Ce point est essentiel, car il met en jeu l'extension qui sera donnée à la notion. On peut ainsi considérer que le modèle définitionnel le plus abouti a été proposé par Paul Ricœur dans les trois volumes de Temps et récit et dans son dernier ouvrage, La Mémoire, l'histoire, l'oubli. Le philosophe y pose, en effet, une distinction fondamentale – et extrêmement féconde – entre textes fictionnels et textes historiques. Il trouve, sur ce point, appui dans La Poétique, où Aristote oppose les textes de fiction et les « chroniques qui sont nécessairement l'exposé, non d'une action une, mais d'une période unique avec tous les événements qui se sont produits dans son cours, affectant un seul ou plusieurs hommes et entretenant les uns avec les autres des relations contingentes » (La Poétique, traduction J. Lallot et R. Dupont-Roc, Éditions du Seuil, coll. « Poétique », 1980, p. 119).

Pourtant, le problème reste entier : le modèle du récit historique ne permet pas de rendre compte de l'ensemble des textes factuels qui vont des récits à la première personne – autobiographiques ou historiques : Mémoires, Souvenirs, journaux, témoignages –, aux écrits scientifiques, en passant par les textes critiques – essai littéraire, essai philosophique, critique journalistique, critique universitaire –, mais aussi les genres oratoires, les genres philosophiques, etc.

Deux voies sont donc ouvertes : celle de l'efficacité (le concept de récit historique de P. Ricœur a pour intérêt d'être opératoire et de permettre une étude équilibrée des deux grands modes de configuration de l'expérience vécue que sont la fiction et l'histoire) et celle de l'exhaustivité (les textes factuels sont légion et restent généralement peu connus ; il y a donc grand intérêt, si l'on se préoccupe d'histoire littéraire, à défricher le terrain et à sortir des quelques autobiographies canoniques auxquelles on se cantonne généralement).