Atelier

La démarche de base, qui pousse ici à pratiquer l'écriture d'un texte à partir d'un autre, produit et s'appuie massivement sur un plaisir de dégradation essentiellement comique, si l'on veut bien confondre sous ce vocable un instant l'ironie, l'humour, la satire, le polémique, le burlesque... La langue courante a retenu cette dimension caustique, valorisant (« réjouissante parodie des hommes politiques ») ou condamnant la dégradation engendrée (« c'est une parodie de démocratie »). Pourtant toute pratique de transposition ou d'imitation ne se réduit pas à cette visée comique. C'est évident pour le pastiche, dont les vertus didactiques ont été un temps prescrites aux élèves et revendiquées par les écrivains, exercice formateur et quasiment critique, à la façon des copies de toiles de maîtres par les apprentis peintres (Proust y voyant plus exactement une valeur salutaire de purge lui permettant de devenir lui-même en se débarrassant des tics des écrivains admirés - dans la lettre citée par Pierre Clarac dans son édition du Contre Sainte-Beuve, « Pléiade», Gallimard, 1971, p.690). Du côté de la parodie, Genette a eu le mérite de maintenir à flot l'idée quasiment oxymorique d'une forme de parodie sérieuse (son régime sérieux), comme peuvent en témoigner les transpositions exemplifiées par l'Ulysse de Joyce ou le Docteur Faustus de Mann. En effet, dans la réécriture du mythe par transposition, on trouve de nombreuses œuvres qui ne se laisseraient pas facilement réduire à des pratiques parodiques au sens de la déformation liée à un véritable comique (Heureux Ulysse… du suédois Eyvind Jonhson plus probablement encore que celui de Joyce d'ailleurs). A côté de ce régime sérieux, deux autres régimes principaux trouvent place : le régime ludique (les jeunes Boileau, Racine et Furetière, auteurs supposés du Chapelain décoiffé, songeant à s'amuser sans vraiment s'engager dans une visée plus violemment agressive) et le régime satirique (le travestissement burlesque du Virgile travesti étant plus désacralisant). La distinction entre le ludique et le satirique est primordiale pour laisser ouverte la prise en compte de réécritures parodiques par décalage poétique, comme certains poèmes de Desnos ou de Queneau le prouvent (« la Grenouille qui voulait se faire aussi ronde qu'un œuf »). Cette tripartition a, dès l'exposé théorique au début de Palimpsestes, été amendée selon une rosace qui la double, avec l'adjonction de « l'ironique » et de « l'humoristique » encadrant le ludique, et du « polémique » entre le satirique et le sérieux. Genette reconnaissant alors un peu les limites d'une codification tentant de fixer la formule des textes : la conclusion est plutôt : « nouvelle nuance, nouveau brouillage, c'est le fait des grandes œuvres » (Palimpsestes p.46). La tripartition retenue suscite par exemple les réserves de Daniel Sangsue (La Parodie, Hachette « supérieur », 1994, p.68 sq.), qui regrette en partie l'insistance sur le sérieux effectivement défendu à rebours de la tradition, mais au risque de négliger des recherches plus fines sur l'ironie parodique par exemple.

Ainsi la parodie recèle des zones grisées (sans infléchissement satirique) sous l'éclairage si lumineux de la majorité des pratiques procédant selon une dynamique comique, en même temps qu'elle ne parvient pas véritablement à annexer les pans entiers constitués par les pratiques d'imitation, du pastiche comique au pastiche sérieux.

Maxime Abolgassemi

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Dernière mise à jour de cette page le 1 Juillet 2002 à 14h58.