Atelier




Séminaire Théorie des mondes possibles: un outil pour l'analyse littéraire?
séance du 9 février 2006.

Les mondes possibles de la philologie classique : création d'univers fictionnels et lecture des textes antiques, par Sophie Rabau (CLAM).



Les mondes possibles de la philologie classique : création d'univers fictionnels et lecture des textes antiques.

Victor Bérard, explorant une forêt écrit qu' « un Homère d'aujourd'hui pourrait y faire se rencontrer Ulysse et le petit chaperon rouge. » La description de Bérard fait sens dans un univers qui serait l'exacte superposition ou la fusion parfaite de mondes fictionnels hétérogènes, où, de plus, le passé reculé d'Homère et le présent de Bérard pourraient se rencontrer. Dans son appréhension du texte antique, Victor Bérard présuppose donc un univers impossible. Dans quelle mesure peut-on admettre que des opérations de lecture soient référées à des univers impossibles ? Pour explorer cette question, on mettra en perspective d'une part une série d'énoncés décrivant des expériences ou des pratiques de lectures – ces énoncés ont en commun de postuler des univers de référence au moins hétérogènes, le plus souvent impossibles, et, d'autre part, des approches théorique que l'on réunira sous l'appellation générique de « théories des mondes à distance » : ces théories ont pour point commun de rendre compte de la mise en relation entre les mondes que supposent les opérations de lecture et l'on rangera dans cette catégorie aussi bien la théorie des mondes fictionnels que la théorie de la lecture et de l'interprétation que constitue l'herméneutique. Si le type de lecture à la Bérard entraîne la référence à des univers impossibles, en revanche les théories « des mondes à distance » indexent ces opérations sur le monde actuel.

1) Dans le cadre de la mythographie, comme dans le commentaire philologique, le savant convoque plusieurs textes pour dire le mythe ou commenter un lieu du texte. Or il peut arriver que cette bibliothèque soit versée sur un plan ontologique, qu'un univers englobant soit créé qui admette des faits dont nous pourrions intuitivement considérer qu'ils appartiennent à des mondes fictifs distincts. Ainsi le Grand Larousse du 19ème siècle décrit une Calypso recevant successivement la visite d'Ulysse (Homère) et de Calypso (Fénélon). G. Germain construit un monde composite, en recherchant dans le folklore des schémas récurrents que l'on peut retrouver dans l'Odyssée. Le critique objectivise sa mémoire en décrivant un lieu où cohabitent tous les personnages dont il se souvient. Des opérations de lecture postulent même parfois des mondes véritablement contradictoires, si l'on admet qu'un monde ne peut être à la fois actuel et fictif, ou encore passé et présent. Pour décrire l'île d'Ithaque au 19ème siècle, Schliemann tire certaines de ses informations de sa connaissance du monde décrit par Homère. En une application inversée du principe de « l'écart minimum » (Ryan), il induit le monde actuel à partir du monde de la fiction, supposant donc, en outre, que passé et présent sont superposables. G. Duhamel utilise les mêmes mots pour décrire le monde de l'Iliade et la seconde guerre mondiale, posant ainsi une fusion des mondes : l'homme du 20ème siècle voir « revenir » les chars de l'Iliade. Certains lecteurs postulent même un Homère impossible, passé et présent, doté d'un savoir de doctrines postérieures et d'une intention de les représenter de manière cryptée : ainsi des lectures allégoriques du texte homérique ou d'énoncés du type : « Homère nous parle ». Homère peut certes être une métonymie pour « le texte d'Homère », il n'en est pas moins représenté dans un univers uchronique qui vaut pour tous les temps.

2) La théorie des mondes possibles et les théories de la lecture, en particulier l'herméneutique, ont pour point commun d'étudier la relation entre des mondes à distance. La théorie des mondes possibles n'est pas orientée vers le lecteur, mais elle est née d'un problème d'interprétation. Elle pose la question du rapport entre le monde du même, du lecteur, et le monde de l'autre, du livre, de l'auteur. Les systèmes de Pavel, Ryan, Dolezel, etc, sont des modèles dyadiques ; l'idée « d'univers » ne décrit pas des mondes superposés. La question de lecture est parfois abordée de front par Walton, Dolezel, Pavel et la question de l'accessibilité pose d'ailleurs la question de la lecture. Mais elle est abordée à travers l'idée d'une distance entre les mondes. Cette distance selon Pavel peut se réduire et non s'abolir. T. Pavel ne dit rien, par exemple, des superpositions des mondes dans Don Quichotte même. La métaphore favorite de ces théories est celle du voyage et non celle de la fusion. Dolezel aborde l'idée de rencontre entre des mondes hétérogènes, mais dans ces univers les mondes sont séparés. Pavel envisage la « fusion ontologique des mondes », mais il envisage un seul cas, celui d'un monde ésotérique où chaque objet est à la fois profane et sacré. En outre, ces théoriciens marquent une certaine résistance devant l'idée d'univers impossibles contradictoires. Selon Dolezel, la conception de tels mondes est un pas en arrière pour la littérature et la superposition du monde du lecteur et de l'auteur est contradictoire d'un point de vue logique et ontologique. On observe, plus généralement, un conservatisme ontologique. La métaphore du voyage et de l'accessibilité correspond aux lois physiques et ontologiques de notre univers: on ne peut pas être dans deux lieux à la fois, et dans deux lieux différents, ce que suggèrent les expériences de la lecture envisagées.

La question fondamentale de l'herméneutique qui se constitue comme discipline avec Schleiermacher porte sur la possibilité pour un sujet vivant dans un contexte donné de comprendre un autre sujet qui a écrit dans un autre contexte, le plus souvent inaccessible. Un Schleiermacher suggère l'idée d'une rencontre entre ces deux sujets : image de la conversation comme modèle de l'interprétation, aspect technique ou psychologique de l'interprétation où il s'agit de reproduire la démarche de l'auteur au moment où il écrit, idée que l'interprète doit participer de l'antique comme du moderne. Mais à partir de Heidegger et avec Gadamer et Ricoeur, cet horizon de rencontre intersubjective va être dénoncé comme un fantasme idéaliste : l'interprétation s'indexe sur la réalité d'être-là de l'interprète dont la situation dans le monde fonde le geste herméneutique. Le seul monde où peut se déployer le texte est mon monde, dont je ne peux sortir. Chez Ricœur, la rencontre du lecteur avec le « monde du texte » suppose alors une « métamorphose ludique de l'ego » proche de la projection du moi fictif de Walton.

Pourtant la lecture engage certes le constat d'une inscription dans un ici et maintenant auquel je ne peux échapper mais aussi la capacité de produire, au moins fugacement, des mondes impossibles. Le cadre fictif de la lecture est un monde où je peux converser avec Homère. Le lecteur peut se souvenir à la fois du Petit chaperon rouge et d'Ulysse. Lire c'est aussi faire l'expérience de l'abolition de la distance. Prendre en compte cette dimension de la lecture permettrait alors de 1) Faire l'archéologie des théories et des pratiques de la lecture qui reposeraient sur une fusion des mondes. 2) Préciser les liens entre métatexte et hypertextes : tout commentaire ne postule-t-il pas la conception d'une fiction où fusionnent les mondes ? 3) Sur le plan existentiel enfin, les énoncés de Bérard ou de Schliemann sont aussi des « propositions de monde » qui peuvent me faire réfléchir à mon rapport à certains lieux du monde actuel saturés de description textuelles au point, peut-être, que j'y expérimente la rencontre de mondes hétérogènes et non seulement le monde de mon expérience.


Débat:

F. Lavocat : Dans la façon dont tu considères l'accessibilité, il me semble que tu ne tiens pas compte du fait qu'il s'agit dans les théories de la fiction d'une relation logique.

S. Rabau : C'est vrai, si l'on s'en tient à la définition stricte de l'accessibilité. Toutefois, on peut se demander si la notion n'est pas parfois employée de telle sorte qu'elle présuppose un lecteur situé dans un monde déterminé, voire datable.

A. Gefen : Serais-tu d'accord pour parler d'opérations cognitives, d'hypothèses, et non de monde où l'on pourrait vivre ?

S. Rabau : A ces opérations cognitives (ce dont il s'agit effectivement), il me semble que correspondent un imaginaire et une poétique. Un imaginaire, au sens où ces mondes sont représentés : on peut penser aux Enfers par exemple. Ces mondes sont alors quasi habitables et en ce sens, cela me gêne de dire qu'un monde illogique ne peut pas être habitable. En outre, il existerait une poétique au sens d'une écriture qui compilerait ou superposerait des variantes hétérogènes, voire contradictoires : on peut penser, par exemple, à la manière dont Joyce, dans Ulysses, transpose quasi simultanément, dans l'épisode des sirènes, la version odysséenne de l'épisode et la version d'Apollonios de Rhodes, dans les Argonautiques. On peut encore penser au même Apollonios de Rhodes qui, dans les Argonautiques, parvient à combiner deux versions, a priori incompatibles, du retour des argonautes.

A. Gefen : Mais peut-on penser des univers contrefactuels qui incluent des contradictions internes ?

F. Lavocat : Il y aurait à faire une histoire de ces lectures qui procèdent à des fusions de mondes contradictoires. Par exemple, au seizième siècle, les démonologues font fusionner des mondes par collage de citations, un peu comme les mythographes, mais dans une stratégie précise : accréditer l'idée que les magiciennes littéraires sont identiques aux sorcières modernes.

A. Duprat : Il y a différentes façons de faire fusionner les mondes. Dans la plupart des citations produites par Sophie, il y a exploitation d'une illusion référentielle. En revanche, chez Germain, il y a un schéma d'interprétation d'ordre anthropologique, ce qui est très différent. Dans la projection des mondes, il faut faire une différence entre le mythe et la fiction.

S. Rabau : L'exemple de Germain est heuristique car il amène à se demander ce que c'est que de raconter un schéma ? Est ce que l'on peut raconter une structure avec une illusion référentielle ? Généralement, non, et un Germain, par exemple, se limite, la plupart des cas à une collection souvent hétéroclite de références dont il dégage un schéma abstrait. Toutefois, dans les exemples que j'ai donnés, il verse cette bibliothèque sur un plan ontologique et en ce sens, pose la question de la référence d'un schéma abstrait dégagé à partir de plusieurs variantes.

C. Grall : A propos de la critique dite empathique que l'on prête à Schleiermarcher, as-tu voulu dire que l'empathie conduit à une imitation et que l'interprétation est à peu près indissociable d'une reproduction fictionnelle de la démarche de l'auteur et donc d'une hypertextualité ?

S. Rabau : Oui, c'est ce que j'ai voulu dire : non seulement il y a volonté d'imitation mais également création d'une fiction où l'interprète est capable de réitérer le geste de l'auteur au moment de la création tout en appartenant pourtant au monde où il interprète. C'est en ce sens qu'il y aurait peut-être rencontre ou fusion de deux mondes à l'horizon de ce projet.

M. Bendjebbour : Je me demande si on peut vraiment parler de fusion de mondes. Est-ce que l'on n'aurait pas plutôt mais une succession rapide, dans le passage d'un monde à l'autre ? On passerait très rapidement, par des embrayeurs, d'un monde à l'autre. Dans l'exemple de Bérard, c'est le paysage qui joue ce rôle d'embrayeur.

M. Escola : La figure est ce qu'on a trouvé de mieux pour rendre compte d'un phénomène qui heurte la logique. Il y a une vraie alternative entre les sémanticiens de la fiction qui disent « il y a figure », et ce que tu cherches à cerner qui est au coeur de l'expérience de lecture.

S. Rabau : Pour répondre à M. Bendjebbour, je crois que sa description est très juste mais qu'elle analyse le phénomène, le décompose, alors qu'effectivement j'ai essayé de le prendre de manière synthétique, pour la convocation conjointe de différents mondes qu'il présuppose au moment où sont prononcés ces énoncés, au sens où effectivement cela me semble correspondre à une expérience de lecture.

F. Lavocat : Il me paraît étrange de citer Pavel comme quelqu'un qui ne penserait pas la fusion des mondes, alors qu'au début d'Univers de la Fiction, il part justement de là, du lecteur qui accorde une sorte d'existence à Anna Karénine.

S. Rabau : C'est vrai au début du livre de Pavel, mais pour sauver l'existence accordée au personnage de fiction, Pavel se donne un modèle dyadique qui certes entérine l'existence prêtée à Anna Karénine, mais uniquement dans un monde possible qui reste distinct du monde actuel.

S. Bréan : On est beaucoup plus familiers de ces mondes fusionnés dans l'univers de la science fiction. Prenons l'exemple des paradoxes temporels. Est-ce l'objet de votre étude ne vous amène pas à négliger cela ? Quand on parle de mythe, il y a une tendance à la réduction. Les fictions anticipatrices, les uchronies sont perçues comme absolument compossibles.

S. Rabau : Vous voulez dire que dans la mythographie, on va tenter d'éviter la contradiction, mais ce n'est pas le cas dans l'univers de la science-fiction.

S. Bréan : Le roman de science-fiction est en effet le lieu où l'on peut réactiver des mythes ; on leur fait traverser des barrières ontologiques sans que personne ne soit choqué.

S. Rabau : Oui en effet, le monde de SF est très proche de ce que je cherche à définir et en ce sens il me semble non seulement meta-fictionnel, mais aussi méta-herméneutique car il offre un exemple d'univers où peuvent coexister monde actuel et monde fictif, passé et présent : tel est le cas en tout cas d'Ilium de D. Simmons, au sens où, par exemple, un érudit assiste (et participe) en direct à la guerre de Troie dont il lit simultanément le récit dans l'Iliade. Mais je ne suis pas toujours sûre que Simmons veuille dire que le monde de la réception est à mettre sur le même plan que le monde de l'Iliade, ni de ce qu'il veut dire sur le rapport entre ces deux mondes.

S. Bréan : Il n'est pas certain que D. Simmons aie l'intention ou le souci de régler ces questions qu'il laisse dans le flou. Si l'Ulysse d'Ilium n'est pas celui de l'Iliade, la Calypso de Fénelon n'est pas non plus celle de l'Odyssée. Il faut une opération d'homogénéisation de même type pour assimiler ces deux personnages, issus de traditions littéraires hétérogènes. Dans quelle mesure Calypso dont parle Bérard est la même que celle de celle d'Homère ? Que se passe-t-il quand on utilise un personnage avec le même nom propre ?

S. Rabau : Tout métatexte comporte un hypertexte possible, un des points de rencontre se trouve dans ces mondes.

C. Delattre : Je suis tenté par la question des mondes possibles pour comprendre le rapport qu'avaient les Grecs à leurs mythes. Paul Veyne donne une définition du mythe valable pour Pausanias, mais peut-être pas pour Pindare. Le mythe est plastique et variable, y compris dans sa définition. Un mythographe suppose qu'il y a un personnage unique. Mais il y des textes où un même personnage, dont toute la tradition atteste qu'il est unique, est dédoublé, comme c'est le cas de Minos dans le livre IV de Diodore ; c'est une opération logique, recevable. Dans la pratique, le mythe est un univers en expansion.

S. Rabau : Est-ce que c'est lié au statut du mythe ? Je ne sais pas. C'est aussi une question d'interprétation. C'est peut-être les deux à la fois. Il faudrait distinguer la pratique du mythe et ce que les mythographes en disent eux-mêmes.

C. Delattre : Le mythe n'est-il pas un univers fusionné ?

S. Rabau : Oui. Mais on ne sait pas quel était l'usage que les Grecs avaient du mythe. Cela pose le problème de l'identité du personnage mythologique.

C. Delattre : Au dictionnaire de mythologie traditionnel succède aujourd'hui un modèle d'ouvrage qui énumère et détaille les versions (y compris celles de la peinture) avec toutes leurs contradictions. Le mythe grec devient impossible à définir pour la fiction. Voyez T. Gantz, Mythes de la Grèce archaïque, Belin 2004.

M. Bernard: Je retiens la proposition d'historiciser ces pratiques fictionnelles. Je vois un risque de partir de Bérard et de Schlieman pour poser la question. Cela introduit deux biais. Le premier est de penser que leur position est universelle. Or, elle relève d'un positivisme très daté, qui essaie de réduire le mythe à un référent concret : la forêt réelle est considérée comme une matrice d'où pourraient naître des fictions diverses. C'est une vision très particulière. Chez Fénelon ou chez Barthélémy, par exemple, on a une fiction mythique plus détachée de la réalité, à qui suffisent le merveilleux et la fidélité aux textes antiques. Derrière ces tentatives réductionnistes, il y a aussi le malaise d'une religion du livre qui ne sait que faire de ces textes qui ont été un jour objets de croyances. L'autre biais est celui d'un rapprochement entre la fiction et le mythe, anachronique au sens où ces deux notions sont étrangères à l'époque de production des mythes. Définir le mythe comme une fiction qui a pu, à l'origine, ne pas en être une rend impossible une position intemporelle de la question.

S. Rabau : Toute approche théorique appelle évidemment une historicisation. Mais en l'occurrence je n'ai pas voulu universaliser l'approche de Bérard ou de Schlieman, seulement y voir un exemple qui nous incite à nous interroger sur différentes pratiques de rencontres et de fusions des mondes. Le point que je tentais de théoriser était cette rencontre des mondes, et non l'attitude particulière de Bérard ou Schlieman.


Pages associées: Monde possible, Théorie des mondes possibles: un outil pour l'analyse littéraire?, Philologie.



February 9, 2006

Sophie Rabau
Possible worlds of classical philology: creating fictional universes and reading ancient texts.

Victor Bérard, exploring a forest, writes that “a Homer figure today could have Ulysses and Little Red Riding Hood meet here.” Bérard's description makes sense in a universe that would be the exact superposition or the perfect fusion of heterogeneous fictional worlds, in which, moreover, the remote past of Homer and the present of Bérard could meet. In his apprehension of classical texts, Victor Bérard thus presupposes an impossible universe. To what extent can we allow reading processes to refer to impossible universes? To examine the question, we shall put in perspective on the one hand a series of utterances describing reading experience or practices – these utterances have in common to postulate reference universes that are at least heterogeneous, and most often impossible, and on the other hand, theoretical approaches that will be given the generic name of “distant-worlds theory”: these theories have in common to account for the way worlds are put in relation by reading processes, and in this category will belong the theory of fictional worlds as well as the theory of reading and interpretation that is hermeneutics. If a Bérard type of reading entails the reference to impossible worlds, however, distant-worlds theory indexes these processes to the actual world.

1) Within the scope of mythography, as in philological commentary, the scholar uses several texts to tell the myth or comment on a moment of the text. Now, it can happen that this library may lapse into ontology, that an encompassing world might be created and admit facts that we could intuitively identify as belonging to seperate fictional worlds. Thus the Grand Larousse du 19ème siècle describes Calypso successively receiving the visit of Ulysses (Homer) and Telemachus (Fénélon). G. Germain creates a composite world, looking in folklore for reccurent patterns that can be found in the Odyssey. The critic objectivises his memory in describing a place where all the characters he remembers may cohabit. Reading processes even sometimes postulate worlds that are truly contradictory, if you admit that a world cannot be both actual and fictional, or else past and present. To describe the island of Ithaca in the nineteenth century, Schliemann gets some of his information from his knowledge of the world described by Homer. In an inverted use of the principle of “minimal departure” (Ryan), he induces the actual world from the world of fiction, supposing, moreover, that past and present may be superimposed. G. Duhamel uses the same worlds to describe the world of the Iliad and the Second World War, thus assuming a fusion of the worlds: the 20th century man sees the chariot of the Iliad “come back”. Some readers even postulate an impossible Homer figure, past and present, endowed with the knowledge of later doctrines and an intention to represent them in a crypted way: for instance, allegorical interpretations of the Homeric text or utterances such as “Homer speaks to us”. Homer may certainly be a metonymy for “the text of Homer”, he nevertheless is represented in a uchronic universe that is valid for all times.

2) Possible-worlds theory and the theories of reading, especially hermeneutics, have in common to study the relation between distant worlds. Possible-worlds theory is not turned towards the reader, but it emerged from a problem of interpretation. It asks the question of the relation between the world of sameness, of the reader, and the world of otherness, of the author. The systems of Pavel, Ryan, Dolezel, etc, are dyadic models; the idea of “universe” does not describe superimposed worlds. The issue of reading is sometimes tackled by Walton, Dolezel, Pavel and besides, the issue of accessibility asks the question of reading. But it is tackled through the idea of a distance between worlds. This distance, according to Pavel, may be reduced, but not abolished. T. Pavel says nothing, for instance, of the superposition of worlds in Don Quixote itself. The favorite metaphor of these theories is that of travel and not that of fusion. Dolezel tackles the idea of an encounter between heterogeneous worlds, but in these universes worlds are separate. Pavel contemplates the “ontological fusion of worlds”, but he contemplates only one case, that of an esoteric world in which every object is both profane and sacred. Moreover, these theoreticians show a certain resistance with the idea of contradictory possible worlds. According to Dolezel, the conception of such worlds is a step backwards for literature and the superposition of the world of the reader and that of the author is contradictory from a logical and ontological point of view. One might notice, more generally, an ontological form of conservatism. The metaphor of travel and accessibility tallies (?) with both the physical and ontological laws of our universe: one cannot be in two places at the same time, and two different places, which is suggested by the theories of reading considered.

The fundamental issue of hermeneutics which becomes a discipline with Schleiermacher deals with the possibility of a living subject in a given context to understand another subject who wrote in another context, most often unreachable. Schleiermacher suggests the encounter between these two subjects: the pattern of conversation as model of interpretation; the technical or psychological aspect of interpretation which aims at reproducing the approach of the author at the moment he writes; the idea that the interpreter must partake of the ancient as well as the modern. But from Heidegger on, and with Gadamer and Ricoeur, this horizon of an intersubjective encounter will be denounced as an idealist fantasy: interpretation indexes on the “there-being” reality of the interpreter whose situation in the world is the basis of the hermeneutic approach. The only world in which the text may open out is my world, which I cannot exit. In Ricoeur, the encounter between the reader and the “world of the text” then supposes a “play metamorphosis of the ego” that is close to the projection of the fictional I of Walton. And yet, reading entails acknowledging the inscription in the here and now that I cannot escape but also the capacity to produce, at least temporarily, possible worlds. The fictional frame of reading is a world in which I can store Homer. The reader may remember Little Red Riding Hood and Ulysses at the same time. Reading also comes down to abolishing distance. Taking into account this dimension of reading would then enable us to 1) build an archeology of the theories and practices of reading that would be based on a fusion of worlds. 2) Analyse precisely the links between metatext and hypertext: does any commentary not postulate the conception of a fiction in which worlds can merge? 3) In an existential way, Bérard's and Schliemann's utterances are also “propositions of worlds” that can make me think of my relation to some places in the actual world saturated with textual description to the point, maybe, that I experience the encounter of heterogeneous worlds and not only the world of my experience.



Sophie Rabau

Sommaire | Nouveautés | Index | Plan général | En chantier

Dernière mise à jour de cette page le 2 Septembre 2017 à 20h45.