Atelier

Karen Haddad-Wotling, Vincent Ferré (dir.),Proust, l'étranger, CRIN, 54, 2010

On pourra lire ici l'Introduction de Proust, l'étranger : "Proust, l'étranger. Des cercles de l'Enfer aux eaux du Bosphore"


A propos des auteurs



Yves-Michel ERGAL. Maître de conférences à l'université de Strasbourg, auteur d'un essai sur Proust et Joyce, « Je » devient écrivain (1996) et d'une étude sur Sodome et Gomorrhe, l'Ecriture de l'innommable (2000). Il a également édité, de Marcel Proust, la préface, la traduction et les notes de La Bible d'Amiens, de John Ruskin, aux éditions Bartillat (2007).

Vincent FERRÉ. Maître de conférences en Littérature comparée à Paris 13 et membre de l'équipe Fabula à l'ENS (www.fabula.org). Travaille sur le roman européen et américain du XXe siècle : sur les genres (essai et roman) ainsi que sur la présence du Moyen Âge au XXe siècle (le Médiévalisme). Sa thèse de doctorat sur L'essai fictionnel chez Proust, Broch et Dos Passos (2003) est à paraître chez H. Champion. A publié deux ouvrages chez Ch. Bourgois Editeur (sur le médiévalisme), dirigé le volume Cycle et collection (2008) avec A. Besson et Ch. Pradeau ainsi que Littérature, politique et Histoire au XXe siècle (sous presse) avec D. Mortier. Parmi ses articles récents : « La saveur de l'essai : Proust et l'essai fictionnel », in Poétique, 158, mai 2009, p. 193-214. A notamment organisé avec Karen Haddad-Wotling (Paris 10) le colloque « Proust : dialogues critiques » en mars 2009, après trois journées d'étude sur Proust et la littérature comparée (juin 2007, novembre 2007 et juin 2008). Voir le site du laboratoire CENEL (Paris 13)1

Karen HADDAD-WOTLING. Professeur de Littérature comparée à Paris 10-Nanterre. Membre du Centre de recherches Littérature et Poétique comparées 2, directrice de l'équipe « Poétique du récit ». Travaille sur le roman européen et l'écriture à la première personne aux XIXe et XXe siècles. A publié notamment L'Illusion qui nous frappe (sa thèse sur Proust et Dostoïevski), Champion, 1995 et L'Enfant qui a failli se taire, essai sur l'écriture autobiographique, Champion, 2004. A organisé avec Vincent Ferré le colloque « Proust : dialogues critiques » en mars 2009, après trois journées d'étude sur Proust et la littérature comparée (juin 2007, novembre 2007 et juin 2008).

Hervé-Pierre LAMBERT, Université du Kyushu, Fukuoka, Japon. Lauréat de la Fondation Singer-Polignac, ENS (lsh), Agrégé de lettres, IEP Paris. Docteur es Lettres. Directeur de la Maison de la Poésie à Paris, Directeur de l'IFAL à Mexico. A enseigné en universités françaises, mexicaines, américaines. Articles récents : « Proust et les neurosciences » sur www.epistemocritique.org et dans « Epistémocritique », Texte, Toronto University, 2009.

Isabelle POULIN. Professeur de littérature comparée à l'université Michel de Montaigne – Bordeaux 3. Isabelle Poulin s'intéresse depuis toujours au « côté Dostoïevski des Lettres de Madame de Sévigné », sur lequel elle a d'abord travaillé au sens propre, et dont elle a par la suite cherché à préciser les enjeux, aussi bien esthétiques que politiques, en travaillant sur les œuvres de grands lecteurs de la Recherche (Vladimir Nabokov en particulier, ou Italo Calvino).

Anna Isabella SQUARZINA est maître de conférences temporaire [Ricercatore a tempo determinato] de Langue française à la LUMSA (Libera Università Maria Santissima Assunta, Rome) après avoir été chargée de cours à l'université de Macerata. Elle est l'auteur d'un volume sur Proust (Anatomia del dolore, Turin, Aragno, 2005) et d'une série d'articles consacrés à l'intertextualité dans la Recherche (Virgile, Shakespeare, Maupassant, Huysmans) ainsi qu'à certains aspects linguistiques du texte proustien. Sa thèse (Università La Sapienza de Rome, dir. Gianfranco Rubino), centrée sur les théories du roman en France au XXe siècle, est en cours de publication chez L'Harmattan. Elle a récemment signé une réédition italienne de L'Indifférent de Proust (2007), ainsi que la traduction et l'introduction de Poétiques de la nostalgie de Jean Starobinski, qui a obtenu le deuxième prix au Premio Monselice, section Leone Traverso. Elle s'intéresse actuellement à l'énonciation dans l'essai.

Anne TEULADE est maître de conférences en littérature comparée à l'université de Nantes. Elle s'intéresse à la littérature baroque, à l'usage de l'allégorie et à la mise en abyme de l'interprétation dans la fiction. Sa thèse portait sur les paradoxes de la sainteté dans le théâtre du XVIIe siècle (l'ouvrage qui en est issu paraîtra au Cerf Littérature en 2010), et elle travaille actuellement sur la notion d'interprétation dans le cadre du projet Hermès porté par Françoise Lavocat (2009-2012).

Adam WATT a étudié à l'université d'Oxford où il a soutenu une thèse, dirigée par Malcolm Bowie, sur le rôle de la lecture dans la Recherche. Après avoir enseigné pendant un an à Trinity College Dublin, il est désormais (depuis 2006), maître de conférences [Lecturer in French] à Royal Holloway University of London. Il est l'auteur de Reading in Proust's A la recherche : ‘le délire de la lecture' (Oxford University Press, 2009) et il a dirigé Le Temps retrouvé Eighty Years After/ 80 ans après : Critical Essays/Essais critiques (Peter Lang, 2009). Il prépare actuellement The Cambridge Introduction to Marcel Proust (Cambridge University Press, à paraître en décembre 2010).

Julie WOLKENSTEIN, Maître de conférences en littérature comparée à l'université de Caen, auteur d'un ouvrage sur Henry James (La scène européenne, Henry James et le romanesque en question, Honoré Champion, 2000) et d'un essai sur Les récits de rêve dans la fiction (Klincksieck, 2006). Elle a également publié cinq romans aux éditions P.O.L.



Résumés

Yves-Michel Ergal, « Sur Proust et Ruskin. La petite fille pauvre à la porte d'Albertine. »

Indéniablement, une partie de l'esthétique ruskinienne a inspiré les premiers volumes d'À la recherche du temps perdu, et imprégné les théories de l'art du Temps retrouvé. Mais n'est-il pas également envisageable d'affirmer qu'à l'heure où Proust abandonne les traductions ruskiniennes, et où il projette enfin d'écrire un long roman, le célèbre « Narrateur » n'est autre que John Ruskin lui-même ? Le « je » certes évolue au fil des années, mais il garde toujours en lui des traces anciennes d'un John Ruskin primitif, tel celui peut-être tapi dans la scène de la « petite fille pauvre à la porte d'Albertine » dans Albertine disparue.

Vincent Ferré, « Proust et la philosophie : lectures croisées (françaises, allemandes, anglophones) et réflexions génériques »

Il s'agit ici de confronter des lectures américaines, anglaises et françaises considérant A la Recherche du temps perdu comme une œuvre « philosophique », comme un roman exemplaire dans sa manière d'accueillir la pensée, pour faire ressortir le caractère relatif de cette assimilation à la philosophie, très ancrée dans ces deux domaines culturels et linguistiques. La comparaison, qui passe par un détour vers l'Allemagne et l'Autriche, porte donc sur les commentateurs, sur les catégories qu'ils utilisent, afin d'établir l'ébauche d'un « dialogue critique » entre les critiques proustiennes française et anglophones, des plus établies aux plus récentes.

Karen Haddad-Wotling, « Les eaux du Bosphore : Orhan Pamuk lecteur de Proust »

Le Livre noir d'Orhan Pamuk se présente comme hommage explicite à Albertine disparue. Cependant, par delà la reprise d'un même schéma romanesque (la femme disparue et morte), la référence à Proust, plus qu'à un autre auteur, engage pour Pamuk la question de la lecture, et finalement, de la place et de l'identité d'une littérature partagée entre Orient et Occident et constamment confrontée aux défis de la réécriture.

Hervé-Pierre Lambert, « La lecture de Marcel Proust par Octavio Paz »

Le premier article d'Octavio Paz sur l'œuvre de Marcel Proust est un article de jeunesse qui date de 1939. L'Amérique Latine a lu Proust dans la traduction du poète espagnol Pedro Salinas, parue à partir de 1920. Grâce au mouvement des Contemporaneos à la fin des années Vingt commence au Mexique la diffusion de Proust qui influence alors fortement la production romanesque de ce groupe littéraire. Les commentaires paziens sur l' écrivain français s'échelonnent sur une cinquantaine d'années. Ils sont généralement présentés selon la manière habituelle de l'auteur, sous la forme d'un jeu d'oppositions, en l'occurrence avec tout d'abord D.H. Lawrence et Dostoïevski. Plus tard, la comparaison intégre la culture japonaise avec un jeu de rapprochements et d'oppositions avec Murasaki Shikibu. Dans son dialogue avec l'œuvre de Proust qui a commencé avec une réticence liée aux idéologies politiques de sa jeunesse, le roman et l'univers proustien sont présentés comme caractéristiques de la modernité au même titre que Lawrence, Joyce et Kafka.

Isabelle Poulin, « “Peut-être un matin…” : vertiges du sens, rythmes de l'écriture (Proust et Calvino) »
Italo Calvino retient certaines valeurs de l'œuvre proustienne : « multiplicité », « rapidité », « consistance » (Leçons américaines) et attire ainsi l'attention sur la capacité de la littérature à traduire une expérience cognitive. « Peut-être un matin » est le début d'un poème d'Eugenio Montale (1923) qui fait l'objet d'une lecture par Calvino : ce poème met en scène un moment de vertige de l'être qui, se retournant assez vite sur lui-même, aperçoit le néant (ou l'apercevra « peut-être », s'il est assez rapide) ; Calvino s'en sert pour poser la question des rythmes de l'esprit et du monde, par rapport auxquels cherche à s'édifier celui de la poésie. Le poème sert ici de point de vue sur l'art proustien de la rétrospection, tel qu'il s'énonce en particulier dans La Prisonnière et ses nombreux matins : il éclaire en effet assez bien les enjeux liés au mouvement d'une écriture.

Anna Isabella Squarzina, « Proust et Cervantès »

Cervantès est une présence discrète mais concrète dans l'horizon culturel proustien. En harmonie avec l'attention que la littérature française a toujours réservée, dès le début du XVIIe siècle, au Don Quichotte, la Recherche n'oublie pas l'hidalgo, et la correspondance proustienne le mentionne régulièrement, sans négliger d'évoquer son auteur. Ce qui frappe Proust dans la biographie cervantine est, selon le mot de Robert de Montesquiou, cet « émouvant contraste [...] entre une poésie d'eden et une vie d'enfer» ; ce qui le passionne chez le Chevalier à la Triste Figure est le rapport que Cervantès, « voulant se moquer de Don Quichotte et se prenant à l'aimer », entretient avec son personnage. Les immanquables « moulins à vent » sont bien là dans la Recherche. Toutefois la dette principale de Proust envers Cervantès est quelque chose de plus ample, de plus structurel, et donc fatalement de plus « incertain ». L'attention de Proust se concentre davantage sur le second volume du Quichotte, là ou les frontières entre folie et lucidité, entre délire et bon sens s'estompent définitivement, là où ce n'est plus seulement le regard porté par le héros sur le monde qui déforme la réalité, mais où le monde consent malicieusement à cesser de se dérober, et à satisfaire les désirs du protagoniste.

Anne Teulade, « Proust et l'épopée de Dante »

Examinant les traces explicites ou plus voilées de la Divine comédie dans la Recherche, cette étude montre que l'écriture proustienne peut se lire en regard de l'épopée chrétienne dont elle constituerait une adaptation ancrée dans la temporalité humaine. Chez Proust, le mouvement spirituel, l'imaginaire spatial et l'usage de l'allégorie font écho aux pratiques dantesques qu'elles mobilisent dans la perspective mélancolique d'une vision fragmentaire et mouvante du monde.

Adam Watt, «… d'autres ciels, un autre corps». Présence de Proust dans la prose tardive de Samuel Beckett

Cet essai a pour point de départ un texte tardif, très court et peu connu de Samuel Beckett, Vieille terre (publié dans Pour finir encore et autres foirades, Minuit, 1976). Dans ses écrits tardifs en prose, avec une syntaxe très éloignée des convolutions proustiennes, et longtemps après son essai critique sur l'auteur de la Recherche (Proust, publié en anglais en 1931), Beckett persiste à emprunter des pratiques stylistiques à l'écrivain français, les adaptant et les mobilisant à ses propres fins esthétiques. Une lecture attentive de Vieille terre révèle certains détails qui nous renvoient soit à un passage précis d'A la recherche du temps perdu soit à une pluralité de moments-clés dans la narration du roman proustien. En examinant la manière dont Beckett, dans son texte minimaliste, se sert de plusieurs motifs à première vue très simples – le hanneton, la fenêtre, un manque de lumière, et le mot-clé « hoquet » – nous montrons comment sa dette envers Proust s'avère, dans ses derniers textes, d'un minimalisme riche et fécond en allusions intertextuelles.

Julie Wolkenstein, « Proust, Woolf, la lecture et son souvenir : deux évocations comparées »

Virginia Woolf a elle-même maintes fois évoqué l'influence de la Recherche sur sa propre entreprise romanesque, comme source d'inspiration mais aussi d'inhibition. Deux textes, l'un, célèbre, la préface de Proust à sa traduction de Sésame et les lys, l'autre, plus confidentiel, de Woolf, intitulé Lecture, permettent de mieux cerner la parenté entre les deux écrivains. Leur comparaison fait apparaître une importance identique accordée aux souvenirs de sensations périphériques à la lecture, qui éclipsent l'ouvrage proprement dit, et une conception similaire de la littérature comme instrument d'une résurrection, moyen de transport dans le temps.



Vincent Ferré

Sommaire | Nouveautés | Index | Plan général | En chantier

Dernière mise à jour de cette page le 30 Août 2010 à 14h52.