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Rimbaud a écrit deux versions, sensiblement différentes d'un poème intitulée "l'Eternité": marche triomphante vers l'abolition du temps, répétition qui rythme paradoxalement une tentative de fixer l'instant, ou reprise ironique d'une entreprise que le poète qualifie de "bouffonne" ?

Dans le recueil de Rimbaud intitulé Vers Nouveaux, on trouve, daté de Mai 1872, le poème suivant :

L'Éternité

Elle est retrouvée.

Quoi ? - L'Éternité.

C'est la mer allée

Avec le soleil.

Âme sentinelle

Murmurons l'aveu

De la nuit si nulle

Et du jour en feu.

Des humains suffrages,

Des communs élans

Là tu te dégages

Et voles selon.

Puisque de vous seules,

Braises de satin,

Le Devoir s'exhale

Sans qu'on dise : enfin.

Là pas d'espérance,

Nul orietur.

Science avec patience,

Le supplice est sûr.

Elle est retrouvée.

Quoi ? - L'Éternité.

C'est la mer allée

Avec le soleil.

Dans la section d'Une Saison en enfer intitulée "Délires", on retrouve ce poème légèrement modifié et introduit par un commentaire :

Enfin, ô bonheur, ô raison, j'écartai du ciel l'azur, qui est du noir, et je vécus, étincelle d'or de la lumière nature. De joie, je prenais une expression bouffonne et égarée au possible.

L'Éternité

Elle est retrouvée.

Quoi ? - L'Éternité.

C'est la mer allée

Avec le soleil.

Mon âme éternelle

observe ton voeu

Malgré la nuit seule

Et le jour en feu.

Donc tu te dégages

Des humains suffrages,

Des communs élans

Tu voles selon...

Jamais l'espérance,

Pas d'orietur.

Science et patience,

Le supplice est sûr.

Plus de lendemain,

Braises de satin,

Votre ardeur

est le devoir

Elle est retrouvée.

Quoi ? - L'Éternité.

C'est la mer mêlée

Au soleil.



Sophie Rabau

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Dernière mise à jour de cette page le 18 Novembre 2005 à 17h19.