), de sa production, diffusion et réception et de ses moyens de signification (langue, genre, visions, thèmes, idées, connotations changeant d’une époque, d’un lieu, d’un milieu à l’autre) et enfin de la fonction de la pratique littéraire en interférence avec la capacité des autres pratiques (économique, sociale, politique, scientifique, philosophique, religieuse, artistiques) à satisfaire, modifier ou représenter les aspirations des gens.

4Une histoire de la littérature ne doit pas être simple description : elle doit être explication de la fonction et des conditions de la pratique littéraire, de son évolution et de sa diversification (socioculturelle) à chaque période. D’où mon opposition à une histoire par genres, qui rompt la complexité explicative de chaque époque. Et à une histoire qui parle d’abord de la situation économique, sociale, politique, religieuse, culturelle, artistique, et ensuite des œuvres littéraires, ratant la relation explicative ; d’autant que celle-ci fonctionne dans les deux sens : Montesquieu, Voltaire, Diderot, Rousseau ont contribué à préparer une transformation de toutes les pratiques ; chaque grande œuvre le fait plus ou moins.

5- Comment est né le projet d’une histoire de la littérature publiée aux Presses Universitaires de Rennes ? Quel rapport existe-t-il avec la précédente collection que vous dirigiez chez Nathan ?

6Henri Mitterrand, directeur littéraire aux éditions Nathan, avait demandé à Pierre Barbéris, fort connu à l’époque, de diriger une histoire de la littérature. Barbéris m’avait sollicité pour le xviie siècle. C’était un remarquable animateur, bouillonnant d’idées. Lorsqu’il s’est progressivement retiré du projet, Mitterrand m’a fait confiance. C’est ainsi qu’un petit provincial a dirigé une grande histoire de la littérature chez un grand éditeur parisien. Les collaboratrices pressenties pour le Moyen Âge et le xviiie siècle et moi, pour le xviie siècle, avons rapidement travaillé. Mon faible statut n’a pas séduit ceux qu’on avait pressentis pour les xvie, xixe et xxe. J’en ai pris d’autres : 9 provinciaux sur 10 ; moins prestigieux certainement ; plus dévoués à ce travail peut être. Les désistements ont provoqué des retards : les volumes du xxe n’étaient pas encore prêts quand, le nombre d’étudiants en lettres s’effondrant et les éditeurs devenant soucieux d’une plus forte rentabilité, Nathan a décidé de ne pas poursuivre la collection. Elle a été reprise par les Presses universitaires de Rennes, qui sont fort dynamiques.

7- La part notable d’historiennes de la littérature, parmi les directeurs de volume, constitue une spécificité de cette Histoire de la littérature que vous avez dirigée par rapport aux publications qui lui sont contemporaines ou antérieures. Comment s’est fait le choix de vos collaboratrices et collaborateurs ?

8Parmi les principaux collaborateurs, il y a 4 femmes et 6 hommes (7 avec moi) ; les femmes ont écrit près de 60 % de l’ensemble. Ce choix est en partie accidentel, mais en partie seulement. Tout d’abord, je me définis comme féministe, ce qui peut constituer une première explication de cette quasi parité. Par ailleurs, le statut de provincial rend difficile l’engagement et la direction d’un « grand maître » parisien et homme, donc. Il faut dire clairement que la plupart des contributrices de cet ensemble n’auraient pas été sollicitées pour une édition parisienne, non à cause de leur moindre qualité en matière de recherche, mais parce qu’elles ne bénéficiaient pas à l’époque d’une « surface reconnue » suffisante. Ce fut également mon cas, en tant que provincial, pendant de nombreuses années. Cette surface reconnue est déterminée par le directeur de thèse, le nombre de publications, les éditeurs, les équipes de recherche, etc. Il y a vraiment des écuries. Mais être provincial, c’est aussi moins de charges (thèses, invitations…), donc plus de temps pour penser. Enfin, et pour le dire en termes non féministes, je trouve que même aujourd’hui, malgré une évolution remarquable, les femmes vivent, beaucoup plus que les hommes, sous le regard d’autrui et sous le regard de leur propre conscience. Un homme en général peut se permettre d’être fumiste, une femme, au regard du contexte actuel, ne le peut pas. Un universitaire est sensé être un bon chercheur, un bon pédagogue, et quelqu’un qui prend en charge des questions administratives. Faire les trois est, en fait, rare car le temps consacré à l’enseignement comme aux tâches administratives nuisent à la carrière. Peut-être les hommes ont-ils une plus grande hardiesse pour penser, dominer un sujet. Mais la plupart des bons enseignants que j’ai connus étaient des enseignantes. Au-delà des qualités des individus, j’ai pensé que les femmes s’investiraient plus sérieusement que les hommes dans une histoire de la littérature qui se voulait pédagogique.

9- On sent à vous écouter l’influence de l’analyse matérialiste, on la sentirait également en lisant, avec attention, votre théorie de la fonction de la pratique littéraire. Et dans le même temps, être spécialiste de Racine n’est pas neutre quand on connaît l’histoire de la critique française... Quel regard portez-vous sur ces trois décennies de débats (qui ont également été d’ailleurs celles de la renaissance du féminisme en France) ?

10Mon intérêt pour la fonction de la pratique littéraire me semble venir en partie de ces années-là. Je suis fort intéressé par la dimension socioculturelle de par mon histoire personnelle : peu de commodités matérielles, notre langue était le breton, j’ai appris le français à l’école. Par ailleurs, je suis plus ou moins marxiste ; je dis plus ou moins car on n’est jamais rien à 100%. Et la pensée de Marx, tout en étant quelque chose d’extraordinaire, demande à être retravaillée. J’avais cette vision, elle a été favorisée par les années 1970. Je suis soucieux d’articuler les choses, je n’aime pas les études sectorielles fermées. Pour moi, nous n’existons que conditionnés et agissant. En histoire, il ne s’agit pas de resituer dans un contexte mais d’en montrer le fonctionnement. J’ai fait cela en tâtonnant : peut-on vraiment parler de théorie ? Il faut dire qu’un provincial n’existe que peu dans notre pays. Certes, on a fait parfois appel à moi. Mais autant je pense avoir fait quelque chose et non pas rien, avoir contribué à une des orientations des études littéraires, autant je ne me perçois pas comme un théoricien, ni surtout comme un maître. Pour ce qui est de Racine, j’évoquerai la hardiesse. Souvent les gens me disent que je suis hardi car lorsque j’ai envie de faire quelque chose, je le fais. J’ai aussi une certaine inconscience qui me sert de confiance. Lorsque j’ai écrit à René Pintard en lui proposant de diriger une thèse sur Racine en 1959, je l’ai fait parce que j’avais envie de travailler sur Racine, sans être au courant de la querelle. Pour moi, qui avais lu Racine enfant, en gardant les vaches, j’avais trouvé ça merveilleux, sans tout comprendre. D’une qualité poétique et psychologique exceptionnelle. Peu à peu, je me suis demandé comment expliquer l’absence de tragique pendant deux mille ans (Eschyle, Sophocle, etc. puis Shakespeare, Calderón, Racine, etc.). Pourquoi ce retour du tragique, pourquoi écrire, pour la plus grande gloire de Louis XIV, que la vie sous son règne n’a ni sens ni valeur ? Toutes les œuvres des années 1660-1680 ont une vision extrêmement pessimiste.

11- Quelles directives avez-vous données pour la réalisation de ces 7 volumes : en général sur l’histoire littéraire comme en particulier sur la représentation des femmes au sein des volumes ? Avez-vous discuté collectivement de cette question au moment de leur élaboration ? Si tel n’est pas le cas, pensez-vous à présent qu’il y aurait eu intérêt à le faire ?

12Je renverrais sur ce point à ma réponse concernant l’histoire littéraire que je pratique. J’insisterai encore sur le fait que celle-ci se devait d’être une histoire par époque (et non par genres), qui montre la particularité et la complexité de chacune et explique, dans la mesure du possible, le passage d’une époque à l’autre, sous l’effet d’une évolution interne générale ou d’événements bouleversants. Je souhaitais également une histoire qui ne se contente pas de décrire : qu’elle analyse la particularité des œuvres et l’explique par leur fonction dans une condition humaine (avec ses conditionnements, ses possibilités, ses insatisfactions, ses aspirations et fantasmes) qu’elles expriment mais aussi révèlent et même contribuent à inventer. En ce sens, une place importante est accordée à la vie littéraire : mécènes, éditeurs, revues, salons, publics... Cela dit j’ai voulu que chaque collaborateur modifie quelque peu le projet en fonction de sa conception propre de la littérature et de son histoire.

13Sur la représentation des femmes, il n’y a eu ni instruction ni débats. J’ai accordé plus de place et d’importance à Mme de La Fayette et à Mme de Sévigné que mes prédécesseurs, et plusieurs passages des volumes du xxe sont implicitement ou explicitement féministes. Mais, à vrai dire, nous aurions mieux fait d’en parler, comme de bien d’autres choses. Cela ne me semblait pourtant pas prioritaire à l’époque. En ce qui me concerne, on peut attribuer ce fait à une attention insuffisante. Confronté à la question, je me sens obligé de dire que je n’ai pas pensé à l’importance de cette problématique que je trouve pourtant primordiale quand finalement je m’y confronte. Les femmes ont toujours eu depuis le xviie une importance considérable dans la vie littéraire, comme auteures mais surtout comme inspiratrices et destinataires privilégiées. C’est un problème important, et il y avait des travaux, on aurait donc pu se poser la question et avoir des éléments pour y répondre. Francine Dugast-Portes et Michèle Touret étaient d’ailleurs engagées sur ce point.

14- Justement, quelle lecture faites-vous des travaux menés par la critique féministe française et internationale ?

15Je connais mal cette critique. Je la crois importante : non seulement pour réparer une injuste minoration, mais parce qu’il faut à tout instant redéfinir et la littérature et l’histoire de la littérature. Or les femmes, tout en écrivant moins, avaient un rôle majeur dans la vie littéraire, comme animatrices, comme lectrices, comme destinataires et comme sujets (non seulement par le nombre d’héroïnes, mais parce que le lyrisme, le romanesque, les sentiments, les passions, étaient principalement imprégnés de féminité ou de pseudo-féminité vue par les hommes).

16- Femmes, femme, féminité, féminin. Ne doit-on pas introduire une différence entre ces termes pour comprendre plus précisément comment on impose aux hommes comme aux femmes des catégories sociales de sexe et les caractéristiques qui leur sont culturellement assignées par une société donnée à un moment donné, y compris en études littéraires ? Le fait que la catégorie de sexe soit systématiquement utilisée au xixe et xxe siècle comme une catégorie littéraire (les romans de femmes comme il existe des romans historiques, la poésie féminine, etc.) nous en donne un exemple parmi d’autres.

17Oui, tout à fait. Je mettrais féminin d’ailleurs entre guillemets. C’est une image, au sens imaginaire, fantasmatique, dans un jeu entre hommes et femmes, beaucoup plus qu’une véritable représentation de ce que les hommes et les femmes sont. Un critique des années 1920 a dit : « Racine est la seule femme de génie » de la littérature française. Il y a du « féminin » chez Racine. Il ne suffit pas de le dire, il faut savoir pourquoi. Celui qui présente son personnage central comme pécheur ne pouvait pas prendre un homme mais une femme, la pécheresse Phèdre. Il y a également la dimension affective. Je crois qu’il va y avoir de grandes œuvres écrites par des femmes sur les hommes, ce qu’ils sont, ce qu’ils prétendent être. Il y en a déjà. C’est un thème fort riche à exploiter. Quand je parle du rôle des femmes dans la vie littéraire, j’insiste sur le fait que certaines ont orienté la vie littéraire en général. Mlle de Scudéry, dont on s’est bien moqué, a, par exemple, contribué au raffinement de la psychologie de l’écriture, du style, des œuvres des années 1660.

18- Dans la lignée de l’appellation « herstory », estimez-vous qu’une histoire littéraire spécifique aux femmes soit souhaitable, nécessaire, pertinente, idéologiquement dangereuse, etc. ? Même question pour une histoire des publications et activités littéraires de femmes comme préalable à l’écriture d’une histoire littéraire ?

19Je crois que toute étude sectorielle est utile en vue d’une histoire littéraire qui doit être globale. Et particulièrement l’étude des secteurs délaissés. Mais je trouve certaines études féministes trop limitatives et procédant comme s’il y avait une nature, une personnalité féminines. D’autres sont, à mon goût, trop sociologiques, ratant la dimension littéraire (les cultural studies par exemple). Mais je n’ai qu’un avis rapide à partir d’une connaissance insuffisante.

20- La critique féministe à laquelle vous faites référence et qu’on appelle différentialiste a marqué les études françaises de lettres. Pourtant une autre critique féministe, universaliste, parfois matérialiste, s’est imposée dans d’autres disciplines, débouchant peu à peu sur les études de genre. Cette critique a quelques représentantes en études littéraires, comme Christine Planté (La Petite Sœur de Balzac) qui collabore à ce numéro. Connaissez-vous ces travaux ? Pensez-vous que la première critique a éclipsé la seconde en études littéraires en France ? Qu’elle lui a été préjudiciable ?

21Je connais certains de ses travaux. Les recherches de Christine Planté sont connues et reconnues, leur apport incontestable. Pour ce qui est de la critique différentialiste, lorsque les gens veulent modifier un état de fait du fonctionnement mental et intellectuel, qu’ils ou elles aient à recourir à une certaine violence et à des affirmations factuelles immédiatement visibles et donc un peu superficielles, me paraît assez logique. Je trouve regrettable que cette critique l’ait emporté sur l’autre. C’était inévitable mais, en même temps, il me semble que les études de genre n’auraient pas été si bien entendues, si percutantes. Pour ce qui est du féminisme en général, il me semble qu’il y a un rejet de celui-ci, comme du mouvement de libération des femmes, par certaines femmes, alors qu’il n’y a pas d’égalité acquise à l’heure actuelle. La notion de genre doit retenir notre intérêt.

22- Quelle terminologie adoptez-vous pour désigner l’activité littéraire d’une femme ? Pour quelle raison ? Il existe, en effet, un débat très riche sur cette question depuis le xixe siècle au moins. Des études nombreuses et sérieuses ont montré que l’emploi du masculin (en usage spécifique comme générique) ne pouvait être neutre. Qu’en pensez-vous ?

23Mes collègues n’ont pas souhaité parler d’auteure ni d’écrivaine ; auteur, écrivain ne sont pas tellement marqués par la masculinité, me dit Michèle Touret. Pour ma part, je connais un peu l’histoire de la féminisation, je ne peux pas dire cependant que je sois bien informé. J’en ai parlé à l’époque avec deux collègues. Nous n’avions aucune envie de nous faire des querelles supplémentaires. La question n’a cependant pas été abordée au préalable. Selon moi, en tant que signe, ce n’est pas capital. On pourrait sourire ici : je suis un homme, je profite de cette position favorable, et si je me montre féministe je gagne sur les deux tableaux. Je ne suis pas volontaire pour me battre sur les signes, comme le foulard par exemple. Je trouve que ce qui est en jeu, c’est la condition féminine. Si on réussit à ce que les jeunes filles viennent à tous les enseignements, c’est là qu’on gagnera. Se braquer sur le foulard qui est un signe ambigu (parfois c’est une signification culturelle) ne me semble pas pertinent. À Tunis, j’ai vu des filles en avoir un usage libre. En France, certaines collégiennes sont contraintes, certaines étudiantes le portent par affirmation identitaire. Tactiquement, ça ne paraît pas une bonne chose que de se focaliser sur ce point. Certes, je pense qu’il est nécessaire d’imposer certaines choses pour provoquer, hâter les changements nécessaires. J’étais pour les manifestations violentes du mouvement de libération des femmes, pour les quotas... Mais je crois que cela doit être provisoire : le temps que ça change. Si on introduit auteure, écrivaine suffisamment pour que ça reste, on maintient la discrimination. Pour moi il faut se battre pour nos programmes scolaires (gymnastique, sciences de la vie...) et pour l’école mixte et laïque plutôt que contre le foulard. Des études montrant l’importance et la particularité des femmes dans la vie littéraire sont donc plus cruciales que l’usage d’autrice, auteure ou écrivaine.

24- Quelles stratégies (enseignement, recherche, édition, etc.) pensez-vous nécessaire de mettre en œuvre pour développer la (re)connaissance des œuvres de femmes ?

25Il faudrait d’abord republier les œuvres et pas seulement en coûteuses et rébarbatives éditions savantes : les mettre à disposition. Pour l’enseignement (et la recherche) mieux vaut à mon avis étudier une période et montrer le statut des femmes (leurs fonctions dans la vie littéraire avec ses particularités et l’image qu’en donne la littérature pas seulement masculine) plutôt que d’étudier isolément La Princesse de Clèves.

26- Pensez-vous que les travaux portant sur la place et le rôle des femmes en littérature ou sur le genre permettent de réajuster, voire de repenser, l’histoire littéraire, la hiérarchisation ou l’évolution des genres littéraires, la valeur ou la définition du littéraire ?

27Oui, bien sûr. Par exemple, s’intéresser davantage aux femmes au xviiie siècle, c’est donner plus d’importance aux salons et moins aux doctes, plus au goût, moins aux règles, plus au journal intime, etc. Et c’est révéler une autre façon de lire, c’est montrer une autre vision de l’humain, un autre rapport entre rationalité, affectivité, imagination (Marcel Proust vs Virginia Woolf). Et aussi montrer une autre vision des femmes, des hommes et de leurs relations.