Colloques en ligne

Michel SANDRAS

Les deux côtés de Venise

1Il y a dans le chapitre sur Venise (comme dans toute la Recherche) des jugements d’ordre esthétique, ceux du héros-narrateur. Comment ces jugements sont-ils illustrés par les situations du roman ? Y trouvent-ils leur application et leur vérification ? Quel est le sens de ces jugements ? S’ils témoignent d’une tension entre les hiérarchies des valeurs et les préférences d’un sujet, comment cette tension se résout-elle ?

2On peut poser la question d’une façon plus concrète : comment s’articulent dans la Recherche l’amour de la mère et de l’Art (peinture, architecture, musique), et la « recherche passionnée » des jeunes filles (recherche elle-même située dans une zone affective trouble) ? Il semble que l’analyse des promenades vénitiennes, dans Albertine disparue, permette de donner des éléments de réponse.

3Venise tient une grande place dans la Recherche, à la fois par le nombre de pages qui l’évoquent, du début jusqu’à la fin, et par l’événement qui y a lieu, que le Narrateur rapporte dans Le Temps retrouvé (mais qui n’est pas annoncé dans Albertine disparue), à savoir le trébuchement sur des pavés inégaux, qui déclenche la révélation à partir de laquelle le narrateur pourra devenir écrivain1. Doit-on attribuer le choix de Venise aux deux voyages qu’y fit Proust en 1900, l’un en mai, enthousiasmé par la lecture de Ruskin2, avec sa mère qui l’aide à traduire les Pierres de Venise ; l’autre en octobre, seul ? N’importe quelle autre ville aurait-elle pu jouer ce rôle ? C’est la ville-musée, qui relie l’Occident à l’Orient (architecture byzantine, motifs orientaux des robes et manteaux du couturier Fortuny). C’est la ville des peintres, de l’abolition des frontières entre la terre et la mer (voir ce que dit Elstir dans A l’ombre des jeunes filles en fleurs, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », vol. II, 1988, p. 252). Et ces passages insensibles sont à même l’écriture proustienne, comme on le verra. C’est aussi une ville que la littérature romantique (Byron, Chateaubriand) et post-romantique (Barrès) a rendue mythique. Les mythes de Venise font d’elle une ville louche, équivoque (masques), une beauté artificielle, fardée ; une ville dangereuse (fièvres, pièges à filles) ; enfin, ceci est très sensible dans le livre de Barrès, Mort de Venise (écrit en 1903 et paru en 1916), la ville crépusculaire  où chante une beauté qui s’en va vers la mort. Quand on lit les pages que Proust a consacrées à Venise, on constate que, bien qu’elle soit pour son héros la ville des deuils, sa représentation est très éloignée de celles données par Chateaubriand ou Barrès, auxquelles elle ne doit rien3.

4Le début du chapitre rapproche Venise de Combray : « j’y goûtais des impressions analogues à celles que j’avais si souvent ressenties autrefois à Combray, mais transposées selon un mode entièrement différent et plus riche » (p. 203). Phrase qui dit à la fois les ressemblances et les différences, ces dernières relevant à la fois d’une transposition et d’un changement d’échelle. Venise serait un perfectionnement de Combray, parenté un peu étrange pour un lecteur qui s’attendait plutôt à voir autrement signaler la distinction singulière de la première.

5Dès le début du chapitre, le narrateur émet un jugement esthétique : « comme il peut y avoir de la beauté, aussi bien que dans les choses les plus humbles, dans les plus précieuses » (p. 203). La formulation un peu contournée, typographiquement entre tirets, s’explique si on la confronte à deux opinions contraires : celle, la plus courante, qui privilégie les choses « précieuses », l’autre, souvent énoncée par le narrateur, qu’on pourrait appeler la leçon de Chardin, à savoir que les choses prosaïques peuvent devenir dans une certaine lumière choses d’art. Le renversement va être précisé : « à Venise, ce sont les œuvres d’art, les choses magnifiques, qui sont chargées de nous donner les impressions familières de la vie » (p. 206). Le narrateur dit désapprouver les peintres de Venise, même grands artistes, qui, en réaction naturelle contre la Venise factice, se sont attachés à la Venise misérable, représentations qui en feraient un Aubervilliers (ibid.). Il y une troisième formulation, attribuée cette fois à la mère du narrateur se réclamant de la grand-mère : « comme ta grand-mère eût aimé cette grandeur si simple » (p. 209).

6Voilà l’affirmation essentielle : il n’y a pas antinomie entre les beautés du grand art et les choses familières de la vie, entre l’intimité et la grandeur. Le narrateur, cette fois loin de Chardin mais aussi d’Elstir (qui dans A l’ombre des jeunes filles en fleurs défend le choix, par les artistes, de sujets modernes, dans le sillage de Baudelaire), semble condamner un péché de réalisme ou de vérisme commis au nom de l’authenticité dans le choix des sujets. Mais, chose étrange, c’est pour ajouter tout de suite que ce sont ces quartiers misérables qu’il visite sans sa mère. On ne peut pas plus clairement à la fois opposer le désir des œuvres de l’art (sujets nobles) à celui des rencontres plus prosaïques, et affirmer sa curiosité pour ces dernières. Et c’est bien ce qui semble apparaître lors des promenades vénitiennes, à savoir une opposition entre la Venise de l’Art et de la mère, vertueuse, pleine de « distinction » (p. 209) et la Venise populaire, vénale et vénéneuse.

7Les pages4 évoquant les promenades (nocturnes ou d’après-midi) du héros solitaire dans les quartiers populeux (pp. 206-209, 230 et sq.) sont liées explicitement à la recherche de jeunes filles du peuple, désignées par leurs petits métiers (on sait que le narrateur est très friand de ces petits métiers, typiques d’un lieu et d’une époque, par exemple dans La Prisonnière : on peut supposer que la curiosité anthropologique n’est pas la seule) — filles plus ou moins semblables à celles qu’Albertine avait connues jadis. Le contexte est trouble : rêveries romanesques autour des rencontres manquées, errance, déambulation en quête de Vénus payées (tradition venue de Rousseau, Byron, Chateaubriand5). Remarquons que le second passage (p. 231) précède juste la dispute avec la mère, le désir de rencontrer la femme de chambre de la baronne Putbus (voir chap. I, p. 95) étant plus fort que les sentiments filiaux. On présume que l’attirance pour un plaisir moins noble que la visite de l’Accademia et de San Marco n’est pas étrangère à la dispute avec maman, au chagrin et au sentiment de culpabilité du narrateur.

8Bien entendu le lecteur n’est informé qu’à demi : « j’arrêtais des filles du peuple… » (p. 208). Il fait part de sa tentation d’emmener une jeune marchande de verrerie à Paris, prêt à lui faire une situation (p. 220), malgré sa mauvaise opération boursière, cela dit comme en passant. Mais le cynisme mêlé d’humour de certains verbes ne laisse aucun doute : « acquérir » une fille comme un tableau (p. 220). Dans le morceau isolé strictement descriptif de la page 230 (il n’est pas question des filles), la topographie est celle du labyrinthe. C’est certes un lieu commun des guides touristiques de Venise, invitant les promeneurs à se perdre dans le dédale des calli et à jouir des découvertes qu’ils ne manqueront pas de faire de petites places ou de petits monuments moins célèbres mais pleins d’attraits. Mais cette image du labyrinthe renforce le thème de la pénétration dans la ville, par des chemins sinueux, guidée par un désir inconnu, celui d’entrer dans quelque chose de secret (pp. 207, 208) : voir la découverte de la petite place exilée, sous un clair de lune (p. 231), même si cette mention et la présence de l’adjectif « romantique » n’excluent pas un léger sarcasme6. Il est difficile de ne pas rapprocher cette promenade aimantée par un désir mystérieux, de l’enquête menée précédemment sur la vie d’Albertine, dans ses rapports avec  « les fillettes » qui « plongeaient leurs racines dans l’obscurité du désir et des soirées inconnues d’Albertine » (p. 136).

9Une dernière remarque sur ce passage. Le récit et la topographie  font penser au rêve (p. 2317). La référence humoristique aux Mille et une nuits n’est pas anodine. On la retrouvera d’ailleurs dans l’épisode de la promenade nocturne dans Paris en guerre du Temps retrouvé (Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade », vol. IV, 1989, p. 388). Ce qui domine ici, c’est le romanesque, dans une atmosphère magique qui fait de Venise la « ville enchantée » (Albertine disparue, p. 230). Romanesque ainsi défini dans A l’ombre des jeunes filles en fleurs justement à propos de cette sorte de « relations sans but précis auxquelles mon amie devait trouver ce vague délicieux de surprises attendues, qui est le romanesque » (p. 279). Et dans le même livre, à propos de la promenade à l’île du Bois de Boulogne, « ce royaume romanesque des rencontres incertaines et des mélancolies amoureuses » (ibid., p. 679).

10Mais ce romanesque ne s’oppose pas à la quête sexuelle. Le texte de Proust rapproche les « petites calli » et les « filles » (p. 208) ; « je suivais des calli qui se ressemblaient toutes et se refusaient à me donner le moindre renseignement » (p. 231). Jusqu’à explicitement signaler la comparaison et le véritable objet de la quête : « le désir de ne pas perdre à jamais certaines femmes bien plus que certaines places » (p. 231). Et un peu plus loin dans le texte : « Aussitôt le sentiment de toutes les heures de plaisir charnel que notre départ allait me faire manquer, éleva ce désir, qui existait à l’état chronique, à la hauteur d’un sentiment, et le noya dans la mélancolie et le vague ».

11Il est facile d’opposer à ces promenades celles que le héros fait avec sa mère : p. 209 et sq., p. 225 et sq. En premier lieu ces promenades sont guidées par un jugement esthétique, attribué explicitement à la mère et à la grand-mère : à Venise, les grandes œuvres d’art ont un air de simplicité et de familiarité. D’où la ressemblance entre les beautés des monuments et celles qu’offre la nature : l’architecture imite la nature et, réciproquement, c’est comme si la nature avait créé ces œuvres avec de l’imagination humaine (p. 209). Ce chassé-croisé est renforcé par le motif de la pénétration, à l’intérieur des monuments, de la lumière du ciel pur et de l’atmosphère marine. Le rapprochement avec Combray (ville de la famille et de l’enfance) à l’occasion du développement sur la fenêtre, le plaisir qu’aurait trouvé la grand-mère à cette familiarité qui peut rivaliser avec celle de la nature, l’accent mis sur la simplicité et l’humilité de San Marco (nouveau paradoxe), tout contribue à faire l’apologie de la beauté intime et de la grandeur si simple, dont on sait qu’elles sont les valeurs esthétiques et éthiques des mères et celles du classicisme français.

12Que visitent le narrateur et sa mère ? Des musées, des palais, des églises. L’amour de l’Art est ici en rapport étroit avec la religion chrétienne. A San Marco, c’est le baptistère qui retient l’attention, et ses mosaïques évoquant le baptême du Christ. A Padoue, le narrateur revoit les Vices et les Vertus de Giotto8 (qu’il connaissait par des reproductions que lui avait données Swann) et s’attarde sur les petits anges : les personnages célestes sont décrits d’une manière à la fois familière et moderne, à la limite de la drôlerie9.

13Mais dans ces pages, Venise n’est plus uniquement la promesse de beauté et de bonheur telle qu’elle apparaissait dans les brouillons de Contre Sainte-Beuve et au tout début du chapitre. Les visites avec la mère se font dans une atmosphère de deuil, dont rendent compte un travail d’encadrement — la description de la fenêtre de l’hôtel et celle des tableaux du Carpaccio — et une poétique du tombeau. Ces deuils associent ceux propres au roman et ceux de Proust lui-même. Celui, pour le narrateur, d’Albertine, réactivé par un vêtement reconnu dans la peinture du Carpaccio (allusion à Fortuny) ; celui, pour la mère, de la grand-mère, voir l’allusion au chapeau et au voile. La description de la mère en deuil, encadrée par la fenêtre-ogive (la fenêtre de l’hôtel est une ogive du XIIIe siècle), illustre le jugement esthétique tressant l’art au familier et à la mort inoubliable de l’être aimé. De même le commentaire que donne Proust de l’autre tableau du Carpaccio dans lequel prend place une femme en deuil laisse entendre une émotion correspondant au deuil de sa propre mère. Cette émotion culmine dans les deux clausules : « Je me rappelle très bien votre mère » (p. 206) et « ce soit ma mère » (p. 226).

14En fait les deux promenades ne sont pas radicalement opposées. Les promenades avec la mère ne laissent nullement le narrateur indifférent aux femmes qu’il croise et regarde. Mais ce ne sont pas socialement les mêmes. Ce sont des élégantes mondaines (p. 209) qui, par leur allure moderne, offriraient cette fois un sujet d’art à Elstir ou à Baudelaire, des étrangères, et notamment une Autrichienne (pp. 228-230), qui ressemble à Albertine sans lui ressembler — avec laquelle le narrateur nous dit qu’il a une brève liaison, sans qu’on en sache plus, comme pour la marchande de verrerie. L’impossibilité d’être informé de la vie de la jeune femme autrichienne aux joues faiblement rosées et aux yeux pâles, aux « journées jamais racontées », est l’occasion de rappeler les silences d’Albertine. Tout lecteur de Proust est en droit de lui adresser la même remarque, vu le nombre de moments jamais racontés (ou de manière elliptique). Les silences de la Recherche sont d’autant plus aveuglants qu’ils ne sont jamais dramatisés.

15De l’attrait des femmes à l’amour de l’art : nous avons déjà fait remarquer que la quête romanesque ou sexuelle permettait aussi de découvrir une architecture ou un monument dont ne parlent pas les guides: « un petit temple d’ivoire avec ses ordres corinthiens et sa statue allégorique au fronton » (p. 208). De plus, au quadrillage, ou à la mosaïque des petites rues, Proust a ajouté un quadrillage vertical : celui formé par les cheminées, les façades aux mille fenêtres, qu’il qualifie de « tableaux juxtaposés », qui évoquent donc des murs de musées, et pas seulement vénitiens (la Hollande). On note aussi l’omniprésence de la couleur rose et ses variantes rouge, orangé. Or cette couleur est aussi bien celle de la chair des jeunes filles (p. 220) que la couleur dominante de Venise (pp. 209, 225). Le rose est, dans la Recherche, la couleur de l’incarnation, mêlant le sensuel et le spirituel.

16D’un autre côté, le pavage du baptistère n’est pas totalement éloigné des formes labyrinthiques (outre les dessins orientaux, on peut penser au dallage de la cathédrale d’Amiens, autre objet d’analyse pour Ruskin). Mais à la différence de la piazetta inconnue, il est central : tous les chemins mènent à San Marco, et le baptistère est au centre (saint des saints) ; alors que la place est excentrée et exilée : on n’y arrive que par hasard sans être certain de la retrouver, et on peut même se demander si on ne l’a pas découverte seulement en rêve.

17On pourrait prétendre que la découverte du tableau de Carpaccio (pp. 226-227) rassemble les deux côtés, celui de la Venise de l’Art et celui de la Venise enchantée, les nobles seigneurs vénitiens et la confrérie équivoque de la Calza, les cheminées-tulipes des quartiers pauvres et les palais de marbre ornés de chapiteaux dorés. Il faudrait enfin montrer comment le travail d’écriture tend à unifier les promenades. En opérant à plusieurs niveaux. Par l’usage de métaphores qui humanisent les choses inanimées (« ma belle place exilée »). Surtout en enrôlant les techniques des arts plastiques. Les descriptions proustiennes non seulement mettent en valeur le traitement de la matière des monuments, y compris au sens figuré quand il s’agit des couleurs, de l’ombre et de la lumière ; mais évoquent le site comme une substance : « morceau de Venise », « la matière vénitienne » qui, au moment de cristalliser, aurait subi une distension imprévue (p. 230), Proust se faisant en quelque sorte souffleur de verre. En cela ces descriptions ont la forme de poèmes en prose, avec une écriture poétique facilitée comme c’est toujours le cas par le choix d’un point de vue subjectif.

18Les opérations de construction du texte tendent également aux modes de rapprochement les plus variés. Soit par juxtapositions (des promenades, des quartiers), par glissements (d’une curiosité à une autre, impression de glissement renforcée par le moyen de transport, la gondole), soit par échanges de qualités : le plus frappant de cet épisode vénitien reste le chassé-croisé, qui prête aux quartiers pauvres de la Venise vénale un côté magique et étranger (« la ville enchantée », p. 230) tandis que la Venise de l’art est paradoxalement du côté de l’intime et du familier. On rapprochera ce chassé-croisé des situations très fréquentes de quiproquo dans la Recherche, et souvent de l’humour qui accompagne leur évocation.

19Mais ces équivalences finissent quand même par affirmer une hiérarchie de valeurs (triomphe des valeurs classiques), qui peut entrer en contradiction avec les préférences de la chair. Et c’est là le sens de la crise finale, lorsque le jeu des équivalences ne peut plus fonctionner et que se produit le désenchantement. Le choix momentané du narrateur pour la promesse des plaisirs de la chair fait se détruire la Venise « familière », le « tout indivisible et vivant » (p. 225). Au soleil flamboyant de dix heures du matin s’est substituée la lumière crépusculaire. La beauté et le prestige de la ville s’effondrent. Venise n’est plus ni la ville des peintres ni Combray en mieux ; le bassin de l’Arsenal remplit le narrateur de « ce mélange de dégoût et d’effroi », celui de communiquer avec « d’invisibles profondeurs couvertes de corps humains en caleçons », qu’il a éprouvé tout enfant quand il accompagnait sa mère aux bains Deligny ! (p. 233). « L’âme de Venise » s’est échappée, avec l’absence de la mère. C’est dire clairement que tout ce système d’équivalences, qui parvenait à faire de Venise une totalité harmonieuse, ne tient que par la présence de la mère, unique garantie d’une synthèse supérieure.

20Comment expliquer le sursaut final ? C’est peut-être autant pour garder cette vision et cette signification de Venise que pour demeurer fidèle à sa mère que le héros-narrateur finit par courir à la gare et renoncer (provisoirement) à ses préférences. Renoncer à la présence réelle de Venise, c’est aussi accepter ce qui suit : reconnaître l’erreur sur la lettre, qui donnait à croire encore à l’existence d’Albertine, et apprendre l’annonce prosaïque de mariages imprévisibles. Le deuil est fait : la Venise ruinée, dans le coucher de soleil de la fin du chapitre laisse espérer une autre Venise reconstruite et lissée par l’écriture. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes que l’écriture proustienne, cette écriture sinueuse et volontiers contournée est à l’opposé de la simplicité et de l’humilité classique, tant vantées par les mères et leur fils épousant en partie leur point de vue. Après avoir rapporté le jugement esthétique de la mère, le narrateur ajoute : « et il y avait en effet une part de vérité dans ce que disait ma mère » (p. 209). Il y a donc une autre part, celle d’un narrateur qui n’est pas du même avis, amoureux du sinueux et du byzantin, proche de la complexité d’un Baudelaire ou d’un Dostoïevski (écrivains qui ne sont pas aimés des mères), d’un narrateur cette fois proche de Marcel Proust.