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Problèmes de la notion de personnage dans l'Énéide de Virgile, par Judith Rohman.

Ce texte est tiré de notes pour une intervention lors de la cinquième séance 5 (3 février 2012) du séminaire "Anachronies - textes anciens et théories modernes", consacrée à la notion de personnage.

Lire l'introduction générale de la séance, par Judith Rohman et Arnaud Welfringer.




Problèmes de la notion de personnage dans l'Énéide de Virgile.


Les apports de la critique et de la théorie modernes – par opposition à la critique «ancienne» des commentateurs de l'Antiquité – à l'étude de la littérature ancienne s'accompagnent de problèmes de théorie qui ne semblaient pas s'être posés auparavant, ou pas tout à fait dans les mêmes termes. C'est le cas pour la notion de «personnage». Si l'on se place du point de vue de la réception, nous serons sans doute tous d'accord pour dire qu'il est difficile pour un lecteur du XXIe siècle, qu'il soit un lecteur dit «savant» ou qu'il lise pour le plaisir, d'envisager le «personnage» en faisant abstraction de ce qu'est, par exemple, un personnage de roman, de ne pas attendre d'un personnage qu'il soit conforme à ce qu'il a eu l'habitude de rencontrer depuis sa jeunesse dans les romans. La problématique du personnage dans les œuvres antiques rejoint alors un problème plus large, qui relève de l'anachronisme des attentes du lecteur:

1. Il y a d'abord des attentes «anachroniques» (attentes de lecteurs déçus, habitués au roman) face aux œuvres antiques. C'est ce qu'exprime D. C. Feeney dans l'introduction de son ouvrage Gods in Epic:

«The frustration evidently felt by many modern readers of epic shows that classicist's prevalent reading habits are not doing their job. Classicists tend to be the (unwitting) victims of realistic – indeed, novelistic – conventions of reading.»

«La frustration manifestement ressentie par de nombreux lecteurs modernes d'épopée montre que les habitudes de lecture qui dominent chez les philologues classiques ne remplissent pas leur tâche. Les philologues classiques ont tendance à être (malgré eux) victimes de convention de lectures réalistes – en fait, romanesques.» (trad. personnelle)

Il renouvelle ce constat un peu plus loin:

«A special handicap for most moderns as readers of ancient epic is our insensible assumption of the naturalistic novel as the norm for narrative – a norm which itself often remains unexamined, since classicists tend to assume that naturalism is «natural». […] I shall be suggesting that we do multiple harm to the ancient epics when we read them as texts of realism…»

«Un handicap particulier pour la plupart des lecteurs modernes de l'épopée antique réside dans le fait que nous présumons sans nous en rendre compte que le roman naturaliste est la norme du récit – une norme qui demeure souvent elle-même privée de tout examen, puisque les antiquisants ont tendance à supposer que le naturalisme est ‘naturel'. […] je suggèrerai que nous causons de multiples torts aux épopées antiques lorsque nous les lisons comme des textes relevant du réalisme.» [1]

2. Un deuxième élément d'anachronisme, si l'on resserre l'attention sur le personnage en particulier, vient des attentes liées à la confusion entre personne et personnage, qui trouve un écho dans le débat moderne sur le lien entre personne et personnage: il s'agit soit d'éviter la notion de personne en proposant une définition narratologique, sémiologique, etc., du personnage, soit d'accepter le lien entre personne et personnage comme quasi inévitable[2]; dans ce cas, on se rend compte que c'est la dimension psychologique liée à la notion de personne qui est problématique et il faut alors s'attacher, comme l'a fait Marion Faure dans l'introduction de sa thèse, à comprendre que la notion de personne ne recouvrait pas, dans la Rome antique, la même notion d'individualité et de «moi» que pour nous[3].

3. En conséquence, l'anachronisme porterait sur la définition de la personne selon les époques. De ce décalage de conception découle l'abolition des affinités[4] entre le lecteur et l'œuvre, ou encore, pour le dire autrement, la perte de ce que P. Hamon nomme lisibilité des œuvres[5]. Pour comprendre ce phénomène, il n'est nul besoin de remonter jusqu'à l'Antiquité, il suffit de constater que pour les lecteurs occidentaux du XXe siècle, les personnages du roman picaresque manquent d'intériorité psychologique, comme le remarque J. M. Schaeffer dans le Nouveau dictionnaire encyclopédique des Sciences du langage[6]. De ce point de vue, la prise en compte de la dimension historique de la littérature paraît incontournable, ne serait-ce que pour remplir ce qu'U. Eco appelle les «devoirs philologiques» du Lecteur Modèle: tenter d'approcher le plus près possible des codes de l'émetteur[7].


Autrement dit, la lecture anachronique des œuvres antiques, que nous, lecteurs de romans, pratiquons, serait néfaste; il y aurait donc une négativité de l'anachronisme. L'un des objets de cette séance sera de se demander s'il est possible de considérer cet anachronisme comme une anachronie qui ne constituerait pas un préjudice porté au texte et à sa lisibilité, mais une grille de lecture fructueuse.

Pour redorer le blason de Virgile – ou d'autres auteurs – et éviter tout malentendu ou toute déception à la lecture, une solution est possible: considérer que la notion de personnage, parce qu'elle véhicule avec elle tous les apports du roman moderne, ne peut pas convenir à l'épopée antique. Mon choix se situe à l'opposé: il s'agit de restaurer la notion de personnage en prenant en compte les difficultés qu'elle pose. Ces dernières, à la lecture des commentaires antiques et modernes, peuvent être rassemblées en deux catégories: je présenterai dans un premier temps les difficultés liées aux personnages humains, à travers le cas emblématique du héros, Énée, puis les difficultés particulières liées aux dieux.


I. Les personnages humains


I.1. Les personnages de Virgile, des marionnettes?

Les conventions de lecture liées au roman ont profondément modifié les attentes des lecteurs entre l'époque où Virgile écrivait et le XXIe siècle. C'est là, semble-t-il, le principal «obstacle» à l'emploi serein de la notion de personnage pour l'épopée antique. Les personnages de l'épopée virgilienne dans leur ensemble ont fait l'objet de critiques, comme le rappelait Dorothy Woodworth dans un article de 1930 en citant les paroles d'un professeur d'université qu'elle ne nommait pas:

«I read Vergil in high school and didn't like him; I thought his characters were sticks, and his story has no relation to human life. If the Aeneid is the high point of Latin literature, why read Latin at all?»

«J'ai lu Virgile au lycée et je n'ai pas aimé; j'ai trouvé que ses personnages étaient des pantins, et que son histoire n'avait aucune relation avec la vie humaine. Si l'Énéide est l'apogée de la littérature latine, à quoi bon lire du latin?»(trad. personnelle) [8]

Si le propos est extrême, il reflète l'attitude de nombreux lecteurs de l'Énéide, dont la réaction face aux personnages de l'histoire, et particulièrement Énée, va du«léger mépris au ressentiment marqué». Selon D. C. Woodworth, cela est lié à la conception très répandue que les personnages de l'Énéide sont des «marionnettes dans les mains des dieux». Parce que les dieux agissent, guident, voire manipulent les personnages (Vénus fait en sorte que Didon tombe amoureuse d'Énée, etc.), ces derniers ne paraissent pas agir comme des êtres humains dotés d'un libre arbitre, et les lecteurs modernes éprouvent des difficultés à les apprécier, à s'identifier à eux. L'interaction entre un plan divin de l'action et un plan humain ne pose pas seulement des questions sur la façon de considérer le plan divin, comme nous le verrons plus tard, mais semble également déprécier, pour les lecteurs modernes, le plan humain. La validité de la notion de «personnage» est ainsi mise en cause par l'attente des lecteurs modernes. Paradoxalement, ce seraient peut-être les lecteurs du Nouveau Roman qui seraient les plus susceptibles de s'adapter aux personnages des oeuvres antiques, puisque les auteurs qui se réclament de ce mouvement refusent justement le personnage traditionnel profond, au profit de «figures plates d'un jeu de cartes»[9].


I. 2. Énée, cas particulier, cas emblématique       

C'est sur le cas d'Énée que se sont concentrées critiques et difficultés[10]. Il souffre à la fois des reproches adressés à l'ensemble des personnages de Virgile, et de critiques particulières, liées à son statut de «héros»[11]. Il a souvent été considéré comme un personnage plat et falot, donc comme un échec de Virgile à créer un héros réussi – c'est-à-dire capable d'emporter l'adhésion –, au point que certains lecteurs, comme Voltaire, lui ont préféré son ennemi, Turnus:

«Pour moi, s'il m'est permis de dire ce qui me blesse davantage dans les six derniers livres de l'Énéide, c'est qu'on est tenté en les lisant de prendre le parti de Turnus contre Énée.»[12]

Or, ces critiques et reproches ne sont pas seulement le fait de lecteurs dont l'appréciation serait biaisée par leur approche «romanesque» de l'œuvre et des personnages; selon J.-P. Brisson, les amateurs d'épopée eux-mêmes, habitués aux codes de l'épopée homérique, sont déçus par le héros de Virgile, parce qu'il incarne un type d'héroïsme différent, qui n'a plus rien à voir avec celui d'un Achille:

«C'est que, si l'aventure d'Énée atteint aux dimensions d'une épopée, ce n'est pas en vertu d'exploits hérités d'Homère. Ce qu'il y a d'épique dans la conduite d'Énée, c'est qu'il abandonne Troie en flammes, alors que son attachement à sa patrie et son courage personnel l'inciteraient à y mourir les armes à la main; c'est qu'il s'arrache à Carthage où son amour pour Didon devrait le retenir; c'est qu'il n'hésite pas à excéder les limites ordinaires de l'homme pour connaître à fond son destin en affrontant le monde infernal. L'épique se situe au niveau de la prise de conscience des réponses actives qu'exige une situation donnée et qui mettent le héros en opposition avec lui-même. Cette donnée épique culmine avec la descente aux Enfers, expression mythique de l'effort de l'homme pour transcender les limites que l'espace et le temps imposent à sa connaissance. […]

En tout cas, ce déséquilibre a entraîné des erreurs d'appréciations chez bien des lecteurs de l'Énéide. Trompés par les conventions du genre et les références au modèle homérique, ils n'ont vu le plus souvent dans Énée qu'un échec littéraire: ce personnage prompt à s'attendrir et à se lamenter leur paraît un héros d'épopée tout à fait manqué[13]. Appréciation exacte, si l'on cherche dans Énée la fidèle réplique d'un héros d'Homère; erronée au contraire, si l'on veut bien admettre que la conduite épique d'Énée s'enracine profondément dans le sentiment tragique des situations auxquelles il est confronté.[14]»

Très récemment, Florence Dupont a résumé ainsi la déception provoquée par Énée par rapport aux attentes d'un lecteur d'épopées homériques: Énée lui paraît être «un Achille tiédasse et un Ulysse fadasse»[15]. Pas suffisamment «personnage» pour un amateur de roman, pas assez «héros épique» pour un amateur d'épopée, Énée, créature virgilienne, ne semble donc correspondre à aucun code reconnaissable pour le lecteur: que ce dernier fasse sien l'horizon d'attente impliqué par la littérature romanesque – ce qui constitue sans doute une «erreur» si l'on veut pouvoir apprécier l'œuvre – ou par les épopées homériques, il sera toujours déçu.

Bien entendu, on pourrait dire que sont ici reproduites des lectures dans lesquelles le sentiment personnel du lecteur l'emporte sur l'attention du commentateur et qui sont invalidées par leur caractère incontestablement subjectif. En outre, quel intérêt doit-on porter à des lectures «modernes» lorsque l'on étudie une œuvre ancienne? La réponse que l'on peut apporter, de façon provisoire, consiste à tenir compte de ces lectures, au moins comme point de départ, pour plusieurs raisons:

  • En premier lieu, elles fonctionnent comme des révélateurs de certains aspects problématiques que je souhaite mettre en valeur; elles témoignent en effet de la variabilité de la «lisibilité» des textes: lorsque Voltaire déclare que le véritable héros est pour lui Turnus, on comprend que l'Énéide est devenue un texte ambigu, parce que les lecteurs ne partagent plus les codes culturels qui étaient ceux de Virgile et de son lectorat romain. On saisit alors l'importance d'un effort de documentation précise sur le monde de valeurs et de croyances de l'auteur et de son époque.

  • Ensuite, parce que ces lectures prennent place dans des ouvrages spécialisés, prouvant que la réception problématique d'Énée est une question critique à ne pas négliger; de plus, la démarche qui consiste à envisager le personnage du point de vue du lecteur – même s'il s'agit plutôt de définir un Lecteur Modèle que d'effectuer une étude d'ordre sociologique sur les réceptions possibles d'Énée – ne peut passer outre ces constats d'échecs que constituent les reproches adressés à Virgile dans son élaboration du personnage.

  • Enfin, l'emploi d'outils critiques et théoriques «modernes» implique à son tour, en toute logique et réciprocité, la prise en compte des lectures modernes.

Les contraintes qui en découlent sont doubles: en respectant les «devoirs philologiques» du lecteur – ce qui implique un recours aux approches philologiques traditionnelles –, il faudra pouvoir cerner la part des outils modernes qui permettent d'enrichir la lecture et de répondre aux questions posées par les critiques mentionnées.

 Si l'on fait le bilan des analyses sur Énée, on observe une contradiction entre deux visions possibles du héros: soit il est perçu comme un homme faible, inquiet, image reflétée par ses plaintes désespérées pendant la tempête au chant I (I, 94-101), et donc un héros défaillant, soit il est un héros qui s'acquitte de sa mission coûte que coûte, au prix de toute marque de sensibilité «humaine». Il en est ainsi face à Didon (IV, 296 sqq. et en particulier 436 sqq.): lorsque la reine de Carthage, comprenant qu'Énée va partir, le supplie de rester, le menace, il demeure muet et fermé à ses suppliques. Énée apparaît donc soit comme un «héros sans humanité», soit comme un «homme dénué de tout héroïsme»[16].

Or cette alternative n'est pas sans conséquence sur le statut d'Énée en tant que personnage. G. B. Conte a en effet montré que cette contradiction s'explique par la double fonction, ou le double statut littéraire d'Énée, dans la mesure où ce dernier est à la fois un personnage et un «non-personnage», un simple représentant de la volonté du fatum, le destin de Rome[17]. Dans l'Énéide, le cours de l'histoire tout entier consiste en la réalisation du destin de Rome, et le fil du récit épique correspond à ce qu'a fixé le destin[18]. Or, de la chute de Troie à l'arrivée en Italie, la réalisation du fatum de Rome repose sur les épaules d'Énée: appelé par les dieux, il est celui qui doit emmener son peuple jusqu'en Italie où sera fondée, par les descendants des Troyens, Rome, la cité destinée à régner sur le monde. Le personnage d'Énée se définit donc avant tout par le devoir d'accomplissement de cette mission qui lui a été confiée. Il porte ainsi en lui, selon G. B. Conte, une part de vérité absolue, ou objective (la volonté du destin), et sa fonction et sa position sémantiques, par conséquent, sont en partie absolues. D'un autre côté, Énée a également, comme chacun des personnages de l'Énéide, un point de vue subjectif, qui le marque comme individu, et lui assigne alors une position sémantique relative, dans la mesure où les points de vue qui sont exprimés dans l'Énéide sont relatifs, et coexistent les uns avec les autres. Cette fonction subjective, de personnage, coexiste en Énée avec la fonction objective de ce que G. B. Conte nomme «la Vérité cosmique et historique».

C'est cette fonction objective qu'Énée oppose aux différents points de vue des autres personnages. Parce que sa mission, ou ce qu'il en sait, se définit précisément par cette vérité objective qu'est, dans l'épopée, le vouloir du destin, Énée ne peut pas se placer sur le même plan que les autres personnages, et, par exemple, avoir avec eux des conflits de type dramatique. Ainsi, d'après G. B. Conte, Énée a le statut de personnage lorsqu'il ne peut être protagoniste, élément dynamique de la narration.

Cette conception pose alors le problème des modalités de définition des moments dans lesquels Énée est personnage et de ceux dans lesquels il est non-personnage. L'apport de G. B. Conte, qui permet de comprendre et d'expliquer les deux visions antithétiques de la critique, en montrant que la dualité se situe en fait dans l'œuvre elle-même et constitue, plus précisément, une caractéristique d'Énée, conduit cependant à une aporie sur le plan terminologique. Cela contraint à revenir sur la définition du terme de «personnage», ainsi que sur celle de  «héros» – compris en tant que personnage principal d'une épopée –, puisque le héros peut être à la fois personnage et «non-personnage». Il peut de fait sembler problématique de considérer que le héros d'une épopée, c'est-à-dire son personnage principal, n'a pas le statut de «personnage» dans la plus grande partie de l'œuvre: qu'est-il alors? Même si on interprète Énée en termes symboliques, comme l'incarnation du fatum, cela exclut-il qu'au sein du récit, pris de façon littérale, il fonctionne en tant que personnage?


II. Difficultés d'interprétation des dieux en tant que personnages dans l'épopée

Contrairement à ce qu'il se passe dans le cas des personnages «humains», l'interprétation du statut des dieux dans  l'épopée est problématique depuis les débuts de la critique, dans l'Antiquité. De nos jours encore, l'intégration par les antiquisants de notions de critique moderne, comme par exemple celle d' «actants», n'a pas clarifié de manière évidente le problème: lecteurs antiques comme modernes cherchent souvent à inventer pour les dieux un statut à part, comme si l'on ne pouvait se résoudre à en faire des «personnages». La problématique du lien entre la notion de «personnage» et celle de «personne» se voit redoublée par un présupposé rarement explicite: le personnage se doit d'être anthropomorphe.


II.1. La critique ancienne: scholies homériques

Pour la critique ancienne, à commencer par les scholies homériques et les doctrines dont elles portent les traces, ce sont les dieux qui posent le problème le plus important pour le commentaire des épopées. D. C. Feeney, dans son ouvrage Gods in Epic, a rappelé la façon dont les Anciens ont traité les questions que pouvaient soulever l'existence et la représentation des dieux dans l'épopée, et ce que ces développements anciens pouvaient apporter aux critiques contemporains. Je m'appuie donc sur son travail pour résumer les principaux points soulevés par la critique ancienne[19].

On a d'abord condamné la représentation des dieux chez Homère et Hésiode pour des raisons morales et religieuses, parce qu'ils avaient affublé les dieux de tous les éléments immoraux que l'on trouve chez les êtres humains[20]: vol, adultère, tromperie. C'est probablement à cette première attaque que réagit Théagène de Rhegium, qui se posa en défenseur de la tradition épique. D'après les éléments dont nous disposons, Théagène fut le premier à répondre aux accusations d'invraisemblance portées contre les dieux homériques en expliquant que le poète parlait en fait des éléments naturels en utilisant les dieux, donc par allégorie.

C'est ainsi que naît une tradition d'interprétation des dieux en poésie: l'allégorèse, ou exégèse allégorique. J'emprunte ici les mots de Griffiths: «l'essor de l'interprétation allégorique était une tentative pour sauver ces œuvres admirées en suggérant que les épisodes jugés offensants portaient en réalité des sens cachés qui étaient tout à la fois acceptables et élevés»[21]. C'est d'abord sur le nom des dieux que porte cette attitude interprétative. Les noms se voient attribuer, par rapprochement étymologique entre autres, des significations morales ou physiques. L'exemple de Héra, identifiée par son nom HRA à AHR, l'éther, est très connu[22]. Plus largement, des épisodes entiers des épopées homériques et hésiodiques donnent lieu à des interprétations allégoriques: outre la Théomachie du chant XX de l'Iliade, l'exemple le plus connu est sans doute celui des amours d'Arès et Aphrodite chantées par Démodocos dans l'Odyssée. La fable des deux amants pris au piège dans un filet par le mari d'Aphrodite, Héphaïstos, a bien entendu été jugée inconvenante. Pour les défenseurs d'Homère, le passage s'interprète en termes empédocléens: Arès est la discorde, Aphrodite, l'amour. Le mythe montre l'accord de ces deux principes opposés, d'abord séparés, et dont l'union permet finalement l'harmonie dans le monde[23].

Les dieux ont également pu être envisagés comme la traduction matérielle, extérieure, de mouvements d'ordre psychologique, internes aux personnages humains. Cette position peut être considérée comme le prolongement de l'interprétation de type allégorique; P. Decharme définit ainsi deux types d'allégories: «l'allégorie physique, qui cherche dans la vie de la nature l'explication des actes prêtés à la vie divine; l'allégorie psychique ou morale, qui demande cette même explication aux phénomènes de l'âme humaine»[24].

De fait, les scholiastes considèrent parfois que les dieux peuvent être inventés «d'après nos émotions» (ek tôn emeterôn pathôn, b4. 440): Arès peut ainsi incarner l'ardeur guerrière, ce qui implique alors que les dieux en eux-mêmes, comme le souligne Feeney, n'existent pas[25]. Il s'agit donc soit du dieu, soit d'une émotion. Cette formulation de l'alternative préfigure la double attitude de la critique «moderne» à l'égard des dieux dans l'épopée: leur donner une existence réelle (dans le récit), ou les interpréter de manière allégorique. Ici s'amorce la distinction – ou du moins le choix à faire pour l'interprète – entre un dieu qui serait une représentation symbolique ou allégorique (d'un élément naturel ou d'une émotion), et un réel personnage.

Une autre approche, légèrement postérieure à celle de Théagène, est l'approche rationalisante, vraisemblablement initiée par Hécatée de Milet. Elle consiste à extraire du mythe un noyau qui peut être considéré comme relevant du réel, de l'historique. Ainsi, Cerbère, le gardien des Enfers, devient-il pour Hécatée un serpent vénéneux, appelé «chien des Enfers» parce que ceux qu'il mord meurent immédiatement[26]. De cette mouvance, on peut rapprocher la doctrine évhémériste, qui fait des dieux d'anciens hommes exceptionnels auxquels on a, après leur mort, commencé à rendre un culte, leur conférant ainsi le statut de divinités.

Ces deux types d'interprétation, allégorique et rationalisante, furent florissants chez les scholiastes et commentateurs antiques, et font partie du bagage intellectuel des poètes épiques postérieurs, qui en feront usage à leur tour. On considère ainsi que Virgile, par exemple, a considérablement infléchi la représentation des dieux dans l'Énéide par rapport aux modèles homériques, en tenant compte des critiques contenues dans les scholies à Homère, et dans un souci de respect de la religion romaine: ses dieux seraient moins «immoraux», moins anthropomorphes également[27]. Mais ces deux types d'interprétation comportent cependant un risque: leur fonctionnement implique de «réduire» le sens du texte poétique en le rapprochant d'un autre type de sens, généré par d'autres textes (philosophiques, historiques…).

Face aux interprétations allégoriques et rationalisantes, et à la suite d'Aristote, on trouve l'idée qu'il faut prendre plus «à la lettre» ce que les poètes écrivent, notamment sur les dieux[28]. Certains scholiastes paraissent ainsi conscients de la nécessité, ou du moins de la possibilité, de considérer les dieux comme des personnages, au lieu ou avant de leur chercher une valeur autre que celle d'acteurs du récit. Se développe l'idée de ce que l'on peut appeler une «licence poétique», de conventions qui permettraient – ou imposeraient, pour se conformer à un code générique –, aux poètes épiques notamment, de représenter des dieux dotés de caractéristiques humaines. En conséquence, non seulement la présence des dieux, mais aussi leur caractère anthropomorphique (à savoir le fait qu'ils soient dotés des mêmes passions et qualités que les êtres humains), initiés par Homère, deviennent une caractéristique générique de l'épopée. Ainsi, pour Servius, commentateur de Virgile, l'épopée se définit par la présence de personnages humains et divins:

Est autem heroicum quod constat ex diuinis humanisque personis continens uera cum fictis. (Serv. Ad Aen. I, 4-6)

C'est un poème héroïque parce qu'il est construit sur des personnages divins et humains, et qu'il contient des éléments vrais mêlés d'éléments fictifs.

Les dieux sont donc des personnages au même titre que les êtres humains dans le poème «héroïque», c'est-à-dire épique. Et le caractère anthropomorphique des dieux relève tout autant de la norme épique que leur existence en tant que personnages.


Que retenir du traitement des dieux dans l'épopée par les Anciens? En premier lieu, qu'il est, déjà, conçu comme problématique. Ensuite, qu'il a donné naissance à une tradition d'interprétation allégorique dont l'on observe les prolongements dans les analyses contemporaines. Enfin, que les réactions à cette tradition permettent de poser des définitions simples, incluant les dieux dans l'appareil narratif de l'épopée, et faisant de leur présence parmi les «personnages» du poème un critère générique.


II.2. la critique moderne

Les problématiques auxquelles se sont affrontés les commentateurs anciens semblent être reconduites chez les modernes: faut-il considérer les dieux comme des personnages? Ne vaut-il pas mieux en faire des allégories, ou des personnifications des émotions humaines? Il semble même que les notions nouvelles élaborées par la théorie ont parfois pu rendre plus complexe le débat et mener à des apories d'ordre terminologique que les Anciens n'ont pas connues.

Concentrons-nous davantage sur l'Énéide, afin d'observer, à travers quelques exemples, la complexité du problème suscité par le statut des dieux. La question de savoir si les dieux doivent être considérés comme des personnages aussi «réels» que les personnages humains divise les critiques virgiliens, portant avec elle tout l'héritage de ce que P. Hardie nomme la «spéculation post-homérique» sur la nature de l'esprit et les dieux traditionnels[29], comme l'écrivait J. O'Hara dans un ouvrage récent:

«Vergilian scholars have disagreed over whether the gods are to be seen as characters as real as Turnus and Aeneas, and so external influences who victimizes the human characters, or as figurative ways of describing the human characters' own inner qualities.»

«Les critiques virgiliens sont en désaccord sur la question de savoir si les dieux doivent être vus comme des personnages aussi réels que Turnus et Énée, et donc comme des influences extérieures dont les personnages humains sont les victimes, ou comme des moyens figuratifs de décrire les qualités intérieures et personnelles des personnages humains.»[30] (trad. personnelle)

L'une des explications qu'il est possible de proposer, sous la forme d'hypothèse, à ce stade, tient à la coexistence de deux plans, ou niveaux d'action, dans les textes épiques: le plan humain correspond au plan qui s'est maintenu dans la littérature romanesque, tandis que le plan divin dans lequel évoluent les dieux a progressivement disparu et n'existe plus dans le roman. Il peut paraître difficile de considérer de la même façon, et donc de qualifier avec le même terme de «personnage», des entités évoluant dans deux sphères différentes, fonctionnant selon des logiques sensiblement différentes. La primauté de l'analyse va alors aux «fonctions» assumées par les dieux dans l'avancée de l'action, selon un «modèle dramatique» (fonctions actantielles), tandis que le «modèle psychologique»[31] est le modèle appliqué en priorité aux personnages humains. Une autre explication tient au caractère anthropomorphique des dieux. L'on a vu que ce dernier fait partie des caractéristiques génériques de l'épopée pour les commentateurs anciens. Il semblerait que ce présupposé joue toujours – au moins de façon implicite – chez les critiques: le caractère anthropomorphique leur paraît parfois insuffisamment développé (tant sur le plan des émotions que sur celui de la description physique), ce qui conduit à chercher d'autres voies d'interprétation, à penser que la présence ou la mention des dieux «signifie autre chose». Cela sous-entend que considérer les dieux comme des personnages est, en soi, un geste interprétatif, que dire que dans tel ou tel passage, un dieu est un «vrai» personnage épuiserait l'interprétation. Inversement, dire que tel dieu ou tel passage a une portée allégorique équivaut souvent à considérer que le sens littéral du texte n'a pas de valeur en soi[32].

J'en viens aux exemples: la simple observation de l'organisation de l'ouvrage fondamental de R. Heinze sur la «technique épique» de Virgile permet de se rendre compte de la division qui s'opère entre les «êtres humains», considérés comme des personnages de plein droit, dont l'auteur étudie la «caractérisation»[33], et le «supernaturel», qui est le titre donné au chapitre sur les dieux. Selon R. Heinze, si la participation des dieux à l'action épique est une donnée traditionnelle[34], les dieux sont surtout chez Virgile un instrument pour transmettre ses conceptions relatives aux causes profondes de chaque événement, une image «capable de produire aux yeux et dans le cœur de l'auditeur les vérités les plus hautes de façon plus claire que n'importe quelle discussion théorique»[35]. Les scènes dans lesquelles figurent des dieux comportent une intention symbolique et sont à interpréter de façon allégorique; presque toutes les conséquences des interventions divines peuvent s'expliquer grâce à des mécanismes d'ordre psychologique ou symbolique[36].

J. Alvis (Divine Purpose and heroic response in Homer and Virgil, the political plan of Zeus) identifie un fonctionnement d'ordre analogique dans le poème virgilien: le gouvernement des hommes (par Énée) est selon lui du même ordre que le gouvernement des dieux par Jupiter[37]. Il reprend la tradition d'interprétation allégorique des dieux, en assimilant les trois divinités principales de l'Énéide, Jupiter, Junon et Vénus, aux trois parties de l'âme définies par la philosophie ancienne, chez Platon en particulier: Jupiter incarne ainsi le principe rationnel gouvernant, Junon le thumos (spiritedness), et Vénus les appétits – les trois personnages «principaux», Énée, Didon et Turnus, étant par la suite assimilés à leur tour à l'une de ces divinités ou plus exactement à ce qu'elle représente. Selon J. Alvis, de la caractérisation tripartite adoptée par Virgile découle le fait que ces dieux ne sont pas anthropomorphes[38], puisqu'ils n'ont pas en eux, comme les êtres humains, une combinaison de ces trois éléments de l'âme:

«Each of the major deities is so characterized as to embody the distinctive element in a pure state. They are not anthropomorphic inasmuch as, unlike human beings, these divine personages do not each combine the three elements and hence do not experience the three-way tension that is the essence of the human condition and imparts to human life its drama. Instead, the three principal Olympians represent three sides of the soul, three modes of self-movement but fixed, consistently typified, and monumentalized to a degree not encountered in actual human character.»


«Chacune des divinités majeures est ainsi caractérisée de manière à incarner un élément distinctif à l'état pur. Elles ne sont pas anthropomorphiques dans la mesure où, à la différence des êtres humains, ces personnages divins ne combinent pas chacun les trois éléments et donc ne font pas l'expérience de la tension exercée en trois directions qui fait l'essence de la condition humaine et donne son caractère dramatique à la vie humaine. Au contraire, les trois principaux dieux olympiens représentent trois parties de l'âme, trois modes de mouvement autonome, mais fixés, constitués en types, et rendus imposants à un degré qui ne se rencontre pas chez un véritable personnage humain.»[39]

Les trois grands dieux de l'Énéide ne sont donc pas anthropomorphes du point de vue de leur psychologie; le présupposé selon lequel, pour considérer les dieux comme personnages, le lecteur a besoin d'un degré suffisant d'anthropomorphisme se vérifie-t-il ici? Il faut noter que J. Alvis qualifie les dieux de personages, ce qui semble montrer que pour lui ils sont bien des «personnages», mais qu'il n'emploie pas le même vocable que pour les personnages humains, appelés characters, en accord avec l'usage le plus courant dans la terminologie anglaise. Cette différence de lexique – sur laquelle l'auteur n'apporte aucune précision – correspond-elle à un simple souci de variation ou dénonce-t-elle l'ambiguïté qui nous préoccupe?

Cette ambiguïté s'observe souvent lorsqu'est véritablement posée la question de pouvoir ou non appeler «personnages» les dieux. Le titre d'un article de F. Della Corte porte toute la complexité du problème: «Giunone, come personaggio e come dea, in Virgilio» («Junon, comme personnage et comme déesse, chez Virgile»). Dans cet article, F. Della Corte fait l'éloge de certains commentateurs qui, selon lui, posent correctement le problème de l'étude de Junon, en distinguant, je le cite et le traduis, «les deux visages de la Junon virgilienne: Junon-personnage et Junon-déesse»[40]. La formulation de la distinction entre «personnage» et «déesse» est révélatrice: il y aurait une sorte d'incompatibilité entre dieu et personnage, de sorte que lorsque l'on examine Junon en tant que déesse, elle n'est pas «personnage» – donc les dieux, par principe, ne sont pas des personnages –; inversement, lorsqu'on examine Junon en tant que «personnage», elle n'est pas une déesse. L'article de Della Corte examine l'action de Junon en tant qu'antagoniste au sein du récit (donc sa valeur actantielle, dramatique), puis les figures que prend la déesse d'un point de vue religieux, en lien avec ses différents aspects cultuels. La distinction annoncée en titre n'est pas explicitée et les deux aspects, personnage et déesse, dont les contours n'ont pas été définis, semblent s'entremêler au fil du texte. Tant le fait de poser pareille bi-partition entre «dieu» et «personnage» que l'absence de critères définitoires nous paraît caractéristique des problématiques posées par les dieux et de leur statut au sein du récit épique, et virgilien en particulier.

Elisabeth Block, dans son ouvrage consacré aux «effets des manifestations divines sur le lecteur» dans l'Énéide[41], recense un certain nombre d'analyses sur les dieux, et résume ainsi la situation:

«[…] in the past there have been two approaches to analysis of the role of the divine in the poem: the divine machinery is seen as a means of signaling or motivating events in the poem; the divine is a symbol of the cosmic and / or the individual psyche.»

«[…] par le passé, il y a eu deux types d'approches de l'analyse du rôle du divin dans le poème: la machinerie divine est vue comme un moyen de signaler ou de motiver des événements dans le poème; le divin est un symbole de l'ordre cosmique et / ou de l'âme individuelle.»[42] (trad. personnelle)

Pour E. Block, l'important, qui n'est pas pleinement pris en compte par ces critiques, réside dans la «confusion qui est engendrée chez le lecteur par la juxtaposition des niveaux divin et humain de l'action»[43], dont elle a précisément fait son objet d'étude. Plus loin, elle s'élève contre l'interprétation allégorique parce qu'elle réduit les dieux uniquement à des principes abstraits. Elle rappelle que certains commentateurs ont pu voir un «risque de transparence» dans la machinerie divine de Virgile, justement parce que les dieux tendent à représenter des forces abstraites. Elle précise alors que «cette accusation tourne en rond: les dieux ne sont faibles en tant que personnages que si l'on insiste sur le fait qu'ils sont des personnages»[44].

E. Block semble donc, dans une attitude paradoxale assumée, se résoudre à abandonner l'idée de considérer les dieux comme des personnages, pour éviter de les voir déprécier. De fait, lorsqu'elle évoque les deux plans sur lesquels se déroule l'action du poème, le plan humain et le plan divin, E. Block marque la différence en parlant des «personnages» pour le premier et tout simplement des «dieux» pour le second. Si elle paraît ainsi consciente de la difficulté et choisit de la régler en ne faisant pas des dieux des «personnages» du point de vue de la terminologie, elle les traite cependant comme tels. En effet, en de nombreuses occurrences, elle s'interroge sur les motivations psychologiques de tel ou tel dieu, en particulier, dans son chapitre I, sur celles de Vénus et de Junon; tout en refusant d'appeler les dieux des «personnages», elle semble prise par l'illusion référentielle et s'interroge sur ce que l'on pourrait appeler leur «psychologie» comme on pourrait le faire pour des personnages, voire pour des personnes. La question, une nouvelle fois, se pose: que sont alors les dieux s'ils ne sont pas des personnages?


III. Propositions concernant la notion de personnage

J'en viens maintenant aux propositions visant à répondre aux questions soulevées précédemment, qui sont en partie liées à des questions d'anachronisme, et à la confrontation entre mon texte d'étude et la définition la plus courante du «personnage». Même s'il me semble que l'on doit, d'une certaine façon, conserver une approche «historienne», comme l'a qualifiée Arnaud Welfringer qui l'opposait, dans la séance d'introduction du séminaire, à une démarche «théoricienne», afin, tout simplement, que le texte soit lisible, les questionnements qui nous viennent en grande partie de la théorie moderne peuvent trouver des réponses grâce à cette même théorie, et un retour à l'historicisation du texte ne saurait suffire.


III.1. Définition du personnage (première opération)

Sans faire de différence dans le statut «ontologique» (humain ou divin), je propose, m'appuyant sur la Poétique d'Aristote, d'appeler «personnages» les agissants du récit. Êtres humains comme dieux seront donc des personnages. On rejoint ainsi la définition du poème épique donnée par Servius[45].

P. Ricœur, dans Temps et Récit[46], a effectué une relecture intéressante de la Poétique d'Aristote. Il y montre de façon efficace le lien entre l'action, c'est-à-dire la mise en intrigue, et les caractères, les personnages, qui non seulement agissent mais sont également affectés, au sens du grec pathein, par les événements. C'est pourquoi, lorsqu'il évoque les personnages, il associe de façon récurrente l'idée aristotélicienne des «agissants» à l'idée de souffrance. Dans La Mémoire, l'histoire, l'oubli, qui reprend en partie les analyses de l'ouvrage précédemment cité, P. Ricœur donne cette définition:

«La notion de personnage constitue un opérateur narratif de même ampleur que celle d'événement; les personnages sont les agissants et les souffrants de l'action racontée.»[47]

Cette formule, inspirée par une lecture rigoureuse de la poétique aristotélicienne, contient en outre en germe, grâce à l'expression «les souffrants», une dimension supplémentaire: de la façon dont sont racontés tant les actions que leurs résultats (en termes d'affects) dépendra l'interprétation. Dieux et êtres humains, agir et souffrir: il s'agira désormais de déterminer comment s'articulent ces quatre pôles.


III.2. Interprétation du personnage (deuxième opération): l'effet-personnage

Les questions du statut symbolique, de la valeur allégorique à donner ou non à l'action voire à l'existence de tel ou tel personnage[48], tout comme les conséquences de l'attitude adoptée par le narrateur face aux «souffrances» de ses personnages, seront considérées, dans un deuxième temps, comme relevant d'un acte interprétatif et pourront être examinées en termes d'effet de lecture. Pour ce faire, j'emprunte la terminologie développée par V. Jouve dans L'Effet-personnage dans le roman. S'inscrivant dans le cadre des théories de la lecture et adaptant la tripartition proposée par M. Picard (liseur, lu, lectant), V. Jouve définit le personnage selon trois «effets» que ce dernier est susceptible de produire sur le lecteur: l'«effet-personnel», l'«effet-personne», et le personnage comme «prétexte». Si le troisième effet, reposant en grande partie sur la psychanalyse, peut raisonnablement être laissé de côté, l'«effet-personnel» et l'«effet-personne» s'avèrent être des outils herméneutiques intéressants[49].

L'application de cette terminologie à Énée notamment présente l'avantage de conserver à Énée le statut de personnage tout au long de l'oeuvre, tout en permettant de prendre en compte les deux facettes remarquablement analysées par G. B. Conte[50]. On peut de fait considérer que la première d'entre elles, celle de «non-personnage», de porteur du destin, est à l'origine d'un effet de lecture de type herméneutique et idéologique relevant de l'«effet-personnel», au travers duquel le personnage est envisagé à la fois dans son rôle de personnel du récit, qui fait avancer l'action, et dans son rôle de porteur d'un sens, d'une idéologie que veut transmettre l'auteur. La seconde facette, celle du «personnage» chez Conte, est quant à elle responsable d'un effet de lecture de type «personne», capable de susciter l'identification du lecteur, ou du moins de produire une réaction de sympathie – ou d'antipathie le cas échéant. Le double statut littéraire d'Énée tel que l'a défini G. B. Conte peut donc être réinterprété en un double effet de lecture.

Une telle démarche doit également être opérante pour les dieux: les interprétations de type allégorique, par exemple, seront à rattacher à l'«effet-personnel». On parlera d'«effet-personne» lorsque l'on se trouvera face à des passages pour lesquels les critiques s'accordent majoritairement pour dire que, précisément, il faut considérer le dieu comme un «personnage», ce qui veut dire, si les préjugés que nous avons tenté de mettre en valeur sont justes, que le dieu y a l'épaisseur psychologique ou les caractères anthropomorphiques nécessaires à une certaine forme d'identification.

La question est ainsi déplacée: il ne s'agit plus de savoir si les dieux, ou même Énée, sont des personnages, puisque l'on affirme qu'ils en sont, mais de savoir à quels effets de lecture – un effet domine-t-il, plusieurs effets s'entremêlent-ils? – aboutissent les choix narratifs opérés dans la présentation des personnages. De manière globale, on peut poser comme hypothèse que la détermination, pour les dieux comme pour le héros, de l'importance de l'«effet-personnel» et de l'«effet-personne» permettra de préciser le fonctionnement des personnages de l'Énéide en termes d'effets de lecture.


Judith Rohman


Lire aussi "Les animaux des Fables sont-ils des personnages? L'effet-personnage dans le commentaire", par Arnaud Welfringer.

Pages de l'atelier associées: Anachronies, Personnage, Lecture, Interprétation, Commentaire, Effet.



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[1] Feeney, 1991, p.2 et 43.

[2] Cf. Schaeffer, 1995.

[3] Faure-Ribreau, 2010, Introduction. M. Faure-Ribreau étudie la notion de «personne» à travers celle de persona dans la Rome de la fin de la République, et en particulier chez Cicéron. Elle en conclut que la persona est surtout et avant tout une figure, un «rôle», ce qui lui permet d'étudier par la suite les personnages de la comoedia palliata comme des figures, des rôles de convention, en mettant à distance ce que recouvre pour elle le terme de personnage (la représentation d'un individu singulier, d'une personne), ne conservant le terme de «personnage» que faute de l'existence d'un autre vocable.

[4] Schaeffer, 1995, p.624.

[5] Hamon, 1977, p.153: «On peut dire qu'un texte est lisible (pour telle société à telle époque donnée) quand il y aura coïncidence entre le héros et un espace moral valorisé reconnu et admis par le lecteur. D'où les distorsions très fréquentes dans les lectures des textes anciens, accentuées à l'époque moderne par l'extension et l'hétérogénéité du public, donc la pluralité des codes culturels de référence: pour tel lecteur, à telle époque, Pantagruel, ou Horace, seront les héros; pour tel autre lecteur, à telle autre époque, ce sera Panurge, ou Curiace.».

[6] Schaeffer, 1995, p.624.

[7] Eco, 1985, p.82.

[8] Woodworth, 1930, p.112.

[9] Robbe-Grillet, 1970, Projet pour une révolution à New York, Paris, Minuit. Cf. Hamon, 1977, p.115, n.2; Robbe-Grillet, 1963, p.26-28: «Sur quelques notions périmées: le personnage». Pour A. Robbe-Grillet, le «personnage» traditionnel a été placé sur un piédestal par le XIXe siècle, mais «c'est une momie à présent». Il appartient à une époque révolue, et le monde actuel «a renoncé à la toute-puissance de la personne»: on retrouve dans cette critique la conscience de la confusion, dans la compréhension «traditionnelle» du personnage, entre personnage et personne.

[10] Nous développons  des réflexions et propositions amorcées dans Rohman, 2011, p.303 sqq.

[11] Sur la confusion entre les notions de personnage et de héros, voir Hamon, 1977, p.151 sqq. Comme le montre par exemple V. Jouve (cf. Jouve, 1995), le statut de «héros» n'est pas obligatoirement lié au fait d'être le personnage principal. Cependant, dans l'Énéide, il n'y a pas de doute sur le fait qu'Énée est bien l'intervenant principal, et donc, si l'on adopte le terme de «personnage», le personnage principal.

[12] Voltaire continue ainsi: «Je vois en la personne de Turnus un jeune prince passionnément amoureux, prêt à épouser une princesse qui n'a point pour lui de répugnance; il est favorisé dans sa passion par la mère de Lavinie, qui l'aime comme son fils. Les Latins et les Rutules désirent également ce mariage, qui semble devoir assurer la tranquillité publique, le bonheur de Turnus, celui d'Amate, et même de Lavinie. Au milieu de ces douces espérances, voici qu'un étranger, un fugitif arrive des côtes d'Afrique…» (Voltaire, 1996, p.432, cité par Giancotti, 1993, p.38). Il faut noter que Voltaire ne critique Virgile «que» pour ses six derniers livres, sans jamais renier son admiration pour le poète romain, qui, selon lui, surpasse Homère en bien des points, et notamment dans la peinture du héros (cf. Voltaire, 1996, p.430).

[13] C'est nous qui soulignons.

[14] Brisson, 1966, p.299. La question de l'héroïsme – homérique ou pas, tragique ou pas – d'Énée ne pourra être abordée ici; le passage de J.-P. Brisson est seulement convoqué à titre de témoignage concernant l'aspect déceptif d'Énée en tant que héros épique.

[15] Dupont, 2011, p.94.

[16] Bonfanti, 1985, p.99 sqq., et Conte, 1978, p.38 sq. et 1984, p.86 sqq., entre autres, rappellent ces divers points de vue de la critique virgilienne.

[17] Conte, 1978, p.41 sq. et 1984, p.89. Voir également Bonfanti, 1985, p.98-99.

[18] Rohman, 2010, p.1-2.

[19] Feeney, 1991, p.5 sqq., chapitre 1.

[20] Griffiths, 1967,  p.79, et Calame, 1996, p.29. Cette accusation est reprise dans le monde romain par Varron, cf. Hardie, 1986, p.15-16, et mentionnée également par Cicéron (Tusc., I, 65).

[21] Griffiths, 1967, p.79: «The rise of allegorical interpretation was an attempt to salvage these revered works by suggesting that the offending episodes really bore hidden meanings which were at once acceptable and elevating.». Voir également Decharme, 1904, p.273 («Et ainsi ce fut le besoin de présenter la défense et la justification d'Homère, de démontrer que chez lui tout est beau, noble, et utile moralement, qui entraîna Théagène à l'allégorie.»), et Calame, 1996, p.33 sqq.

[22] Feeney, 1991, p.9.

[23] Buffière, 1956, p.168-172, pour un examen plus complet de l'interprétation allégorique de ce passage, et Hardie, 1986, p.62-63, notamment pour l'héritage de l'exégèse allégorique tel qu'on peut le discerner dans le chant de Iopas au chant I de l'Énéide.

[24] Decharme, 1904, p.275.

[25] Feeney, 1991, p.37.

[26] Feeney, 1991, p.11.

[27] Schlunk, 1974, montre par exemple que Virgile, en composant l'Énéide, avait connaissance des scholies homériques et que lorsqu'il «imite» un passage de l'Iliade ou de l'Odyssée, les écarts observés entre le modèle homérique et la reprise virgilienne s'expliquent souvent par une prise en compte des critiques formulées par les scholies. Voir également Barchiesi, 1984, p.19 sqq. sur l'influence de la lecture platonicienne des larmes de Zeus.

[28] Feeney, 1991, p.37-38. Sur les critiques formulées notamment par les épicuriens à l'endroit de l'interprétation allégorique, particulièrement liée à l'école stoïcienne, cf. Brisson, 2004, p.28.

[29] Hardie, 1994, ad Aen. IX, 184-5. Voir également Feeney, 1991, p.165 sqq, avec de riches indications bibliographiques sur les différentes lectures possibles de l'action d'Allecto.

[30] O'Hara, 2007, p.107.

[31] Hamon, 1977, p.115, présente ces deux modèles comme les modèles dominants dans l'analyse des personnages.

[32] Or la persistance, ou la validité, du premier sens dans l'allégorie, est un élément important, quoique problématique. Cf. Chiron, 2004, p.44 et p.47 sur les problèmes de hiérarchisation des sens dans l'allégorie.

[33] Heinze, 1996 (= 1915), p.304 sqq.

[34] Conformément à la définition donnée par Servius, notamment. La présence d'un double niveau d'action, divin et humain, semble unanimement reconnue comme un trait générique, un élément de la «norme» épique, que l'épopée romaine hérite de l'épopée homérique, cf. Conte, 1978, p.18-19.

[35] Heinze, 1996 (= 1915), p.327: «… in grado di produrre agli occhi e al cuore dell'ascoltatore le verità più alte in modo più chiaro di qualsiasi discussione teorica».

[36]  Sur la conception de R. Heinze, Bailey, 1935, p.315, n.1: «An attempt to see in Virgil's poems something like a systematic theological system has been made by Heinze, Virgils Episches Technik, pp.288-316. Accepting the identity of Iuppiter and Fate as representing the Stoic conception of the pronoia of the world-god, he regards the lesser gods either as aspects of the supreme god working in the different spheres of nature, or as allegorical externalizations of internal psychological processes (e. g. Allecto). But this is far too clear-cut for a poet, and involves ideas taken from the later thought of Neoplatonism and Stoicism as it developed during the Empire.»

[37] Alvis, 1995, p.142 sqq.

[38] Alvis, 1995, p.177: le seul passage dans lequel Virgile met en avant la corporéité (donc un élément d'anthropomorphisme) dans l'Énéide se situe au chant VIII, 387-90, lorsque Vénus déploie ses charmes pour obtenir de Vulcain qu'il fabrique le bouclier d'Énée.

[39] Alvis, 1995, p.176. Pour l'équivalence établie entre Énée et Jupiter, Didon et Vénus, et Turnus et Junon, cf. p.181 sqq.

[40] Della Corte, 1983, p.22.

[41] Block, 1984, The Effects of divine manifestation on the reader's perspective in Vergil's Aeneid.

[42] Block, 1984, p.26.

[43] Ibid.: «Such approaches, while implicitly they recognize the confusion which is engendered in the reader by the juxtapositon of human and divine levels of action, seem reluctant to confront the immediate and progressive effects of this confusion.»

[44] Block, 1984, p.48 et note 44: «this is a circular accusation; the gods are only weak as characters if we insist that they are characters.» (C'est l'auteur qui souligne.)

[45] Cf. supra. Est autem heroicum quod constat ex diuinis humanisque personis continens uera cum fictis. (Serv. Ad Aen. I,4-6) (C'est un poème héroïque parce qu'il est construit sur des personnages divins et humains, et qu'il contient des éléments vrais mêlés d'éléments fictifs).

[46] Ricœur, 1983, p.55-85.

[47] Ricœur, 2000, p.314.

[48] Cf. Rohman, 2011, p.304-305.

[49] Cf. Picard, 1986, et Jouve, 2004. Pour l'«effet-personnel», voir Jouve, 2004, p.92 sqq; pour l'«effet-personne», voir les p.108 sqq. La troisième notion de la typologie de V. Jouve, le personnage comme «prétexte», reposant en grande partie sur la psychanalyse, nous paraît plus difficile à utiliser dans le cadre de la littérature antique. L'utilisation des théories psychanalytiques pour l'étude des textes antiques n'est cependant pas à exclure totalement et produit des résultats intéressants; on peut ainsi citer Oliensis, 2001.

[50] Cf. supra.



Judith Rohman

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