Atelier

Le propre de la question de la référentialité est d'être, de droit, la plus claire mais, de fait, la plus embrouillée des problématiques dans le domaine littéraire. La plus claire, car si la fiction pose d'évidentes questions concernant sa nature même – statut ontologique, critères définitionnels, valeur épistémologique, etc. –, les littératures factuelles peuvent être très simplement définies par le fait qu'elles ont pour objet la réalité extralinguistique.

Et pourtant la plus embrouillée, car cette apparente simplicité n'est jamais, dans le domaine de la théorie littéraire, prise pour argent comptant. Les textes référentiels payent ce qu'ils ont de limpide et de direct par un surcroît d'ambiguïtés, et rien ne semble vraiment définitif lorsqu'il est question d'une œuvre dont le rapport au monde est celui de la dénotation.

Les littératures factuelles posent donc trois grandes questions à la théorie littéraire: celle, obsessionnelle, du statut ontologique du énoncé narratif (le mensonge vaut-il fiction?). Celle, non moins importante, de la littérarité de ce type d'écrits ; ces deux premières questions tendent à se confondre, voire à se conforter (les bribes de fictionnalisation servent d'argument de valeur et, inversement les qualités littéraires d'un texte font peser un doute sur sa référentialité). La dernière question touche à la disproportion, flagrante, mais jamais réglée, qui subsiste entre l'intérêt des théoriciens et celui du public : les genres les plus pratiqués - l'autobiographie est un cas à part - restent les parents pauvres de la théorie littéraire. Il n'existe pas encore, malgré l'existence de textes de référence sur le sujet, de champ d'étude spécifiquement consacré aux littératures factuelles. Il s'agit d'explorer ce domaine théorique qui, pour immense qu'il soit, n'en demeure pas moins peu fréquenté.

Jean-Louis Jeannelle

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Dernière mise à jour de cette page le 24 Mai 2007 à 13h53.