Atelier


Le théâtre, d'une performance à l'autre, par Joseph Danan (Note de lecture)

par Marc Escola




Dans un court essai qui rendra bien des services, Joseph Danan s'emploie à définir les liens qui se tissent sur les scènes d'aujourd'hui Entre théâtre et performance. Sous ce titre, paru à l'automne 2016 dans la collection «Apprendre» des éditions Actes Sud-Papiers qui avait déjà accueilli son précédent titre (Qu'est-ce que la dramaturgie?, 2010), le dramaturge et théoricien soulève «la question de la place et de l'avenir du texte théâtral face à des spectacles de performances de plus en plus présents sur la scène contemporaine». Il tente de définir les relations du théâtre et de la performance, en s'attachant à un court florilège de créations qui ont durablement marqué les dernières décennies, depuis la Catherine d'A. Vitez, qui «présentait» au public le roman d'Aragon Les Cloches de Bâles, et Outrage au public de P. Handke, qui montrait au public un spectacle «où il n'y avait rien à voir», jusqu'aux récentes «propositions» de R. Castelucci ou A. Liddell.


Joseph Danan propose de distinguer d'abord l'un de l'autre les deux sens du mot performance: au sens restreint, le terme nomme un acte ou un événement survenu dans le monde réel, qui ne représente rien d'autre que lui-même en suspendant la mimèsis et dont les spectateurs sont constitués en témoins; au sens large, on peut nommer performance cet acte qu'accomplissent collectivement les acteurs, et qui peut se trouver — ou non — mis au service d'un récit théâtral ou de la représentation d'une histoire.


La thèse est que les spectacles contemporains cherchent à rapprocher l'un de l'autre ces deux bords; la performance au sens restreint ne fait que pousser à l'extrême l'exigence même du théâtre: «produire un acte qui soit le plus vivant possible dans le présent non reproductible de toute représentation»; et dès lors, «l'intégration d'éléments peu ou prou issus de la performance au sens restreint, ou plus simplement, la “contamination” par elle, apparaît comme un moyen utilisé par le théâtre, qu'il le formule ou pas, pour porter à l'incandescence ce qui le fonde» — la performance qu'est fondamentalement le théâtre.


Reste à se demander pourquoi maintenant? — pourquoi l'invention d'un théâtre pour notre époque passe désormais aussi souvent par un dialogue avec la performance? La réponse est ici que ce théâtre donne la mesure de notre besoin de réel dans un temps où celui-ci s'éloigne de nous toujours un peu plus.


«Il faut prendre au sérieux ce désir d'un théâtre qui nous fasse atteindre, fût-ce le temps d'une représentation, quelque chose d'un réel duquel tout, dans le monde où nous sommes supposés vivre, concourt à nous en éloigner: tout, c'est-à-dire l'omniprésence des médias et, désormais, d'Internet, qui tend à absorber l'intégralité du réel et du champ de notre expérience pour y substituer sa toile. […] Il faut bien qu'un art vivant répondre à notre désir, désespéré parfois, de nous sentir vivants. »



Note de lecture, par Marc Escola, décembre 2016.



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Dernière mise à jour de cette page le 28 Janvier 2017 à 22h46.