Atelier

Les genres littéraires font-ils obstacle à la représentation en interférant dans un processus qui ne devrait dépendre que de la spécificité des objets représentés, ou offrent-ils au contraire les points d'appuis et des panneaux indicateurs sans lesquels les contenus de la littérature seraient illisibles ? Les genres constituent-ils des règles subies ou des guides nécessaires ? Telle est la question à laquelle lecteurs et critiques sont contraints de répondre. Dans la première hypothèse, les genres sont des normes prescriptives définies par l'institution littéraire, qui viennent réguler notre appréhension du monde avec ou sans le bon vouloir de l'écrivain et corseter l'expression ; ainsi de la doxa de la modernité littéraire, qui dissout les genres littéraires au point de tendre à ne plus admettre que l'opposition vers versus prose, les genres seraient devenus des protocoles encombrants dont le roman, genre " sans foi ni loi " et rêve d'œuvre totale, pourrait par exemple nous débarrasser.

À l'opposé, si l'on accepte, dans une perspective aristotélicienne, de faire des genres littéraires des formes pourvues de sens, il devient possible d'en faire des catégories formelles mais aussi heuristiques, qui nous éclairent non seulement sur le monde, mais aussi sur la variété des points de vue que nous pouvons poser sur le réel et sur la diversité des motifs que nous avons le représenter ; ayant renoncé aux systèmes fermés et exhaustifs, la littérature moderne tendrait plutôt à proposer des dynamiques collaboratives, contractuelles et ludiques. Des parties de carte, pour reprendre une métaphore proposée par Wittgenstein, où les œuvres circuleraient sans cesse des mains des anciens à celles des littérateurs, puis des doigts des écrivains à ceux des lecteurs, en fonction de règle stables définies par nos habitus perceptifs et les modes fondamentaux de fonctionnement de la langue, mais suivant des appariements génériques renouvelés à chaque donne, puisque la création d'œuvres en apparence originales peut conduire à des rapprochements inédits avec des formes anciennes (le terme d'autofiction, inventé dans les années 1970 permet par exemple de regrouper a posteriori des formes littéraires aussi éloignées que le Werther de Goethe et les récits de H. Guibert).

Alexandre Gefen

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Dernière mise à jour de cette page le 31 Mars 2002 à 15h34.