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Les passions et les intérêts dans le roman français du XIXe s. Présentation

1Nos conduites sont rarement hasardées ou aléatoires. Elles trouvent leur source dans notre psyché, de quelque manière que ce soit, et répondent à diverses motivations. Parmi elles, Albert O. Hirschman a opposé les passions et les intérêts, en montrant comment cette seconde raison d’agir avait progressivement été réhabilitée, dans l’histoire des idées, une fois « étend[ue] à l’ensemble des aspirations humaines ». À considérer les aspirations orientant ainsi les comportements, on pourrait en théorie distinguer plusieurs ensembles – de façon schématique : l’ordre des valeurs, des croyances et des idées ; l’ordre des impulsions, des pulsions et des émotions ; et l’ordre des inclinations, des goûts et des désirs. Pourtant, sans être purement arbitraires, leur découpage et leur identification même restent tributaires d’expériences complexes. Comment décrire, comment concevoir, comment imaginer des ressorts aussi intangibles, souvent inconscients ou irréfléchis, réfractaires à l’analyse ? À quelle expertise soumettre les « matièrespremières » de notre caractère et de nos agissements ?

2Ces questions n’importent pas aux seules disciplines savantes. La fiction ne constitue-t-elle pas précisément un cadre d’observation et d’exploration privilégié ? Telle est l’hypothèse, centrée sur XIXe siècle français, que voudraient esquisser les présents actes de colloque – à la croisée de la psychologie cognitive, de l’histoire des idées et de la poétique du roman. Trois axes de recherche ont été privilégiés, pour ce faire :

1. Champs d’investigation.

3De quelles passions et de quels intérêts la fiction propose-t-elle l’étude ? Sont-ils reversés du côté du « normal » ou du « pathologique » ? Sont-ils le fait de créatures ordinaires ou de personnages d’exception ? Faut-il en croire Deleuze et Guattari, pour qui « un grand romancier est avant tout un artiste qui invente des affects inconnus ou méconnus, et les fait venir au jour comme le devenir de ses personnages » ?

2. Critique et clinique

4Au cours du XIXe siècle, le regard et le jugement portés sur nos raisons d’agir a sensiblement évolué. Doit-on considérer qu’à l’optique moraliste, s’est surimprimé un point de vue plus « clinique » ? Comment les forces animant tout un chacun ont-elles pu passer, à l’âge romantique puis en des temps plus « positivistes », pour nocives et admirables, ravageuses et libératrices ?

3. Usages romanesques

5Toutes les motivations individuelles ne se prêtent pas de la même manière à la mise en intrigue. Certaines pourraient bien lui résister ; quid, par exemple, du désir de bien-être ? D’autres sont naturellement fécondes, impliquant par nature tout un système de personnages. Ainsi en est-il de l’ambition sociale et des désirs de pouvoir. Ainsi en est-il des passions qui s’agrègent et – peut-être – des intérêts qui convergent...

6Sont ici rassemblées les contributions issues du colloque « Raisons d’agir : les passions et les intérêts dans le roman français du XIXe siècle », organisé les 22 et 23 novembre 2019 à Sorbonne-Université, avec le soutien du Centre d’étude de la langue et des littératures françaises (CELLF, dir. Claude Rétat) et de l’École doctorale III (dir. Florence Naugrette). Cette manifestation n’aurait pu exister sans l’aide précieuse et éclairée de Fériel Ben Rahima : qu’elle en soit chaleureusement remerciée !

7Textes réunis par Boris Lyon-Caen, avec la collaboration d’Aurélia Cervoni et de Pascale Langlois (Sorbonne-Université), mis en ligne avec le soutien de l’Université de Lausanne

Sommaire

  
Philippe Hamon (Université Sorbonne Nouvelle-Paris III)
« Préambule »
  

I. Le stade de l’analyse

    
Jacques-David Ebguy (Université de Paris)
« Action ou vérité ? Le réalisme et ses interprétations »
  
Christèle Couleau (Université Sorbonne Paris Nord)
« Agir avec ou contre le personnage. Les ambiguïtés du narrateur balzacien »
   
Éléonore Reverzy (Université Sorbonne Nouvelle-Paris III)
« Clinique de l’amour chez les Goncourt et Zola. Les cas Germinie L. et Adélaïde F. »
   
Marie-Astrid Charlier (Université Paul Valéry-Montpellier III)
« Asthéniques et hystériques chez les “petits naturalistes” : des raisons moyennes d’agir ? »
  
Adrian Valenzuela Castelletto (Sorbonne-Université)
« Le roman psychologique de Paul Bourget : “l’imagination des sentiments”, une anatomie des passions humaines ? »
  

II. Une communauté de sentiments ?

    
Grégoire Tavernier (Universités d’Orléans)
« Jeunesse et ambition sociale dans quelques romans du premier XIXe siècle »
  
Céline Duverne (Université de Lyon-II)
« Passions poétiques, intérêts prosaïques ? Un itinéraire du romanesque balzacien »
  
Fériel Ben Rahima (Sorbonne-Université)
« De l’art de s’émouvoir. Passions et intérêts chez quelques héroïnes balzaciennes »
  
Agnese Silvestri (Université de Salerne)
« Les raisons des altruistes et la fatalité de l’Histoire. Sur quelques personnages de Sand avant 1848 »
Hélène Soulard (Sorbonne-Université)
« Quand l’affect entre en religion : le cas du roman hugolien »
  
Bertrand Marquer (Université de Strasbourg)
« La “dernière souveraine de l’âge moderne” (Gustave Le Bon) : raisons d’agir en régime démocratique »
  

III. Une psychologie des profondeurs ?

   
François Kerlouégan (Université de Lyon II)
« “Une tempête sous un crâne” : hésiter et choisir dans le roman du XIXe siècle »
  
Francesco Fiorentino (Université de Bari)
« Motivation, intention et vérité : exemples balzaciens et stendhaliens »
  
Pierluigi Pellini (Université de Sienne) 
« Raisons flaubertiennes de (ne pas) agir »
  
Paolo Tortonese (Université Sorbonne Nouvelle-Paris III)
« Raisons de tuer : La Bête humaine »
  
Victoire Feuillebois (Université de Strasbourg)
« Crime et résurrection : échos de l’acte fou tolstoïen dans le roman français. Le cas Édouard Rod »
  

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