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Représentations et réinterprétations de la guerre de Troie dans la littérature et la pensée occidentales

Les 20 et 21 mars 2014, l’Université Paris-Est Créteil (UPEC) accueillait un colloque international intitulé « Représentations et réinterprétations de la guerre de Troie dans la littérature et la pensée occidentales ». Co-organisé par Blandine Cuny-Le Callet et Élisabeth Le Corre, avec le soutien de l’EA 4393 (LIS), ce colloque rassemblait des chercheurs français et étrangers en littérature, rhétorique et philosophie, spécialistes de siècles variés, de l’Antiquité à nos jours.

 

 

Réunis par B. Cuny-Le Callet et É. Le Corre, les actes de ce colloque mettent en évidence les enjeux littéraires, politiques et moraux qu’a revêtu, au fil des siècles, l’évocation du conflit.

 

Considérée comme un événement historique appelé à se rejouer à travers les siècles entre les descendants des belligérants, la guerre de Troie a constitué pour certains peuples une référence identitaire majeure, contribuant à la construction d’une unité nationale et à la désignation d’un ennemi héréditaire. C’est en souvenir de la guerre de Troie qu’Isocrate engage les Grecs à s’unir contre les Perses, que les Romains justifient la conquête d’une partie de leur empire, et les rois de France, leur engagement dans les croisades contre les Turcs. C’est la redécouverte de la littérature antique, notamment de l’Iliade, qui contribue à fédérer les Turcs autour d’une identification au camp troyen durant la guerre d’Indépendance menée par Mustafa Kemal.

 

Ayant fait l’objet, dès l’Antiquité, de récits polyphoniques aux versions parfois contradictoires, relevant des registres épique, lyrique et tragique, la guerre de Troie apparaît comme un événement complexe et moralement opaque, où le grandiose se mêle au sordide, où les grands héros se montrent parfois défaillants, où la légitimité du conflit est mise en cause par les guerriers eux-mêmes, où se trouvent exposés les drames intimes vécus par les protagonistes des deux camps. La guerre de Troie a ainsi pu fournir une matière quasi-inépuisable à tous ceux qui se sont interrogés sur les origines, le sens et les conséquences de la violence guerrière, qu’il s’agisse de condamner l’absurdité des guerres civiles à la fin de la République romaine ou de dénoncer les horreurs des guerres de religion déchirant la France au xvie siècle, qu’il s’agisse d’élaborer une théorie de la guerre juste au service de la monarchie absolue ou de rendre compte de l’impuissance des nations à empêcher le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.

 

Multipliant les références à l’Iliade et les réécritures – souvent parodiques – de certains épisodes de la guerre de Troie, la littérature moderne et contemporaine témoigne à la fois de la permanence et de la mise en cause du modèle épique : ainsi Balzac prend-il acte de l’impossibilité de raconter les guerres napoléoniennes sous la forme d’une grande geste héroïque, tout en soulignant, sur un mode tantôt burlesque tantôt sérieux, la dimension héroïque de la vie moderne.

 

Si l’épopée semble être devenue un genre obsolète, si on lui préfère le roman pour raconter la guerre dans toute son horreur et sa trivialité, la guerre de Troie et ses héros n’en continuent pas moins de témoigner d’une certaine vérité de la nature humaine, mélange de force et de faiblesse, de grandeur et de petitesse. Elle demeure une référence toujours vivante, inscrite au cœur de l’imaginaire occidental.

 

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Textes réunis par Blandine Cuny-le-Calet et Élisabeth Le Corre